De
la
réalité et de la valeur infinie des
souffrances de Christ résultant de sa
réelle humanité et parfaite
sainteté.
- Il y a eu des personnes, mais non pas
parmi les croyants, qui ont émis
l'idée que, si Christ était Dieu,
cela dut être pour lui plus aisé, que
pour un homme ordinaire, d'avoir à supporter
les plus horribles souffrances. Même des
croyants ont pensé que Jésus, vu sa
nature divine, était plus endurant à
la douleur qu'un faible mortel.
Il faut bien que pareille idée soit
erronée pour que nous n'en trouvions aucune
trace dans la Bible. Bien au contraire, en vertu
d'une loi naturelle, il se trouve que le sentiment
de la joie ou de la douleur va croissant dans la
mesure où l'on s'élève sur
l'échelle des êtres. Il est des
organismes inférieurs qui paraissent souvent
tellement insensibles à la douleur que l'on
serait tenté de croire qu'ils ne sentent
rien. Les créatures d'un degré
supérieur manifestent déjà
plus de sensibilité. Mais la créature
humaine, qui est l'être le plus parfaitement
organisé, éprouve plus
profondément et en d'autant plus forte
mesure, la joie et l'affliction, comme aussi le
bien-être ou la souffrance corporels.
L'on peut même affirmer que la
différence de sensation d'un homme à
un autre est en rapport avec son organisation et
son tempérament plus ou moins
délicats. Chacun sent et admet la justesse
de cette appréciation,
dans tel cas donné où l'on
dira : « Combien cette nature si
tendre, si finement organisée, ne doit-elle
pas souffrir dans telle situation et dans de telles
circonstances ! »
Nous pensons donc être davantage dans
le vrai en émettant cette pensée que,
lorsque Christ revêtit la forme humaine et
que son âme divine entra dans un corps qui ne
descendit pas tout formé du haut du ciel,
mais qui dut se former de chair et de sang dans le
sein de sa mère, Jésus ne fut pas
doué d'autres muscles ni d'autres nerfs que
ceux de tout être humain, et non pas
d'organes divins.
C'est par cette même raison que le
Sauveur a dû manger et digérer pour
sustenter sa vie et ses forces corporelles, pour se
mouvoir et pour marcher, pour se transporter d'un
lieu dans un autre, pour dormir ou pour procurer du
repos à ses membres fatigués. De
même ses nerfs ont dû être
sensibles au bien-être, comme à la
douleur ; son cerveau également a pu
ressentir de la joie, ou bien de l'affliction
à la vue de telles ou telles choses.
Et puisque son corps n'avait subi aucune
altération du fait du
péché ; que ses sens
n'étaient point
émoussés ; que ses nerfs
étaient en pleine vigueur et que son
âme divine se trouvait en parfait
état, et de ce fait entièrement
accessible aux impressions les plus
délicates et tendres, il doit logiquement
résulter de toutes ces circonstances que
Jésus a dû éprouver, durant sa
vie terrestre, et surtout sur la croix, plus de
douleurs que tout autre être humain.
Figurons-nous que nous ayons
été jetés dans un profond et
noir cachot, en compagnie de vils malfaiteurs, qui
remplissent leur prison de jurements et d'injures,
tandis que ces êtres abjects passent leur temps
dans la saleté et
dans le vice ; remplis de haine les uns
à l'égard des autres, ils se livrent
sans cesse à des luttes et des
altercations.
Et c'est en pareille compagnie de
prisonniers que se trouverait,
enchaîné lui-même et lié
à ces gens, obligé de se contenter de
leur grossière nourriture, - un homme bien
élevé et d'une culture
soignée, doué de sentiments tendres
et délicats, issu d'une famille
chrétienne et distinguée, un homme
abondamment doué d'un sens profond pour tout
ce qui est beau et bien !
