Divine simplicité des paroles de Christ dans ses récits et dans ses paraboles.
- Admirons aussi la simplicité qui caractérise les récits formant les paraboles de Jésus-Christ ! Chaque enfant les retient aussitôt, et chacune de ses similitudes est une véritable création, si parfaite et si juste, où chaque mot a sa valeur, comme, par exemple, c'est le cas dans la parabole de l'ivraie, quand il l'explique à ses auditeurs. (Matth. 13 : 37-43.) - De même, quand Jésus parle des lis des champs, et des corbeaux, et des anges, et des démons, et de ceux qui ont des oreilles pour entendre, de ces créatures qui ne sèment ni ne moissonnent et que leur Père céleste nourrit cependant. (Matth. 6: 26.) Car, enfin, qui est-ce qui pourrait subsister sans nourriture ?
Et que de drames dans ces paraboles, qui
représentent la vie humaine dans son
ensemble, telle que celle du fils prodigue !
Et celle de l'homme riche et du pauvre Lazare, qui
forme toute une trilogie, où l'on voit
défiler la terre, le ciel et l'enfer !
Qu'elle est saisissante, cette histoire !
Tous ces récits, ces paraboles, comme
celle du semeur et celle des dix vierges, offrent
quelque aliment à l'intelligence la plus
simple, tout en vous ouvrant de telles
perspectives, en posant tant de questions que l'on
s'y épuise en réflexions. Quel est
l'homme qui ait jamais parlé de façon
à être compris des
plus petits, aussi bien que des plus grands ?
Dans toute oeuvre humaine l'on risque toujours d'y
mettre trop, et plus que ce que l'auteur a voulu
dire. Avec Christ cela n'est pas à craindre.
Celui qui, avec un coeur croyant et la
simplicité d'un enfant, en méditant
ces récits, y trouve toujours du nouveau,
celui-là peut aussi se dire que Christ y a
bien mis tout cela. Tel récit exprime en
actes, et effectivement, bien plus que les paroles
n'en peuvent dire, car le sens le plus profond de
ces paraboles ne se révélera qu'au
ciel.
En réalité, ce que
Jésus a prononcé, ce sont des
paroles de vie éternelle. Voilà
aussi pourquoi ses déclarations renferment
bien plus de force consolatrice, plus de
sérieux savoir, plus de vérité
enfin, que nous n'en trouvons dans les sentences
des plus grands sages de tous les siècles de
l'histoire.
Écoutez donc ces quelques
brèves paroles
« Heureux ceux qui pleurent, car
ils seront consolés. »
« Qui croit en moi a la vie
éternelle. »
« La vérité vous
rendra libres. »
« Celui qui perd sa vie pour
l'amour de moi la trouvera. »
« Celui qui croit ne viendra pas
en jugement. »
« Les cheveux même de votre
tête sont tous
comptés. »
Et tant d'autres au sujet desquelles
l'Esprit témoigne à notre esprit que
ce sont des paroles de vérité et de
vie, et que nous pouvons mourir tranquilles si nous
nous appuyons sur elles avec confiance.
De même que pour ses paroles, on peut
dire que tout ce qui vient de Christ, tous ses
actes ont une portée incalculable et une
signification surabondante.
Il ne saurait d'ailleurs pas en être
autrement, quand c'est un Dieu qui intervient dans
notre petit monde borné, car ici tout ce que
Dieu fait devient mystère et symbole. C'est
là un fait de première
importance : car toute intervention de Dieu
implique un sens si profond que même les
anges y plongeant leurs regards en font l'objet de
leurs méditations.
Par exemple quand nous lisons que, marchant
sur les eaux, Jésus apparut de nuit à
ses disciples, il n'y a pas là un mythe
instructif, comme le pensent certaines gens. Une
pareille figure symbolique, destinée
à représenter tel ou tel état
moral, mais ne reposant sur aucun fait réel,
n'aurait à nos yeux pas plus de valeur, ou
aussi peu de portée, que telle fable
d'Esope.
Au contraire, de même que Christ
devant le paralytique scelle sa promesse du pardon
de ses péchés par la guérison
immédiate de sa maladie, ainsi il enseigne
à ses disciples, sans paroles, mais par un
acte réel, que la foi sait marcher
même sur les flots tumultueux du danger.
Voilà aussi pourquoi cet épisode de
la vie de Jésus fait de ce récit
l'image la plus belle et l'enseignement le plus
profond de ce qu'est en réalité la
vie des croyants.
Ici encore nous voyons qu'une histoire
véritable peut seule avoir une véritable valeur.
