Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Chapitre VI

LE SALUT DES ÂMES LA CROIX

-------

Quand on songe aux âmes à sauver, c'est pour le coup que tout le reste parait petit. Avoir le droit de travailler tant qu'on veut, tant qu'on peut au salut de ses frères ! Je ne connais rien de plus beau. Henri Rusillon.

Une flamme intérieure dévorait cette âme ardente, et le salut des âmes était la pensée dominante de Ch. Moreillon. Il ne voulait qu'une chose, sauver les perdus. Aucun effort, aucun sacrifice ne pouvait l'arrêter. Dans ses visites ou dans ses lettres, jamais il ne perdait de vue le but à atteindre ; il osait blesser les consciences, dévoiler le péché, mettre les êtres au pied du mur, mais avec quel amour, quelle humilité, quelle persuasion ! Il savait s'associer aux peines et aux joies de tous et partager leurs soucis.
Il écrit :
- Il n'est que trop vrai que beaucoup de coeurs sont aigris ou brisés, malades et perdus. Beaucoup souffrent de ne pas se sentir aimés. Il en est à qui personne n'a jamais témoigné d'affection, ni parlé de l'amour de Dieu comme de l'amour d'un père. Nous devons penser aux souffrances des autres, même s'ils sont ingrats ou insensibles à notre amour.
- Jusqu'où va votre amour, votre oubli de soi pour le prochain ? Les gens que l'on n'aime pas, les aimez-vous ? et si vous les aimez, jusqu'où va votre amour ?

Si ce sont des pauvres spirituellement, que leur donnez-vous ? Si ce sont des riches matériellement, que leur donnez-vous ?
On peut donner son argent : ce n'est rien.
On peut donner un peu de son temps : c'est déjà mieux.
On peut donner un peu de ses conseils et de ses prières : ce n'est pas tout.
On peut donner son coeur : c'est beaucoup. L'idéal c'est de donner tout son coeur, toute sa vie et de tout son coeur, à la condition de demeurer en Christ qui seul savait aimer de la bonne manière.

Notre amour ne vaut que ce qu'il nous coûte. Aimer ceux qui ne nous aiment pas, ceux qui ne veulent ou ne peuvent rien nous rendre, cet amour-là seul vaut quelque chose.

- Oh ! les âmes ! Qui les voit, qui les comprend, qui les aime, qui se donne pour elles ? Notre Seigneur seul a aimé les âmes et son amour l'a amené, pour leur donner la vie, à donner la sienne.
- Il faut beaucoup prier, afin que Dieu nous rende capable d'aimer de l'amour dont Il nous aime.

- Combien d'âmes avons-nous conduites au pied de la croix ? Y a-t-il eu, une seule fois, de la joie dans le ciel pour un seul pécheur amené à la repentance à cause de notre amour pour lui en Christ ?
- Que Dieu nous donne d'être les agents de la rédemption de beaucoup d'âmes, par la croix et la puissance de Christ.

- Puisez dans le Père tout ce qu'il faut, et donnez-le ensuite à ceux qui sont sur votre chemin, sans distinction. Autrefois vous alliez chez vos parents ou vos amis pour jouir d'eux et des plaisirs qu'ils vous offraient ; maintenant vous devez aller à eux non plus pour jouir, mais pour leur apporter ce que le Seigneur vous dira de sa part. Faites toutes choses avec amour et avec une joie parfaite. Je sais qu'il est difficile, hors de Christ, d'être en même temps sanctifiant et joyeux, mais si vous demeurez en Christ vous pourrez trouver en Lui une joie sanctifiée et la répandre autour de vous. Un grand sérieux dans le fond peut parfaitement s'associer à une joie pure et sainte.

- Il faut sauver tous ceux que l'on peut sauver ; il ne faut pas s'inquiéter s'ils sont riches matériellement. il n'y a plus pour vous qu'une seule richesse, celle de l'Esprit ; il n'y a qu'une seule pauvreté, celle de l'âme où Christ n'est pas le pain de vie, et il se trouve que beaucoup de riches matériellement sont pauvres spirituellement. Donnez-leur votre affection, celle qui vient de Christ. Je sais qu'il faut du courage pour parler et pour vivre autrement avec ceux qu'on a toujours vus, mais quand il s'agit de vie ou de mort, il ne faut pas hésiter.
Voyez le Seigneur : Il a accepté de dîner chez Simon le pharisien ; mais Il n'y perd pas son temps, il y trouve l'occasion de donner des leçons capitales à ceux qui, par leur rang extérieur ou leur fortune, se croient les grands de la terre. Or, vous savez que la vraie grandeur est ailleurs : elle n'est que dans le dépouillement de soi-même. Que sert-il de quitter le monde si l'on ne renonce pas à soi-même ?

