Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

XVIII

L'Éternel accomplit ce qu'il avait promis. (Suite)

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DANS LE MONDE DE LA FOI
Avec Abraham



XVIII
L'Éternel accomplit ce qu'il avait promis. (Suite)

3. À propos de notre baptême.

Après avoir donné à son fils le nom d'Isaac, Abraham le circoncit au bout de huit jours, selon l'ordre de l'Éternel. La circoncision était pour les Israélites ce qu'est pour nous le baptême, le signe visible de l'introduction dans l'alliance de Dieu. Comme je n'écris pas un livre destiné à des lecteurs juifs, on me permettra de me borner à parler ici du baptême chrétien, en qui se trouve la réalité de la cérémonie instituée par l'ancienne alliance pour les petits enfants.

Dès qu'un enfant est né dans une famille chrétienne, on s'entretient de son baptême. On en fixe l'époque, on cherche au nouveau-né des parrains et marraines. En Allemagne, on se demande si le baptême aura lieu à la maison ou à l'église. Deux seules classes de personnes ne songent point alors à cette cérémonie : les incrédules et les baptistes, les irréligieux et ceux qui obéissent au scrupule religieux. Les baptistes sont d'avis que la foi doit précéder le baptême ; comme elle n'existe pas chez l'enfant, ils rejettent le baptême des petits enfants. Nous ne partageons pas leur scrupule. (note)
Mais il faut reconnaître qu'il est respectable, qu'il peut invoquer en sa faveur de nombreux arguments, s'appuyer en particulier sur les Écritures.

Les fanatiques seuls, ceux qui ont un attachement exagéré pour leur église, ses rites et ses coutumes, jetteront un regard de dédain sur les baptistes. Quant à ceux qui rejettent le baptême, parce qu'ils n'ont pas de besoins religieux, ils sont conséquents avec eux-mêmes. Il fut un temps où la loi rendait le baptême obligatoire. Grâce à Dieu, cette disposition tyrannique a été écartée. Mais ses fâcheux effets se font encore sentir. On s'est habitué pendant des siècles à recevoir de l'État l'impulsion religieuse. Quand on a vu qu'il ne rendait plus obligatoire le baptême des enfants, la confirmation, la cène, la bénédiction nuptiale, on a dit : « Puisque l'État ne nous impose plus ces choses, elles n'ont pas d'importance. » Le résultat est que, dans beaucoup de familles, à Brème en particulier, la ville que j'habite, on a cessé, en nombre de familles, de baptiser les petits enfants. Il m'est arrivé dès lors plus d'une fois d'avoir à baptiser des frères et soeurs déjà grands ; c'est que la conscience de leurs parents avait parlé, que ceux-ci avaient fini par reconnaître l'importance du baptême. En général toutefois, la puissance de l'habitude a maintenu le vieil usage du baptême du petit enfant. Il en sera peut-être autrement dans un avenir prochain, quand les sages de ce monde, les membres des classes élevées s'éloigneront décidément, ce que l'on peut craindre, du christianisme. Jusqu'à présent, à voir les choses dans leur ensemble, nous avons le droit de dire que le baptême est la règle au sein de nos populations. Presque chacun est baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, les enfants des railleurs, comme ceux des athées, comme ceux des croyants, comme ceux des ignorants, comme ceux des savants, comme ceux des pauvres, comme ceux des riches.

Le baptême primitif n'a point dû être une aspersion, mais un plongement dans une eau profonde et courante. C'est à cause de la rigueur de notre climat septentrional, pour d'autres raisons encore que le plongement a été transformé en une aspersion. Il convient cependant de ne pas oublier le rite primitif.

L'eau profonde et courante représentait les flots inépuisables de la grâce divine révélée en Jésus-Christ. Lorsque le baptisé disparaissait sous l'eau, où il était complètement plongé, il y avait là une image de la mort du vieil homme sous l'influence de la grâce. L'apôtre Pau ! écrit, en effet, aux Romains : « Nous avons été ensevelis avec Christ par le baptême en sa mort » (Rom. VI, 4). Quand le baptisé sortait la tête de l'eau, il y avait là une nouvelle naissance. L'eau, d'un si grand prix en Orient, n'y est pas seulement un symbole de pureté, mais encore d'action rafraîchissante et vivifiante. Aussi le baptisé avait-il à se préparer à une vie nouvelle. Paul, continuant à parler du baptême, ajoute : « Afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, de même nous aussi, nous marchions en nouveauté de vie » (Rom. VI, 4). C'est pour cela que, dans l'ancienne Église, les néophytes revêtaient après le baptême des vêtements blancs, le signe de la nouveauté de la vie. Nous comprenons aussi, qu'au temps apostolique, le don de l'effusion de l'Esprit de Dieu, principe d'une vie nouvelle, concordât avec le baptême.