Qu'on se figure un tel homme condamné
à passer de longues années en pareil
milieu ! La seule idée d'une pareille
situation, qui malheureusement s'est
déjà réalisée parfois
sur notre terre, a de quoi nous remplir d'un
profond dégoût.
Mais quelque pénible que cela puisse
être pour notre orgueil, et quelque grande
que soit la répugnance de l'homme pour un
contact quelconque avec des gens tels que ceux que
nous avons dépeints, il n'en demeure pas
moins vrai que Christ doit avoir
éprouvé, durant son séjour sur
la terre, et en son âme, des souffrances
morales bien plus douloureuses que le meilleur des
humains n'en eût pu ressentir, lui, l'homme
unique sans péché, obligé de
vivre au milieu des pécheurs.
Les
souffrances de
Christ ont pesé sur son âme au
delà de tout ce qu'un homme peut supporter.
- Quiconque a plongé le regard de sa
conscience dans les profondeurs de son propre
coeur, au sujet duquel l'Écriture
déclare qu'il est
« désespérément
malin » - car il est écrit :
« Toutes nos justices sont devant toi
comme un linge souillé »,
et combien plus nos péchés quiconque
réfléchit à la multitude de
mauvaises pensées, paroles et actions, que
dans ce monde enfante une seule journée, une
seule heure, a de quoi en frémir,
Et celui qui par l'esprit pourrait
prêter l'oreille aux pleurs, aux plaintes et
aux gémissements qui montent sans cesse de
la terre, jour et nuit, d'un pôle à
l'autre, - celui-là penserait sans aucun
doute que notre comparaison est encore bien adoucie
en regard de la réalité.
Il faudrait plutôt avouer que les
termes nous font défaut pour rendre les
impressions que dut ressentir l'Être divin
qui s'imposa la tâche de séjourner
dans cette caverne de brigands, et le devoir
d'habiter pendant des années une
vallée de larmes telle que l'est notre
terre.
Et, après avoir
considéré tout cela, il faudra bien
reconnaître qu'un être divin
était seul capable de supporter sans faiblir
d'aussi effroyables impressions, d'aussi indicibles
souffrances.
En un mot, il n'y a que le point de vue
rationaliste qui puisse arriver à cette
idée erronée que pour Dieu c'est une
chose bien aisée d'éprouver de la
joie ou de la douleur, qu'il serait à peine
accessible à ces sentiments et ne saurait en
être vivement affecté. C'est qu'en
effet, selon la doctrine rationaliste, Dieu ne
serait qu'une idée abstraite, et par ce fait
incapable de sensations personnelles.
Réfutation
de
l'idée rationaliste quant aux souffrances de
Christ.
- À entendre les adeptes de cette
doctrine ; il serait indigne de Dieu et en
contradiction absolue avec la Bible, d'attribuer
à la divinité des sentiments humains,
tels que la colère ou l'amour, la vengeance ou la
jalousie. Ce serait le
rabaisser au niveau de l'homme. - Dieu, selon eux,
est un être à la fois absolu, infini,
abstrait, idéal et parfait ; tandis que
toute activité, toute sensation est quelque
chose de particulier, relatif, imparfait et par
suite indigne de Dieu.
Et c'est ainsi que ces gens offrent à
l'humanité, comme notion suprême de la
divinité, une sorte de Bouddha,
plongé dans son Nirvâna, contemplant
avec indifférence et impassibilité le
jeu de ces lois de la nature, qu'il a jadis
établies (sans doute à une
époque où ce dieu-là
était encore plein de jeunesse), lois dont
il craindrait aujourd'hui de déranger le
mécanisme par un prétendu
« miracle ».
Mais pareil dieu, s'il est aussi incapable
de colère que d'amour, si notre
péché l'émeut aussi peu que
notre prière, alors nous ne devrions pas
plus le craindre que l'aimer ; nous n'aurions
rien à espérer de lui, et il pourrait
nous suffire d'organiser notre vie assez
correctement, selon les lois de la pesanteur et du
mouvement, de la lumière et de
l'électricité ! Car même
la morale n'a plus de raison d'être
auprès d'un Dieu auquel nos actions ne
causeraient pas plus de joie que de
déplaisir.