- Soulager la misère matérielle, c'est soulager l'effet d'un grand mal, mais ce n'est pas en supprimer la cause. Et la cause de la misère matérielle c'est la misère spirituelle, l'absence de l'Esprit de Dieu dans les âmes et dans les familles. Il faut combattre l'égoïsme de chacun, des parents et des enfants. Il faut pour cela les amener tous à Jésus-Christ.

- Pourquoi Dieu permet-il une telle inégalité entre les hommes ? Ce qui frappe, ce sont les écarts qu'il y a entre les deux extrêmes. Mais cette inégalité n'est réellement qu'extérieure, et devant Dieu nous sommes égaux. Car Dieu ne fait point de différence entre les hommes ; tous sont égaux devant ses promesses et ses bénédictions ; tous sont libres de prier, tous peuvent faire l'expérience que quiconque demande reçoit.

Aux yeux de Dieu les vraies richesses sont celles de l'âme, ce sont les grâces divines, l'invitation de demeurer en Christ, et de posséder la vie éternelle.

L'égalité des hommes entre eux est établie aussi par le fait du jugement dernier où nous serons jugés selon cette loi : « Il sera beaucoup redemandé à qui il a été beaucoup donné ».

- Le monde pense rendre la vie belle par l'abondance de la richesse, de la gloire, de la santé ou de l'indépendance, tandis que la beauté de la vie chrétienne se trouve dans son unité, son harmonie, sa pureté et l'excellence du sacrifice de soi-même. Ce sacrifice consiste d'une part dans le renoncement intérieur complet à ce qui est grandeur extérieure, telle que le monde la comprend, et qui n'est que dans le nom, la fortune, le rang. Ce n'est pas qu'il faille changer de nom, de milieu social ou jeter sa fortune, mais il faut savoir être, dans son esprit, pauvre de toutes ces choses. Le seul vrai titre de noblesse, c'est de pouvoir être appelé, non un enfant de noble, de prince ou de roi, mais un enfant de Dieu, car Dieu est le Roi des rois et en même temps le Père de tous ceux qui font sa volonté.

- Or, ceux qui méritent d'être appelés enfants de Dieu, ce sont ceux qui procurent la paix, la paix entre les hommes, et entre les hommes et Dieu. Il n'y a de vraie grandeur que celle dont Christ nous a donné l'exemple en s'abaissant jusqu'à nous. « Le plus petit parmi nous c'est celui-là qui est grand (Luc 9. 48). »

Ceux qui ont été au bénéfice des ferventes prières de leur pasteur, de sa vie d'amour et de foi, rendent aujourd'hui grâce à Dieu en se souvenant de celui qui les a conduits au Sauveur et leur a annoncé la Parole de Dieu.

Avec saint Paul il pouvait dire en vérité : « Vous savez que je n'ai rien caché de ce qui pouvait vous être utile, et que je n'ai pas craint de vous prêcher et de vous enseigner publiquement et dans les maisons, la repentance envers Dieu et la foi en notre Seigneur Jésus-Christ. » Il pouvait aussi ajouter : « Je ne fais pour moi-même aucun cas de ma vie, comme si elle m'était précieuse, pourvu que j'accomplisse ma course avec joie, et le ministère que j'ai reçu du Seigneur Jésus, d'annoncer la bonne nouvelle de la grâce de Dieu (Actes 20. 20-21, 24). »

Mais une vie aussi semblable à la vie de Jésus, dont elle tirait sa sève, ne peut que susciter bien des oppositions et, certes, Charles Moreillon ne fut pas toujours compris. « C'est un illuminé, disait-on, il va trop loin, son oeuvre ne subsistera pas, elle s'écroulera. Vivre par la foi, sans rien devant soi, c'est une utopie, c'est insensé », et tant de propos qui sortent de la bouche de ceux qui ne connaissent pas le Dieu vivant.
Il ne cherchait pas à se justifier. L'humilité, cette grâce toujours inconsciente chez celui qui la possède, a caractérisé son ministère.
Il écrit : - C'est toujours l'humiliation, l'abaissement qui aplanissent le chemin du Seigneur. Humilions-nous donc de plus en plus, mettons-nous à chaque instant à la dernière place, jusqu'au jour où le Seigneur nous dira dans sa grâce. « Mon ami, monte plus haut ».

Il ne voulait pas qu'on l'appelât « Directeur » car, disait-il, vous n'avez qu'un seul directeur qui est le Christ. Il ne voulait être que le pasteur de La Maison et paître les brebis confiées à sa garde, se disant le serviteur de tous.
Il évita le danger des discours séduisants de la sagesse humaine ; son ministère a été le témoignage de l'expérience, une démonstration d'Esprit et de puissance.

- Permettez-moi l'expression d'une conviction qui ne doit cependant pas être prise pour un jugement porté sur d'autres : Nous croyons que ce qui paralyse beaucoup d'Eglises ou d'institutions, c'est qu'elles se laissent aller à croire que l'homme peut glorifier le Père en se servant de Christ. Christ : n'est ainsi qu'un aide, un second, une force ou une lumière dont on peut disposer en cas de besoin. Ce n'est pas là sa place, sa place est la première. « Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis, afin que vous alliez, et que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure (Jean 15.16). »

Christ veut que rien ne se fasse dans La Maison sans que ce soit Lui qui en donne le conseil et la force.

Christ Lui-même n'a été sur la terre qu'un instrument - mais absolument parfait - par lequel Il a glorifié le Père. Nous ne sommes donc que des instruments dans sa main. Rien de plus, rien de moins.


LA CROIX

Le sentiment de sa faiblesse, de son indignité, de son entière dépendance de Dieu, le ramena sans cesse au pied de la Croix dont il a su parler avec tant de puissance.
- Si je ne vous ai pas encore écrit au sujet de l'efficacité du sang de Christ, c'est que je n'ai pas encore réalisé moi-même toutes les grâces cachées dans la Croix ; je ne saisis pas, dans toute leur étendue, les richesses divines et rédemptrices que le Saint-Esprit veut nous faire trouver dans le sang de Jésus. Je suis loin d'avoir fait, dans cette voie divine, les expériences personnelles par lesquelles le Seigneur veut nous conduire.

- Nous pénétrons dans une vie de communion avec Dieu par la contemplation de Jésus-Christ crucifié, en demeurant corps et âme sous l'aspersion de son sang. « La volonté du Père est que quiconque voit le Fils et croit en Lui ait la vie éternelle. (Jean 6. 40) »

Cette contemplation humble et adorative doit se prolonger jusqu'à ce qu'elle devienne humiliante pour nous, car le sang du Sauveur est l'oeuvre du péché de l'humanité, l'oeuvre de mon péché à moi, mais il est aussi, à cause de celui qui le verse dans l'obéissance de l'amour, la preuve impérissable et confondante et à jamais consolatrice de l'amour miséricordieux de notre Père céleste.

À mesure que cette contemplation du sang de Christ s'accentue, le monde perd son attrait, Satan se retire honteux et vaincu ; nous ne voyons, nous ne savons plus qu'une seule vérité - Jésus mort pour nous donner la vie. Alors se réalise ce qui s'était réalisé pour saint Paul : « Le monde est crucifié pour moi, comme je le suis pour le monde (Galates 6.14). »

La voix du monde que le mondain a peur de ne plus entendre est étouffée par la voix du sang de Christ. La voix du sang d'Abel criait le triomphe du mal, de la haine et de la mort, mais la voix du sang de Christ crie le triomphe de la délivrance, de la paix et de la vie.

C'est devant le crucifié, c'est sous l'aspersion du sang de Jésus que l'homme redevient enfant du Père, parce que c'est là qu'il avoue son péché, qu'il avoue être impuissant, perdu, mais aussi qu'il reçoit Christ comme son Sauveur.

Dans la contemplation de la Croix nous goûtons l'exquise et douce étreinte du Père qui embrasse son enfant retrouvé, Combien nous sommes indignes d'une si grande grâce, mais combien elle est précieuse et adorable pour nous.

Lettre adressée aux soeurs. Le Ried, 1902 je ne puis dire à chacune de vous que la même chose : Tenez votre vieil homme, votre homme de péché crucifié avec Christ sur la Croix, et laissez Jésus prendre toute la place en vous. C'est Lui qui veut être le nouvel homme, le nouvel Adam quand le premier, le mauvais est mort.

Je me réjouis de rentrer pour vous annoncer tout à nouveau Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié (1 Cor. 2. 2). C'est à sa personne que nous voulons sans cesse revenir.

Ce qu'il faut dans le monde, et particulièrement dans La Maison, ce sont des âmes qui ne vivent, ne connaissent, n'adorent et ne proclament que Jésus, le Seigneur et Sauveur.

(Voir appendice c.) 

Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant