Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

VI

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 De la réalité et de la valeur infinie des souffrances de Christ résultant de sa réelle humanité et parfaite sainteté.

- Il y a eu des personnes, mais non pas parmi les croyants, qui ont émis l'idée que, si Christ était Dieu, cela dut être pour lui plus aisé, que pour un homme ordinaire, d'avoir à supporter les plus horribles souffrances. Même des croyants ont pensé que Jésus, vu sa nature divine, était plus endurant à la douleur qu'un faible mortel.

Il faut bien que pareille idée soit erronée pour que nous n'en trouvions aucune trace dans la Bible. Bien au contraire, en vertu d'une loi naturelle, il se trouve que le sentiment de la joie ou de la douleur va croissant dans la mesure où l'on s'élève sur l'échelle des êtres. Il est des organismes inférieurs qui paraissent souvent tellement insensibles à la douleur que l'on serait tenté de croire qu'ils ne sentent rien. Les créatures d'un degré supérieur manifestent déjà plus de sensibilité. Mais la créature humaine, qui est l'être le plus parfaitement organisé, éprouve plus profondément et en d'autant plus forte mesure, la joie et l'affliction, comme aussi le bien-être ou la souffrance corporels.

L'on peut même affirmer que la différence de sensation d'un homme à un autre est en rapport avec son organisation et son tempérament plus ou moins délicats. Chacun sent et admet la justesse de cette appréciation, dans tel cas donné où l'on dira : « Combien cette nature si tendre, si finement organisée, ne doit-elle pas souffrir dans telle situation et dans de telles circonstances ! »

Nous pensons donc être davantage dans le vrai en émettant cette pensée que, lorsque Christ revêtit la forme humaine et que son âme divine entra dans un corps qui ne descendit pas tout formé du haut du ciel, mais qui dut se former de chair et de sang dans le sein de sa mère, Jésus ne fut pas doué d'autres muscles ni d'autres nerfs que ceux de tout être humain, et non pas d'organes divins.

C'est par cette même raison que le Sauveur a dû manger et digérer pour sustenter sa vie et ses forces corporelles, pour se mouvoir et pour marcher, pour se transporter d'un lieu dans un autre, pour dormir ou pour procurer du repos à ses membres fatigués. De même ses nerfs ont dû être sensibles au bien-être, comme à la douleur ; son cerveau également a pu ressentir de la joie, ou bien de l'affliction à la vue de telles ou telles choses.
Et puisque son corps n'avait subi aucune altération du fait du péché ; que ses sens n'étaient point émoussés ; que ses nerfs étaient en pleine vigueur et que son âme divine se trouvait en parfait état, et de ce fait entièrement accessible aux impressions les plus délicates et tendres, il doit logiquement résulter de toutes ces circonstances que Jésus a dû éprouver, durant sa vie terrestre, et surtout sur la croix, plus de douleurs que tout autre être humain.

Figurons-nous que nous ayons été jetés dans un profond et noir cachot, en compagnie de vils malfaiteurs, qui remplissent leur prison de jurements et d'injures, tandis que ces êtres abjects passent leur temps dans la saleté et dans le vice ; remplis de haine les uns à l'égard des autres, ils se livrent sans cesse à des luttes et des altercations.
Et c'est en pareille compagnie de prisonniers que se trouverait, enchaîné lui-même et lié à ces gens, obligé de se contenter de leur grossière nourriture, - un homme bien élevé et d'une culture soignée, doué de sentiments tendres et délicats, issu d'une famille chrétienne et distinguée, un homme abondamment doué d'un sens profond pour tout ce qui est beau et bien !

Qu'on se figure un tel homme condamné à passer de longues années en pareil milieu ! La seule idée d'une pareille situation, qui malheureusement s'est déjà réalisée parfois sur notre terre, a de quoi nous remplir d'un profond dégoût.

Mais quelque pénible que cela puisse être pour notre orgueil, et quelque grande que soit la répugnance de l'homme pour un contact quelconque avec des gens tels que ceux que nous avons dépeints, il n'en demeure pas moins vrai que Christ doit avoir éprouvé, durant son séjour sur la terre, et en son âme, des souffrances morales bien plus douloureuses que le meilleur des humains n'en eût pu ressentir, lui, l'homme unique sans péché, obligé de vivre au milieu des pécheurs.


Les souffrances de Christ ont pesé sur son âme au delà de tout ce qu'un homme peut supporter.

- Quiconque a plongé le regard de sa conscience dans les profondeurs de son propre coeur, au sujet duquel l'Écriture déclare qu'il est « désespérément malin » - car il est écrit : « Toutes nos justices sont devant toi comme un linge souillé », et combien plus nos péchés quiconque réfléchit à la multitude de mauvaises pensées, paroles et actions, que dans ce monde enfante une seule journée, une seule heure, a de quoi en frémir,
Et celui qui par l'esprit pourrait prêter l'oreille aux pleurs, aux plaintes et aux gémissements qui montent sans cesse de la terre, jour et nuit, d'un pôle à l'autre, - celui-là penserait sans aucun doute que notre comparaison est encore bien adoucie en regard de la réalité.

Il faudrait plutôt avouer que les termes nous font défaut pour rendre les impressions que dut ressentir l'Être divin qui s'imposa la tâche de séjourner dans cette caverne de brigands, et le devoir d'habiter pendant des années une vallée de larmes telle que l'est notre terre.
Et, après avoir considéré tout cela, il faudra bien reconnaître qu'un être divin était seul capable de supporter sans faiblir d'aussi effroyables impressions, d'aussi indicibles souffrances.

En un mot, il n'y a que le point de vue rationaliste qui puisse arriver à cette idée erronée que pour Dieu c'est une chose bien aisée d'éprouver de la joie ou de la douleur, qu'il serait à peine accessible à ces sentiments et ne saurait en être vivement affecté. C'est qu'en effet, selon la doctrine rationaliste, Dieu ne serait qu'une idée abstraite, et par ce fait incapable de sensations personnelles.


Réfutation de l'idée rationaliste quant aux souffrances de Christ.

- À entendre les adeptes de cette doctrine ; il serait indigne de Dieu et en contradiction absolue avec la Bible, d'attribuer à la divinité des sentiments humains, tels que la colère ou l'amour, la vengeance ou la jalousie. Ce serait le rabaisser au niveau de l'homme. - Dieu, selon eux, est un être à la fois absolu, infini, abstrait, idéal et parfait ; tandis que toute activité, toute sensation est quelque chose de particulier, relatif, imparfait et par suite indigne de Dieu.

Et c'est ainsi que ces gens offrent à l'humanité, comme notion suprême de la divinité, une sorte de Bouddha, plongé dans son Nirvâna, contemplant avec indifférence et impassibilité le jeu de ces lois de la nature, qu'il a jadis établies (sans doute à une époque où ce dieu-là était encore plein de jeunesse), lois dont il craindrait aujourd'hui de déranger le mécanisme par un prétendu « miracle ».

Mais pareil dieu, s'il est aussi incapable de colère que d'amour, si notre péché l'émeut aussi peu que notre prière, alors nous ne devrions pas plus le craindre que l'aimer ; nous n'aurions rien à espérer de lui, et il pourrait nous suffire d'organiser notre vie assez correctement, selon les lois de la pesanteur et du mouvement, de la lumière et de l'électricité ! Car même la morale n'a plus de raison d'être auprès d'un Dieu auquel nos actions ne causeraient pas plus de joie que de déplaisir.

L'on peut facilement comprendre que ce soit précisément un pareil dieu qui convienne à l'homme moderne, à celui du moins qui croit encore en avoir besoin. Un tel dieu est assurément moins exigeant pour l'homme pécheur, que sa conscience trouble encore, que le Dieu de la Bible, juste et saint ; trop incommode parce qu'il est personnel et vivant, qu'il est un feu consumant, qui ne tient point le coupable pour innocent, qui recherche l'iniquité des pères en leurs enfants, jusqu'à la quatrième génération. Ce Dieu nous demandera compte, un jour, de toute parole inutile que nous aurons prononcée. Un tel Dieu est terriblement incommode pour le pêcheur.

Et c'est précisément parce que les hommes sentent qu'ils ont mérité la colère d'un Dieu juste et saint, qu'ils cherchent à se persuader, ou plutôt qu'ils se laissent volontiers convaincre par le diable, que Dieu ne saurait ressentir aucune colère. Ils agissent par ce fait comme l'autruche qui cache sa tête dans le sable du désert, pour échapper au regard du chasseur.