L'on peut facilement comprendre que ce soit
précisément un pareil dieu qui
convienne à l'homme moderne, à celui
du moins qui croit encore en avoir besoin. Un tel
dieu est assurément moins exigeant pour
l'homme pécheur, que sa conscience trouble
encore, que le Dieu de la Bible, juste et
saint ; trop incommode parce qu'il est
personnel et vivant, qu'il est un feu consumant,
qui ne tient point le coupable pour innocent, qui
recherche l'iniquité des pères en
leurs enfants, jusqu'à la quatrième
génération. Ce Dieu
nous demandera compte, un jour, de toute parole
inutile que nous aurons prononcée. Un tel
Dieu est terriblement incommode pour le
pêcheur.
Et c'est précisément parce que
les hommes sentent qu'ils ont mérité
la colère d'un Dieu juste et saint, qu'ils
cherchent à se persuader, ou plutôt
qu'ils se laissent volontiers convaincre par le
diable, que Dieu ne saurait ressentir aucune
colère. Ils agissent par ce fait comme
l'autruche qui cache sa tête dans le sable du
désert, pour échapper au regard du
chasseur.
À la vérité, ils n'y
gagnent pas grand'chose, car leurs illusions ne
parviendront jamais à bannir de ce monde la
colère divine qui pèse manifestement
sur eux. - Qu'ils croient à un Dieu de
colère ou à un Dieu
indifférent, peu importe. Les ouragans, les
tremblements de terre, les éruptions
volcaniques n'en font pas moins périr,
année après année, des
milliers d'êtres humains, comme on l'a vu, au
siècle passé, sur l'île de Java
ou sur celle d'Ischia, ou bien encore à la
Martinique, à Messine, et en tant d'autres
lieux enfin, devenus illustres par leurs terribles
catastrophes.
Chacun de nous n'en a pas moins la
perspective certaine d'être un jour
appelé à quitter les siens et tout ce
qu'il aime, à l'heure de l'agonie et des
affres de la mort. Mais nous ne voyons pas quelle
grande consolation il y aurait pour nous à
ce que toutes nos douleurs ne fussent point l'effet
de la volonté d'un Dieu irrité
à cause de nos péchés, mais
qu'elles résultassent de l'action
inconsciente d'une nature douée de sagesse
prévoyante, ou bien enfin de lois
engendrées par la matière !
Oui, assurément ! du moment
qu'il nous faut souffrir, il est
préférable que nous sachions pourquoi
et dans quel but, et qui est Celui qui nous
dispense la souffrance,
plutôt que de vivre dans la crainte
incessante de nous voir soudain anéantis,
sans rime ni raison, par une nature sage mais
aveugle. En un mot, un Dieu vivant est à nos
yeux plus grand et plus désirable qu'une
idole impuissante.
Sans doute, dira-t-on, mais comment Dieu
pourrait-il éprouver des passions
humaines ? Aurait-il des mouvements de
colère, des besoins de vengeance comme
nous ?
Pour répondre à cette
objection nous aurons recours à un exemple
tiré d'un phénomène physique
qui rendra bien notre pensée.
Argument
tiré
du phénomène des couleurs.
- Dans le domaine des couleurs, dont nous
sommes environnés, nous distinguons sept
couleurs fondamentales et nous disons de l'arbre
qu'il est vert, du ciel qu'il est bleu, du sang
qu'il est rouge. D'où viennent ces
couleurs ? Des rayons du soleil, qui
éclairent ces corps. S'il n'était
pas, tout serait gris, ou même noir. La
lumière solaire ne rend pas seulement
visibles les couleurs : elle les produit
même. Dans l'obscurité, le sang n'est
pas plus rouge que l'arbre n'est vert. L'un et
l'autre sont absolument incolores.