Le baptême suppose la foi. Il est le signe de l'alliance de Dieu avec l'homme, le symbole du don de la grâce divine, du pardon. Mais une alliance veut deux contractants. Si Dieu se présente à nous avec sa grâce, nous devons, nous aussi, nous présenter à lui avec l'offrande de notre foi. La foi, qui n'existe pas chez le petit enfant, devra être remplacée au moins par celle des parents. Le croyant venant au baptême, tient donc ce langage intérieur : « Persuadé que Jésus-Christ est mon unique ressource dans la vie et dans la mort, mon roi et mon Sauveur, je viens à lui, je m'offre à lui, âme et corps, en vivante offrande » (Rom. XII, 1). Et Dieu accepte un tel sacrifice. Dieu déclare dans le baptême que celui qui tient ce langage est reçu en grâce pour l'amour de Christ, qu'il devient l'héritier de la vie éternelle. Dieu déclare dans le baptême vouloir protéger de toute sa miséricorde, de toute sa puissance, avec une divine patience, le baptisé.

En recevant le baptême, nous faisons donc une profession de foi. Nous disons : « Jésus m'a sauvé, et je suis son héritage particulier. » Voilà pourquoi il sera bon, dans nos jours d'angoisse, de tentation, de doute, de nous souvenir de notre baptême. Celui-ci nous rappellera que Dieu s'est penché vers nous avec miséricorde, dès les premiers jours de notre vie. Nous avons pu nous égarer, tout a pu s'écrouler autour de nous. Cette certitude nous demeure : « Christ est à moi, et je suis à Christ, nul ne peut nous séparer. Il m'a revêtu des vêtements du salut, de la robe de la justice. Il a commencé en moi sa bonne oeuvre, il la poursuivra jusqu'à ce qu'il l'ait achevée. » Songeant à ses dons, nous chanterons avec l'un de nos cantiques :

Forte est la main de mon Sauveur,
Sa douce étreinte est éternelle.
Il a fait trop en rua faveur,
Pour cesser de m'être fidèle.

Non, il ne nous laissera pas. Mais il faut que nous ne le laissions pas non plus. Nous pouvons nous séparer nous-mêmes de Christ. Oui, nous le pouvons, en dépit de toutes les affirmations des théologiens sur « la grâce inadmissible ». L'expérience chrétienne démontre que l'on peut être rejeté par sa faute, après avoir reçu l'Esprit de Dieu. L'Écriture nous répète sans cesse : « Veillez ! » Et Paul dit à ceux qui ont été baptisés : « Regardez-vous comme morts au péché » (Rom. VI, 11).

S'il est certain que nous sommes des enfants de Dieu, il n'est pas moins sûr que nous avons à éloigner de nous tout ce qui nous dégraderait. Éveillons dès lors en nous, d'heure en heure, la conscience de notre vocation céleste. Disons-nous que nous sommes les enfants d'un roi, à côté duquel toutes les majestés de la terre sont poudre et cendre. Et conduisons-nous en fils et filles de roi. Honte sur nous, si nous déshonorons le nom de notre Père céleste ! Restons dignes de notre adoption ! Élevons fièrement la tête en repoussant le péché. Tout orgueil est misérable, celui du paysan qui marche en sabots dans la boue, celui du noble qui se pavane sur son grand cheval, celui du prêtre drapé dans le long manteau de la piété. Il n'est qu'une fierté recommandable, celle de notre parenté et de notre union avec Dieu, avec le Dieu saint et miséricordieux. C'est elle qui nous élève et nous humilie en même temps. Elle sera notre grand préservatif contre les hontes du péché.

Être mort au péché, vivant à la justice, telle sera la devise de ceux qui comprennent la signification profonde de leur baptême. Jésus a envoyé ses disciples dans le monde pour qu'ils lui servent de témoins, pour qu'ils annoncent son nom par leurs oeuvres et par toute leur conduite. Ils ont dès lors à haïr le péché, à le combattre, à supporter avec patience les calamités de leur époque, à tenir haut élevée la bannière de Jésus-Christ, à être ses courageux confesseurs, des ouvriers de son règne, prêts à sacrifier leur argent, leur temps et leurs forces. Chaque enfant de Dieu est appelé à agir pour l'avancement du règne de Dieu sur la terre. Son travail dans ce but ne doit pas lui être un fardeau, mais un privilège. Tout croyant a le strict devoir de remercier Dieu de pouvoir faire quelque chose en ce monde pour son Sauveur ; il n'importe qu'il puisse faire peu ou beaucoup.

