Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

III

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 Conciliation de la divinité de Christ avec l'abaissement de son existence terrestre.

- Mais voici que la raison, élevant la voix, nous demande : Quoi, Christ serait-il lui-même Dieu ? Comment le Créateur du ciel et de la terre aurait-il pu passer une trentaine d'années ici-bas, aurait-il pu travailler une trentaine d'années comme ouvrier charpentier ? Quoi, il aurait manié le rabot et la scie pour faire des portes et des fenêtres il aurait reçu des commandes et discuté des prix Il aurait, sur ses gains, pourvu à son entretien et à ses vêtements ?

Celui qui sait tout de toute éternité, par qui et pour qui toutes choses furent créées, se serait assis le soir, après journée faite, devant la maisonnette de Joseph, écoutant les propos de son entourage, entendant leurs raisonnements prétentieux, leurs plaintes et leurs murmures contre Dieu et les hommes ? Il se serait ainsi trouvé là, assis au milieu de ces gens, lui Dieu en personne !

Celui à qui appartiennent la terre et tous les astres aurait attendu comme un homme quelconque qu'on lui payât sa journée ! Le Tout-Puissant se serait assis épuisé de fatigue et altéré, sur le bord d'un puits, et aurait attendu qu'on voulût bien lui donner à boire ! Il aurait permis que des êtres humains fussent témoins de ses angoisses, de ses soupirs et de ses pleurs ! Il aurait fini par succomber de douleur, de fièvre et de soif, et cloué sur le bois !

On reste confondu quand on se met en présence de toutes ces scènes, et la raison humaine se trouve à bout. Oui, assurément, elle le serait, mon frère, et nous l'y laisserons.

Nous savons bien que Dieu nous a donné la raison pour tout ce qui concerne notre existence terrestre : pour bâtir et pour planter ; pour prendre femme et pour donner en mariage ; comme pour tout ce que l'homme peut avoir à faire sur cette terre et ce qui peut s'y passer encore. Ce don de Dieu qu'est la raison est bon et suffisant pour ces choses ; pour tout cela notre raison est bonne et utile. Et pourtant, même pour ces choses-là, elle ne porte ni aussi loin, ni aussi haut, ni aussi profond que nous sommes disposés à le penser, à le croire.

Notre raison ! Mais elle est incapable de saisir les choses les plus simples de la vie terrestre journalière. Elle ne nous dit ni comment il se fait que l'herbe croît, ni comment ce morceau de pain, qui est sur ma table, en quelques heures se transformera dans mon corps en chair et en sang pour arriver à mon cerveau, qui effectue le travail de ma pensée !

Ma raison est également impuissante à sonder les conditions essentielles de mon existence. Elle ne saurait m'expliquer l'espace qui me contient, ni ce qu'est le temps renfermant la durée de ma vie, ni ce qu'est la matière, ni ce qu'est l'esprit, et encore moins comment mon âme habite dans mon corps !

Ainsi ce monde que nous voyons et que nous touchons, il est insaisissable et absolument incompréhensible à notre esprit ! Et nous voudrions saisir le Dieu infini et lui commander ?
Or, s'il plaît à ce Dieu de descendre dans la création, qui est son ouvrage, pour la réconcilier avec lui-même, comment peux-tu, ô homme, toi infime grain de sable, simple atome dans l'immense univers, prétendre enseigner à ton Créateur de quelle manière il aurait dû s'y prendre pour demeurer raisonnable au point de vue de ta raison ? Comment oses-tu même t'écrier : Non, cela ne se peut ! Dieu ne peut pas !


L'oeuvre mystérieuse de la Rédemption.

- Renoncez donc, ô hommes ! à une prétention aussi insensée. Avouons qu'il s'agit ici, non pas d'un fait ordinaire, qui rentre dans la catégorie des choses limitées, finies, accessibles au jugement de l'intelligence et acceptables pour la raison. Lorsque un Dieu se fait homme et le Créateur créature, il est évident que pareille chose doit dépasser notre raison et surpasser toute pensée humaine. Si nous pouvions concevoir un tel fait et en comprendre le « comment », il cesserait aussitôt d'être un acte divin. C'est bien alors que l'on aurait raison de n'y pas croire, car un Dieu que je comprendrais, celui-là serait nécessairement aussi petit, aussi limité que moi-même : ce qui veut dire qu'il ne serait plus Dieu !

Mais non ! Avouons que c'est là un mystère, le mystère des mystères. Il n'en est pas de plus grand aux cieux des cieux ! Il faut croire cela par le coeur et le contempler par l'esprit.