À la vérité, ils n'y gagnent pas grand'chose, car leurs illusions ne parviendront jamais à bannir de ce monde la colère divine qui pèse manifestement sur eux. - Qu'ils croient à un Dieu de colère ou à un Dieu indifférent, peu importe. Les ouragans, les tremblements de terre, les éruptions volcaniques n'en font pas moins périr, année après année, des milliers d'êtres humains, comme on l'a vu, au siècle passé, sur l'île de Java ou sur celle d'Ischia, ou bien encore à la Martinique, à Messine, et en tant d'autres lieux enfin, devenus illustres par leurs terribles catastrophes.

Chacun de nous n'en a pas moins la perspective certaine d'être un jour appelé à quitter les siens et tout ce qu'il aime, à l'heure de l'agonie et des affres de la mort. Mais nous ne voyons pas quelle grande consolation il y aurait pour nous à ce que toutes nos douleurs ne fussent point l'effet de la volonté d'un Dieu irrité à cause de nos péchés, mais qu'elles résultassent de l'action inconsciente d'une nature douée de sagesse prévoyante, ou bien enfin de lois engendrées par la matière !

Oui, assurément ! du moment qu'il nous faut souffrir, il est préférable que nous sachions pourquoi et dans quel but, et qui est Celui qui nous dispense la souffrance, plutôt que de vivre dans la crainte incessante de nous voir soudain anéantis, sans rime ni raison, par une nature sage mais aveugle. En un mot, un Dieu vivant est à nos yeux plus grand et plus désirable qu'une idole impuissante.
Sans doute, dira-t-on, mais comment Dieu pourrait-il éprouver des passions humaines ? Aurait-il des mouvements de colère, des besoins de vengeance comme nous ?
Pour répondre à cette objection nous aurons recours à un exemple tiré d'un phénomène physique qui rendra bien notre pensée.


Argument tiré du phénomène des couleurs.

- Dans le domaine des couleurs, dont nous sommes environnés, nous distinguons sept couleurs fondamentales et nous disons de l'arbre qu'il est vert, du ciel qu'il est bleu, du sang qu'il est rouge. D'où viennent ces couleurs ? Des rayons du soleil, qui éclairent ces corps. S'il n'était pas, tout serait gris, ou même noir. La lumière solaire ne rend pas seulement visibles les couleurs : elle les produit même. Dans l'obscurité, le sang n'est pas plus rouge que l'arbre n'est vert. L'un et l'autre sont absolument incolores.

Mais la lumière solaire ne produit qu'un blanc éclatant ; ni rouge, ni bleu, ni vert, ni jaune. Ces couleurs n'y seraient-elles donc pas renfermées ? Assurément, mais s'y trouvant dans un état d'équilibre parfait, et toutes les couleurs réunies, nous les percevons sous l'aspect d'une blancheur éclatante, éblouissante, comme leur résultat suprême, dans la resplendissante beauté de la plus parfaite harmonie. Le rouge se trouve-t-il donc dans les rayons du soleil ? Oui certes, mais sans qu'il y apparaisse comme couleur rouge.

Eh bien, c'est de la même manière qu'en Dieu les sept esprits agissent dans une éternelle harmonie, et que se fondent dans l'unité de la vie divine toutes ses divines qualités, sans cependant y produire l'impassibilité, comme le croit le rationaliste, pas plus que la réunion des sept couleurs ne produit le noir.

Elle engendre, au contraire, la lumière divine, la joie divine, la vie divine. Dans cet ensemble nous saisissons, nous, faibles créatures humaines, nous percevons telle ou telle couleur, le rayon rouge de la colère, par exemple, ou le bleu de l'amour, et ces rayons reflètent en nous tantôt la colère, tantôt l'amour, qui, suivant nos impressions, s'y exercent d'une façon particulière et prédominante. Il est certain qu'en tant que colère humaine ce rayon-là n'existe pas en Dieu ; mais il est cependant bien au nombre des sept esprits de Dieu.