N'avez-vous pas été frappé du manque de joie avec lequel la plupart des chrétiens accomplissent leurs oeuvres chrétiennes ? Ils parlent volontiers pour s'excuser des « voies mystérieuses de Dieu », de ses « pensées cachées ». Hélas, les causes de ce défaut d'entrain sont aisées à découvrir, même pour un observateur superficiel : elles s'appellent paresse, lâcheté, ambition terrestre. Quiconque surprend en soi l'existence de l'une de ces passions est enlacé dans l'une des chaînes de l'empire des ténèbres. Brisons enfin ces liens, par la force du Seigneur ! Souvenons-nous de notre baptême qui a fait de nous des enfants de Dieu, ses témoins et ses champions dans le monde.

Mais n'est-ce point une folie que de vouloir attendre d'aussi grandes choses du baptême ? Regardez ce qu'il est devenu parmi nous. Cette royale et divine consécration a perdu si bien son sens que l'on est tenté de se voiler la face devant elle, de répéter devant cette cérémonie, ce que disait au temps d'Élisée l'un des fils des prophètes. « Malheur, homme de Dieu, la mort est dans ce pot ! » (2 Rois IV, 40).

Le plus souvent le baptême n'est plus qu'un rite, où il n'est nullement question de foi. Dans la plupart des cas, les enfants sont baptisés, simplement parce que les parents l'ont été. Ni le père, ni la mère, ni les parrains et marraines ne cherchent à suppléer au manque de foi chez le petit enfant encore plus ou moins inconscient, incapable par conséquent de saisir le sens élevé du baptême. Le poète Henri Heine était d'origine juive ; il se fit baptiser dans sa jeunesse et a appelé plus tard son baptême « un billet d'entrée au sein des cercles cultivés. » Son baptême avait été une formalité fructueuse, aussi n'avait-il en général que du mépris pour cet acte. Comme on lui racontait qu'un autre Juif venait d'être baptisé, il prononça ce propos cynique : « J'aimerais autant entendre dire qu'il a volé une cuiller d'argent. » La comparaison est blessante pour le baptême. Mais je vous conjure de vous examiner, de vous demander si, pour vous, si, pour la plupart, le baptême et la confirmation qui le suit, ne constituent pas un simple billet d'entrée dans la société chrétienne. On prend part à ces cérémonies, on en prononce les voeux, sans y mettre son coeur.

Un monsieur d'une haute situation dont j'avais baptisé l'enfant me disait confidentiellement après la cérémonie, qu'il avait pensé, que je ne me servirais plus de la vieille formule de foi, figurant dans la liturgie allemande. Je lui répondis : « J'en crois à peine mes oreilles. Vous avez répondu « oui » à la question que je vous ai posée : « Est-ce bien dans cette foi que vous désirez que votre enfant soit baptisé et élevé ? » - « Que devais-je faire ? fut la réplique. Vous savez bien, monsieur le pasteur, que la promesse liturgique, ce sont des mots, une formalité. J'ai ma petite religion à moi, et son symbole est : Homo sit humanus ! » (Homme, sois humain !)

Si, dans les classes cultivées, les choses se passent de la sorte, a-t-on le droit d'exiger des gens du peuple qu'ils soient plus croyants ? Le baptême est pour eux la cérémonie dans laquelle l'enfant reçoit son nom et c'est tout. J'ai vu en Allemagne des parents envoyer leurs enfants au baptême par des étrangers. Et, cependant, quand un enfant est malade, on nous demande qu'il soit baptisé sans retard : ou espère que le baptême le guérira. On réclame même quelquefois le baptême pour des enfants morts, en alléguant qu'il pourra être en bénédiction. Quelles idées confuses règnent au sujet de ce sacrement !

En voici un autre exemple : J'allais baptiser un petit enfant, quand je m'aperçus qu'il n'y avait pas d'eau dans la coupe de cristal dont nous nous servons en ces circonstances. Je fis un signe à la mère pour lui indiquer que l'eau avait été oubliée. Savez-vous ce qu'elle dit ? Elle me répondit avec détachement : « Mettez-en, si vous y tenez, très honoré monsieur le pasteur ! » Un jour un catholique vint à moi avec deux enfants de trois et quatre ans. Il me dit que lui et sa femme protestante n'avaient pas pu jusque-là tomber d'accord sur la confession dans laquelle seraient élevés leurs enfants, et que, pour cette raison, leur baptême avait été retardé. Mais ce jour-là était le jour de naissance de sa femme. Le travail allait mal, il n'avait pu faire de cadeau à son épouse. Il avait donc résolu, en guise de présent, de lui octroyer le baptême évangélique de ses enfants. Seulement, il voulait les baptiser en secret pour que la surprise fût complète. Il voyait d'avance l'étonnement de sa bien-aimée femme, quand il lui apporterait le présent auquel il s'était décidé.

Mes lecteurs s'aperçoivent que le baptême donne lieu à des scènes plaisantes. En serait-il ainsi si la signification du baptême était comprise parmi nous ?

Une mort spirituelle a envahi nos vieilles églises. Nos églises d'état ne vivront qu'à condition de recevoir une nouvelle Pentecôte. Qu'a-t-on fait de la cérémonie symbolique instituée par Jésus-Christ qui devrait nous rappeler à chaque instant que nous sommes ses rachetés ? Oh ! qu'enfin la joie d'Abraham, la gratitude d'Abraham remplisse nos âmes, de telle sorte que nous puissions imprimer dans l'âme de nos enfants un sentiment profond de la grâce qui leur a été faite. Puissions-nous être remplis de la foi d'Abraham, ne jamais mettre en doute l'inépuisable fidélité, l'inépuisable amour, l'inépuisable patience de Dieu. Car si nous sommes infidèles, il demeure fidèle. Puissions-nous marcher tellement avec Dieu que nous osions dire à nos enfants : « Suivez-nous ; si vous nous suivez, votre pèlerinage aboutira sûrement aux cieux. » Que ce soit là notre désir intime, profond ! Sachons lutter avec Dieu pour nos enfants jusqu'à ce que nous soyons certains d'entrer un jour avec eux dans les parvis éternels, d'être réunis avec eux dans la gloire à venir. Dieu nous entendra, car il est fidèle. Mais le sommes-nous ? Oh, puissions-nous le devenir !


4. Un grand festin, une nouvelle plantation d'arbres, une nouvelle prédication.

Les deux derniers versets de mon texte renferment bien des choses :

No 1 : Abraham fait, au jour du sevrage de son fils, un grand festin ;
No 2: Abraham plante des arbres à Béer-Schéba ;
No 3: Abraham prononce une nouvelle invocation du nom de l'Éternel.

Si nous ajoutons que, dans le même chapitre, nous sont rapportés un traité conclu entre Abraham et un prince voisin, et le renvoi d'Agar avec Ismaël, nous remarquerons qu'une nouvelle dose de vigueur, un nouveau besoin d'activité semblent être le lot du patriarche depuis la naissance d'Isaac. Donnons un instant d'attention à tous ces faits, qui prouvent chez le patriarche un nouvel entrain.

Abraham fit donc un grand festin au jour du sevrage de son fils. Comme le sevrage a lieu en Orient à l'âge de deux ou trois ans au plus tôt, Isaac était déjà un petit garçon, sachant parler et courir, au moment de la fête en question. La période difficile de sa vie était passée. On a demandé pourquoi Abraham offre le festin à ce moment, pourquoi celui-ci n'a pas eu lieu tôt après la naissance de l'enfant. Je suppose que, lors de la naissance, le serviteur de l'Éternel n'a nullement songé à des réjouissances extérieures, parce que son âme était trop pleine d'adoration. Plongé dans l'admiration des voies merveilleuses de la Providence, il n'avait pas même l'idée de réunir dans des réjouissances communes les gens de sa maison, ses amis. Maintenant il s'est décidé à la chose. Ce n'est pas pour lui qu'il organise cette solennité, mais pour d'autres. Il connaît les hommes mieux que vous ne croyez. Les centaines de petits vassaux, de serviteurs, de servantes qui l'entouraient, les voisins, les princes, les chefs de clans avec lesquels il était lié, attendaient de lui quelque chose de pareil. Ils se disaient que celui qui avait eu un si grand sujet de joie avait le devoir de donner une expression extérieure à sa gratitude. Abraham se rendit à ces voeux. Tout se mit donc un jour en mouvement dans le camp du patriarche ; les démonstrations bruyantes, habituelles en pareil cas, animèrent pour un moment la frontière du désert arabique ; une large hospitalité fut offerte sous les palmiers de Béer-Schéba. Abraham, j'imagine, traita ses hôtes et les gens de sa maison de la manière la plus magnifique. Il était l'homme des pensées sérieuses ; son regard était tourné vers l'éternité. Ce n'était pas pour cela un seigneur au visage maussade, chagrin et sombre. Ceux qui pensent à l'éternité possèdent au contraire en ce monde la vraie joie. Jésus n'assista-t-il pas souvent à des repas ; n'a-t-il pas à Cana changé l'eau en vin ; n'a-t-il pas apporté son écot dans les festins auxquels nous le voyons assister, je veux dire l'assaisonnement d'une divine sagesse ?

Sachons nous réjouir lorsque Dieu nous donne des occasions de joie. Pourquoi ne pas célébrer une fête au baptême, lors des noces ? Pourquoi ne pas entourer de chants, de fleurs, de couronnes, de signes de joie les moments où notre coeur déborde ? Pourquoi ne pas donner au manger, au boire une place particulière, des soins spéciaux, en ces circonstances ? Nos pharisiens actuels hocheront la tête, ils crieront : « Mondanité ! Mondanité ! Vanité des vanités, » tandis que de simples chrétiens s'égayeront à la table d'un ami avec une simplicité enfantine. Nous sommes rassurés contre les critiques des premiers, par la pensée que les pharisiens n'ont jamais marché sur les traces d'Abraham ni sur celles de Christ.