Mais la lumière solaire ne produit
qu'un blanc éclatant ; ni rouge, ni
bleu, ni vert, ni jaune. Ces couleurs n'y
seraient-elles donc pas renfermées ?
Assurément, mais s'y trouvant dans un
état d'équilibre parfait, et toutes
les couleurs réunies, nous les percevons
sous l'aspect d'une blancheur éclatante,
éblouissante, comme leur résultat
suprême, dans la resplendissante
beauté de la plus parfaite harmonie. Le
rouge se trouve-t-il donc dans les rayons du
soleil ? Oui certes, mais sans qu'il y
apparaisse comme couleur rouge.
Eh bien, c'est de la même
manière qu'en Dieu les sept esprits
agissent dans une éternelle harmonie,
et que se fondent dans l'unité de la vie
divine toutes ses divines qualités, sans
cependant y produire l'impassibilité, comme
le croit le rationaliste, pas plus que la
réunion des sept couleurs ne produit le
noir.
Elle engendre, au contraire, la lumière divine, la joie
divine, la vie divine. Dans cet ensemble
nous saisissons, nous, faibles créatures
humaines, nous percevons telle ou telle couleur, le
rayon rouge de la colère, par exemple, ou le
bleu de l'amour, et ces rayons reflètent en
nous tantôt la colère, tantôt
l'amour, qui, suivant nos impressions, s'y exercent
d'une façon particulière et
prédominante. Il est certain qu'en tant que
colère humaine ce rayon-là n'existe
pas en Dieu ; mais il est cependant bien au
nombre des sept esprits de Dieu.
D'ailleurs, si ce sentiment-là
n'existait pas virtuellement en Dieu,
d'où nous viendrait cet esprit de
colère ? S'il n'y avait pas en Dieu
l'esprit d'amour, d'où nous viendrait notre
amour à nous ? Jamais nous n'aurions pu
créer ces qualités spirituelles. -
Ainsi, au lieu de dire : Dieu ne saurait avoir
des qualités humaines, il nous faut
plutôt reconnaître que l'homme ne peut
en lui-même posséder aucune qualité qui n'existerait pas avant
tout en Dieu.
Les impressions que tu ressens au plus
profond de ton âme ne sont que de faibles et
imparfaites résonances des puissants
esprits de l'âme divine. Car tu as
été créé, ô
homme, à l'image de Dieu, et ton
âme est un souffle de son âme.
Sa colère, dont la Bible est pleine, et
surtout l'Apocalypse, cette colère que ton
âme pourra ressentir un jour, et
inévitablement ou ici-bas ou là-haut,
à présent ou dans
l'éternité, au grand tremblement de
tout ton être, cette colère de Dieu est à la
tienne,
homme pécheur, ce qu'est l'immense,
l'insondable et limpide Océan auprès
d'une flaque d'eau boueuse dans l'ornière
d'un chemin.
Nous en dirons autant de l'amour ! Non
seulement Dieu en éprouve, mais Il en est la
source. S'il n'en existait point en Dieu, tu ne
saurais ce que c'est que l'amour, et ton amour le
plus ardent n'est auprès du sien que comme
une étincelle à côté de
l'océan de feu qu'est notre soleil.
Tel est le Dieu qu'enseigne la Bible, un
Dieu d'où découlent
éternellement les sources de la vie, de la
nôtre et de toutes les autres vies, et de
toutes les sensations qui nous font vivre et
exister. C'est ce Dieu qui ne se borne pas à
aimer, mais qui est l'amour
même ; un Dieu qui non seulement
peut éprouver de la colère, mais qui
est aussi la colère même et un feu
consumant ; un Dieu qui ne se borne pas
à sentir, mais qui est le sentiment
lui-même !
En un mot, c'est le Dieu créateur,
dont tu n'es, ô homme ! que l'image
infiniment petite, par le corps, l'âme et
l'esprit, comme aussi par tout ce que tu as et ce
que tu sens.
Réponse
à l'objection que punir un innocent pour un
coupable est injuste.
- Soit ! dira plus d'un lecteur :
nous admettrons que Christ ait été
Dieu et qu'il ait enduré des souffrances
indicibles. Mais comment ses souffrances ont-elles
pu ainsi expier mes fautes ? Et comment est-il
possible qu'un coupable devienne innocent par le
fait que Dieu aurait infligé tous ces
tourments à son Fils innocent ? Et bon
nombre de lecteurs ajouteront aussi : Comment
accorder cela avec la justice de Dieu ?
N'est-ce pas souverainement injuste ?
Nous consentirons, pour répondre,
à nous placer sur le terrain de la justice.
Oui bien, mais, au fond, qu'est-ce que la
justice ? À notre question vous
répondrez, à votre tour, sans doute
ceci : Mais c'est la punition des
méchants et la récompense des bons,
et cela de telle façon que la
récompense et la punition soient exactement
proportionnées aux actes commis, n'est-ce
pas ? Par exemple ainsi : que celui qui
tue soit mis à mort.
Ah non ! s'écrient de nos jours
des milliers de gens, la peine de mort est un reste
de la barbarie d'autrefois : c'est une
doctrine surannée. La punition ne doit pas
supprimer l'individu, mais plutôt tendre
à le corriger, etc., etc.
Erreur ! répliqueront des
milliers d'autres voix que celui qui a tué
soit mis à mort ! Oeil pour oeil et
dent pour dent, voilà mon idée
à moi, quant à la justice !
Nous nous heurtons donc, ici
déjà, à des vues
contradictoires. Mais poursuivons ! Oeil pour
oeil et dent pour dent, cela semble clair et net,
et semble établir une même loi et une
même justice pour tous.
Mais prenons l'exemple d'un vol, commis dans
les mêmes circonstances par un pauvre ouvrier
et un riche millionnaire, qui auraient
dérobé chacun cent francs. - Les
condamnera-t-on chacun à quatre semaines de
prison ?
Non ! dira l'un : ce serait
injuste : si l'ouvrier a volé, c'est
qu'il était poussé par le besoin. Il
n'a reçu qu'une éducation fort
insuffisante. Il n'était donc pas
très conscient de la portée de son
acte. Et puis l'on ferait pâtir de son vol sa
femme et ses enfants, qui en sont innocents.
Le millionnaire, au contraire, n'avait pas
besoin de cette somme. Il savait ce qu'il faisait
et n'a point de soucis de famille. Il peut bien
subir la prison. Donc, qu'il soit condamné
à trois mois, et l'ouvrier à huit
jours de réclusion.
Au contraire, dira un autre, c'est l'inverse
qu'il faut faire. Le millionnaire, en effet, serait
beaucoup plus puni que le journalier. Songez donc
que pour le prolétaire la détention
est assez indifférente. Il se reposera en
prison. Il y trouvera une meilleure nourriture que
chez lui. Cette punition équivaut, tout au
plus, à une maladie d'une durée
équivalente, sauf qu'il sera entretenu aux
frais de l'État.
Pour l'homme riche, c'est tout autre chose.
Il souffrira beaucoup plus d'aller en prison, et
puis, songez aux conséquences que cela aura
pour sa position sociale, et à la honte qui
en rejaillira sur sa famille ! Il n'osera plus
se montrer ! etc., etc.
Supposons encore qu'au lieu de ces deux hommes-là,
deux autres
personnes d'une position exactement égale,
ayant reçu la même éducation,
du même âge et jouissant d'une fortune
semblable, aient commis la même faute et
soient condamnés à la même
peine. Qui est-ce qui voudra prétendre que
la punition serait pour chacun d'eux exactement la
même ?
Non, il y en aura toujours un qui en
souffrira plus ou moins que l'autre, selon qu'il
sera plus sensible ou plus débile,
doué différemment et dans telles ou
telles dispositions d'esprit.
Lorsque nous réfléchissons
à tout cela, nous sommes obligés de
convenir que peut-être jamais bouche humaine
n'a prononcé de jugement parfaitement juste
et équitable. Et qu'en
conclurons-nous ? Cette affirmation-ci :
savoir que, nous autres humains, qui sommes
incapables d'être justes, d'exercer une
justice véritable, nous ne devrions pas
avoir la prétention de prescrire à
Dieu de quelle manière il doit s'y prendre
pour exercer la justice. Ne sommes-nous pas
impuissants à mesurer, dans toute son
étendue et sa profondeur, notre
culpabilité envers lui ? La vraie
nature, l'essence même du péché
échappe même à notre jugement
borné dans tout ce qui touche au domaine
spirituel.
Il faudrait pour cela que nous pussions
connaître Dieu à fond, car notre
coulpe envers le Créateur est aussi
proportionnée à la connaissance que
nous pouvons avoir de lui. En effet, partout et
toujours le fils qui assassine un père plein
de bonté envers lui, sera plus coupable que
le meurtrier d'un homme qui lui est tout à
fait étranger.
Nous ignorons donc l'étendue et
l'essence de notre culpabilité, envers Dieu.
La seule chose que nous sachions, c'est que
« nous sommes des coupables ».
Grandeur
de l'amour du
Seigneur Jésus-Christ envers le monde
pécheur.
- Or voilà que Christ veut bien, de
son propre mouvement, se charger lui-même de
cette dette, dont il connaît exactement
l'immense étendue, la nature intime et les
incalculables conséquences. Il veut la payer
à notre place, en vertu des principes
éternels de la justice divine, et nous
voudrions déclarer que telle chose est
injuste ? Comment donc ? L'histoire du
monde nous parle de milliers de cas, - il s'en
présente encore tous les jours, grâce
à Dieu, - où l'on voit une
mère se sacrifier pour son enfant, un mari
pour sa femme, un homme pour son ami :
trouvons-nous que pareille chose est injuste ?
Voici un homme qui se porte volontairement caution
pour un autre. Celui-ci s'attire par sa propre
faute des embarras financiers, de sorte que la
caution doit payer pour lui : appelons-nous
cela une injustice ?
Autre exemple. Dans une bataille, le colonel
d'un régiment se rend compte que celle-ci va
être perdue par la faute du
général. Alors il se jette dans la
mêlée avec son régiment pour
réparer une faute qui n'est pas la sienne et
y trouver la mort, tout en sauvant l'armée.
Appellera-t-on cela de l'injustice ?
Encore le cas que voici : M. X... vient
vous trouver et il vous expose que l'ouvrier Y...,
qui vous doit mille francs, ne pourra jamais vous
payer. « Mais je veux, dit-il, vous
verser cette somme, sauf à m'entendre avec
lui quant à la manière dont il
s'acquittera envers moi. Veuillez donc lui
acquitter sa dette. » Auriez-vous la
pensée de reprocher avec indignation
à ce monsieur de vouloir commettre pareille
injustice ?
Eh bien, Christ vient à vous pour
vous dire : « Vous avez une dette
envers mon Père céleste, dette si
énorme que vous demeurerez
éternellement insolvable.
Je veux la régler moi-même avec Lui.
En retour vous m'appartiendrez et vous serez
à moi pour
l'éternité. »
Nous sommes certainement libres d'accepter
l'offre qui nous est faite, ou bien de
répondre avec fierté, comme le font,
hélas ! chaque jour des milliers de nos
semblables : « Je n'ai pas besoin de
ton secours, et je ne crois pas non plus devoir
quoi que ce soit à ton Père. Quoi
qu'il arrive, je puis et je veux me mettre en
règle au moyen de mes propres
ressources. »
En présence de cette attitude, il n'y
a que deux alternatives ; mais, dans l'une
comme dans l'autre, il serait absurde de parler
d'injustice de Dieu, ne fût-ce que pour ce
seul motif que les notions de péché,
de culpabilité, de justice, de
responsabilité, de punition, de
personnalité, de substitution, que toutes
ces notions-là dépassent de beaucoup
les bornes de la raison humaine, à cause de
leur caractère absolument divin et du
mystère impénétrable qui les
enveloppe.
Nous mentionnerons encore une objection
faite assez fréquemment de nos jours
à l'endroit de la mort
rédemptrice de Christ :
« La science, nous dit-on, enseigne que
l'univers sidéral renferme environ 120
millions d'étoiles fixes. Celles-ci sont,
c'est prouvé, des étoiles semblables
à notre soleil, dont plusieurs le
dépassent en grandeur et en éclat. De
plus, chose certaine pour quelques-uns et probable
pour les autres, ces soleils ont des
planètes qui tournent autour d'eux comme
notre terre autour du soleil. L'analyse spectrale
et d'autres observations nous démontrent que
ces astres sont soumis aux mêmes lois
physiques et chimiques qui règnent sur la
terre ; qu'il s'y accomplit les mêmes
combinaisons de la matière qu'ici-bas, et
qu'il existe des mondes habitables. Il est, par
conséquent, permis d'admettre comme
extrêmement probable qu'un certain nombre de
ces mondes sont habités actuellement, ou
bien l'ont été, ou encore le seront
un jour. Cela dépend de leur état de
développement actuel. Or, en présence
d'une telle conception de l'univers, celle de
l'époque où l'on considérait
encore la terre comme le centre de la
création n'est plus admissible, de sorte que
la doctrine de la Rédemption qui s'y
rattachait se trouverait par ce fait en
contradiction avec la nouvelle conception
scientifique de l'univers. Car que deviendront ces
millions d'êtres s'ils ne sont pas
sauvés ? Ou bien faut-il que, pour les
sauver, Christ aille mourir des millions de fois
pour eux ? »
Inutilité
de
savoir ce qui se passe sur d'autres globes que
notre terre.
- Avant de répondre à de
telles questions, nous ferons remarquer qu'elles
n'ont, au fond, aucune utilité pratique pour
nous. Il n'est que trop certain, malheureusement,
que nous sommes des misérables, en conflit
avec Dieu et avec le monde, en lutte avec
nous-mêmes. Et il est tout aussi sûr
que nous avons tous besoin d'être
sauvés. De sorte que la seule question
réellement importante pour nous est de
savoir qui nous sauvera. Il peut donc nous
être fort indifférent de savoir ce qui
se passe à cet égard sur Jupiter ou
sur Sirius, pour le moment du moins.
Quand ma maison viendrait à
brûler et que je me trouverais, moi et les
miens, dans un péril imminent, je serais un
insensé de refuser les services des pompiers
tant qu'on ne m'aura pas dit si au même
instant il brûle aussi à Pékin
ou à New-York, et si ces villes
possèdent aussi un corps de
pompiers !
Je veux cependant reconnaître que
toute question relevant du
domaine spirituel a droit à une
réponse. Et ma réponse à
celle-ci se réduit tout d'abord à
ceci :
Nous n'en savons rien !
En second lieu, je dirai que tous ces mondes
sont aussi bien que le nôtre en état
de chute. Car le fait, qui est
démontré, que ces globes se trouvent
dans les mêmes conditions matérielles
que le nôtre, nous fournit la preuve qu'ils
n'appartiennent ni au paradis ni au ciel. Et quant
à l'idée qu'on a souvent
émise, que les étoiles sont
habitées par les bienheureux, elle n'est pas
plus fondée que celle qui les ferait habiter
quelque continent non encore découvert au
pôle Sud, ou bien quelque île encore
inconnue de l'Océan.
N'est-il pas écrit que « la
chair et le sang ne peuvent hériter le
royaume de Dieu » ? Un autre fait
vient encore militer en faveur de l'idée que
ces mondes sont aussi déchus : c'est
que l'on aperçoit, tantôt ici,
tantôt là, des astres en état
de conflagration, puis s'éteignant
graduellement pour disparaître au bout de
deux ou trois ans sans laisser de traces. Ce
phénomène a même conduit des
savants qui rejettent la Bible à
l'hypothèse de mondes en conflagration
entraînant la destruction de millions de
créatures.
Or, le fait que Christ, lorsqu'il
résolut de sauver cet univers, est apparu
sur notre terre et non pas sur telle étoile
du firmament, comme Sirius ou Véga, par
exemple, - ce fait peut s'expliquer par son
abaissement volontaire, tout aussi bien que par sa
naissance dans la plus petite ville de la
Judée, Bethléhem, plutôt
qu'à Memphis ou Athènes, ou bien
à Rome, la capitale du monde ancien à
cette époque, ou même à
Jérusalem, la ville sainte. Peut-être
encore a-t-il choisi la terre, comme le point de
l'univers où la révolte du monde contre
Dieu est la plus manifeste ? Or, si Christ a
pu vaincre Satan en cet unique lieu de cette
création déchue, en révolte
contre son Créateur, le message de cette
victoire suffit pour le salut de tous les autres
mondes habités, s'il y en a, de sorte que la
répétition de l'acte
rédempteur de la mort de Christ ne se trouve nullement nécessaire.
- C'est
exactement la même chose qu'une victoire
décisive qu'un général
remporterait sur cette terre, comme cela s'est vu
souvent, près d'une localité
insignifiante par elle-même, et qui devient
illustre parce que c'est dans son voisinage que
s'est livrée la bataille qui a fait tomber
au pouvoir du vainqueur le pays tout entier avec sa
capitale.
Et quand on s'étonne souvent que
dix-neuf siècles aient pu s'écouler
depuis la mort du Sauveur, depuis qu'il s'est
écrié : Tout est
accompli ! sans que le salut promis au
monde se soit encore manifesté, - ce fait
n'est pour nous qu'une preuve de plus de
l'étendue infinie de son oeuvre
rédemptrice.
Nous ne pensons pas, d'ailleurs, que, depuis
le jour de sa mort, Christ se soit borné
à attendre, dans une paisible inaction, le
moment où il viendra établir le
règne de Dieu. Bien au contraire : il
est aussi impatient, s'il est permis d'employer
cette expression, de nous sauver, que nous le
sommes d'obtenir ce salut qu'il a promis aux siens.
Disons plus encore : Jésus languit
davantage après nous que nous ne languissons
après lui.
Mais notre pensée nous conduit
à supposer que, de même qu'il
est allé prêcher aux millions
d'âmes qui furent incrédules aux jours
de Noé, et qui durent attendre son appel,
étant liées pendant deux mille ans
dans des chaînes de ténèbres,
Christ est allé à
présent dans d'autres mondes y proclamer sa
mort expiatoire et sa victoire sur la mort et
l'enfer, où il apparaît en vainqueur.
Il est l'homme noble qui s'en alla dans un pays
lointain pour y recevoir l'autorité royale
et revenir ensuite.
(Luc
19: 12-27.)
Il prépare aussi, selon sa promesse,
les demeures dans la maison de son Père
céleste pour ses rachetés, auxquels
elles sont destinées. Sitôt qu'il aura
achevé ce grand ouvrage, Jésus ne
différera pas d'un instant son retour sur la
terre et la manifestation glorieuse du salut
universel.
Et quand même nous ferions erreur dans
les suppositions que nous exprimons ici ; lors
même que Christ ne serait mort que pour notre
terre et ses habitants, nous n'en serions pas moins
convaincus que Dieu est assez puissant pour trouver
des millions d'autres voies et moyens pour le salut
des millions d'autres mondes déchus, moyens
tout aussi parfaits et de nature à ne
manifester que davantage sa puissance et sa sagesse
infinies.
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