D'ailleurs, si ce sentiment-là n'existait pas virtuellement en Dieu, d'où nous viendrait cet esprit de colère ? S'il n'y avait pas en Dieu l'esprit d'amour, d'où nous viendrait notre amour à nous ? Jamais nous n'aurions pu créer ces qualités spirituelles. - Ainsi, au lieu de dire : Dieu ne saurait avoir des qualités humaines, il nous faut plutôt reconnaître que l'homme ne peut en lui-même posséder aucune qualité qui n'existerait pas avant tout en Dieu.

Les impressions que tu ressens au plus profond de ton âme ne sont que de faibles et imparfaites résonances des puissants esprits de l'âme divine. Car tu as été créé, ô homme, à l'image de Dieu, et ton âme est un souffle de son âme. Sa colère, dont la Bible est pleine, et surtout l'Apocalypse, cette colère que ton âme pourra ressentir un jour, et inévitablement ou ici-bas ou là-haut, à présent ou dans l'éternité, au grand tremblement de tout ton être, cette colère de Dieu est à la tienne, homme pécheur, ce qu'est l'immense, l'insondable et limpide Océan auprès d'une flaque d'eau boueuse dans l'ornière d'un chemin.

Nous en dirons autant de l'amour ! Non seulement Dieu en éprouve, mais Il en est la source. S'il n'en existait point en Dieu, tu ne saurais ce que c'est que l'amour, et ton amour le plus ardent n'est auprès du sien que comme une étincelle à côté de l'océan de feu qu'est notre soleil.

Tel est le Dieu qu'enseigne la Bible, un Dieu d'où découlent éternellement les sources de la vie, de la nôtre et de toutes les autres vies, et de toutes les sensations qui nous font vivre et exister. C'est ce Dieu qui ne se borne pas à aimer, mais qui est l'amour même ; un Dieu qui non seulement peut éprouver de la colère, mais qui est aussi la colère même et un feu consumant ; un Dieu qui ne se borne pas à sentir, mais qui est le sentiment lui-même !

En un mot, c'est le Dieu créateur, dont tu n'es, ô homme ! que l'image infiniment petite, par le corps, l'âme et l'esprit, comme aussi par tout ce que tu as et ce que tu sens.



VlI


Réponse à l'objection que punir un innocent pour un coupable est injuste.

- Soit ! dira plus d'un lecteur : nous admettrons que Christ ait été Dieu et qu'il ait enduré des souffrances indicibles. Mais comment ses souffrances ont-elles pu ainsi expier mes fautes ? Et comment est-il possible qu'un coupable devienne innocent par le fait que Dieu aurait infligé tous ces tourments à son Fils innocent ? Et bon nombre de lecteurs ajouteront aussi : Comment accorder cela avec la justice de Dieu ? N'est-ce pas souverainement injuste ?

Nous consentirons, pour répondre, à nous placer sur le terrain de la justice. Oui bien, mais, au fond, qu'est-ce que la justice ? À notre question vous répondrez, à votre tour, sans doute ceci : Mais c'est la punition des méchants et la récompense des bons, et cela de telle façon que la récompense et la punition soient exactement proportionnées aux actes commis, n'est-ce pas ? Par exemple ainsi : que celui qui tue soit mis à mort.

Ah non ! s'écrient de nos jours des milliers de gens, la peine de mort est un reste de la barbarie d'autrefois : c'est une doctrine surannée. La punition ne doit pas supprimer l'individu, mais plutôt tendre à le corriger, etc., etc.

Erreur ! répliqueront des milliers d'autres voix que celui qui a tué soit mis à mort ! Oeil pour oeil et dent pour dent, voilà mon idée à moi, quant à la justice !
Nous nous heurtons donc, ici déjà, à des vues contradictoires. Mais poursuivons ! Oeil pour oeil et dent pour dent, cela semble clair et net, et semble établir une même loi et une même justice pour tous.

Mais prenons l'exemple d'un vol, commis dans les mêmes circonstances par un pauvre ouvrier et un riche millionnaire, qui auraient dérobé chacun cent francs. - Les condamnera-t-on chacun à quatre semaines de prison ?
Non ! dira l'un : ce serait injuste : si l'ouvrier a volé, c'est qu'il était poussé par le besoin. Il n'a reçu qu'une éducation fort insuffisante. Il n'était donc pas très conscient de la portée de son acte. Et puis l'on ferait pâtir de son vol sa femme et ses enfants, qui en sont innocents.
Le millionnaire, au contraire, n'avait pas besoin de cette somme. Il savait ce qu'il faisait et n'a point de soucis de famille. Il peut bien subir la prison. Donc, qu'il soit condamné à trois mois, et l'ouvrier à huit jours de réclusion.