Sans doute, au milieu de la joie, le chrétien doit toujours se souvenir qu'il est étranger et voyageur sur la terre, s'efforcer de garder sa vie cachée en Christ. Il faut prendre garde à la dissolution, aux excès du manger et du boire, songer aux pauvres. Ne disons point : « Cette fête me coûte si cher que je ne puis plus rien faire pour les pauvres, que je dois restreindre mes dons pour l'avancement du règne de Dieu. » Ah ! non, ne parlons pas de la sorte. Celui qui parle ainsi imprime à ses réjouissances un caractère fâcheux. Disons plutôt : « Puisque ce repas me coûte tant, je saurai dépenser encore davantage ; il me coûte cent francs, eh bien, j'en donnerai cent autres pour le Seigneur ! » Si vous ne pouvez consacrer deux cents francs à votre repas et aux oeuvres de charité, diminuez simplement de moitié le coût du repas qui devait revenir à cent francs, et donnez la moitié économisée au Seigneur. Croyez que la bonne grâce de l'hospitalité, l'esprit dont elle est assaisonnée importent plus que les mets livrés par la cuisine, les boissons fournies par la cave. N'arrive-t-il pas parfois qu'un effroyable ennui vous glace au milieu de la plus splendide fête ? Et ce malaise ne procéderait-il pas, cent fois pour une, de ce que l'on sent trop autour de soi la recherche de la jouissance matérielle ? Il est des festins, dans lesquels on fait trop de place à la bête. On s'y moque de l'économie, de la raison, de l'hygiène ; vous y voyez passer dix à douze services ; on y réunit sur sa table les productions les plus chères de toutes les parties du monde. Dans ces festins-là, c'est l'animal qui se repaît. Il ne saurait être question de joie chrétienne.

En revanche les toasts, les santés, les allocutions humoristiques me paraissent toujours de mise. Celui qui sait égayer un repas par ses saillies et qui ne le fait pas est un voleur. J'ai remarqué que les discours de fête permettent souvent d'exprimer des vérités qu'il est très nécessaire de dire, que l'on n'aurait pu exprimer en d'autres circonstances, et cela, sous une forme spirituelle qui les fait passer. Celui qui possède le don de parler à propos dans ces occasions a un beau don ; mais celui qui ne l'a pas aura raison de se taire. Il va sans dire que les flatteries, les panégyriques doivent être exclus avec soin des propos de table, comme d'autres propos. C'est dans nos fêtes qu'il conviendra de nous souvenir de la parole : « Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, soit que vous fassiez quelque autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu ! » Je donnerais je ne sais pas combien pour avoir entendu les propos de table d'Abraham, dans le festin de mon texte, assisté à la fête qu'il donna à Béer-Schéba. Malheureusement nous manquons de détails sur cet intéressant sujet. L'auteur de la Genèse se borne à mentionner expressément le festin. Il le fait sans doute dans l'intention de dire quelque chose d'honorable pour le patriarche.

Ce qui produit sur moi une grande impression, ce sont les sentiments d'humanité du grand serviteur de Dieu. Il s'occupe des désirs des autres, va au-devant de leurs souhaits. Nous l'avons vu au retour de son expédition guerrière. Il ne veut rien pour lui-même du butin qui lui est offert, pas même « un fil ni un cordon de soulier ! » Mais il a soin de réserver une part pour ses gens, pour ses alliés. Il ne se les figure pas aussi désintéressés que lui. Il trouve naturel qu'ils tiennent à l'or et à l'argent, aux dépouilles. Il comprend qu'à l'occasion ils veuillent un pourboire, un régal, et il ne les en estimera pas moins pour cela.

Bien des gens auraient, sur ce point, beaucoup à apprendre d'Abraham ; même des esprits très avisés et d'excellents chrétiens feraient bien de se mettre à son école. N'appliquons pas rigoureusement aux autres, en tout et partout, la mesure dont nous nous servons pour nous-mêmes. Il vous plaît de donner la vingtième ou la dixième partie de votre revenu annuel, de la consacrer à des oeuvres de charité. C'est fort bien. Gardez-vous de croire pourtant que tel ami, tel chrétien, dans la même situation que vous, sont obligés de donner autant que vous. Tout dépend des dispositions du coeur. Celui qui sacrifie le un pour cent de son revenu et qui est dans la même position que vous, a peut-être fait une offrande proportionnellement plus grande, plus coûteuse, que vous en donnant la dixième partie de votre revenu. Comment cela ? Mais en domptant son penchant à l'économie qui frisait l'avarice.

