Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !


Voici son récit :
Mon foyer paternel était à Hambourg, mais non dans le bruyant quartier de Saint-Paul où l'on trouve souvent le plaisir et la gaîté, rarement le bonheur. Mon père s'était bâti une petite maison du côté de l'ouest, où la ville s'étend en longues rues solitaires. De cette maisonnette, située au bord de l'Elbe, le regard planait au loin sur le fleuve, sur les coteaux paisibles et sur les hauteurs de Blankenese.

Mon père étant marin, sa demeure, évidemment devait être au bord de l'eau.
Il fut nommé capitaine de la marine marchande le jour même où je vins au monde. Ma naissance fut chèrement achetée : elle coûta la vie à ma mère. Le jour des trois rois, à la lueur d'un splendide coucher de soleil sur l'Elbe, elle se fit apporter son nouveau-né, mit sa main fatiguée dans celle de son mari et s'endormit du sommeil éternel.

Je perdais beaucoup d'amour, mais beaucoup d'amour me restait. Mon père avait une soeur. Pour elle et ses pareilles, les gens sans coeur ont trouvé, l'appellation de vieille fille. Pourquoi ce monde haineux et stupide en aurait-il inventé une plus digne ? Il ne voit pas les fleuves d'amour que nos soeurs non mariées répandent sur notre froide terre, apportant ainsi dans les recoins obscurs de maintes vies humaines, des rayons de soleil et la paix du coeur. La soeur de mon père était une de ces âmes riches qui sèment leurs richesses autour d'elles. Elle avait pour nous un trésor inépuisable d'amour. En cette soirée d'hiver où l'Elbe murmurait son chant d'adieu à ma pauvre mère, ma tante se tenait debout, immobile au pied de sa couche. Ces deux femmes échangeaient, leurs regards ; ils exprimaient chez l'une, une ardente prière, une promesse sacrée chez l'autre. La mourante y puisa une consolation pour son dernier voyage, l'autre, la force nécessaire pour sa tâche de dévouement et d'amour. Tante Marie a été une vraie mère pour nous.

Mon père était un homme de belle stature. Je le vois encore sur le pont de son vaisseau, l' « Elsa » nous faisant ses derniers signes d'adieu au moment de quitter la patrie. Il était d'une ancienne race de marins. Les traditions de sa famille remontaient au temps de la ligue hanséatique. Malgré la rudesse de sa profession, il avait un caractère doux, un coeur tendre. Jamais chez nous, ce qui était fréquent autre part, le séjour du père dans sa famille, au retour de ses voyages, n'assombrissait la gaîté de son fils.

D'un an plus âgée que moi, Agathe, ma soeur, était le soleil de notre intérieur, un ange que Dieu m'avait donné pour remplacer ma mère et me préserver du mal de ce monde. Sa tendresse, si pure, s'élevait comme un rempart autour de mon coeur passionné. Une de mes plus grandes fautes est d'avoir cherché à franchir ce mur protecteur. Je me rappelle l'effet des regards d'Agathe sur mon âme ; je sens encore la tendre pression de sa main, plus puissante que des chaînes de fer pour me retenir dans la bonne voie. Tout cela est passé, fini. La main d'une soeur ne peut plus me sauver. Agathe m'aime aujourd'hui comme jadis, je le sais ; mais son regard triste et las m'a dit, il y a longtemps déjà, qu'elle aussi me croit irrévocablement perdu.

Durant les voyages de mon père, qui le retenaient au loin les trois quarts de l'année, nous formions un heureux et paisible petit cercle, ma tante, ma soeur et moi. Mes plus lointains souvenirs me reportent à une belle matinée d'hiver. Ma tante enseignait le tricot à ma soeur assise à ses pieds sur un tabouret. Je m'amusais à faire disparaître les fleurs dessinées par le gel sur la fenêtre, et d'un oeil ravi, je regardais le paysage à travers les petits espaces devenus libres dans les vitres, sous ma chaude haleine. Bientôt je suppliai ma tante de nous laisser sortir. Elle y consentit et nous enveloppa de nos manteaux. Nous suivîmes le fleuve dont la surface gelée luisait sous les rayons du soleil. Les collines neigeuses de Blankenese étincelaient. Quelle splendeur ! J'entends encore mes cris de joie à la vue de tout cet éclat. Bonheur d'enfant ! bonheur de vivre !

Et nos soirées ! Je vois tante Marie assise près du poêle ; ses traits réguliers sont beaux encore, ses mains adroites font un délicat ouvrage, ses yeux doux et calmes, reflètent la bonté de son coeur. Je vois ma soeur bien-aimée ; assise dans sa petite chaise, elle s'appuie sur ma tante et tient dans ses mains mignonnes son abécédaire neuf où ses yeux brillants cherchent à pénétrer le secret des lettres. Toutes deux sont absorbées par leurs occupations. Pourtant elles lèvent parfois la tête pour me regarder jouer et pour voir si je n'ai besoin de rien. Une enfant encore, Agathe aussi jouait volontiers, mais surtout pour faire plaisir à son frère. Jamais je n'oublierai non plus l'heure du crépuscule. Tante s'occupait à la cuisine ou avait affaire en ville.

Nous étions seuls, ma soeur et moi, et nous regardions de la fenêtre le paysage silencieux dans le jour mourant. Agathe me donnait mes premières leçons de choses. Me montrait la rive opposée de l'Elbe, voilée à demi par la brume du soir, elle m'apprenait que, là-bas aussi, il y avait des habitants et, me disait, que peut-être des enfants comme nous étaient dans une maison, à une fenêtre et regardaient de notre côté. En m'indiquant des bateaux qui descendaient le fleuve :
- L'eau devient de plus en plus large, affirmait-elle, et puis elle n'a plus de rives, plus du tout, père me l'a dit.

J'étais tout oreilles à ses récits ; je n'en avais jamais assez et quand ma tante allumait la lampe, je croyais revenir d'un lointain voyage.

Tante Marie avait vu beaucoup de choses et de gens dans sa vie. Orpheline toute jeune, elle n'avait pu rester avec son frère, notre père, qui devait faire tout seul son chemin. L'existence d'une jeune fille isolée est pleine de difficultés et de périls. Les gens de ma sorte se chargent de placer des épines et des ronces sur sa route. Les don Juan sont de dangereux oiseaux de proie surtout s'ils ont le coeur tendre et savent feindre la pitié. L'intérêt, la pitié qu'ils témoignent aux jeunes filles pures sont pour elles des pièges redoutables. Plus tard j'ai compris pourquoi ma tante suivait parfois Agathe de si mélancoliques regards. Un jour, assise près de la table, ma soeur luttait de ses petits doigts avec un ouvrage embrouillé. Son ardeur au travail faisait luire ses yeux et colorait ses joues. Les mains oisives, tante occupant sa place accoutumée regardait la fillette avec un profond intérêt mais d'un air si triste qu'elle semblait lui dire : « pauvre, pauvre enfant ! » Dieu merci, ses douloureuses appréhensions ne se sont jamais réalisées ! Son regard d'inquiet pressentiment aurait dû plutôt se poser sur moi ; mais elle n'avait pour son neveu que des regards d'orgueil maternel et de joie confiante.

De même, que notre intérieur, notre rue était paisible. Des gens isolés l'habitaient ; pour la plupart de vieux couples, n'ayant plus d'enfants autour d'eux. En été les vieilles gens apportaient des chaises devant leurs maisons et s'entretenaient au travers de la rue, en hiver absolument déserte.

Nous n'avions pas de relations. Avec le temps, nous avions perdu de vue, dans le tumulte de la grande ville, les parents peu nombreux de mon père. Plus tard, j'entendis parfois mentionner l'un ou l'autre d'entre eux, comme ruiné par sa vie déréglée. Dans mon enfance je ne souffrais pas de notre isolement ; cependant j'éprouvais une joie intense lorsque tante Marie nous envoyait tous deux faire quelque emplette au loin dans la grande ville. La foule nous ébahissait et nous amusait, les boutiques nous ravissaient. Nous cherchions de nouveaux chemins pour revenir à notre paisible rue, et le soir, quand on allumait les réverbères, nous hâtions le pas pour rentrer chez nous. De tous les gens pressés de regagner leurs foyers nous étions bien les plus heureux de retrouver le nôtre. Qu'elle était confortable notre chambre de famille avec ses bons meubles démodés ! Je les vois tous : l'antique armoire dont les rayons inférieurs étaient consacrés à nos jouets ; la grande pendule, apportée par ma mère de son pays rhénan. La sonnerie s'en faisait entendre trois maisons plus loin. Elle était depuis des siècles dans la famille de ma mère et j'y tenais beaucoup. Pendant que tante écrivait et que ma soeur brodait, son tic-tac me racontait maintes histoires sur les gens et les choses des temps passés.

Tante Marie était une pieuse femme. Quand le samedi, à six heures du soir, les cloches sonnaient pour préparer les âmes au recueillement du dimanche, le travail devait être terminé dans notre petit ménage. Nous allions an bord de l'Elbe écouter les cloches. Des marins, sur leurs gabares, répétaient des chants inspirés par la paix du sabbat. Des gens sérieux quittaient en hâte la foule bruyante, pour jouir chez eux du repos annoncé par les cloches. Des enfants allaient attendre leurs parents à la sortie du travail et revenaient avec eux en faisant de beaux plans pour le dimanche. L'air heureux de tous ces groupes me réjouissait et, pour en exprimer mon plaisir, je me mettais à gambader à côté de ma soeur. Alors, de sa voix douce, elle me disait :
- Attends d'être à la maison pour gambader.

Désirant nous intéresser et nous amuser plus encore le samedi soir que les autres jours, tante Marie puisait dans le riche trésor des légendes chrétiennes et nationales et y trouvait de belles histoires à nous raconter : actions remarquables, combats héroïques. Les anciens jeux d'enfants avaient aussi pour nous un puissant attrait.

Mes regards, souillés maintenant par des spectacles obscènes, ne se posaient alors que sur des choses et des êtres purs et bons. Mes oreilles, habituées aujourd'hui aux entretiens du vice, écoutaient avidement jadis les récits des grandes et nobles actions.

Voix perdues, muettes pour moi désormais ! À peine si j'entends encore ma tante nous lire la prière du soir dans un vieux livre de piété, qui nous venait d'un arrière-grand-père, hardi marin dont le navire avait doublé vingt et une fois le cap de Bonne-Espérance. Ce livre l'avait toujours accompagné et contenait de nombreuses annotations de sa main, mentionnant des tempêtes et des heures de détresse sur une mer en furie. Plusieurs passages y étaient soulignés. Je les savais tous par coeur. Mon imagination d'enfant joignait une histoire à chacun d'eux.

La dernière de ces annotations, dernier voeu, dernière prière, s'adressait à mon père qui naviguait alors sur des eaux lointaines. Nous faisions, en nos coeurs, les mêmes voeux pour lui. Il le savait, notre père, et la pensée de notre fidèle affection mettait un rayon de soleil sur chacun de ses jours.

À un étage, comme toutes celles des marins, notre maison avait des mansardes dont les fenêtres donnaient sur l'Elbe. C'étaient nos chambres à coucher. Ah ! si je pouvais encore y passer de paisibles nuits ! Si du moins mon âme pouvait s'endormir pour toujours en emportant l'image de ces temps ! Elle demeure indélébile dans mon souvenir et me fait sentir la profondeur de ma dégradation.

Je me vois à la fenêtre de notre maisonnette, garçon sans tache alors, contemplant l'Elbe éclairée par la lune. Des remorqueurs sont à l'ancre au rivage. Du côté hanovrien, les collines de la lande se perdent dans la brume et attirent mon âme pure au pays des rêves. Je vois aussi ma tante, près de mon lit me donnant sa bénédiction. Combien de coupables efforts m'a-t-il fallu pour en détruire l'effet ! Anéantir le souvenir béni d'une fidèle et pure affection est une des oeuvres les plus lentes, les plus difficiles de l'homme déchu. Un innocent arrivant au milieu d'une jeunesse dépravée, se dirait : « Ces gens en ont fini avec le passé ; leurs coeurs en sont détachés ; leurs regards insolents, leurs entretiens légers, leurs yeux troubles ne parlent que de leur misérable présent ».

Cette apparence est trompeuse : dans la solitude et le silence de la nuit, ces jeunes égarés recommencent l'oeuvre difficile d'ensevelir leur passé de pureté. Elle n'a pas de fin cette oeuvre. Ce passé se dresse toujours hors de la tombe où ces pauvres fous, tâchant de l'ensevelir, lui crient :
- Arrière ! images importunes ! que me voulez-vous ? Je vous croyais depuis longtemps disparues !

Je veux vous parler maintenant des jours les plus heureux de mon passé : ceux de l'école. Nous y entrâmes à la même époque, ma soeur et moi. Jusque-là, ma tante nous avait donné elle-même les leçons nécessaires ; elle s'y entendait et fit de nous des écoliers dociles. Agathe fut mise dans une école du voisinage, moi, au collège. Pour y aller, il me fallait prendre un des nombreux vapeurs qui aident à la circulation dans cette grande ville. Je faisais mon repas de midi chez un de mes professeurs, un ancien ami de mon père.

Les souvenirs de mes premières années de collège sont effacés pour la plupart. Un seul me reste, indélébile : mon retour à la maison.
Mon bateau débarquait tout près de notre maisonnette. Je la voyais de fort loin, et, de loin aussi, une figure sur le débarcadère : ma soeur ! ... chaque jour, elle venait m'y chercher. Après mes diverses leçons et ma lutte avec les mots latins, suivies de mon long trajet de retour, je me faisais l'effet d'un guerrier victorieux. Ce sentiment d'orgueil ne m'empêchait pas de sentir une vive et tendre, reconnaissance pour ma soeur, dès que je l'apercevais sur la rive.

O, ma soeur, quel dévouement ! Dans les brûlantes après-midi d'été, belle et fraîche comme une fleur, tu m'attendais sur le quai, malgré, l'odeur suffocante du goudron et des vieux cordages. Dans la brume hivernale, ta présence m'annonçait de loin le confort et le repos de notre foyer. Les jours de pluie ou de neige, un vent glacé jouait avec tes boucles dorées, mais il n'altérait pas la grâce de ton sourire, et ne diminuait pas la tendresse de ton accueil. Tous les hommes du port te connaissaient. Chacun te disait : « Bonjour ma petite demoiselle ! » Et l'on n'entendait pas de jurons alors au débarcadère. Nous prenions le chemin de la maison en nous donnant la main et ma soeur, heureuse de me retrouver, écoutait avidement le récit des événements de ma journée et approuvait d'un sourire les idées et les plans que je lui soumettais. Non, jamais je n'oublierai tout-à-fait ces choses ! Plus tard quand, après une nuit d'orgie, je rentrais dans mon logis solitaire, cette image de ma soeur m'attendant sur le quai m'apparaissait tout à coup. Mon coeur coupable et tourmenté la voyait devant moi, dans l'obscurité, me tendant la main et me souhaitant, comme autrefois, la bienvenue. Après ce rêve d'un instant, je passais souvent des heures, assis dans les ténèbres, à pleurer mon bonheur perdu, et, dans mes longues nuits d'insomnie, je me demandais : « Pourquoi l'ai-je perdu, mon bonheur ? Ne pouvait-il en être autrement ? »

Non, je ne veux pas et je ne puis pas détruire ces images. À Cologne, pendant le carnaval, je me suis laissé entraîner dans le tourbillon des voluptés. J'ai connu des heures où la conscience et l'honneur n'existent plus, où la boue et l'ordure priment tout. Mais au milieu de ce tourbillon, ces souvenirs, revenant à ma mémoire, calmaient mon ivresseet m'amenaient pour un instant dans notre maison de l'Elbe. À la vérité, ils ne réussissaient pas à m'arrêter sur le bord de l'abîme où j'allais me précipiter, ils m'en faisaient seulement apercevoir la profondeur..... Ensuite je recommençais à boire à longs traits à la coupe empoisonnée des voluptés..... Il me fallait oublier..... oublier à tout prix !

Mais je ne veux pas les oublier ces souvenirs ; non, jamais ! Malgré les tourments qu'ils me causent, ils sont mon unique bonheur. Depuis longtemps la maison des bords de l'Elbe n'est plus à nous. Mon père et ma tante sont morts ; Agathe a trouvé un nouveau foyer. Mais une force irrésistible m'attire encore vers l'ancien abri de notre paisible vie et, chaque fois que je vais à Hambourg, je me rends le soir près de cette chère maisonnette. Caché dans un coin obscur je la contemple longtemps. En été, mes regards s'attachent à la fenêtre où Agathe et moi nous faisions nos projets enfantins. En hiver, malgré les tempêtes glacées, j'attends que la lumière paraisse dans la grande chambre pour y retrouver à la lueur de la lampe, tous mes chers souvenirs. Quelques heures passées en ce lieu, au moins une fois chaque année, seront ma seule joie pour le reste de ma vie.

Jamais je n'oublierai ce temps-là ; mais je ne veux pas croire que la fidélité de ce souvenir prouve en moi un dernier reste de pureté ; je méprise ceux qui prennent leurs remords pour de la vertu. Le souvenir n'a pas une si grande valeur ; il n'est que la dernière joie des êtres perdus. La vieille femme dit à la jeune fille : « Moi aussi j'étais jadis jeune et belle ! » L'être dépravé peut crier aux heureux restés purs : « Moi aussi j'étais autrefois comme vous ! »

Mon compagnon n'alla pas plus loin, ce soir-là, dans son récit. Peu à peu la violence de sa plainte s'était apaisée ; il avait parlé moins rapidement et d'une voix plus douce. Fatigué, il s'appuya dans son fauteuil. J'avais un vrai besoin de lui dire quelques paroles encourageantes, mais je sentis en cette occasion combien il est difficile de parler à la douleur. Jamais on ne risque autant de s'attarder à des banalités que lorsqu'on veut consoler. L'Eglise catholique fait bien de ne pas imposer aux prêtres de discours sur la tombe. Le chrétien évangélique cultivé devrait l'interdire par son testament. Outre quelques autres avantages, ce serait un égard généreux vis-à-vis du pasteur qui le conduit à sa dernière demeure. Mon compagnon eut assez de délicatesse pour m'aider à échapper au danger des phrases inutiles et banales. Au moment où j'allais glisser sur cette pente, il m'interrompit en me priant de ne former mon jugement qu'après avoir entendu sa confession tout entière.

Je profitai de l'occasion pour garder sagement le silence. Malheureusement, je devais partir le lendemain pour un voyage d'une semaine. Je le lui annonçai en pensant qu'il en serait chagriné ; mais il me dit tranquillement :
- Je repasserai seul ma triste histoire je ne puis mieux employer mon séjour ici qu'à repasser d'un oeil lucide tout le cours de ma vie. Et il prit congé. Comme sa voix était lasse en me disant : « bonne nuit ! » comme la pression de sa main était faible ! Pauvre pèlerin harassé ! De bon coeur en te quittant, je te souhaitai une bonne et paisible nuit.

Ainsi que ce soir-là, je m'approche aujourd'hui de la fenêtre après avoir écrit ce qui précède. La tempête se déchaîne en cette nuit glacée d'hiver. Je pense à tous les malheureux qui errent en cherchant un abri protecteur ; je pense aussi à ceux qui ont trouvé un gîte, mais dont l'âme tourmentée erre dans des sentiers tortueux à la recherche du chemin qui conduit à la paix. Je leur souhaite à tous une bonne et paisible nuit.

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