Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

XI

-------

Divine simplicité des paroles de Christ dans ses récits et dans ses paraboles.

- Admirons aussi la simplicité qui caractérise les récits formant les paraboles de Jésus-Christ ! Chaque enfant les retient aussitôt, et chacune de ses similitudes est une véritable création, si parfaite et si juste, où chaque mot a sa valeur, comme, par exemple, c'est le cas dans la parabole de l'ivraie, quand il l'explique à ses auditeurs. (Matth. 13 : 37-43.) - De même, quand Jésus parle des lis des champs, et des corbeaux, et des anges, et des démons, et de ceux qui ont des oreilles pour entendre, de ces créatures qui ne sèment ni ne moissonnent et que leur Père céleste nourrit cependant. (Matth. 6: 26.) Car, enfin, qui est-ce qui pourrait subsister sans nourriture ?


Et que de drames dans ces paraboles, qui représentent la vie humaine dans son ensemble, telle que celle du fils prodigue ! Et celle de l'homme riche et du pauvre Lazare, qui forme toute une trilogie, où l'on voit défiler la terre, le ciel et l'enfer ! Qu'elle est saisissante, cette histoire !

Tous ces récits, ces paraboles, comme celle du semeur et celle des dix vierges, offrent quelque aliment à l'intelligence la plus simple, tout en vous ouvrant de telles perspectives, en posant tant de questions que l'on s'y épuise en réflexions. Quel est l'homme qui ait jamais parlé de façon à être compris des plus petits, aussi bien que des plus grands ? Dans toute oeuvre humaine l'on risque toujours d'y mettre trop, et plus que ce que l'auteur a voulu dire. Avec Christ cela n'est pas à craindre. Celui qui, avec un coeur croyant et la simplicité d'un enfant, en méditant ces récits, y trouve toujours du nouveau, celui-là peut aussi se dire que Christ y a bien mis tout cela. Tel récit exprime en actes, et effectivement, bien plus que les paroles n'en peuvent dire, car le sens le plus profond de ces paraboles ne se révélera qu'au ciel.

En réalité, ce que Jésus a prononcé, ce sont des paroles de vie éternelle. Voilà aussi pourquoi ses déclarations renferment bien plus de force consolatrice, plus de sérieux savoir, plus de vérité enfin, que nous n'en trouvons dans les sentences des plus grands sages de tous les siècles de l'histoire.
Écoutez donc ces quelques brèves paroles

« Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés. »
« Qui croit en moi a la vie éternelle. »
« La vérité vous rendra libres. »
« Celui qui perd sa vie pour l'amour de moi la trouvera. »
« Celui qui croit ne viendra pas en jugement. »
« Les cheveux même de votre tête sont tous comptés. »

Et tant d'autres au sujet desquelles l'Esprit témoigne à notre esprit que ce sont des paroles de vérité et de vie, et que nous pouvons mourir tranquilles si nous nous appuyons sur elles avec confiance.

De même que pour ses paroles, on peut dire que tout ce qui vient de Christ, tous ses actes ont une portée incalculable et une signification surabondante.
Il ne saurait d'ailleurs pas en être autrement, quand c'est un Dieu qui intervient dans notre petit monde borné, car ici tout ce que Dieu fait devient mystère et symbole. C'est là un fait de première importance : car toute intervention de Dieu implique un sens si profond que même les anges y plongeant leurs regards en font l'objet de leurs méditations.

Par exemple quand nous lisons que, marchant sur les eaux, Jésus apparut de nuit à ses disciples, il n'y a pas là un mythe instructif, comme le pensent certaines gens. Une pareille figure symbolique, destinée à représenter tel ou tel état moral, mais ne reposant sur aucun fait réel, n'aurait à nos yeux pas plus de valeur, ou aussi peu de portée, que telle fable d'Esope.

Au contraire, de même que Christ devant le paralytique scelle sa promesse du pardon de ses péchés par la guérison immédiate de sa maladie, ainsi il enseigne à ses disciples, sans paroles, mais par un acte réel, que la foi sait marcher même sur les flots tumultueux du danger. Voilà aussi pourquoi cet épisode de la vie de Jésus fait de ce récit l'image la plus belle et l'enseignement le plus profond de ce qu'est en réalité la vie des croyants.

Ici encore nous voyons qu'une histoire véritable peut seule avoir une véritable valeur. Celle-ci nous enseigne que, tandis que, sur les rives de la mer agitée, le monde aveugle est plongé dans le sommeil, les disciples, obéissant à leur devoir, luttent sur les flots agités de la tentation, font effort contre les vents contraires, qui représentent les esprits malins dans les airs ; - qu'alors Dieu lui-même, qu'ils ne reconnaissent pas tout de suite, leur vient en aide. On peut remarquer ici les trois degrés de la foi.

La plupart des disciples, quoique ayant reconnu le Seigneur, n'osent pas s'aventurer, dans leur lutte pour l'existence, sur l'unique terrain de la foi en Christ. Ils restent dans la barque, c'est-à-dire dans leur refuge solidement établi et commode. Mais ils sont cependant joyeux quand le Seigneur les y rejoint en entrant dans leur barque.
Pierre seul quitte la barque de la prudence humaine, et se risque sur l'eau, commettant ainsi une folie au point de vue de l'homme naturel. - Mais voici qu'il enfonce, parce qu'au lieu de regarder à Jésus, il regarde les vagues agitées par le vent d'orage. Jésus, au contraire, marche avec assurance et en toute liberté sur les flots en tourmente ; il rend même d'autres hommes capables d'en faire autant ; mais il entre cependant aussi lui-même dans la barque.
C'est ainsi que ce récit nous fait voir les trois degrés de la foi dans la question de l'existence humaine : tout d'abord le degré positif, puis le comparatif et enfin le superlatif.

Ailleurs, nous lisons qu'un jour Jésus, se rendant de Jéricho à Jérusalem, rencontra, assis au bord du chemin, un mendiant aveugle, auquel il rendit la vue. Il avait nom Bartimée. (Luc 18: 35-43; Marc 10: 46-52.)
(Nous ignorons si ce Bartimée était l'un des deux aveugles que mentionne saint Matthieu, ou si ceux-ci en sont d'autres, ce qui est assez probable, étant donnée la quantité d'aveugles que, de nos jours encore, l'on rencontre en Palestine.)

On lit souvent ce court récit, aussi bref que véritable, mais on s'y arrête en général trop peu. Cependant, en considérant de plus près cet aveugle assis au bord du chemin, nous nous y reconnaissons nous mêmes, non sans surprise, et nous sommes bien obligés de nous dire : « Mais c'est moi, tel je suis, du fait de ma nature humaine ! »

Bartimée est assis au bord du chemin qui monte de la ville de perdition et de malédiction, Jéricho, à Jérusalem (Josué 6 : 26). Au lieu de marcher, cet homme reste assis, car il est aveugle. Cela nous rappelle qu'un grand combat se livre autour de nous. Dieu nous attend. Christ meurt pour nous. Des anges nous protègent, en pleurant ou se réjouissant à notre sujet. Des démons nous guettent chaque jour, chaque nuit, pour nous perdre. L'éternité s'avance ; il n'y aura bientôt plus de temps, et nous ne nous en doutons point. Nous restons assis au bord de la route et... nous mendions. Qu'est-ce qu'un aveugle pourrait faire d'autre ? Nous mendions des pièces de cuivre : un peu de bonheur dans la vie, un peu d'affection de la part de femme et d'enfants, un peu de jouissance d'argent et de fortune. À l'art nous mendions de l'idéal, à la science quelque peu de connaissances ; nous mendions de notre prochain son estime et son respect. Et nous descendons ainsi dans la tombe comme de pauvres mendiants fatigués.
« Mais entendant la foule qui passait, il demanda ce que c'était. Ils lui dirent : c'est Jésus de Nazareth qui passe. »

C'est une plaisanterie, pensa-t-il peut-être d'abord, car Nazareth était la ville la plus méprisée d'Israël. « Que peut-il venir de bon de Nazareth ? » était une locution proverbiale, et l'est encore aujourd'hui. Quand une âme angoissée interroge ses parents et amis, leur demandant ce que signifient ce trouble et ces sentiments intérieurs qu'elle éprouve, on répond encore de nos jours : C'est Jésus de Nazareth ! ce qui signifie : C'est du fanatisme, c'est de l'imagination ; il ne faut rien exagérer. Il ne faut pas vouloir être meilleur que les autres gens !
Mais l'aveugle, sans se laisser décourager par la foule, continue à crier : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ! » Telle sera toujours la véritable prière, tant que nous vivrons ici-bas, nous sommes des mendiants et devons être des suppliants.