Au contraire, dira un autre, c'est l'inverse qu'il faut faire. Le millionnaire, en effet, serait beaucoup plus puni que le journalier. Songez donc que pour le prolétaire la détention est assez indifférente. Il se reposera en prison. Il y trouvera une meilleure nourriture que chez lui. Cette punition équivaut, tout au plus, à une maladie d'une durée équivalente, sauf qu'il sera entretenu aux frais de l'État.

Pour l'homme riche, c'est tout autre chose. Il souffrira beaucoup plus d'aller en prison, et puis, songez aux conséquences que cela aura pour sa position sociale, et à la honte qui en rejaillira sur sa famille ! Il n'osera plus se montrer ! etc., etc.

Supposons encore qu'au lieu de ces deux hommes-là, deux autres personnes d'une position exactement égale, ayant reçu la même éducation, du même âge et jouissant d'une fortune semblable, aient commis la même faute et soient condamnés à la même peine. Qui est-ce qui voudra prétendre que la punition serait pour chacun d'eux exactement la même ?
Non, il y en aura toujours un qui en souffrira plus ou moins que l'autre, selon qu'il sera plus sensible ou plus débile, doué différemment et dans telles ou telles dispositions d'esprit.

Lorsque nous réfléchissons à tout cela, nous sommes obligés de convenir que peut-être jamais bouche humaine n'a prononcé de jugement parfaitement juste et équitable. Et qu'en conclurons-nous ? Cette affirmation-ci : savoir que, nous autres humains, qui sommes incapables d'être justes, d'exercer une justice véritable, nous ne devrions pas avoir la prétention de prescrire à Dieu de quelle manière il doit s'y prendre pour exercer la justice. Ne sommes-nous pas impuissants à mesurer, dans toute son étendue et sa profondeur, notre culpabilité envers lui ? La vraie nature, l'essence même du péché échappe même à notre jugement borné dans tout ce qui touche au domaine spirituel.

Il faudrait pour cela que nous pussions connaître Dieu à fond, car notre coulpe envers le Créateur est aussi proportionnée à la connaissance que nous pouvons avoir de lui. En effet, partout et toujours le fils qui assassine un père plein de bonté envers lui, sera plus coupable que le meurtrier d'un homme qui lui est tout à fait étranger.

Nous ignorons donc l'étendue et l'essence de notre culpabilité, envers Dieu. La seule chose que nous sachions, c'est que « nous sommes des coupables ».


Grandeur de l'amour du Seigneur Jésus-Christ envers le monde pécheur.

- Or voilà que Christ veut bien, de son propre mouvement, se charger lui-même de cette dette, dont il connaît exactement l'immense étendue, la nature intime et les incalculables conséquences. Il veut la payer à notre place, en vertu des principes éternels de la justice divine, et nous voudrions déclarer que telle chose est injuste ? Comment donc ? L'histoire du monde nous parle de milliers de cas, - il s'en présente encore tous les jours, grâce à Dieu, - où l'on voit une mère se sacrifier pour son enfant, un mari pour sa femme, un homme pour son ami : trouvons-nous que pareille chose est injuste ? Voici un homme qui se porte volontairement caution pour un autre. Celui-ci s'attire par sa propre faute des embarras financiers, de sorte que la caution doit payer pour lui : appelons-nous cela une injustice ?

Autre exemple. Dans une bataille, le colonel d'un régiment se rend compte que celle-ci va être perdue par la faute du général. Alors il se jette dans la mêlée avec son régiment pour réparer une faute qui n'est pas la sienne et y trouver la mort, tout en sauvant l'armée. Appellera-t-on cela de l'injustice ?

Encore le cas que voici : M. X... vient vous trouver et il vous expose que l'ouvrier Y..., qui vous doit mille francs, ne pourra jamais vous payer. « Mais je veux, dit-il, vous verser cette somme, sauf à m'entendre avec lui quant à la manière dont il s'acquittera envers moi. Veuillez donc lui acquitter sa dette. » Auriez-vous la pensée de reprocher avec indignation à ce monsieur de vouloir commettre pareille injustice ?

Eh bien, Christ vient à vous pour vous dire : « Vous avez une dette envers mon Père céleste, dette si énorme que vous demeurerez éternellement insolvable. Je veux la régler moi-même avec Lui. En retour vous m'appartiendrez et vous serez à moi pour l'éternité. »

Nous sommes certainement libres d'accepter l'offre qui nous est faite, ou bien de répondre avec fierté, comme le font, hélas ! chaque jour des milliers de nos semblables : « Je n'ai pas besoin de ton secours, et je ne crois pas non plus devoir quoi que ce soit à ton Père. Quoi qu'il arrive, je puis et je veux me mettre en règle au moyen de mes propres ressources. »

En présence de cette attitude, il n'y a que deux alternatives ; mais, dans l'une comme dans l'autre, il serait absurde de parler d'injustice de Dieu, ne fût-ce que pour ce seul motif que les notions de péché, de culpabilité, de justice, de responsabilité, de punition, de personnalité, de substitution, que toutes ces notions-là dépassent de beaucoup les bornes de la raison humaine, à cause de leur caractère absolument divin et du mystère impénétrable qui les enveloppe.

Nous mentionnerons encore une objection faite assez fréquemment de nos jours à l'endroit de la mort rédemptrice de Christ : « La science, nous dit-on, enseigne que l'univers sidéral renferme environ 120 millions d'étoiles fixes. Celles-ci sont, c'est prouvé, des étoiles semblables à notre soleil, dont plusieurs le dépassent en grandeur et en éclat. De plus, chose certaine pour quelques-uns et probable pour les autres, ces soleils ont des planètes qui tournent autour d'eux comme notre terre autour du soleil. L'analyse spectrale et d'autres observations nous démontrent que ces astres sont soumis aux mêmes lois physiques et chimiques qui règnent sur la terre ; qu'il s'y accomplit les mêmes combinaisons de la matière qu'ici-bas, et qu'il existe des mondes habitables. Il est, par conséquent, permis d'admettre comme extrêmement probable qu'un certain nombre de ces mondes sont habités actuellement, ou bien l'ont été, ou encore le seront un jour. Cela dépend de leur état de développement actuel. Or, en présence d'une telle conception de l'univers, celle de l'époque où l'on considérait encore la terre comme le centre de la création n'est plus admissible, de sorte que la doctrine de la Rédemption qui s'y rattachait se trouverait par ce fait en contradiction avec la nouvelle conception scientifique de l'univers. Car que deviendront ces millions d'êtres s'ils ne sont pas sauvés ? Ou bien faut-il que, pour les sauver, Christ aille mourir des millions de fois pour eux ? »


Inutilité de savoir ce qui se passe sur d'autres globes que notre terre.

- Avant de répondre à de telles questions, nous ferons remarquer qu'elles n'ont, au fond, aucune utilité pratique pour nous. Il n'est que trop certain, malheureusement, que nous sommes des misérables, en conflit avec Dieu et avec le monde, en lutte avec nous-mêmes. Et il est tout aussi sûr que nous avons tous besoin d'être sauvés. De sorte que la seule question réellement importante pour nous est de savoir qui nous sauvera. Il peut donc nous être fort indifférent de savoir ce qui se passe à cet égard sur Jupiter ou sur Sirius, pour le moment du moins.

Quand ma maison viendrait à brûler et que je me trouverais, moi et les miens, dans un péril imminent, je serais un insensé de refuser les services des pompiers tant qu'on ne m'aura pas dit si au même instant il brûle aussi à Pékin ou à New-York, et si ces villes possèdent aussi un corps de pompiers !

Je veux cependant reconnaître que toute question relevant du domaine spirituel a droit à une réponse. Et ma réponse à celle-ci se réduit tout d'abord à ceci :
Nous n'en savons rien !

