Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Chapitre II

FONDATION DE LA MAISON

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- Fragments de lettres et exaucements


La foi obtient ce que Dieu a promis.

M. Moreillon fit part à un ami, M. W., qui dirigeait à Genève le Bureau de bienfaisance vaudois, du projet que Dieu lui avait mis au coeur. Dans les premiers mois de l'année de 1899, il lui écrivit à peu près ceci : - Je me propose d'ouvrir une maison pour y recevoir de jeunes orphelins, dès le 1er janv. prochain. - Mais le mot « janv. » abrégé était si peu lisible que M. W. lut : 1er juin. Aussi écrivit-il dès le 6 mai : - J'ai quatre garçons orphelins dont je ne sais que faire, deux doivent être éloignés sans retard de leur milieu. Je pense que cela ne te fera rien de recevoir des garçons au lieu des filles que tu désirais. Si tu es d'accord, ne me réponds pas ; je te les enverrai prochainement.
- Je crois que Dieu nous appelle à marcher par la foi pour la réception des enfants comme pour les ressources, pensa M. Moreillon, et il ne répondit rien, acceptant cette demande comme venant du Seigneur.

Lorsque le 12 mai déjà M. W. amena lui-même à Burtigny ces quatre premiers garçons, il n'y avait encore ni maison, ni mobilier, ni personnel, ni argent ; il n'y avait absolument rien. M. Moreillon était prêt à les accueillir dans son propre foyer, mais une amie du village, Mme Bichet, offrit de les prendre chez elle en attendant que la maison qui leur était destinée fût aménagée. Il fallut dix jours pour la préparer et y installer ces garçons. Cécile Burnet et Amélie Bichet offraient de s'en occuper.

Quelque temps après, Mmes Burnet et Beney, propriétaires de la maison, cédèrent avec un désintéressement rare, leur propre appartement du premier étage pour s'établir dans une autre maison du village.
« Il n'est personne qui, ayant quitté à cause du Royaume de Dieu, sa maison, ou ses parents, ou ses enfants, ne reçoive beaucoup plus dans ce siècle-ci, et, dans le siècle à venir, la vie éternelle (Luc 18. 29). »

Ce fut dans une réunion de moniteurs et monitrices des écoles du dimanche de la contrée que je rencontrai pour la première fois le pasteur Charles Moreillon. Quelqu'un lui demanda de dire un mot au sujet de l'oeuvre qu'il venait d'entreprendre et je fus frappée de sa réponse qui dénotait tant d'humilité et de confiance : - Dieu Lui-même l'avait appelé à s'occuper des enfants abandonnés, et ce n'était de sa part qu'un acte d'obéissance à un appel précis, aussi se proposait-il de ne compter que sur Dieu seul pour subvenir à tous les besoins de cette oeuvre à laquelle il avait donné le nom de « La Maison ».

Une correspondance suivit cette première rencontre et je ne tardai pas à monter à Burtigny. Ce fut un privilège dont je bénis Dieu, de pouvoir m'entretenir à plus d'une reprise avec cet homme de foi qui vous faisait pénétrer au centre même de la vie chrétienne.

Voici quelques passages relevés dans les lettres de cette époque.

Juin 1899
. - Il y a six ans déjà que le Seigneur frappait à ma porte d'une manière particulière, pour me dire que je devais m'intéresser à ceux qui n'ont point de famille. Mes études étaient loin d'être terminées, que le Seigneur attirait vers les déshérités toutes mes pensées. Depuis lors je suis entré dans le ministère et par cela même j'ai vu de plus près la misère morale et la nécessité de consacrer le meilleur de mes forces à lui venir en aide.
- Les enfants abandonnés doivent être recueillis, c'est par là que nous devons commencer.
Nous voulons aussi diminuer le plus possible le nombre des êtres et des vies inutiles en leur montrant quelle tâche leur est préparée pour le service des autres. Combien de jeunes gens ou de jeunes filles s'imaginent que parce qu'ils ont instruction, fortune et éducation, ils n'ont pas besoin de travailler et d'être utiles à la société. Ils oublient pour le malheur de tous, qu'il sera beaucoup redemandé à ceux à qui il a été beaucoup donné.

