- Fragments de lettres et exaucements
La foi obtient ce que Dieu a promis.
M. Moreillon fit part à un ami, M. W.,
qui dirigeait à Genève le Bureau de
bienfaisance vaudois, du projet que Dieu lui avait
mis au coeur. Dans les premiers mois de
l'année de 1899, il lui écrivit
à peu près ceci : - Je me
propose d'ouvrir une maison pour y recevoir de
jeunes orphelins, dès le 1er janv. prochain.
- Mais le mot « janv. »
abrégé était si peu lisible
que M. W. lut : 1er juin. Aussi
écrivit-il dès le 6 mai : - J'ai
quatre garçons orphelins dont je ne sais que
faire, deux doivent être
éloignés sans retard de leur milieu.
Je pense que cela ne te fera rien de recevoir des
garçons au lieu des filles que tu
désirais. Si tu es d'accord, ne me
réponds pas ; je te les enverrai
prochainement.
- Je crois que Dieu nous appelle
à marcher par la foi pour la
réception des enfants comme pour les
ressources, pensa M. Moreillon, et il ne
répondit rien, acceptant cette demande comme
venant du Seigneur.
Lorsque le 12 mai déjà M.
W. amena lui-même à Burtigny ces
quatre premiers garçons, il n'y avait encore
ni maison, ni mobilier, ni
personnel, ni argent ; il n'y avait absolument
rien. M. Moreillon était prêt à
les accueillir dans son propre foyer, mais une amie
du village, Mme Bichet, offrit de les prendre chez
elle en attendant que la maison qui leur
était destinée fût
aménagée. Il fallut dix jours pour la
préparer et y installer ces garçons.
Cécile Burnet et Amélie Bichet
offraient de s'en occuper.
Quelque temps après, Mmes Burnet
et Beney, propriétaires de la maison,
cédèrent avec un
désintéressement rare, leur propre
appartement du premier étage pour
s'établir dans une autre maison du
village.
« Il n'est personne qui, ayant
quitté à cause du Royaume de Dieu, sa
maison, ou ses parents, ou ses enfants, ne
reçoive beaucoup plus dans ce
siècle-ci, et, dans le siècle
à venir, la vie éternelle
(Luc
18. 29). »
Ce fut dans une réunion de
moniteurs et monitrices des écoles du
dimanche de la contrée que je rencontrai
pour la première fois le pasteur Charles
Moreillon. Quelqu'un lui demanda de dire un mot au
sujet de l'oeuvre qu'il venait d'entreprendre et je
fus frappée de sa réponse qui
dénotait tant d'humilité et de
confiance : - Dieu Lui-même l'avait
appelé à s'occuper des enfants
abandonnés, et ce n'était de sa part
qu'un acte d'obéissance à un appel
précis, aussi se proposait-il de ne compter
que sur Dieu seul pour subvenir à tous les
besoins de cette oeuvre à laquelle il avait
donné le nom de « La
Maison ».
Une correspondance suivit cette
première rencontre et je ne tardai pas
à monter à Burtigny. Ce fut un
privilège dont je bénis Dieu, de
pouvoir m'entretenir à plus d'une reprise
avec cet homme de foi qui vous
faisait pénétrer au centre même
de la vie chrétienne.
Voici quelques passages relevés
dans les lettres de cette époque.
Juin 1899. - Il y a six ans
déjà que le Seigneur frappait
à ma porte d'une manière
particulière, pour me dire que je devais
m'intéresser à ceux qui n'ont point
de famille. Mes études étaient loin
d'être terminées, que le Seigneur
attirait vers les déshérités
toutes mes pensées. Depuis lors je suis
entré dans le ministère et par cela
même j'ai vu de plus près la
misère morale et la nécessité
de consacrer le meilleur de mes forces à lui
venir en aide.
- Les enfants abandonnés doivent
être recueillis, c'est par là que nous
devons commencer.
Nous voulons aussi diminuer le plus
possible le nombre des êtres et des vies
inutiles en leur montrant quelle tâche leur
est préparée pour le service des
autres. Combien de jeunes gens ou de jeunes filles
s'imaginent que parce qu'ils ont instruction,
fortune et éducation, ils n'ont pas besoin
de travailler et d'être utiles à la
société. Ils oublient pour le malheur
de tous, qu'il sera beaucoup redemandé
à ceux à qui il a été
beaucoup donné.
- Lorsque le Seigneur a commencé
son oeuvre d'appel et de préparation, il a
fallu renoncer à cette vie facile que
l'égoïsme de l'homme lui fait envier et
il a été nécessaire de se
mettre à l'étude de la situation, des
besoins, des méthodes à employer et
des forces disponibles. Dieu a été
admirable dans les moyens d'amour dont Il s'est
servi.
- Vous n'ignorez pas, sans doute, que
notre Père céleste veut des débuts d'autant plus
modestes qu'il fonde plus d'espérance sur
l'une ou l'autre de ses oeuvres, et cela afin que
les hommes n'en puissent tirer aucune gloire, mais
qu'ils soient obligés de reconnaître
que c'est Lui seul qui les a mis au large.
- Vous savez sans doute que c'est
l'oeuvre du Seigneur et non la nôtre et que
par conséquent elle ne se rattache à
aucune Église particulière ;
elle a pour base les ordres et les promesses de la
Parole de Dieu. Christ, Fils de Dieu, en est le
Directeur.
- Il faut que ce soit une oeuvre sainte
et le Seigneur seul peut en faire une
semblable.
- Jusqu'à maintenant nous avons
été merveilleusement soutenus,
malgré les pensées de doute et les
propos décourageants montant du coeur de
ceux qui pensent que c'est une folie de marcher par
la foi, mais les promesses divines sont là,
et Celui qui fait les promesses est fidèle.
Il nous aime, Il nous bénit. il multiplie
ses délivrances ; à nous de les
comprendre et d'être prêts à en
recevoir de toujours plus grandes.
- Nous ne comptons que sur le Seigneur
seul qui saura toucher les coeurs et les amener
à avoir confiance en nous, en pourvoyant aux
besoins matériels et spirituels de La Maison
par la charité de leurs mains et par leurs
prières.
- Sans doute les secours
matériels sont nécessaires ; ils
sont même la condition de la marche et du
développement de l'oeuvre, mais il faut
avant tout des gens qui prient et qui prient
continuellement.
- La Maison est une oeuvre spirituelle
plus encore que matérielle et visible. Les
faits extérieurs ne sont qu'une petite
partie de cette vérité, et les
regards doivent se tourner vers les
réalités spirituelles, sans
lesquelles La Maison n'existerait pas.
- La vie en Christ
(Jean
15) est une folie aux yeux du
monde, et c'est pourquoi plusieurs de ceux à
qui je prêche cette vie me prennent
volontiers pour un halluciné, mais nous
savons en qui nous croyons et jusqu'ici le Seigneur
nous a secourus.
- Le Seigneur creuse toujours plus
profondément les fondements de son
oeuvre ; Il l'éprouve, Il permet que
les vents et la pluie l'assaillent, mais c'est afin
que chacun sache que là où l'homme ne
peut apporter aucune délivrance, le Seigneur
est tout-puissant... Nous ne devons jamais compter
que sur Lui seul.
- Profitons des années que Dieu
nous donne, pour les remplir, bien moins des choses
qui passent, que des affections saintes et pures
qui doivent aller en grandissant. Oh ! combien
je me réjouis du jour où tout ce qui
n'aura pas été revêtu du sceau
de l'amour et de la pureté, tels que nous
les trouvons en Jésus-Christ, sera
détruit et que son image à Lui, que
Dieu a déposée en nous pour nous
rappeler notre origine divine, deviendra la plus
grande, la plus vraie, la plus durable de toutes
les réalités.
- Et maintenant que sera La Maison de
l'avenir ? Le Seigneur nous a mis au coeur
d'attendre de Lui de grandes choses. Nous savons
qu'il pourvoira à tous les besoins de son
oeuvre. À Lui seul rendons toute la
gloire.
Les récits qui suivent, que je
tiens de la bouche même de M. Moreillon, nous
montreront quelques-unes des interventions de Dieu.
Une somme de 240 francs suisses
était promise à un paysan du
voisinage pour un achat de foin. Le matin
même du jour de l'échéance, M.
Moreillon avait bien les 40 francs mais non pas les
200.
Dès l'aube il était
à genoux devant Dieu pour demander cette
somme. Le facteur arrive (la délivrance
venait parfois par lui, par une lettre, un mandat),
mais il n'apporte rien. Comment Dieu
interviendra-t-Il dans ce village à
l'écart ? On peut se le demander, mais
la foi ne regarde pas aux impossibilités,
elle regarde à Dieu.
Le matin se passe. Le pasteur doit
vaquer à ses occupations. Mais dès
qu'il est libre nous le trouvons de nouveau devant
son Dieu, s'attendant à Lui.
Dans le courant de l'après-midi,
un coup de sonnette. La jeune bonne introduit un
monsieur étranger, venu en automobile. (Les
autos étaient alors une chose rare dans ces
villages reculés.) Après un entretien
prolongé au sujet de l'orphelinat, cet homme
venu de loin, totalement inconnu, qui ne voulait
pas même donner son nom, sort de son
portefeuille un pli. - J'ai depuis six mois une
enveloppe à votre adresse. Aujourd'hui j'ai
senti que je ne devais pas attendre un jour de plus
pour vous l'apporter.
Et cette enveloppe,
préparée pour le jour et l'heure du
besoin, contenait 200 francs.
- Je n'ai jamais si bien compris
qu'à ce moment la parole du prophète,
ajouta le pasteur en me racontant cette
délivrance : « Avant qu'ils
crient, Je les exaucerai
(Esaïe
65.
24). »
Un jour, après le déjeuner
du matin, il ne restait plus une miche de pain pour
le repas de midi. Que faire ? La caisse
était vide et il
n'était pas question d'acheter du pain
à crédit. - Cependant, Seigneur, tu
ne permettras pas que les enfants de La Maison
puissent dire qu'ils ont manqué de
pain !
Une troupe de soldats en course, sous la
conduite d'un officier, arrive de Bière.
L'officier avise, pour y dresser son bivouac, le
pré attenant à la cure. L'herbe est
déjà un peu haute. Mais, dit-il, je
vous en paie l'indemnité d'avance, et comme
je désire que mes soldats n'aillent pas
à l'auberge, n'auriez-vous pas un peu de vin
à me remettre ? M. Moreillon en avait
un petit tonnelet, cadeau de son père, et
comme il n'en buvait pas lui-même, il
était tout disposé à le
céder. Quarante francs lui furent
aussitôt versés, ce qui lui permit
d'acheter le pain nécessaire, et plus
encore.
Un certain jour, il me fallait aller
jusqu'à la poste envoyer ce mandat
préparé pour La Maison, mais il
pleuvait à verse. Ne puis-je pas attendre
à demain ? - Non, il ne faut pas
tarder. - La lettre de remerciement reçue
deux jours après, disant combien ces 100
francs étaient arrivés juste à
point, fut la preuve qu'il faut obéir sans
retard à l'impulsion intérieure, qui
est comme un ordre de Dieu.
Une autre fois, c'était une
petite livraison de bois qu'il fallait payer
à un paysan voisin. M. Moreillon partit avec
tout l'argent qu'il avait en caisse, ne sachant
quelle somme lui serait demandée. Il se
trouva qu'elle correspondait exactement à ce
qu'il avait en poche. - Je vous donne tout ce que
je possède, dit-il en vidant sa
bourse.
- C'est impossible, dit le campagnard,
vous ne me ferez pas croire qu'avec votre grande
maisonnée vous n'ayez plus
rien !
- C'est pourtant la
vérité, mais je suis sans crainte et
j'ai l'assurance que Dieu nous
enverra le nécessaire au moment
voulu.
Il avait à peine quitté la
propriété de cet homme, le laissant
fort incrédule, qu'il fut
arrêté sur la route par un ami qu'il
n'avait pas vu depuis longtemps.
- Quelle chance de vous rencontrer, lui
dit-il, cela m'évite de faire le
détour d'aller jusque chez vous, et il lui
remet une enveloppe dont le contenu va pourvoir aux
besoins de La Maison pendant bien des
jours.
Comment expliquer ces miracles ?
-
Au commencement, disait quelqu'un, on pouvait
croire à d'heureuses coïncidences, mais
maintenant que cela dure et se renouvelle
constamment, on n'y comprend rien. - Certes, pour
ceux qui ne croient pas que nous ayons un Dieu qui
entend et qui répond aux prières de
ses enfants, « on n'y comprend
rien ».
Plus d'une fois j'avais promis à
mes quatre fillettes de les conduire à
Burtigny visiter La Maison. Ce fut pour elles une
joie et un grand intérêt que de voir
ces jeunes orphelins. Au retour elles se parlaient
entre elles en grand secret et je fus plusieurs
jours sans deviner leur projet ; mais elles
virent bientôt qu'il fallait mettre leur
maman au courant. Elles avaient
décidé de faire une vente pour La
Maison ! Déjà l'une d'elles
avait commencé un tricotage, une autre
voulait confectionner une petite robe, mais elles
ne pouvaient pas aller bien loin sans un peu
d'aide. Aussi, bien que je ne sois guère
d'avis de multiplier les ventes, je m'associai
à leur projet et, pendant l'hiver suivant,
leurs amies et compagnes d'école vinrent
travailler chaque lundi. Elles le firent avec
entrain, s'intéressant vivement aux
récits que je leur faisais de ces enfants
abandonnés.
Au printemps toute une collection
d'ouvrages étaient prêts et avec l'appui de
quelques
mamans
complaisantes, la vente eut lieu dans notre salon
du Grand Mézel. Ce fut un vrai
miracle ! Alors que les plus optimistes
osaient à peine espérer réunir
la somme de 500 francs, 2000 francs furent
comptés ; une généreuse
grand'mère arrondit les quelque 10 francs
manquant pour atteindre ce chiffre rond. De sa plus
belle écriture l'aînée de nos
fillettes, âgée alors de 10 ans,
écrivit une lettre à M. Moreillon
pour lui annoncer ce beau résultat. Voici sa
réponse textuelle :
- C'est avec une joie immense que nous
apprenons le résultat de votre vente,
résultat inattendu par nous, bien que j'aie
demandé au Seigneur de m'envoyer 2000 francs
dans la journée et même 3000 francs
à titre d'encouragement. À 9 h. 1/2
on me remettait 1000 francs et à 10 h. 1/2
je recevais votre lettre m'annonçant les
2000 autres. Dois-je vous dire que nous avons
besoin de tout cet argent... (suit une
énumération des dépenses
nécessaires, réparations, mobilier,
loyer, vache à acheter, etc.). Aussi ce
magnifique résultat, pour lequel chacun a
béni le Seigneur, sera-t-il
entièrement absorbé.
Nous avons su plus tard que M. Moreillon
avait passé la nuit entière en
prière pour demander à Dieu de lui
envoyer cet argent ce jour même, et dans la
réunion de prière qui avait lieu
à l'aube de chaque matin, il avait
associé tout le personnel de La Maison
à cette pressante requête.
« Jamais on n'a appris ni
entendu dire, et jamais l'oeil n'a vu qu'un autre
Dieu que Toi fît de telles choses pour ceux
qui se confient en Lui
(Esaïe
64.
3). »
Nous pourrions multiplier les exemples
de la fidélité de Dieu.
Comment se fait-il, demandait un jour un
pasteur, que nous voyions ici tant de
prières exaucées alors que nous
sommes loin, dans nos ministères, de faire
les mêmes expériences ? Le secret
ne serait-il pas dans l'obéissance de vies
entièrement données à Dieu et
qui osent croire à toutes les promesses de
la Parole de Dieu, et au nom tout-puissant de
Jésus ? « Si tu crois, tu
verras la gloire de Dieu
(Jean
11. 40). » Tout est
possible à Dieu et « tout est
possible à celui qui croit
(Marc
9. 23) ».
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