Dieu est-il tout-puissant ? À cette question chacun répond : Certainement il l'est, car sans cela il ne serait pas Dieu ! Et alors pourquoi, lorsqu'il plaît à ce Dieu tout-puissant de prendre la forme humaine, même celle du serviteur, et de s'abaisser jusqu'à la mort de la croix, pourquoi dirions-nous aussitôt que cela n'est pas convenable, que c'est chose impossible ? Voudrions-nous donc lier la toute-puissance divine à notre faible raison et lui prescrire ce qu'il lui est permis de faire et jusqu'où elle doit aller ? lui dire ce qui est divin et ce qui ne l'est pas ?

Si Dieu est capable d'un petit miracle, il peut aussi en faire un grand, puisque après tout il n'y a pas de grands et de petits miracles. - Et si c'est bien lui qui a créé ce monde, qui est-ce qui lui défendrait de s'y montrer aussi, et cela sous la forme qu'il lui plaira ?


Le mode d'opération de la rédemption du monde résultant de la toute-science de Dieu.

- Qu'on veuille bien nous dire, d'ailleurs, sous quelle forme le Fils de Dieu eût dû apparaître lorsqu'il résolut de sauver le monde et de le réconcilier avec lui-même ? Est-ce sur les nuées avec des flammes de feu et des milliers d'anges, de la même manière dont il reviendra pour le juger ? Alors il n'eût sans doute pas été difficile de le reconnaître pour le Fils de Dieu, et même toute créature humaine se fût courbée dans la poussière devant lui.

Mais Dieu avait résolu de soumettre les hommes à cette unique et grande épreuve, savoir : de croire en Lui, non pas à cause de sa gloire et de sa puissance extérieures et visibles, mais par amour pour la vérité sortant de sa bouche. Car c'est bien à cela que se reconnaissent ceux qui sont de la vérité, et nés de Dieu : en ce que, même sous cette forme sans apparence, ils entendent la voix de Dieu.

La venue du Seigneur en gloire n'eût point atteint ce but. Le jour viendra bien, où tous les rois et princes et peuples de la terre se tiendront tremblants devant Lui et croiront en Lui : mais cette foi-là, les démons l'ont aussi et ils en tremblent, car ce n'est pas la foi qui sauve.


Les deux oeuvres divines de la création et de la rédemption sont les effets de la puissance, de la sagesse et de la justice de Dieu.

- Quel bonheur donc pour nous que le Seigneur ne soit point apparu, dès la première fois, comme Dieu, avec toute sa justice et comme un feu consumant ! Et comment, dans ces conditions, notre rédemption eût-elle pu s'opérer ? Dieu a fondé jadis et édifié l'univers, par sa toute-puissance, sur le principe de la justice, de la même manière qu'il a posé, comme fondement de l'existence des choses visibles, le fait que 1 + 1 = 2 et 2 x 2 = 4. D'une façon tout aussi absolue il a ordonné que la faute et son châtiment fussent liés l'une à l'autre par une loi éternelle. Aussi sûrement que celui qui se lance dans le feu se brûle, que celui qui se précipite dans l'abîme se tue, que celui qui tombe à la mer se noie : tout aussi certainement toute faute commise se venge, et cela non pas uniquement, non pas principalement sur cette terre.

La punition du pécheur, ce n'est pas d'être poursuivi par un Dieu dur, impitoyable et irrité, qui se plairait à le tourmenter alors que, sans cela et malgré sa faute, il eût pu continuer à vivre tranquille et heureux.

Non pas ! mais c'est que par sa propre faute il allume en son être, en son âme, qui est une partie de Dieu, la colère divine. C'est lui, et non pas Dieu, qui est furieux contre lui-même. C'est lui qui se sépare de Dieu et non pas Dieu qui se sépare de lui. C'est lui, pécheur, qui hait Dieu, et non pas Dieu qui le hait. De sorte qu'en se détournant de la source éternelle de toute vie, il se précipite lui-même, le malheureux, dans la mort éternelle. La loi de Dieu est vie et félicité. Tout péché viole la nature, est la négation de la nature, partant un suicide.

Mais Dieu qui a posé sur la justice, sur ce principe éternel, les fondements de sa création, n'est pas homme pour se repentir. Il demeure fidèle à Lui-même et Il garde sa Parole. Il n'est pas ce que tant de milliers de gens en pensent, qui du moins vivent comme s'ils le croyaient : un homme bon, mais faible, qui consent à des mensonges, qui s'irrite bien contre les hommes, chaque fois qu'ils dépassent les bornes de son indulgence, mais qui dit en fin de compte - « On ne saurait pourtant être trop sévère envers cette race de gens faibles ; il faut user d'indulgence à l'égard de leur faiblesse. »

Nous ne voudrions pas d'un pareil Dieu, car notre âme a soif de justice. Elle ressent l'injustice profondément, et elle réclame d'une façon absolue que le juste reçoive sa récompense et le méchant sa punition, de telle sorte que l'une et l'autre soient mesurées avec justice et équité. Sans cette sanction les assises fondamentales du monde spirituel seraient ébranlées.

À la vérité, la plupart des hommes se figurent que pour Dieu, il suffit d'une repentance sincère et de la sérieuse résolution de renoncer au péché, pour qu'il soit satisfait.

Mais que diraient ces mêmes gens, se fondant sur leur sentiment le plus profond de justice, et sur la voix de leur conscience, quand devant des juges de cette terre quelqu'un viendrait tenir ce langage :
« J'avoue devant vous que l'an dernier j'ai commis plusieurs meurtres ; mais comme, dès lors, je n'ai tué personne, et que je n'ai pas l'intention de renouveler de pareils actes, je demande à être libéré, complètement et honorablement, de tout châtiment. »

N'a-t-on pas souvent vu, au contraire, tel meurtrier que des juges humains avaient gracié, chercher désespérément la mort, poussé par sa conscience tourmentée, qui lui criait que son sang pourrait seul expier son crime sanguinaire ?

0 hommes insensés ! Est-ce que Dieu, qui est la justice même, de qui seul vous tenez votre idée de justice, qui réside en vous, est-ce que Dieu serait moins juste que vous ? Non certes, tout le repentir, toute la bienfaisance, tout le renoncement au mal que témoigneraient tous les hommes de la terre ; tout cela n'effacerait pas un seul des péchés de votre âme, ni de la mienne !
L'humanité entière serait incapable de réparer, fût-ce après quelques milliers d'années, un seul petit mensonge que j'aurais commis dans mon enfance ? Et toutes les larmes et toutes les oeuvres de pénitence n'y changeraient jamais rien !


Justice et équivalence dans l'expiation du péché, telle est la loi de l'« équité ».

- Le péché ne peut être expié que par un châtiment équivalent à la faute. Telle est la loi divine et fondamentale de l'univers, qui est gravée dans notre conscience humaine avec un burin de diamant. Et parce que toute offense, envers un Dieu infini et absolu, est par là même infinie et absolue, il doit en être de même pour la peine qui la sanctionne. La grandeur du châtiment peut seule donner la mesure de l'étendue de la faute, de la gravité de la coulpe.

Il est vrai que l'Ancien Testament nous montre ce même Dieu pardonnant leurs péchés aux hommes pieux et craignant Dieu de l'ancienne alliance. Il semblerait alors que ce fût là par pure grâce et miséricorde. Par la voix du prophète Ezéchiel (Ezéch. 18 : 22), il promet au méchant qu'il vivra s'il se détourne de ses péchés. Mais pour celui qui ne se contente pas de l'appui de quelques passages isolés de la Bible, pour celui qui, au contraire, embrasse l'ensemble de sa doctrine et envisage, dans son entier, le service sacerdotal, dont la loi est toute pleine, celui-là ne tardera pas à reconnaître que si, dans tel cas, Dieu a usé de miséricorde, c'était précisément en vue du sacrifice expiatoire de Christ, résolu avant la création du monde, mais alors encore caché, du moins en partie, aux saints hommes de l'ancienne alliance.

En effet, de même que la mort de Christ a eu son efficace expiatoire en faveur de nos péchés actuels, qui étaient alors encore dans l'avenir, et qu'elle a exercé son effet par avance, par anticipation, sa mort sanglante a également opéré sur les péchés antérieurs d'une façon rétroactive, pour l'expiation de toutes les fautes et transgressions commises dans les siècles précédents, depuis la chute de l'homme au paradis.

C'est ce que dit l'apôtre Pierre, dans sa première épître en ces termes : « Vous avez été rachetés par le sang précieux de Christ, comme d'un agneau sans défaut et sans tache, prédestiné avant la fondation du monde, et manifesté à la fin des temps. » (1 Pierre 1 : 19-20.) Et Jean-Baptiste résume toute la coulpe et tout le pardon en cette affirmation d'une portée infinie : « Voici l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde ! » (Jean 1 : 29.)

 



IV


Objections faites aux conditions de la venue de Christ au monde.

- Mais, dira-t-on peut-être, Christ eût au moins pu naître dans une condition plus relevée, et se présenter sous des dehors d'une apparence plus digne, en quelque sorte. Pourquoi a-t-il fallu qu'il vînt au monde au sein d'une famille d'ouvriers, de prolétaires, comme on dit de nos jours ? Pourquoi dut-il vivre dans la société de gens qu'aucun homme bien né et cultivé ne rechercherait ? Pourquoi aller manger et boire en compagnie d'usuriers et de femmes de mauvaise vie ?

Pourquoi n'arriva-t-il pas revêtu de la qualité de prince ou de fils de roi, même comme empereur romain, pour venir s'établir au sein de l'humanité, pour en être reconnu comme le plus haut placé et le plus puissant des hommes ?

Voilà ce que bien des gens estiment comme une situation plus digne de Dieu, le père du Messie. Voilà ce qui nous eût paru, à nous aussi, plus acceptable pour le Sauveur du monde. L'on se figure que, dans de telles conditions, le Christ eût exercé plus d'influence, gagné plus d'adhérents, et sa parole de vérité obtenu plus d'autorité.

S'il eût disposé du pouvoir d'un empereur romain, par exemple, ses paroles auraient pu réprimer le mal plus efficacement, et ses actes d'autorité auraient fait triompher le bien par des lois et des institutions divines. Et quelle admirable influence civilisatrice et réformatrice sa présence dans ce monde n'aurait-elle pas exercée, et cela sans de grands efforts !


Réponse à ces objections.

- Eh bien ! ceux qui font pareil raisonnement montrent par là qu'ils n'ont que des pensées humaines, et qu'ils n'ont pas la pensée de Dieu. Nous leur répondrons tout d'abord que Dieu ne fait pas grande différence entre un roi et un mendiant. Devant Lui, tous les hommes sont égaux, quelles que soient les distinctions que les hommes établissent entre eux, en ne jugeant d'habitude que d'après les apparences et les dehors.

Aux yeux du Seigneur, toutes les différences de positions sociales sont fort peu de chose. La puissance et les richesses terrestres sont devant Lui comme de la poussière et de la balle. Les titres et les plus hautes dignités de ce monde ne sont que néant devant Lui, de sorte qu'il eût été indigne de Christ de se revêtir de ces misérables oripeaux. De tout temps les hommes les meilleurs et les plus grands ont reconnu la vanité de ces conditions extérieures, de ces apparences passagères. Voilà pourquoi nous admirons les hommes qui, comme un Socrate et un Diogène, comme aussi Elie et Jean-Baptiste, ont témoigné leur mépris pour les richesses terrestres et la puissance mondaine.

En effet, l'homme ne possède, au fond, et réellement, que ce qu'il est en lui-même. Cela seul lui appartient et lui demeure. Ce qu'il tient de ses circonstances, de ses titres et dignités, et l'influence qu'il peut exercer de ce chef, tout cela disparaît avec ses titres, changera suivant ses circonstances. Cela ne lui appartient pas véritablement, car ces choses n'ont pas de durée éternelle.

Mais il y a encore autre chose, un autre argument à considérer : c'est que Christ n'était point venu au monde pour donner, en qualité d'empereur, des lois romaines à l'empire romain, lois qui ne devaient avoir qu'une utilité temporaire. Elles devaient un jour faire place à d'autres lois, à cause des changements qui se produiraient dans l'état social du monde.

Ce que Jésus a voulu par-dessus tout, c'est d'apporter, lui en tant qu'homme, à l'humanité égarée les paroles éternellement vraies de la vie éternelle. C'est pourquoi il fallait qu'il vînt ici-bas comme un simple homme, sans revêtir aucune fonction ni dignité, sans position et sans aucun titre officiel. « Les paroles que je vous dis sont esprit et vie. » (Jean 6 : 63.)

Quant à sa situation personnelle, ses conditions d'existence matérielle, ses aises : tout cela ne pouvait qu'être absolument indifférent au Fils de Dieu, à cette heure solennelle où il résolut de sauver le monde et de quitter « la gloire qu'il avait auprès du Père avant que le monde fût fait » (Jean 17 - 5), quand il résolut de venir séjourner dans la sombre caverne qu'est cette terre malade et souillée, et cela pour se charger d'un fardeau tel que l'était pour lui la vie terrestre. Cette oeuvre-là dépasse toutes les idées que nous voudrions nous en faire.

Cela étant, lorsque le Sauveur du monde résolut de revêtir la nature humaine, il était pour le Christ assez indifférent de venir en ce monde sous la figure d'un pauvre ou sous celle d'un homme riche, comme une personne de haute ou bien de basse condition, avec le titre d'empereur ou sous les dehors d'un mendiant, et cela pour ne passer que trente-trois ans sur cette terre.

Pour mieux rendre notre pensée, figurons-nous ce que nous éprouverions quand nous serions exilés et obligés de vivre parmi les Papous, dégradés jusqu'à l'état bestial, et cela pendant trente-trois années. Dans une situation pareille, peu nous importerait d'avoir ou non le droit de porter autour du cou un collier de perles de verre bleu, ce qui, chez ces gens, passe pour le plus bel ornement et le plus grand honneur.

D'être privé de mets délicats ou de beaux vêtements, de se passer d'une garde d'honneur et des courbettes de courtisans flatteurs, n'est pas ce dont le Christ a souffert le plus. Ne savait-il pas ce qui se passait en tout coeur d'homme, et combien sont trompeuses toutes ces manifestations de respect hypocrite dont les grands de ce monde sont les objets ?

Ce qui fut le plus douloureux pour le Sauveur du monde, c'était surtout le triste spectacle du péché des hommes. C'est là le lourd fardeau qui oppressait son âme durant sa vie terrestre. Et quand il voyait ce monde, qu'il était venu sauver, ne lui prodiguer que moqueries et mépris ; et d'autre part ses disciples eux-mêmes donner tant de preuves de leur aveuglement et de leur incrédulité, on comprend que sa douleur s'exprimât un jour, en soupirant, par ces paroles mémorables : « 0 gens de petite foi ! o race incrédule et perverse ! Jusqu'à quand serai-je avec vous ! » Telle fut assurément la source de ses pleurs sur la Jérusalem rebelle et le sort lamentable qui l'attendait.


Supposition de la venue de Christ en puissance dans ce monde.

- Il faut encore réfléchir que, si le Christ fût venu dans ce monde pour y vivre en homme puissant et influent, nous eussions sans aucun doute été assez aveugles pour dire à propos de lui : « Certes, quand on jouit à souhait de tout ce que la terre peut offrir, il n'est pas difficile de s'y conserver pur et sans péché. Cet homme n'a eu aucune tentation. Mais si, comme moi, il avait eu à lutter contre mille difficultés, dans des soucis continuels, il n'eût sans doute pas su faire mieux que tous les autres ; il n'aurait pu vivre dans ce monde de cette vie pure et divine qui l'a signalé à ses contemporains ! »

Et que seraient devenus les pauvres, les délaissés, les méprisés de ce monde, ceux-là mêmes qui ont le plus besoin de consolation ? tous ces gens qui forment hélas ! la grande majorité des humains. Car il ne faut pas oublier que notre humanité ne renferme qu'une minorité de ces gens cultivés, amateurs des beaux-arts et des sciences, que l'on est convenu d'appeler « la bonne société ». Non, devant Dieu, la véritable humanité a de tous temps été représentée par ces millions de gens ignorant les questions d'art et de science, dont le front est habituellement courbé vers la terre par ceux qui travaillent à la charrue ou à l'établi qui manient, jour après jour, la hache ou le ciseau pour gagner péniblement leur pain quotidien ! Tous ces gens-là ne connaissent ni théologie ni philosophie. Ils ne savent que soupirer dans leur détresse en s'écriant : « Mon Dieu ! » tout simplement, se consolant par là comme un enfant qui compte sur le Bon Dieu » pour être secouru.

C'est pour sauver cette humanité-là que Christ est venu au monde. Et quel salut eût pu lui apporter un empereur ou un roi vêtu de pourpre ? Un tel Sauveur lui serait demeuré beaucoup trop étranger et éloigné. Il n'eût pu lui servir de modèle par sa vie, et sa personne n'aurait pu ni réjouir l'humanité, ni la consoler, comme le pouvait un homme du peuple.

Nous avons donc ici la preuve que Dieu fait sagement et complètement tout ce qu'il fait. Et quand Il résolut de se faire homme, Il a aussi voulu l'être tout à fait. Il a accepté l'existence humaine la plus humble, avec toutes ses privations et ses souffrances. Il a condescendu à s'abaisser jusqu'aux conditions les plus humiliantes de la pauvreté, de la nécessité et du dénuement.

Et tout cela pour nous délivrer de nos péchés !

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