- Lorsque le Seigneur a commencé son oeuvre d'appel et de préparation, il a fallu renoncer à cette vie facile que l'égoïsme de l'homme lui fait envier et il a été nécessaire de se mettre à l'étude de la situation, des besoins, des méthodes à employer et des forces disponibles. Dieu a été admirable dans les moyens d'amour dont Il s'est servi.

- Vous n'ignorez pas, sans doute, que notre Père céleste veut des débuts d'autant plus modestes qu'il fonde plus d'espérance sur l'une ou l'autre de ses oeuvres, et cela afin que les hommes n'en puissent tirer aucune gloire, mais qu'ils soient obligés de reconnaître que c'est Lui seul qui les a mis au large.

- Vous savez sans doute que c'est l'oeuvre du Seigneur et non la nôtre et que par conséquent elle ne se rattache à aucune Église particulière ; elle a pour base les ordres et les promesses de la Parole de Dieu. Christ, Fils de Dieu, en est le Directeur.
- Il faut que ce soit une oeuvre sainte et le Seigneur seul peut en faire une semblable.

- Jusqu'à maintenant nous avons été merveilleusement soutenus, malgré les pensées de doute et les propos décourageants montant du coeur de ceux qui pensent que c'est une folie de marcher par la foi, mais les promesses divines sont là, et Celui qui fait les promesses est fidèle. Il nous aime, Il nous bénit. il multiplie ses délivrances ; à nous de les comprendre et d'être prêts à en recevoir de toujours plus grandes.

- Nous ne comptons que sur le Seigneur seul qui saura toucher les coeurs et les amener à avoir confiance en nous, en pourvoyant aux besoins matériels et spirituels de La Maison par la charité de leurs mains et par leurs prières.

- Sans doute les secours matériels sont nécessaires ; ils sont même la condition de la marche et du développement de l'oeuvre, mais il faut avant tout des gens qui prient et qui prient continuellement.

- La Maison est une oeuvre spirituelle plus encore que matérielle et visible. Les faits extérieurs ne sont qu'une petite partie de cette vérité, et les regards doivent se tourner vers les réalités spirituelles, sans lesquelles La Maison n'existerait pas.

- La vie en Christ (Jean 15) est une folie aux yeux du monde, et c'est pourquoi plusieurs de ceux à qui je prêche cette vie me prennent volontiers pour un halluciné, mais nous savons en qui nous croyons et jusqu'ici le Seigneur nous a secourus.

- Le Seigneur creuse toujours plus profondément les fondements de son oeuvre ; Il l'éprouve, Il permet que les vents et la pluie l'assaillent, mais c'est afin que chacun sache que là où l'homme ne peut apporter aucune délivrance, le Seigneur est tout-puissant... Nous ne devons jamais compter que sur Lui seul.

- Profitons des années que Dieu nous donne, pour les remplir, bien moins des choses qui passent, que des affections saintes et pures qui doivent aller en grandissant. Oh ! combien je me réjouis du jour où tout ce qui n'aura pas été revêtu du sceau de l'amour et de la pureté, tels que nous les trouvons en Jésus-Christ, sera détruit et que son image à Lui, que Dieu a déposée en nous pour nous rappeler notre origine divine, deviendra la plus grande, la plus vraie, la plus durable de toutes les réalités.

- Et maintenant que sera La Maison de l'avenir ? Le Seigneur nous a mis au coeur d'attendre de Lui de grandes choses. Nous savons qu'il pourvoira à tous les besoins de son oeuvre. À Lui seul rendons toute la gloire.