Le jour viendra bien où nous pourrons dire : « A celui qui est assis sur le trône et à l'Agneau, qui nous a faits rois et sacrificateurs par son sang, à Lui soient honneur et puissance et gloire et force pour l'éternité ! » Mais à présent il vaut mieux pour nous de pousser ce soupir : « 0 Dieu, sois apaisé envers moi qui suis pécheur ! aie pitié de moi ! »

Il y avait dans la foule des gens qui marchaient devant Jésus, et qui par là ne manifestaient guère le besoin de rester près de lui, pour prêter l'oreille à ses paroles. Ils semblaient préférer se porter en avant, comme des hérauts annonçant une nouvelle. Ces gens-là reprenaient l'aveugle ; mais celui-ci criait d'autant plus fort : « Fils de David, aie pitié de moi ! » Alors Jésus s'arrêta et commanda qu'on le lui amenât. Ils appelèrent donc l'aveugle et lui dirent : « Prends courage ! Lève-toi, il l'appelle ! »

Quant aux hommes de l'entourage de Jésus, voyez quel autre langage ils tiennent. Ce sont des paroles de consolation : « Prends courage ! » et d'exhortation : « Lève-toi ! » - Oui certes, il s'agit de se lever quand Dieu nous appelle. « Je me lèverai et je m'en irai vers mon père », s'est dit l'enfant prodigue ; je ne veux plus rester assis au bord du chemin !

« Et il jeta son manteau. » C'est ainsi que l'homme doit se dépouiller du vêtement auquel si longtemps il a attaché trop de prix : habit troué, rapiécé, souillé de sa propre justice, de ses bonnes oeuvres, de ses vertus. Tant qu'il n'a rien eu d'autre pour se couvrir, cela valait encore mieux que rien du tout. Le petit brin d'humilité, la bonne réputation devant les hommes, par la bonté de Dieu nous ont souvent été utiles, nous ont préservés de péchés grossiers et nous ont servi de salutaire barrière contre nos convoitises.

Ce manteau peut encore revêtir une autre signification. Il nous rappelle que, si nous sommes entrés nus dans ce monde, les habits dont nous avons été revêtus sont l'éducation et l'instruction, le milieu et les circonstances qui nous ont entourés. Les arts et les sciences, notre vocation et nos talents, peut-être notre adresse, ou bien un extérieur avantageux, dont nous nous drapons pour dissimuler notre pauvreté morale, notre misère et notre mécontentement intimes : tout cela n'est qu'une misérable défroque. Et puis nous sommes aussi vains que des enfants, qui sont flattés de porter un joli petit ruban, méprisant tel de nos semblables parce qu'il n'a pas quelques fils d'or dans le tissu de ses haillons.

C'est cette défroque qu'il nous faut jeter loin de nous, lorsque Christ nous appelle. En retour, il nous donnera, à la résurrection des justes, un vêlement blanc, qui couvrira parfaitement notre nudité. Ce n'est qu'alors que nous cesserons de participer à cette plainte d'Adam : « J'ai craint, car j'étais nu. » (Gen. 3 : 10.)

Et l'aveugle se leva et vint vers Jésus, et Jésus lui répondit et dit. Répondre ? Mais l'aveugle vient-il de lui adresser une demande ? Non pas à l'instant, mais auparavant, quand il était assis au bord du chemin, et qu'il criait : « Aie pitié de moi ! »
À ce moment-là Jésus ne répondit pas ; il continua son chemin, puis s'arrêta, mais sans répondre. C'est ainsi que Dieu agit. Bien souvent déjà l'homme a crié à Dieu avec d'ardents soupirs, sous l'empire d'une vive douleur, et longtemps sans obtenir de réponse. Le malheureux cherchait Dieu, tantôt dans le firmament, tantôt en bas sur la terre, en s'adressant aux étoiles et à l'océan, à la forêt ou au désert ; interrogeant le soleil pendant la journée, la sombre nuit ou les nuages du ciel, leur demandant : « Où est Dieu ? »
Et les étoiles continuaient à scintiller, froides et impassibles, le soleil poursuivait sa course, la mer continuait à mugir, les nuées suivaient paisiblement leur course et le faible coeur humain en était pour désespérer. C'est alors que Satan lui murmurait à l'oreille : « Cesse de prier ! c'est une illusion, il n'y a point de Dieu ! »

Mais prends patience, enfant des hommes ! Dieu répond toujours. Jamais soupir monté vers lui ne s'est perdu dans l'immensité de l'espace. Jamais le cri d'une âme cherchant son Dieu n'est revenu jusqu'à elle comme une lettre dont le destinataire serait introuvable. Les fondements de la terre s'ébranleraient plutôt, et l'on verrait les lois éternelles de la nature violées, plutôt qu'un cri poussé vers l'Éternel rester sans réponse.

Souvent déjà ce n'a été que le vieillard chargé d'années qui a vu l'exaucement de la prière qu'il balbutiait dans son enfance. Mais Dieu répond toujours. C'est une loi divine et éternelle que « quiconque cherche trouve, quiconque demande reçoit et il sera ouvert à celui qui heurte ! » Il nous est bon et salutaire de devoir attendre ici-bas. Mais sur la terre nouvelle régnera cette autre loi : « Avant qu'ils crient, je répondrai, et lorsqu'ils parleront encore, je les exaucerai déjà. » (Esaïe 65 : 24.)

Que veux-tu que je le lasse ? L'aveugle lui dit : Maître, que je recouvre la vue. Rabboni ! Seigneur, Maître. - L'aveugle était habitué à son état, à être assis au bord du chemin et à mendier, à jouer avec les monnaies de cuivre que lui jetaient les passants. Il passait sa vie à compter combien il avait de ces pièces ; tellement qu'il en avait presque oublié sa cécité. Il n'osait même pas espérer qu'il en serait jamais autrement. - Mais soudain, son âme se trouve illuminée d'une lumière qui lui fait sentir sa misérable existence, le malheur d'être un aveugle et un mendiant de grand chemin, toujours assis au bord de la route. Il lui survient le désir de pouvoir, lui aussi, aller et venir, courir ; de voir briller le soleil et l'éclat du ciel bleu, les arbres et les animaux : en un mot, d'arriver à être un homme complet.

Il ne réclame pas de beaux vêtements, ni de généreuses aumônes, ni de bons repas. Tout cela est trop peu de chose pour lui. Il désire posséder le plus grand bienfait, ce qui pour lui est tout. Qu'a-t-il été jusqu'alors ? Comment l'appelle-t-on ? L'aveugle ! Que voudrait-il être ? Un clairvoyant ! Et toutes les aspirations de son âme se résument en ce cri : Que je recouvre la vue !

Et Jésus lui dit : Va, et non pas rassieds-toi traverse cette vie terrestre jusqu'à ce que tu atteignes le ciel, cet univers jusqu'à Dieu ! Ta foi l'a sauvé, et aussitôt il recouvra la vue.

Oh ! quelles délices ! À ce moment le monde se dévoile à ses regards, avec toute sa grandeur, sa beauté, son admirable harmonie. Il peut dès à présent le concevoir et en jouir, il n'est plus : « un aveugle ». Et il suivit Jésus sur le chemin. Il ne s'est pas éloigné pour suivre son propre chemin. Non, il suivit Jésus. Où ? C'est vers Jérusalem que Jésus dirigeait ses pas, sur une route pénible et montueuse, aboutissant à la mort, à la mort de la croix, mais par là aussi à la résurrection et à la gloire !

Nous aussi qui étions autrefois comme des mendiants aveugles, assis au bord du chemin, nous voulons désormais suivre Celui qui nous a ouvert les yeux. Il en vaut la peine, car si aujourd'hui ce monde aveugle, assis au bord du chemin de la vie terrestre, laisse passer le Sauveur sans prendre garde à Lui, le jour n'en viendra pas moins certainement où le signe du fils du charpenter apparaîtra dans le ciel, et où toutes les tribus de la terre se lamenteront et se frapperont la poitrine devant lui. - Mais à celui qui le confesse à présent devant les hommes, Jésus fait cette promesse : Je le confesserai aussi devant mon Père et devant les anges du ciel.

Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant