Nécessité de la foi dans l'oeuvre du salut.
- Mais laissons là toutes ces
objections, venant des hommes, contre le Christ et
son oeuvre rédemptrice ! Celui qui est
décidé à ne point croire en
lui, ou qui en est incapable, ne croira jamais,
alors même qu'on lui donnerait, avec toute la
clarté désirable, toutes les
explications possibles. - Quiconque croit en Lui,
le voit par les yeux de l'esprit, écoute ses
paroles et il s'écrie, comme Thomas :
« Mon Seigneur et mon
Dieu ! » Il n'a pas besoin de
preuves, pas plus qu'il ne faut lui prouver que le
soleil réchauffe, que la nourriture le
fortifie, qu'une blessure le fait souffrir et que
l'amour le réjouit.
Il eût été facile
à Dieu, assurément, de mettre en
pleine lumière tout ce qui concerne Christ
et de l'appuyer de preuves tellement
irréfutables que les hommes n'en eussent pas
plus douté que du fait que deux fois deux
font quatre. Mais alors que serait devenue la
foi ?
La
foi seule nous rend
agréables à Dieu.
- Le seul moyen par lequel l'homme puisse
honorer Dieu, c'est de croire en Lui sans preuves
et sans le comprendre ; c'est de croire
qu'« Il a donné son Fils unique au
monde, afin que quiconque croit en Lui ne
périsse pas, mais qu'il ait la vie
éternelle. »
Quiconque croit cela, même en
dépit de sa raison, celui-là honore Dieu et
Dieu l'honorera un jour. Mais celui qui dit :
« Tant que je ne comprendrai pas cela, et
que je ne pourrai pas le faire concorder avec ma
raison, je ne pourrai pas non plus
croire », celui-là fait Dieu
menteur, car il ne croit pas au témoignage
que Dieu a rendu à son fils.
(1
Jean 5: 10.)
Se fondant sur sa raison bornée,
laquelle est incapable de lui expliquer les choses
les plus simples, les faits journaliers de cette
vie terrestre, l'homme se prétend
autorisé à rejeter le salut
éternel que Dieu lui offre ! Ce
même Dieu lui dira alors un jour, et avec
raison : « Puisque tu as aussi peu
de confiance en ma toute-puissance, en ma
bonté, en ma véracité, au
point de te refuser à croire ce que je
t'affirme à chaque page de ma Parole, tu
n'as qu'à continuer à porter tes
péchés, que tu n'as pas voulu te
laisser ôter, sous prétexte que la
chose serait incompréhensible et contraire
à ta raison ! Comme si j'étais
obligé d'agir selon les règles de ta
faible raison humaine, que dis-je ? comme si
un être déchu comme toi était
capable de concevoir les pensées de
Dieu ! »
Folie
de l'homme niant
la divinité de Jésus-Christ tout en
voulant l'honorer.
- Si, malgré tout cela, il t'est
impossible de croire que ce fils du charpentier
fût Dieu de toute éternité - eh
bien ! ne parle plus de Lui ! Ne dis
pas : Je veux bien l'honorer et l'aimer comme
un grand docteur et notre modèle, et comme
le meilleur des hommes ! - Car ce n'est certes
pas ainsi que tu pourras lui être
agréable.
Supposons que tu tiennes pareil langage
à l'empereur d'Allemagne, en disant :
« Je vous considère comme un brave
homme, voire même comme un homme
distingué. Je vous tiens aussi pour un bon
soldat et pour un fonctionnaire
très capable. Mais je ne puis croire que
vous soyez l'empereur, ni vous respecter comme
tell » Crois-tu, ô homme, qu'il te
saurait gré de la bonne opinion que tu
aurais de ses qualités ?
Or, ici il y a plus que l'empereur : il
est ici question du Seigneur des seigneurs et du
Roi des rois !
(Apoc.
6: 10.) Et tant que tu lui
refuseras ses titres véritables et
légitimes ; tant que tu ne le
reconnaîtras pas pour ce que lui-même
déclare être, tu ne pourras que
l'offenser par les attributs que tu voudras bien
lui concéder encore.
Ne pas croire au témoignage que
Jésus se rend à lui-même, c'est
faire Christ menteur. Et penses-tu qu'au grand jour
de sa venue en gloire il te saura gré du
tribut d'admiration seulement humaine que tu auras
daigné lui accorder ? ! Certes
pas, car Il a dit : « Si vous ne
croyez pas que c'est moi, vous mourrez dans vos
péchés. »
(Jean
8: 21.)
Gloire
éternelle du Sauveur ressuscité,
fruit de son abaissement profond et volontaire.
- Si donc nous avons cru en Jésus
comme notre Sauveur et si nous avons reconnu en Lui
le Fils du Dieu vivant, alors il nous faut aussi
contempler la gloire de la Parole faite
chair, après avoir
considéré avec admiration son
abaissement volontaire. « L'honneur est
pour vous qui croyez. »
(1
Pierre 2 : 7.)
Car Il fut glorieux déjà
pendant les jours de sa chair, pour tous ceux qui
le contemplèrent avec les yeux de l'esprit
et pour quiconque, étant né de
l'Esprit, écouta sa voix et comprit ses
paroles.
Tout d'abord, quoique dépourvu de
tout ce qui constitue la beauté
extérieure de la personne, Jésus
était un homme sans
péché. - Figurez-vous l'homme que
vous aimez et que vous respectez le plus :
pourquoi donc l'aimez-vous et le
respectez-vous ? Vous répondrez :
C'est parce qu'il est aimable, bienveillant, noble,
généreux, pur ; en un mot parce
qu'il est bon. Et il vous semblera qu'avec toutes
ces qualités vous ne pourrez jamais assez
l'aimer, l'admirer, le respecter. Pourtant, toutes
ces bonnes qualités, cette personne ne les
possède encore qu'à un faible
degré. Au fond, chez le meilleur d'entre
nous, hommes pécheurs que nous sommes, ces
qualités n'existent qu'à
l'état négatif ou relatif. De
même que notre bonheur ne consiste que dans
l'absence de malheur.
Notre paix dans l'absence de conflits, notre
santé dans l'absence de maladies, ainsi
notre bonté n'est au fond qu'une moindre
mesure de méchanceté, notre
générosité aussi ne sera que
l'absence d'égoïsme et d'avarice. Et
quand même nous n'accomplissons que la
dixième partie, à peine, de ce que
Dieu attend de nous, nous nous croyons
déjà des hommes actifs et
vertueux.
Cela fait voir combien ce que nous croyons
connaître de façon très
certaine, nous est encore imparfaitement connu. Et
quant à notre véracité, elle
n'est qu'un moindre mensonge. « Car la
vérité n'est point en
nous. » Et quand nous nous appliquons le
plus à dire la vérité, ce que
nous disons n'en est pas moins un
énoncé défectueux, incorrect
et imparfait de ce qui est, et par
conséquent inexact, alors même que les
mots seraient vrais.
Mais en Christ, au contraire, abondaient la véritable
charité avec la
vérité absolue et le parfait
oubli de soi-même. Il possédait au
plus haut degré et sans l'ombre d'une
imperfection, tout ce que l'on peut aimer et
admirer chez un homme. Combien une pareille
perfection devait être bienfaisante !
Avec quelle paisible assurance ses disciples
devaient chercher en Lui leur appui ! Avec
quelle confiance ne devaient-ils pas regarder
à Lui ! Il nous est bien difficile de
nous faire une idée même affaiblie de
tout cela.
Sans doute que pour tous ceux qui
n'étaient pas droits de coeur, qui
étaient remplis d'eux-mêmes, d'orgueil
et d'impureté, la présence seule de
Jésus devait être un vrai tourment. Ne
rencontrons-nous pas parfois des hommes qui,
quoique encore pécheurs par leur nature
humaine, vivent tellement en communion avec Dieu
que leur seul regard est une censure pour l'impie,
pour
tel
homme qui se sent en conflit avec le monde et avec
lui-même ? Les sentiments qui animent
cette sorte de gens doivent ressembler à
ceux qu'exprimaient ces démons qui
criaient : « Jésus, FILS DE
DIEU, qu'y a-t-il entre toi et nous ? Es-tu
venu pour nous tourmenter avant le
temps ?
(Matt.
8 : 29.)
Telle était au fond la
véritable cause de la haine féroce de
ses ennemis. La présence de la sainte
personne de Jésus les condamnait, jugeait
ces hommes, opérait le triage entre les bons
et les méchants et révélait
l'esprit dont chacun était animé,
dans son entourage. - Les uns tombaient à
ses pieds pour l'adorer, tandis que les autres
grinçaient des dents et saisissaient des
pierres pour le lapider. Aucun de ceux qui
entraient en contact avec le Christ ne pouvait
rester indifférent.
D'autre part, Jésus était une autorité infaillible. En
tout et en
tout lieu l'âme humaine soupire après
une semblable autorité, après
une règle, une direction, un modèle
sûrs. Que de pas, de courses, de recherches
l'homme ne ferait-il pas pour découvrir un
livre ou un homme qu'il puisse prendre pour guide
et pour autorité en matière de
religion, ou aussi d'art, de science ou de
politique ! Et comme on sait se cramponner aux
paroles de chrétiens
vénérés, quand ils semblent
nous offrir une règle spirituelle, avec des
consolations et de la sécurité !
Voyez ces millions de catholiques romains qui
croient sincèrement à
l'autorité du Pape, à son
infaillibilité en matière de
religion ! Cela répond à leur
besoin d'avoir une autorité directrice absolue sur laquelle
ils
s'appuyent !
En Jésus-Christ ses disciples avaient
trouvé une semblable autorité, mais
alors bien plus forte et telle
qu'elle se légitimait elle-même
à leurs yeux et à chaque instant,
d'une façon absolue, comme le soleil qui
démontre par sa seule présence son
pouvoir éclairant.
Où que fût Jésus,
où qu'il allât, qu'il parlât ou
qu'il se tût, quelque chose qu'il dît
ou qu'il fît, toujours c'était ce
qu'il y avait de plus juste, de plus absolument
vrai. Il n'y avait rien à redire, rien
à ajouter, rien de trop, ou de trop
peu ; on sentait aussitôt que
c'était la parfaite vérité,
susceptible d'une application immédiate.
L'on n'avait plus qu'a admirer, chaque fois
à nouveau, une existence aussi parfaitement
équilibrée, qui jusque dans ses
moindres détails offrait un étonnant
sujet de réflexions.
Combien devait être bienfaisant pour
chacun le contact avec la personne de Christ, de
celui qui, étant né de la
vérité, ne pouvait, durant les jours
de sa chair, que s'affliger chaque jour, ainsi que
le fait tout chrétien à notre
époque, à la vue de tous les
mensonges qui enveloppent notre monde ! Ne
sentons-nous pas nous-mêmes que tous, le plus
souvent, nous vivons, involontairement ou
inconsciemment, du plus au moins en dehors du
vrai ? Combien nous sommes incapables
d'être véritablement nous-mêmes,
et de nous montrer tels que nous sommes
réellement ! Au lieu de cela, que
faisons-nous ? Soit par politesse, soit par
préjugés, par faiblesse ou par
orgueil, par crainte des hommes ou par amour du
monde, ou par désir d'être
approuvés de lui, toujours nous voudrions
être ou paraître plus que nous ne
sommes en réalité.
Dans la personne de Christ nous trouvons par
contre un homme qui toujours et partout, dans les
petites comme dans les grandes choses, s'est
montré et a été vrai et
véridique, parce qu'il était la
vérité en personne.
Aussi a-t-on pu voir découler de cette
véracité absolue toutes les vertus
qui s'offrent séparément à
notre admiration chez telles ou telles
personnes.
Citons, par exemple, le courage de
Jésus. C'est assurément une belle
chose qu'un homme courageux, qui sait manifester
son opinion, sans crainte quelconque, et sans se
laisser détourner par les circonstances et
par son entourage ; un homme dont le seul
regard fait voir qu'il ne connaît ni
hésitations ni tremblement, une personne
qu'on ne saurait faire ni chanceler ni
céder.
Eh bien, en Christ nous voyons tout cela
porté au plus haut degré de
perfection. Qu'il fût entouré d'une
foule menaçante, sur le point de le lapider,
que des mères lui apportassent leurs petits
enfants pour qu'Il les bénît ;
que les flots de la mer eussent rempli à
moitié la barque, ou bien qu'assis sur la
montagne, il s'occupât à consoler des
pauvres : partout il restait le même,
sans peur, sans un regard anxieux, ni front
soucieux : quelle sécurité,
quelle tranquillité ne devait-on pas
ressentir auprès d'un tel homme !
Jésus n'était pas non plus
changeant. L'homme le plus bienveillant a des
moments de contrariété, auxquels il
pourra être sec et bref avec son meilleur
ami, auxquels il n'est pas trop agréable
d'avoir affaire avec lui et où il vaut mieux
le laisser seul.
Christ, au contraire, n'eut jamais de
caprices il n'a jamais manifesté de l'humeur
ni de l'impatience. À quelque heure que ce
fût, quand ses disciples regardaient à
lui, toujours son regard, doux et profond à
la fois, se fixait sur eux avec le même amour
et le même sérieux plein
d'amabilité et d'empressement à leur
répondre.
Le plus grand homme, le génie le plus
puissant, riche par l'esprit et l'étendue de
ses connaissances, doué des plus
précieuses qualités, n'en a pas moins
certaines faiblesses, telles mesquineries indignes
de lui, au point que l'on a pu dire un jour ce
mot : « Nul n'est un grand homme
pour son valet de chambre ! »
Remarquez encore comment chacun, même
le meilleur d'entre nous, sait jouer son
rôle. Suivant les circonstances il dira ceci,
ou bien s'exprimera comme cela, afin de rester
à la hauteur de sa position sociale ou de sa
condition spirituelle. Il en résulte que
l'on peut oublier son rôle, pour un instant,
et se montrer alors avec son homme naturel,
ordinaire, ayant conservé bien des
dispositions qui cadrent mal avec le titre, le nom,
l'uniforme ou la robe que l'on porte.
Mais pour Christ, oublier son rôle
était chose impossible, car il n'en jouait
aucun. Il ne voulait pas se poser en grand homme,
en homme pieux, le Fils de Dieu, puisqu'il
était en réalité tout cela. Et
c'est pourquoi il n'y avait chez lui aucune parole,
aucun regard, aucune expression, aucun mouvement de
la tête, rien dans sa démarche ou sa
tenue qui ne fût harmonieux, qui ne fût
absolument d'accord avec tout l'ensemble de sa
personne, rien qui laissât l'impression qu'il
eût mieux valu le voir autre.
Soit que Jésus parlât de sa
venue au monde, pour servir ; soit qu'il
prononçât, avec un calme divin, cette
majestueuse parole : « Vous
m'appelez Seigneur et Maître, et vous faites
bien, car je le suis », jamais ses
auditeurs ne purent éprouver la plus faible
impression d'une humilité affectée ou
d'une vanité se complaisant en
elle-même. Et quel homme pourrait tenir ce
langage comme Jésus ? Aucun. Car ce que le
Sauveur disait de lui, il
l'était bien réellement,
entièrement, d'une façon absolue et
complète, telle que chacun de ses auditeurs
pouvait sentir en son coeur se formuler cette
conviction Oui, c'est bien cela ! Tu dis
vrai ! Tu es
sincère ! »
Mais que seraient toutes les qualités
d'un homme sans la bonté, sans une
bonté sincère ? Être un
homme bon ; y a-t-il quelque chose de plus
élevé ?
Or Christ fut bon, non pas seulement en
principe, ou en théorie ; non pas
seulement dans un sens négatif, en ce qu'il
fut sans péché et ne commit jamais
aucun mal, n'en a jamais dit, ni même
pensé. Non, sa bonté bienveillante
fut positive, chaude, vivante, dépourvue de
toute sentimentalité, autant que de
manifestations exagérées. Elle fut de
bon aloi, profonde et sincère, comme tout ce
qui était en lui.
Quel est l'homme qui ait su, comme lui,
consoler les malades et les misérables, les
pauvres et les pécheurs ? Il ne se
bornait pas à de bonnes paroles, à de
banales consolations. Il ne leur disait point de ne
pas trop se tourmenter, que le mieux viendrait un
jour, qu'il suffit de prendre courage, et tant
d'autres propos qui sont la menue monnaie que nous
prodiguons chaque jour aux malheureux. Non
pas ! mais voici ce qu'il leur
disait :
« Bienheureux les pauvres, car le
royaume des cieux est à eux. Heureux ceux
qui pleurent, car ils seront consolés. -
Vous aurez de l'angoisse au monde, mais ayez bon
courage, j'ai vaincu le monde. »
Chacune de ces paroles n'est-elle pas comme
un roc sur lequel on peut bâtir sa
maison ? Chacune, comme un oreiller, pour y
reposer en toute confiance sa tête
fatiguée et mourir bienheureux ?
À toutes ses paroles Jésus
joignait l'action, et non pas
à moitié, mais tout entière.
À l'aveugle il ne promet pas un
remède qui pourra lui rendre un peu de vue.
Aux malades, il ne se contente pas d'adoucir leurs
souffrances. Mais il dit au premier :
« Vois ! » et au
malade : « Lève-toi et
marche ! » Au lépreux :
« Sois net ! » et tout
cela s'accomplit aussitôt.
Et à tous ceux qui se sentaient
écrasés sous le poids de leurs
fautes, il leur enlevait leur fardeau en disant.
« Prends courage, tes
péchés te sont
pardonnés ! » Voilà
les vraies consolations, de véritables
secours !
Et quelle bonté envers ses
disciples ! avec quels ménagements et
quelle patience il supporte, dans leurs relations
journalières, leurs faiblesses, leurs fautes
et leurs défauts (car ils étaient des
hommes comme nous) ! Ainsi la
présomption et la vivacité d'un
Pierre et même l'avarice et
l'impiété d'un Judas ! Que de
choses il y avait à reprendre en eux !
Et pourtant, malgré tous les reproches
fondés qu'il eût pu leur adresser, le
seul qu'il leur fait est un reproche d'amour.
Il ne leur représente ni leur
ingratitude, ni leur égoïsme, ni leur
orgueil, ni combien ils sont indignes de son amour,
et qu'un Dieu s'occupe d'eux. Ce qui le fait
souffrir le plus, c'est leur
incrédulité, « leur manque
de confiance en son amour » ; c'est
qu'ils ne lui demandent pas plus de choses ;
qu'ils ne prient pas assez ; qu'ils
n'attendent pas assez de Lui, qui se montre
toujours prêt à faire tout pour eux,
à leur accorder tout son secours sans
mesure. C'est là tout ce qu'il leur
reproche, et cela avec amour, tout ce qu'il
blâme et ce qui l'afflige en eux.
Et quelle paternelle bonté dans ses
rapports avec ses disciples. « Petits
enfants », tel est le nom que
Jésus se plaît à leur donner.
« Je ne vous appelle pas serviteurs, mais mes
amis. » Et avant de mourir, il oublie le
sort affreux qui l'attend et dont son âme
frémit si fort, pour les consoler par ces
mots : « Que votre coeur ne se
trouble point, je vais vous préparer le lieu
et je vous prendrai avec moi, afin que là
où je suis, vous y soyez aussi avec
moi. »
(Jean
14 : 1-3.)
Ah ! combien nous comprenons leur
tristesse quand Jésus leur eut dit qu'il
s'en allait pour un peu de temps et qu'ils ne le
verraient plus ! Et puis, lorsque après
cela ils virent leur maître, qui n'avait fait
que du bien, qui avait consolé et
aidé quiconque réclamait son secours,
- lorsqu'ils le virent traîné à
la mort par une foule aveugle et forcenée,
pour succomber sur la croix à une mort
affreuse, au milieu des tortures, - ils avaient
certes de quoi être
désolés.
Aucun fils témoin de la mort du
meilleur et du plus affectueux des pères,
aucune veuve pleurant auprès du lit de mort
de son époux, aucun ami s'affligeant sur la
tombe de son plus ancien ami, n'a jamais fait une
aussi grande perte que les disciples de
Jésus en la personne du Christ, qui
était à la fois leur père et
leur frère, leur consolateur et leur
maître, leur Messie et leur Dieu,
Aussi comprenons-nous qu'ils n'en crurent
pas leurs yeux quand, après sa
résurrection, Jésus se
présenta au milieu d'eux et que, de joie,
ils ne croyaient pas à sa
réalité.
Remarquons aussi la tendresse infinie avec
laquelle il montra à Pierre qu'il lui avait
pardonné son triple reniement, sa
lâcheté et ses blasphèmes en
cette circonstance.
Si Jésus avait agi à la
façon des hommes, et même de bien des
chrétiens, il eût, bien
qu'amicalement, au moins apostrophé son
disciple, en lui disant :
«Ne te l'avais-je pas dit que tu me
renierais ? Mais tu n'as pas voulu me
croire ; tu as eu la présomption de
vouloir marcher à la mort avec moi !
Vois-tu, c'est ce qui arrive quand on s'appuie sur
ses propres forces. Puisse cette expérience
te servir de sérieux avertissement pour
l'avenir ! »
Rien de tout cela, au contraire ! Avec
son amour infini, le Seigneur regarde son disciple,
qui vient de jurer avec imprécation qu'il ne
le connaît pas ! - Et puis, plus tard,
il lui demande par trois fois :
« Simon, m'aimes-tu ? »
lui offrant par là l'occasion de
réparer son triple reniement par une triple
réponse affirmative. Sur quoi Jésus
rétablit son disciple dans son apostolat par
ces mots trois fois
répétés :
« Pais mes agneaux ! »
sans les accompagner d'une seule parole de
reproche, ni même de douce exhortation.
Combien le coeur de Pierre a dû se
fondre en lui, en se voyant l'objet d'un
procédé aussi charitable ; se
fondre de honte et de repentir d'avoir pu renier un
tel maître ! Et, d'autre part, quelle
émotion et quel amour n'a-t-il pas dû
éprouver en présence de tant de
bonté ! Certes, pour n'en être
pas touché soi-même, il faut ne pas
connaître ces sentiments-là.
Ainsi Christ fut l'homme tel qu'il doit
être l'image de Dieu. Et il est venu
au monde précisément pour nous faire
voir ce que nous pourrions être, si nous
n'étions pas des êtres déchus
et séparés de Dieu !
C'est assurément une belle, une
magnifique image, bien propre à nous
consoler de toutes les affligeantes
contre-façons de l'image divine, que nous
rencontrons trop souvent dans ce monde et qui nous
conduisent à nous demander si
fréquemment, à la vue de telle ou
telle créature humaine : Est-ce que
celle-ci serait, elle aussi, à l'image de
Dieu ?
Christ, la Parole de Dieu, le vrai Dieu.
- Or Christ n'est pas uniquement, comme nous venons de le voir, l'image de l'homme parfait, de l'homme tel qu'il doit être. Il était en même temps le « logos », la Parole qui était au commencement avec Dieu. Et c'est essentiellement comme tel qu'il est grand et glorieux.
C'est un triste symptôme de
l'état de notre âme que de constater
de nos jours combien la parole a perdu de son
poids, de son prix, de sa valeur, et cela à
ce point que nous ne l'envisageons le plus souvent
que comme un son fugitif que le vent a
bientôt emporté.
Pour tout homme, au contraire, le langage
devrait être comme une constante exhalation
de l'âme vivante, une permanente
manifestation de ce qui est éternel au sein
du domaine temporel, et par ce fait la
suprême expression de l'action humaine.
Effectivement, de même que Dieu a
créé le monde par sa Parole, par sa
parole à lui l'homme peut fonder ou
renverser des villes, déclarer la guerre ou
faire la paix, enfin déployer une immense
activité, tant pour le bien que pour le
mal.
Et cependant combien n'abuse-t-on pas de
cette force et de ce pouvoir, aujourd'hui
peut-être plus que jamais ! Sans parler
de toutes les conversations, de tous les propos
mensongers ou impies, quel flot de paroles ne
laissons-nous pas sortir de nos lèvres, le plus
souvent des propos
inconsidérés ou insignifiants,
parfois même ineptes ou insipides, ou bien
des mots ou manières de parler qui sortent
de la bouche, mais non pas du coeur. - Dans les
relations sociales, dans les visites de convenance,
de félicitations ou de condoléances,
on répète quelques phrases banales,
auxquelles on répond par des expressions de
convention, tout aussi peu sincères :
à tel point que l'on semble parfois
s'étonner quand telle personne paraît
prendre ces locutions au sérieux.
Quelle triste preuve n'avons-nous pas
là de ce qu'il y a de creux, de terre
à terre, d'ignorance et de vide dans
beaucoup d'âmes ! Et quelle pesante
responsabilité ne nous préparons-nous
pas ainsi, pour le jour du jugement ! Car Dieu
prend nos paroles plus au sérieux que
nous-mêmes. Elles ont plus de valeur à
ses yeux qu'aux nôtres, hélas !
Elles sont toutes inscrites dans son Livre, afin
qu'un jour elles soient examinées à
fond, l'une après l'autre, pour nous en
demander compte, et cela non pas seulement pour ce
que nous aurions prononcé de mauvais, mais
même aussi d'inutile. Le Seigneur n'a-t-il
pas dit : « Je vous le dis, au
jour du jugement les hommes rendront compte de
toute parole vaine qu'ils auront
proférée. Car par tes paroles tu
seras justifié et par tes paroles tu seras
condamné. »
(Matth.
12: 36-37.)
Toute parole prononcée est une
oeuvre, bonne ou mauvaise, et à peine
prononcée elle est gravée avec une
pointe de diamant dans le grand phonographe de
l'univers. Et le jour viendra, soit à notre
confusion, soit à notre joie, où elle
résonnera dans le gramophone à
l'instant où l'ange en touchera le
levier.
La grandeur et la puissance d'un homme se
mesure à la grandeur et au pouvoir de sa
parole. C'est ce que prouvent, dans l'histoire du
monde, les vies des grands
législateurs et des réformateurs,
hommes dont l'influence s'exerce encore de nos
jours sur leurs nations. Nous le démontrons
nous-mêmes par le fait que nous identifions
souvent les paroles avec les hommes qui les ont
prononcées. Nous parlons, en effet, de
Goethe, du Dante, de Virgile ou d'Homère
comme si nous avions vu leurs personnes, tandis que
nous ne connaissons que leurs oeuvres, qui nous ont
transmis leurs paroles.
Voilà pourquoi Christ attribue le
plus de poids à ses paroles, telles que
celles-ci : « Si vous croyez
à ma parole » -
« la parole que je dis le jugera au
dernier jour » ; -
« le ciel et la terre passeront, mais
mes paroles ne passeront point. »
(Matt.
24 : 35) - Ce qui est
plus grand et plus important encore que les
miracles de Jésus, c'est lorsqu'il
dit : « S'ils n'écoutent
pas Moïse et les prophètes, ils ne se
laisseront pas persuader, quand même
quelqu'un des morts ressusciterait. »
(Luc
16 : 31.) Tandis que des
Juifs ont pu dire de Christ et avec raison :
« Jamais homme n'a parlé comme
cet homme ! »
(Jean
7 : 46), Jésus a
promis à ceux qui croiraient en lui qu'ils
feraient des miracles semblables et même plus
grands que les siens. Mais jamais homme ne
prononcera des paroles d'une plus grande
portée. Pierre aussi le reconnaît
quand il dit : non pas, « Nous te
suivons parce que nous avons vu tes
miracles », mais plutôt en
disant : À qui irions-nous,
Seigneur, tu as les paroles de la vie
éternelle ! »
(Jean
6: 68.)
Ce passage est la condamnation de
« ceux qui disent de nos jours, comme de
tout temps : « Oui, je croirais
bien, moi aussi, si j'avais vu ses
miracles ! » Et en effet, ils
possèdent la Parole, qui est plus grande que
ses oeuvres, et malgré cela ils ne veulent
pas croire en Christ, c'est-à-dire lui
obéir.
C'est bien le lieu de dire ici, à
l'adresse de l'époque actuelle, si sceptique, si
énervée et, par ce fait, si
antipathique à l'égard des
miracles : Nous ne jugeons pas
nécessaire de discuter ici les miracles de
Christ plus longtemps et plus en détail. Et
cela pour cette raison que, si Christ est Dieu, il
va de soi que le miracle est alors
l'élément où il se meut et
où il commande en toute liberté.
Rousseau, ce philosophe qui n'était rien
moins que chrétien, ne s'écrie-t-il
pas : « Celui qui se demanderait
encore si Dieu peut faire des miracles, est digne
des petites maisons. »
En un mot : Dieu est le miracle
par
excellence ; et celui qui ne croit pas aux
miracles, ne croit pas en Dieu, lors même
qu'il penserait y croire, ce qui veut dire qu'il
est incapable de saisir l'un et l'autre. - Or,
c'est à leurs effets que l'on peut
reconnaître que les paroles de Christ sont plus puissantes
que toutes les paroles
prononcées par quelque homme que ce soit. Sa
venue au monde pour y prononcer des paroles de vie
éternelle, c'est là ce qui a
soulevé le monde ancien hors de ses
gonds,
Il est vrai que d'autres martyrs sont morts
comme lui sur une croix, ont réveillé
des morts et guéri des malades. Mais lequel
a jamais fait d'aussi grandes choses par sa simple
parole ?
Il y a dix-neuf cents ans que l'empereur
Tibère, à cette
époque-là maître de Rome et du
monde ancien, se trouvait en résidence dans
sa splendide villa de l'île de Capri. Dans le
port flottaient de rapides galères, toujours
prêtes à porter ses ordres vers tous
les points de l'horizon. De nombreuses
légions romaines obéissaient au
moindre de ses gestes. Le Sénat
siégeant à Rome tremblait
lui-même à sa parole impériale.
Et c'est cependant à ce même
Sénat que cet empereur, blasé et las
de la vie, tourmenté de sinistres remords,
adressait
un
jour ces mots tracés avec son crayon
d'or : « Vénérables
pères, que les dieux me punissent encore
plus qu'ils ne le font, si je sais ce que je dois
ou ne dois pas vous
écrire ! »
C'est à cette époque-là
que, dans une lointaine petite province du vaste
empire de Tibère, un inconnu, un de ses
sujets, absolument ignoré de lui, assis sur
l'une des collines qui dominent le lac de
Génézareth, entouré de
quelques pauvres pêcheurs, de mendiants et de
femmes du peuple, portant des enfants malades sur
les bras, sous le poids des soucis du pain
quotidien, - que cet homme leur adressait ces
paroles : « Heureux vous, pauvres,
car le royaume des cieux est à vous. -
Heureux vous qui avez faim ici-bas, car vous serez
rassasiés. - Heureux vous qui pleurez, car
vous serez consolés. - Ne vous mettez point
en souci de ce que vous mangerez, ou de ce que vous
boirez, de quoi vous serez vêtus, car votre
Père céleste sait que vous avez
besoin de toutes ces choses. » Et
Jésus appuyait ses paroles consolantes en
dirigeant les regards de ses auditeurs vers les lis
fleuris qui se montraient à leurs pieds, ou
vers les oiseaux des cieux qui volaient au-dessus
de leurs têtes.
Où est à présent
l'empereur Tibère avec toutes ses
légions, ses palais et leur
magnificence ? Et le Sénat de l'empire
de Rome, où est-il ? Demandez-le
à ces milliers de gens qui, tout autour de
vous, peinent pour gagner leur pain à la
sueur de leur visage. Ils n'en savent rien, et
n'ont pas même entendu prononcer leurs
noms.
Mais les paroles de ce pauvre du pays
d'Israël, elles retentissent encore à
travers le monde, où des centaines de
missionnaires les proclament à tous les
peuples de la terre. Elles sont
prêchées dans des milliers d'églises, lues
dans des millions de Bibles, en toutes langues,
consolant toujours les pauvres, fortifiant les
faibles et apprenant aux hommes à supporter
la vie avec patience et à mourir
bienheureux.
La
prière
dominicale.
- Lorsque les disciples de Jésus lui
demandent de leur apprendre à prier, ce sont
encore sept paroles qu'il prononça, paroles
tellement simples qu'un enfant peut les
répéter, et en même temps si
profondes que personne au monde ne serait capable
d'en épuiser le sens. - Ce n'est pas
uniquement une magnifique prière que nous
avons dans l'oraison dominicale, renfermant
l'expression de tous les besoins de l'homme, et
dans laquelle chacun peut introduire tous les
sujets de requêtes qu'il a sur le
coeur : c'est une prière que tout
chrétien peut, après Christ,
répéter chaque jour, sans s'en
rassasier et sans se lasser, une prière qui
lui apporte journellement de nouvelles forces,
conformes à ses besoins. En un mot, il y a
là tout un domaine d'ordre spirituel qui se
découvre aux regards de l'enfant de Dieu et
que nul homme ne saura jamais épuiser.
Nous croyons voir, dans ces sept paroles,
quelque chose comme le vol d'un aigle qui nous
porterait sur l'aile de la pensée au travers
du monde entier : les cieux, la terre et les
enfers. On y trouve tout d'abord l'Esprit saint,
qui au-dedans de l'homme s'adresse à Dieu en
ces mots : « Notre Père qui
es aux cieux ! »
S'élançant ainsi bien loin et bien
haut pardessus cette pauvre terre, vers le
Créateur, notre céleste Père,
cette prière nous fait voir en lui le
père commun à tous les
chrétiens, à tous les hommes, voire
même à toutes les créatures de
l'univers. Jésus le
contemple comme le seul être
véritable : « qui
es » dans sa lumière inaccessible,
de toute éternité ; dans son
suprême et troisième ciel, comme Dieu
et Père éternel, porté par les
séraphins, entouré de
chérubins, pleins d'yeux au dedans et au
dehors, disant continuellement :
« Saint, saint, saint est
l'Éternel des armées ! Que
son nom soit
sanctifié ! »
Ils contemplent dans le Dieu éternel
l'Être véritable (tu es), et dans les
créations incessantes de l'Univers : le Devenir. Ils ne
sont pas troublés de
notre humaine misère. La révolte de
Satan ne les émeut pas non plus, pas plus
que ses légions. Le passé et
l'avenir, ils les voient réunis dans la
divinité, et ils se sentent bien
élevés au-dessus de tout ce qui se
passe et finit ici-bas. Ils contemplent
éternellement un seul Dieu, saint en
lui-même, saint dans sa création,
saint dans tous les cieux, dans tous les enfers,
saint dans toutes les formes infinies de son
existence éternelle, et haut
élevé dans une majestueuse et
incessante paix, bien au-dessus de tout ce qui
arrive, soit en bien, soit en mal. - Et c'est
à peine si nous, pauvres humains, nous
pouvons sonder le sens profond de ces mots :
« Ton nom soit
sanctifié. »
Par la deuxième demande, l'esprit
s'envole dans le deuxième ciel, où se
trouvent assemblés, autour de Dieu et du
Fils sauveur de l'univers, les patriarches,
prophètes et apôtres qui
supplient : « Que ton
règne vienne ! » Ici nous
contemplons les éternels décrets de
l'oeuvre rédemptrice. Daigne, Seigneur, les
achever bientôt et délivrer tes
élus ! Sauve, ô Dieu, toutes tes
créatures qui, comme nous, soupirent et sont
en travail en attendant la révélation
des enfants de Dieu ! Sauve-les et viens
prendre possession de ton royaume et le donner en
partage à tous ceux que tu
as jugés et rendus dignes de travailler
à ton oeuvre de rédemption, afin
qu'ils soient assis avec nous à ta
table ! « Que ton règne
vienne ! »
Ensuite, l'Esprit quitte les trois
sphères supérieures, où l'on
n'entend retentir que le divin
« ton », pour venir planer
au-dessus des bas lieux de notre terre qui nous a
été donnée. Dominant du regard
la vie terrestre tout entière, il
résume toute l'activité de l'ensemble
des créatures dans cette unique
requête : Donne-nous aujourd'hui notre
pain quotidien. »
Il ne s'agit ici pas uniquement du pain du
corps, de l'aliment, en même temps que du
vêtement et du logement, mais encore du pain
de l'âme, du pain vivant de la pensée
et de toutes les forces dont l'homme a
journellement besoin, pour ses recherches et ses
découvertes, pour créer et pour agir,
pour les arts et les sciences, pour penser et pour
connaître ! Donne-nous aujourd'hui le
pain quotidien de notre âme, et puis aussi
celui de l'esprit, Seigneur ! C'est de Dieu
qu'est sorti
l'esprit qui
est en nous, et chaque créature ne peut
être nourrie que de son propre
élément: donne-lui donc cet aliment
divin de la foi, de l'espérance et de la
charité.
Et donne-le nous aujourd'hui,
car ce
jour tu l'as donné à l'homme pour
marcher et pour agir : hier et demain sont à toi,
Seigneur ! tu
te les es réservés. Donne aujourd'hui
respiration de vie à l'animal ;
à la plante sa sève et sa
poussée vivace, son mouvement, son
être ; aux cristaux et aux atomes leurs
forces ; à l'eau son libre
écoulement ; à l'air son souffle
et au feu son pouvoir consumant. Car c'est en Toi
que tout ce qui existe a la vie : Donne,
ô Dieu, à ta création tout
entière aujourd'hui son pain
quotidien.
Et après cela l'esprit descend, par
le vol de la pensée, jusqu'à cet
enfer qui, remontant du fond de ses abîmes,
vient pénétrer ce bas monde, en se
mêlant dans le coeur de l'homme au paradis
descendu des hauteurs célestes. C'est ici le
domaine du péché commis, de la faute
encore reconnue. C'est ici que se
révèle la grande opposition, le grand
déchirement ; c'est ici que se
rencontrent et qu'entrent en lutte la colère
et l'amour de Dieu. C'est le lieu où
s'accomplit non pas la volonté de Dieu, mais
celle de l'homme, car les enfers sont la
négation des cieux. Seigneur !
quitte-nous nos dettes, comme nous les quittons
à nos débiteurs !
Puis descendant dans un abîme de notre
coeur encore plus profond, de notre coeur charnel,
nous y rencontrons la tentation. Ce sont ces
régions-là que hantent les esprits
hostiles à la venue du règne de Dieu.
Ils sollicitent de jour et de nuit l'âme
humaine, en lui murmurant ces mots :
« Renonce à ton Dieu et entre dans
nos rangs pour dire avec nous : que ton règne
ne vienne
pas !
Nous fonderons ensemble et pour
l'éternité un règne à
nous ! »
Dans ce sombre domaine de la colère,
on peut voir son Maître rôdant comme un
lion rugissant, cherchant qui il pourrait
dévorer. C'est pourquoi nous disons au
Seigneur : « Ne nous induis pas
en tentation ! »
L'Esprit, plongeant son regard encore plus
bas, au plus profond des enfers, y aperçoit
alors le dieu du mal, assis sur un trône haut
élevé, entouré lui aussi de
ses anges, de séraphins et de
chérubins déchus, hurlant vers le
Dieu du bien des malédictions
éternelles. Et l'on entend celui qui est
assis sur le trône jurer par son tourment que
le mal sera à jamais son Dieu. À la
vue de cette éternelle nuit, l'esprit
frémit et pousse, le coeur oppressé,
ce soupir : « Délivre-nous
du malin ! »
Aussitôt l'esprit,
s'élançant à nouveau vers la
lumière, à travers les enfers, et la
terre, et les cieux, pousse ce cri consolateur, car c'est à Toi,
malgré tout,
toujours et partout, même dans les enfers, qu'appartiennent le
règne, et le
pouvoir de délivrer de la puissance du
malin, et la puissance, pour donner le pain
de vie à toute la création, et la gloire dans tous les
cieux ! Et par
l'esprit l'âme s'assure qu'il en est bien
ainsi, que cela a toujours été, et
que cela sera d'éternité en
éternité, et il finit par ce cri
de triomphe : Oui ! Amen ! En
vérité, en
vérité !
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