Celle-ci nous
enseigne que, tandis que, sur les rives de la mer
agitée, le monde aveugle est plongé
dans le sommeil, les disciples, obéissant
à leur devoir, luttent sur les flots
agités de la tentation, font effort contre
les vents contraires, qui représentent les esprits malins dans les
airs ; -
qu'alors Dieu lui-même, qu'ils ne
reconnaissent pas tout de suite, leur vient en
aide. On peut remarquer ici les trois degrés
de la foi.
La plupart des disciples, quoique ayant
reconnu le Seigneur, n'osent pas s'aventurer, dans
leur lutte pour l'existence, sur l'unique
terrain de la foi en Christ. Ils restent dans
la barque, c'est-à-dire dans leur refuge
solidement établi et commode. Mais ils sont
cependant joyeux quand le Seigneur les y rejoint en
entrant dans leur barque.
Pierre seul quitte la barque de la
prudence humaine, et se risque sur l'eau,
commettant ainsi une folie au point de vue
de l'homme naturel. - Mais voici qu'il enfonce,
parce qu'au lieu de regarder à Jésus,
il regarde les vagues agitées par le vent
d'orage. Jésus, au contraire, marche avec
assurance et en toute liberté sur les flots
en tourmente ; il rend même d'autres
hommes capables d'en faire autant ; mais il
entre cependant aussi lui-même dans la
barque.
C'est ainsi que ce récit nous fait
voir les trois degrés de la foi dans
la question de l'existence humaine :
tout d'abord le degré positif, puis le
comparatif et enfin le superlatif.
Ailleurs, nous lisons qu'un jour
Jésus, se rendant de Jéricho à
Jérusalem, rencontra, assis au bord du
chemin, un mendiant aveugle, auquel il rendit la
vue. Il avait nom Bartimée.
(Luc
18: 35-43; Marc
10: 46-52.)
(Nous ignorons si ce Bartimée
était l'un des deux aveugles que mentionne
saint Matthieu, ou si ceux-ci en sont d'autres, ce
qui est assez probable, étant donnée
la quantité d'aveugles que, de nos jours
encore, l'on rencontre en Palestine.)
On lit souvent ce court récit, aussi
bref que véritable, mais on s'y arrête
en général trop peu. Cependant, en
considérant de plus près cet aveugle
assis au bord du chemin, nous nous y reconnaissons
nous mêmes, non sans
surprise, et nous sommes bien obligés de
nous dire : « Mais c'est moi, tel je
suis, du fait de ma nature
humaine ! »
Bartimée est assis au bord du chemin
qui monte de la ville de perdition et de
malédiction, Jéricho, à
Jérusalem
(Josué
6 : 26). Au lieu
de marcher, cet homme reste assis, car il est
aveugle. Cela nous rappelle qu'un grand combat se
livre autour de nous. Dieu nous attend. Christ
meurt pour nous. Des anges nous protègent,
en pleurant ou se réjouissant à notre
sujet. Des démons nous guettent chaque jour,
chaque nuit, pour nous perdre.
L'éternité s'avance ; il n'y
aura bientôt plus de temps, et nous ne nous
en doutons point. Nous restons assis au bord de la
route et... nous mendions. Qu'est-ce qu'un
aveugle pourrait faire d'autre ? Nous mendions
des pièces de cuivre : un peu de
bonheur dans la vie, un peu d'affection de la part
de femme et d'enfants, un peu de jouissance
d'argent et de fortune. À l'art nous
mendions de l'idéal, à la science
quelque peu de connaissances ; nous mendions
de notre prochain son estime et son respect. Et
nous descendons ainsi dans la tombe comme de
pauvres mendiants fatigués.
« Mais entendant la foule qui
passait, il demanda ce que c'était. Ils lui
dirent : c'est Jésus de Nazareth qui
passe. »
C'est une plaisanterie, pensa-t-il
peut-être d'abord, car Nazareth était
la ville la plus méprisée
d'Israël. « Que peut-il venir de bon
de Nazareth ? » était une
locution proverbiale, et l'est encore aujourd'hui.
Quand une âme angoissée interroge ses
parents et amis, leur demandant ce que signifient
ce trouble et ces sentiments intérieurs
qu'elle éprouve, on répond encore de
nos jours : C'est Jésus de
Nazareth ! ce qui
signifie : C'est du fanatisme, c'est de
l'imagination ; il ne faut rien
exagérer. Il ne faut pas vouloir être
meilleur que les autres gens !
Mais l'aveugle, sans se laisser
décourager par la foule, continue à
crier : « Jésus, Fils de
David, aie pitié de moi ! »
Telle sera toujours la véritable
prière, tant que nous vivrons ici-bas, nous
sommes des mendiants et devons être des
suppliants.
Le jour viendra bien où nous pourrons
dire : « A celui qui est assis sur
le trône et à l'Agneau, qui nous a
faits rois et sacrificateurs par son sang, à
Lui soient honneur et puissance et gloire et force
pour l'éternité ! »
Mais à présent il vaut mieux pour
nous de pousser ce soupir : « 0
Dieu, sois apaisé envers moi qui suis
pécheur ! aie pitié de
moi ! »
Il y avait dans la foule des gens qui
marchaient devant Jésus, et qui par
là ne manifestaient guère le besoin
de rester près de lui, pour prêter
l'oreille à ses paroles. Ils semblaient
préférer se porter en avant, comme
des hérauts annonçant une nouvelle.
Ces gens-là reprenaient l'aveugle ;
mais celui-ci criait d'autant plus fort :
« Fils de David, aie pitié de
moi ! » Alors Jésus
s'arrêta et commanda qu'on le lui
amenât. Ils appelèrent donc l'aveugle
et lui dirent : « Prends
courage ! Lève-toi, il
l'appelle ! »
Quant aux hommes de l'entourage de
Jésus, voyez quel autre langage ils
tiennent. Ce sont des paroles de consolation :
« Prends courage ! » et
d'exhortation :
« Lève-toi ! » -
Oui certes, il s'agit de se lever quand Dieu nous
appelle. « Je me lèverai et je
m'en irai vers mon père », s'est
dit l'enfant prodigue ; je ne veux plus rester
assis au bord du chemin !
« Et il jeta son
manteau. » C'est ainsi que l'homme
doit se dépouiller du vêtement auquel
si longtemps il a attaché
trop de prix : habit troué,
rapiécé, souillé de sa propre
justice, de ses bonnes oeuvres, de ses vertus. Tant
qu'il n'a rien eu d'autre pour se couvrir, cela
valait encore mieux que rien du tout. Le petit brin
d'humilité, la bonne réputation
devant les hommes, par la bonté de Dieu nous
ont souvent été utiles, nous ont
préservés de péchés
grossiers et nous ont servi de salutaire
barrière contre nos convoitises.
Ce manteau peut encore revêtir une
autre signification. Il nous rappelle que, si nous
sommes entrés nus dans ce monde, les habits
dont nous avons été revêtus
sont l'éducation et l'instruction, le milieu
et les circonstances qui nous ont entourés.
Les arts et les sciences, notre vocation et nos
talents, peut-être notre adresse, ou bien un
extérieur avantageux, dont nous nous drapons
pour dissimuler notre pauvreté morale, notre
misère et notre mécontentement
intimes : tout cela n'est qu'une
misérable défroque. Et puis nous
sommes aussi vains que des enfants, qui sont
flattés de porter un joli petit ruban,
méprisant tel de nos semblables parce qu'il
n'a pas quelques fils d'or dans le tissu de ses
haillons.
C'est cette défroque qu'il nous faut
jeter loin de nous, lorsque Christ nous appelle. En
retour, il nous donnera, à la
résurrection des justes, un
vêlement blanc, qui couvrira parfaitement
notre nudité. Ce n'est qu'alors que nous
cesserons de participer à cette plainte
d'Adam : « J'ai craint, car
j'étais nu. »
(Gen.
3 : 10.)
Et l'aveugle se leva et vint vers
Jésus, et Jésus lui répondit
et dit. Répondre ? Mais l'aveugle
vient-il de lui adresser une demande ? Non pas
à l'instant, mais auparavant, quand il
était assis au bord du chemin, et qu'il
criait : « Aie pitié de
moi ! »
À ce moment-là Jésus ne
répondit pas ; il continua son chemin,
puis s'arrêta, mais sans répondre.
C'est ainsi que Dieu agit. Bien souvent
déjà l'homme a crié à
Dieu avec d'ardents soupirs, sous l'empire d'une
vive douleur, et longtemps sans obtenir de
réponse. Le malheureux cherchait Dieu,
tantôt dans le firmament, tantôt en bas
sur la terre, en s'adressant aux étoiles et
à l'océan, à la forêt ou
au désert ; interrogeant le soleil
pendant la journée, la sombre nuit ou les
nuages du ciel, leur demandant :
« Où est
Dieu ? »
Et les étoiles continuaient à
scintiller, froides et impassibles, le soleil
poursuivait sa course, la mer continuait à
mugir, les nuées suivaient paisiblement leur
course et le faible coeur humain en était
pour désespérer. C'est alors que
Satan lui murmurait à l'oreille :
« Cesse de prier ! c'est une
illusion, il n'y a point de
Dieu ! »
Mais prends patience, enfant des
hommes ! Dieu répond toujours. Jamais
soupir monté vers lui ne s'est perdu dans
l'immensité de l'espace. Jamais le cri d'une
âme cherchant son Dieu n'est revenu
jusqu'à elle comme une lettre dont le
destinataire serait introuvable. Les fondements de
la terre s'ébranleraient plutôt, et
l'on verrait les lois éternelles de la
nature violées, plutôt qu'un cri
poussé vers l'Éternel rester sans
réponse.
Souvent déjà ce n'a
été que le vieillard chargé
d'années qui a vu l'exaucement de la
prière qu'il balbutiait dans son enfance.
Mais Dieu répond toujours. C'est une loi
divine et éternelle que
« quiconque cherche trouve, quiconque
demande reçoit et il sera ouvert à
celui qui heurte ! » Il nous est bon
et salutaire de devoir attendre ici-bas. Mais sur
la terre nouvelle régnera cette autre
loi : « Avant qu'ils crient, je
répondrai, et
lorsqu'ils parleront encore, je les exaucerai
déjà. »
(Esaïe
65 : 24.)
Que veux-tu que je le lasse ?
L'aveugle lui dit : Maître, que je
recouvre la vue. Rabboni ! Seigneur,
Maître. - L'aveugle était
habitué à son état, à
être assis au bord du chemin et à
mendier, à jouer avec les monnaies de cuivre
que lui jetaient les passants. Il passait sa vie
à compter combien il avait de ces
pièces ; tellement qu'il en avait
presque oublié sa cécité. Il
n'osait même pas espérer qu'il en
serait jamais autrement. - Mais soudain, son
âme se trouve illuminée d'une
lumière qui lui fait sentir sa
misérable existence, le malheur d'être
un aveugle et un mendiant de grand chemin, toujours
assis au bord de la route. Il lui survient le
désir de pouvoir, lui aussi, aller et venir,
courir ; de voir briller le soleil et
l'éclat du ciel bleu, les arbres et les
animaux : en un mot, d'arriver à
être un homme complet.
Il ne réclame pas de beaux
vêtements, ni de généreuses
aumônes, ni de bons repas. Tout cela est trop
peu de chose pour lui. Il désire
posséder le plus grand bienfait, ce qui pour
lui est tout. Qu'a-t-il été
jusqu'alors ? Comment l'appelle-t-on ?
L'aveugle ! Que voudrait-il être ?
Un clairvoyant ! Et toutes les aspirations de
son âme se résument en ce cri : Que je recouvre la vue !
Et Jésus lui dit : Va, et non
pas rassieds-toi traverse cette vie terrestre
jusqu'à ce que tu atteignes le ciel, cet
univers jusqu'à Dieu ! Ta foi l'a
sauvé, et aussitôt il recouvra la
vue.
Oh ! quelles délices !
À ce moment le monde se dévoile
à ses regards, avec toute sa grandeur, sa
beauté, son admirable harmonie. Il peut
dès à présent le concevoir et
en jouir, il n'est plus : « un aveugle ».
Et
il
suivit Jésus sur le chemin. Il ne s'est
pas éloigné pour suivre son propre
chemin. Non, il suivit Jésus.
Où ? C'est vers Jérusalem que
Jésus dirigeait ses pas, sur une route
pénible et montueuse, aboutissant à
la mort, à la mort de la croix, mais par
là aussi à la résurrection et
à la gloire !
Nous aussi qui étions autrefois comme
des mendiants aveugles, assis au bord du chemin,
nous voulons désormais suivre Celui qui nous
a ouvert les yeux. Il en vaut la peine, car si
aujourd'hui ce monde aveugle, assis au bord du
chemin de la vie terrestre, laisse passer le
Sauveur sans prendre garde à Lui, le jour
n'en viendra pas moins certainement où le
signe du fils du charpenter apparaîtra dans
le ciel, et où toutes les tribus de la terre
se lamenteront et se frapperont la poitrine devant
lui. - Mais à celui qui le confesse à
présent devant les hommes, Jésus fait
cette promesse : Je le confesserai aussi
devant mon Père et devant les anges du
ciel.
Chapitre précédent | Table des matières | Chapitre suivant |