En second lieu, je dirai que tous ces mondes sont aussi bien que le nôtre en état de chute. Car le fait, qui est démontré, que ces globes se trouvent dans les mêmes conditions matérielles que le nôtre, nous fournit la preuve qu'ils n'appartiennent ni au paradis ni au ciel. Et quant à l'idée qu'on a souvent émise, que les étoiles sont habitées par les bienheureux, elle n'est pas plus fondée que celle qui les ferait habiter quelque continent non encore découvert au pôle Sud, ou bien quelque île encore inconnue de l'Océan.

N'est-il pas écrit que « la chair et le sang ne peuvent hériter le royaume de Dieu » ? Un autre fait vient encore militer en faveur de l'idée que ces mondes sont aussi déchus : c'est que l'on aperçoit, tantôt ici, tantôt là, des astres en état de conflagration, puis s'éteignant graduellement pour disparaître au bout de deux ou trois ans sans laisser de traces. Ce phénomène a même conduit des savants qui rejettent la Bible à l'hypothèse de mondes en conflagration entraînant la destruction de millions de créatures.

Or, le fait que Christ, lorsqu'il résolut de sauver cet univers, est apparu sur notre terre et non pas sur telle étoile du firmament, comme Sirius ou Véga, par exemple, - ce fait peut s'expliquer par son abaissement volontaire, tout aussi bien que par sa naissance dans la plus petite ville de la Judée, Bethléhem, plutôt qu'à Memphis ou Athènes, ou bien à Rome, la capitale du monde ancien à cette époque, ou même à Jérusalem, la ville sainte. Peut-être encore a-t-il choisi la terre, comme le point de l'univers où la révolte du monde contre Dieu est la plus manifeste ? Or, si Christ a pu vaincre Satan en cet unique lieu de cette création déchue, en révolte contre son Créateur, le message de cette victoire suffit pour le salut de tous les autres mondes habités, s'il y en a, de sorte que la répétition de l'acte rédempteur de la mort de Christ ne se trouve nullement nécessaire. - C'est exactement la même chose qu'une victoire décisive qu'un général remporterait sur cette terre, comme cela s'est vu souvent, près d'une localité insignifiante par elle-même, et qui devient illustre parce que c'est dans son voisinage que s'est livrée la bataille qui a fait tomber au pouvoir du vainqueur le pays tout entier avec sa capitale.

Et quand on s'étonne souvent que dix-neuf siècles aient pu s'écouler depuis la mort du Sauveur, depuis qu'il s'est écrié : Tout est accompli ! sans que le salut promis au monde se soit encore manifesté, - ce fait n'est pour nous qu'une preuve de plus de l'étendue infinie de son oeuvre rédemptrice.

Nous ne pensons pas, d'ailleurs, que, depuis le jour de sa mort, Christ se soit borné à attendre, dans une paisible inaction, le moment où il viendra établir le règne de Dieu. Bien au contraire : il est aussi impatient, s'il est permis d'employer cette expression, de nous sauver, que nous le sommes d'obtenir ce salut qu'il a promis aux siens. Disons plus encore : Jésus languit davantage après nous que nous ne languissons après lui.

Mais notre pensée nous conduit à supposer que, de même qu'il est allé prêcher aux millions d'âmes qui furent incrédules aux jours de Noé, et qui durent attendre son appel, étant liées pendant deux mille ans dans des chaînes de ténèbres, Christ est allé à présent dans d'autres mondes y proclamer sa mort expiatoire et sa victoire sur la mort et l'enfer, où il apparaît en vainqueur. Il est l'homme noble qui s'en alla dans un pays lointain pour y recevoir l'autorité royale et revenir ensuite. (Luc 19: 12-27.)

Il prépare aussi, selon sa promesse, les demeures dans la maison de son Père céleste pour ses rachetés, auxquels elles sont destinées. Sitôt qu'il aura achevé ce grand ouvrage, Jésus ne différera pas d'un instant son retour sur la terre et la manifestation glorieuse du salut universel.

Et quand même nous ferions erreur dans les suppositions que nous exprimons ici ; lors même que Christ ne serait mort que pour notre terre et ses habitants, nous n'en serions pas moins convaincus que Dieu est assez puissant pour trouver des millions d'autres voies et moyens pour le salut des millions d'autres mondes déchus, moyens tout aussi parfaits et de nature à ne manifester que davantage sa puissance et sa sagesse infinies.

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