Les récits qui suivent, que je tiens de la bouche même de M. Moreillon, nous montreront quelques-unes des interventions de Dieu.
Une somme de 240 francs suisses était promise à un paysan du voisinage pour un achat de foin. Le matin même du jour de l'échéance, M. Moreillon avait bien les 40 francs mais non pas les 200.

Dès l'aube il était à genoux devant Dieu pour demander cette somme. Le facteur arrive (la délivrance venait parfois par lui, par une lettre, un mandat), mais il n'apporte rien. Comment Dieu interviendra-t-Il dans ce village à l'écart ? On peut se le demander, mais la foi ne regarde pas aux impossibilités, elle regarde à Dieu.
Le matin se passe. Le pasteur doit vaquer à ses occupations. Mais dès qu'il est libre nous le trouvons de nouveau devant son Dieu, s'attendant à Lui.

Dans le courant de l'après-midi, un coup de sonnette. La jeune bonne introduit un monsieur étranger, venu en automobile. (Les autos étaient alors une chose rare dans ces villages reculés.) Après un entretien prolongé au sujet de l'orphelinat, cet homme venu de loin, totalement inconnu, qui ne voulait pas même donner son nom, sort de son portefeuille un pli. - J'ai depuis six mois une enveloppe à votre adresse. Aujourd'hui j'ai senti que je ne devais pas attendre un jour de plus pour vous l'apporter.
Et cette enveloppe, préparée pour le jour et l'heure du besoin, contenait 200 francs.
- Je n'ai jamais si bien compris qu'à ce moment la parole du prophète, ajouta le pasteur en me racontant cette délivrance : « Avant qu'ils crient, Je les exaucerai (Esaïe 65. 24). »

Un jour, après le déjeuner du matin, il ne restait plus une miche de pain pour le repas de midi. Que faire ? La caisse était vide et il n'était pas question d'acheter du pain à crédit. - Cependant, Seigneur, tu ne permettras pas que les enfants de La Maison puissent dire qu'ils ont manqué de pain !

Une troupe de soldats en course, sous la conduite d'un officier, arrive de Bière. L'officier avise, pour y dresser son bivouac, le pré attenant à la cure. L'herbe est déjà un peu haute. Mais, dit-il, je vous en paie l'indemnité d'avance, et comme je désire que mes soldats n'aillent pas à l'auberge, n'auriez-vous pas un peu de vin à me remettre ? M. Moreillon en avait un petit tonnelet, cadeau de son père, et comme il n'en buvait pas lui-même, il était tout disposé à le céder. Quarante francs lui furent aussitôt versés, ce qui lui permit d'acheter le pain nécessaire, et plus encore.

Un certain jour, il me fallait aller jusqu'à la poste envoyer ce mandat préparé pour La Maison, mais il pleuvait à verse. Ne puis-je pas attendre à demain ? - Non, il ne faut pas tarder. - La lettre de remerciement reçue deux jours après, disant combien ces 100 francs étaient arrivés juste à point, fut la preuve qu'il faut obéir sans retard à l'impulsion intérieure, qui est comme un ordre de Dieu.

Une autre fois, c'était une petite livraison de bois qu'il fallait payer à un paysan voisin. M. Moreillon partit avec tout l'argent qu'il avait en caisse, ne sachant quelle somme lui serait demandée. Il se trouva qu'elle correspondait exactement à ce qu'il avait en poche. - Je vous donne tout ce que je possède, dit-il en vidant sa bourse.
- C'est impossible, dit le campagnard, vous ne me ferez pas croire qu'avec votre grande maisonnée vous n'ayez plus rien !
- C'est pourtant la vérité, mais je suis sans crainte et j'ai l'assurance que Dieu nous enverra le nécessaire au moment voulu.
Il avait à peine quitté la propriété de cet homme, le laissant fort incrédule, qu'il fut arrêté sur la route par un ami qu'il n'avait pas vu depuis longtemps.
- Quelle chance de vous rencontrer, lui dit-il, cela m'évite de faire le détour d'aller jusque chez vous, et il lui remet une enveloppe dont le contenu va pourvoir aux besoins de La Maison pendant bien des jours.

Comment expliquer ces miracles ? - Au commencement, disait quelqu'un, on pouvait croire à d'heureuses coïncidences, mais maintenant que cela dure et se renouvelle constamment, on n'y comprend rien. - Certes, pour ceux qui ne croient pas que nous ayons un Dieu qui entend et qui répond aux prières de ses enfants, « on n'y comprend rien ».

Plus d'une fois j'avais promis à mes quatre fillettes de les conduire à Burtigny visiter La Maison. Ce fut pour elles une joie et un grand intérêt que de voir ces jeunes orphelins. Au retour elles se parlaient entre elles en grand secret et je fus plusieurs jours sans deviner leur projet ; mais elles virent bientôt qu'il fallait mettre leur maman au courant. Elles avaient décidé de faire une vente pour La Maison ! Déjà l'une d'elles avait commencé un tricotage, une autre voulait confectionner une petite robe, mais elles ne pouvaient pas aller bien loin sans un peu d'aide. Aussi, bien que je ne sois guère d'avis de multiplier les ventes, je m'associai à leur projet et, pendant l'hiver suivant, leurs amies et compagnes d'école vinrent travailler chaque lundi. Elles le firent avec entrain, s'intéressant vivement aux récits que je leur faisais de ces enfants abandonnés.

Au printemps toute une collection d'ouvrages étaient prêts et avec l'appui de quelques mamans complaisantes, la vente eut lieu dans notre salon du Grand Mézel. Ce fut un vrai miracle ! Alors que les plus optimistes osaient à peine espérer réunir la somme de 500 francs, 2000 francs furent comptés ; une généreuse grand'mère arrondit les quelque 10 francs manquant pour atteindre ce chiffre rond. De sa plus belle écriture l'aînée de nos fillettes, âgée alors de 10 ans, écrivit une lettre à M. Moreillon pour lui annoncer ce beau résultat. Voici sa réponse textuelle :
- C'est avec une joie immense que nous apprenons le résultat de votre vente, résultat inattendu par nous, bien que j'aie demandé au Seigneur de m'envoyer 2000 francs dans la journée et même 3000 francs à titre d'encouragement. À 9 h. 1/2 on me remettait 1000 francs et à 10 h. 1/2 je recevais votre lettre m'annonçant les 2000 autres. Dois-je vous dire que nous avons besoin de tout cet argent... (suit une énumération des dépenses nécessaires, réparations, mobilier, loyer, vache à acheter, etc.). Aussi ce magnifique résultat, pour lequel chacun a béni le Seigneur, sera-t-il entièrement absorbé.

Nous avons su plus tard que M. Moreillon avait passé la nuit entière en prière pour demander à Dieu de lui envoyer cet argent ce jour même, et dans la réunion de prière qui avait lieu à l'aube de chaque matin, il avait associé tout le personnel de La Maison à cette pressante requête.
« Jamais on n'a appris ni entendu dire, et jamais l'oeil n'a vu qu'un autre Dieu que Toi fît de telles choses pour ceux qui se confient en Lui (Esaïe 64. 3). »

Nous pourrions multiplier les exemples de la fidélité de Dieu.
Comment se fait-il, demandait un jour un pasteur, que nous voyions ici tant de prières exaucées alors que nous sommes loin, dans nos ministères, de faire les mêmes expériences ? Le secret ne serait-il pas dans l'obéissance de vies entièrement données à Dieu et qui osent croire à toutes les promesses de la Parole de Dieu, et au nom tout-puissant de Jésus ? « Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu (Jean 11. 40). » Tout est possible à Dieu et « tout est possible à celui qui croit (Marc 9. 23) ».

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