La même remarque s'applique à d'autres choses. Vous ne voulez rien savoir ni des concerts ni de la chasse ni de la pêche ; c'est votre affaire, mais ne mettez pas en question, je vous en prie, le christianisme de quelqu'un parce qu'il se permet ce que vous vous interdisez. Les voies où nous avons à marcher sont diverses ; elles différent d'après l'éducation reçue, d'après le caractère et le tempérament. C'est folie de la part des chrétiens avancés et sérieux de vouloir imposer à ceux qui ne sont pas encore à Jésus-Christ les renoncements dont ils usent eux-mêmes. Tenez compte aussi dans vos jugements et vos conseils de l'âge, de la jeunesse. Souvenez-vous du mot de Salomon : « Il est pour toute chose un temps. » S'il en est ainsi, il est certainement un temps pour la jeunesse et ses plaisirs légitimes.

Une jeune fille, aimable et pieuse, aimait beaucoup le bal. Elle me demanda un jour si elle avait tort de se livrer à la danse. Je lui répondis : « Dansez tant que vous voudrez, jusqu'au jour où vous trouverez quelque chose de mieux à faire. » Cette parole eut de bons effets. La jeune fille se mit en quête d'un plaisir plus élevé que la danse. Elle le découvrit. Elle a continué à danser, mais sans passion, et a su renoncer à ce divertissement lorsque cela fut nécessaire. Gardons-nous de laisser croire que le christianisme ne sait que défendre, interdire, qu'il est toujours et partout un trouble-fête. Ce serait le moyen de nous aliéner la jeunesse. Il est bon de lui apprendre à envisager Jésus comme le dispensateur des vraies joies, le règne de Dieu comme une économie qui est paix dans le Saint-Esprit. Les vrais disciples de Jésus-Christ s'efforceront de prouver au monde, - et ils y parviendront, - que l'Évangile conserve la jeunesse de l'âme, qu'il fait battre les coeurs pour tout ce qui est humain, noble et grand.

Deux traits de ma propre jeunesse trouveront ici leur place. J'avais environ dix ans. Je me trouvais avec plusieurs camarades dans une maison chrétienne. Nous étions tous de joyeuse humeur. Une petite loterie fut tirée pour nous amuser. Les principaux lots étaient une noix de coco, une ramure de cerf, un couteau de poche, etc. Il y avait encore d'autres objets, dont je ne me souviens pas, propres à exciter les désirs de garçons de notre âge. Je gagnai pour ma part un petit traité, intitulé, je crois : « Hâte-toi de mettre en sûreté ton âme », ou avant un titre pareil. Je ne fus pas content. Ma déception se refléta sur ma figure. Une dame pieuse s'aperçut de ma déconvenue, s'approcha de moi pour me consoler. Si elle m'avait dit : « Il faut savoir, au jeu, être battu. La roue de la fortune tourne. Aujourd'hui elle comble l'un, demain elle le maltraitera, » je l'aurais probablement écoutée. Mais elle s'y prit autrement. Elle se mit à me dire très solennellement : « Mon cher ami, tu as gagné le plus beau lot. La noix de coco, la ramure de cerf, le couteau de poche, vanité tout cela ! Mais ce petit livre pourra t'enseigner la voie du salut. »

L'effet de ce discours fut de me mettre en fureur. Aujourd'hui je pense que j'avais tort d'être en colère, mais que l'excellente dame manquait d'à-propos en s'exprimant comme elle faisait.

Voici mon autre histoire : Nous étions en hiver ; une glace épaisse invitait à patiner ; mes frères se préparaient à partir avec leurs amis pour se livrer à un exercice que nous aimions avec passion. Avec quel bonheur, je les aurais accompagnés, mais mon père m'avait défendu sévèrement de sortir parce que je toussais ! Je versais donc des larmes, quand un voisin pieux, qui était là, essaya d'apaiser mon chagrin. Dans ce but il me tint un petit prêche, où il s'efforçait de me prouver d'abord que les joies de cette terre importent peu, ensuite que dans le ciel on n'y songera plus. Je me demande si le personnage avait jamais patiné ou s'il avait pu oublier complètement le plaisir qu'il y a à glisser sur la glace avec de jolis patins. Son allocution acheva de me désoler. Ma mère eut plus de bon sens en me disant : « Attends que nous soyons seuls, tu dévideras mon fil et je te raconterai quelque jolie histoire de ma jeunesse, des Mynherr ou des Domine hollandais ; je te parlerai des grandes maisons et des canaux d'Amsterdam. »

Éducateurs de la jeunesse, restez jeunes, ou renoncez à votre métier d'éducateurs ! Pieux chrétiens, ne cessez jamais de sentir en hommes ! Imitez Abraham ! Songez après lui aux serviteurs et aux servantes qui attendent des pourboires, aux jeunes gens qui aiment les fêtes.

Le patriarche est occupé encore d'une autre oeuvre terrestre. Il fait une plantation d'arbres. Luther a traduit : « Il planta des arbres à Béer-Schéba » ; mais le texte hébreu porte : « Il planta des tamariscs. » Ce sont des arbres toujours verts qui, parvenus à un certain âge, fournissent de beaux ombrages. Le lecteur superficiel, en lisant le texte dont je parle, pourrait croire qu'il s'agit d'une note sans importance, ajoutée à la biographie du patriarche par le rédacteur de la Genèse. Ne plante-t-on point des arbres tous les jours ? Mais il ne faut pas parler de note sans importance, lorsqu'il s'agit d'un livre tel que la Bible. Dès qu'elle signale quelque trait très ordinaire dans la vie d'un homme de Dieu, soyez sûr que ce détail emprunte, une valeur spéciale au milieu où il se produit. Rien de plus commun que les larmes ; chaque jour il en coule de millions d'yeux ; mais quand Jean nous dit que Jésus a pleuré, ce petit fait ne devient-il pas un événement ? Un grand nombre d'hommes de toute race et de toute époque ont souffert de l'estomac. Mais que Paul exhorte le jeune Timothée à prendre du vin à cause de la faiblesse de son estomac, cela nous suggère bien des réflexions soit sur la sollicitude de l'apôtre, soit sur l'origine du malaise dont pouvait souffrir Timothée, soit sur la constance qu'il montrait dans ses travaux, malgré une santé, délicate. La plantation des tamariscs à Béer-Schéba fixera également l'attention du lecteur sérieux.

Les nomades n'ont pas l'habitude de planter des arbres. Ils posent un jour leur camp dans un endroit, le lendemain dans un autre. Or on peut encore semer des fleurs dans un lieu où l'on ne séjourne que quelques mois, parce que les fleurs s'épanouissent assez rapidement. Mais on ne plante en général des arbres que dans un lieu auquel on s'attache d'une manière durable. Et Abraham plante des tamariscs ! Le fait n'est-il pas digne de remarque, en face des usages des nomades ? Observez que la plantation a lieu après la naissance d'Isaac. Il existe évidemment un lien entre cette plantation et la naissance de l'enfant. Je vais essayer de montrer lequel. La naissance d'Isaac est pour Abraham le commencement de l'accomplissement des promesses divines. Il se sent dès lors déjà chez lui dans la terre étrangère. Il se souvient qu'elle sera l'héritage de sa postérité. Et il en prend possession par ces arbres, comme il en avait pris possession par ses autels à l'Éternel. Abraham n'ignore pas sans doute que sa postérité sera, pendant des siècles, bannie de Canaan. Mais il croit, avec une foi ferme, qu'elle s'y établira un jour. Et les tamariscs plantés par le patriarche sont comme une salutation adressée à cette postérité lointaine qui habitera le pays. Dans la pensée du patriarche, ils sont destinés à étendre sur elle leurs ombrages. Et voilà comment la plantation des tamariscs à Béer-Schéba a été une manifestation de la foi d'Abraham, de sa confiance dans l'accomplissement futur des promesses divines.

Nul n'ignore que l'empereur Dioclétien planta des choux. Cet empereur, le dernier qui persécuta les chrétiens, était par le pouvoir dont il était revêtu, par sa fortune, un objet d'envie. Il raffermit l'empire romain, étendit ses limites dans toutes les directions, remporta de grands triomphes et fut, plus que ses successeurs encore, vénéré à la façon d'un dieu. Malgré toutes ses grandeurs, il était pris d'un profond dégoût pour le pouvoir. Il abdiqua et se retira dans une propriété qu'il possédait en Dalmatie. Là il se voua à la culture des légumes. Quand les notables de l'empire vinrent lui demander de reprendre la couronne, il se borna pour toute réponse à leur montrer ses têtes de choux. Il voulait leur dire par là qu'il avait mieux réussi dans la culture des légumes que dans celle des hommes. Nous le croyons sans peine. Il avait versé le sang de milliers de chrétiens, ce qui ne prouve pas qu'il s'entendit beaucoup au gouvernement des sociétés. Ces choux lui parlaient de la vanité de l'effort tenté par lui pour asseoir la société romaine, du néant des prérogatives attachées au pouvoir. Leur vue était pour lui un avertissement, une prédication, mais une prédication qui ne devait pas être bien réconfortante.

C'est dans d'autres sentiments qu'Abraham considérait les tamariscs qu'il plantait. Ces jeunes arbres ne lui parleront pas de vanité. Ils lui parleront d'avenir, d'espérance. En les contemplant, il a vu d'avance ses descendants assis à leur ombre .... Le feuillage toujours vert des arbustes est encore pour lui un symbole de l'éternelle fidélité de Dieu. Lui-même participe en quelque mesure à l'éternelle jeunesse du Créateur. Son âme, incessamment rafraîchie par la communion divine, n'est-elle pas toujours prête à prendre son essor vers les hauteurs ? Le serviteur de Dieu réalise la pensée qu'exprimera bien des siècles plus tard l'un de ses fils, l'auteur du Psaume XCII : « Les justes croissent comme le palmier, s'élèvent comme le cèdre du Liban. Plantés dans la maison de l'Éternel, ils prospèrent dans les parvis de notre Dieu ; ils portent encore des fruits dans la vieillesse, ils sont pleins de sève et verdoyants. » (vers. 13-15.) Plaise à Dieu que cette parole s'applique aussi à vous, vieillard qui lisez ces lignes, ou qui vous les faites lire parce que votre vue s'est affaiblie. C'est en suivant les traces d'Abraham que vous demeurerez jeune, comme lui-même demeura jeune jusqu'à l'âge de 175 ans, puisant sans cesse des forces nouvelles dans la communion avec Dieu. (Gen. XXV, 7 et 8).

Le verset que nous étudions ajoute qu'Abraham invoqua le nom de l'Éternel, Dieu de l'éternité. À mesure qu'il avance dans la vie, le serviteur de Dieu jette un regard toujours plus profond dans les profondeurs de l'Être divin. Il ne ressemble pas à ces chrétiens qui, parvenus à l'âge de trente ans, ont toutes leurs idées à jamais arrêtées. Ils ont hérité des opinions religieuses de leurs parents, comme ils ont hérité de leurs opinions politiques. Ils forment un parti chrétien, ils s'appellent des chrétiens décidés ; ils croient naturellement à tout ce qui est contenu dans la Bible, à tout ce que les prédicateurs évangéliques enseignent. Ils font chaque jour leur prière, assistent aux assemblées chrétiennes. Cependant la vie intérieure leur fait totalement défaut. Ils restent d'année en année les mêmes, n'accomplissent aucun progrès, ni dans la connaissance de leur âme, ni dans celle de Dieu, ni dans sa sainteté. Ils paraissent dans un état caractérisé de stagnation religieuse. Les malheureux se sont crus, dès le premier jour parvenus au but ! Combien ils différent d'Abraham ! En invoquant de nouveau publiquement le nom de l'Éternel, Abraham parlait une nouvelle fois de Dieu aux gens de sa maison et de sa tribu. Il ne le nommera plus, chose digne de remarque, comme il l'avait nommé. Au chapitre XIV, vers. 22, il avait juré par El-Eljon, le Dieu élevé, qu'il n'accepterait rien de la main d'un roi impie comme l'était le roi de Sodome. Au chapitre XVII, vers. 1, Dieu s'était révélé à lui sous le nom d'El-Schaddaï, le Fort, c'est-à-dire le Tout-Puissant. Maintenant que Dieu lui a accordé le fils attendu pendant vingt-cinq ans, il se révèle à lui comme El-Olam, l'Éternel, le Fidèle.

Ce El-Olam nous parait être en étroite relation avec le nom même de Jéhovah. Il présente Dieu comme Celui qui tient ce qu'il a promis. Certes, ce que Dieu avait jusque-là réalisé de ses promesses était peu de chose. Ce peu ressemble au petit nuage, pas plus gros que la paume de la main, qui montera de l'Océan à la prière d'Elie et qui fournira une pluie abondante. Abraham n'a reçu qu'un premier accomplissement. Mais il en attend d'autres plus grands, devant ce premier gage de l'amour divin. Voilà pourquoi l'éternelle fidélité de Dieu devient maintenant le thème de sa parole, de sa louange au milieu des gens de sa maison.

Mon cher frère, à mesure que vous avancez dans la vie, apprenez-vous à mieux connaître Dieu, ses perfections ? De nouveaux cantiques montent-ils de vos lèvres ? Les psaumes nous répètent : « Chantez au Seigneur un nouveau cantique ! » L'un d'eux nous dit avec l'accent de la gratitude : « L'Éternel a mis un nouveau cantique dans ma bouche, pour louer mon Dieu. » Un autre psaume s'exprime ainsi : « Tes statuts sont le sujet de mes cantiques dans la maison où je suis étranger. » Dieu veuille en effet nous inspirer de nouveaux cantiques, à toutes les stations de notre pèlerinage terrestre, nous faire marcher de lumière en lumière, de grâce en grâce, de force en force ! Il y a dans toute vie chrétienne, digne de ce nom, une révélation progressive de la miséricorde de Dieu accordée à l'âme croyante, à l'âme aimante et c'est elle qui nous enseigne à renouveler nos chants à l'honneur du Tout-Puissant. Mais pour que cette source d'inspiration reste en nous toujours fraîche, il faut que nous veillions sur nos âmes, que nous nous laissions conduire par la Parole de Dieu avec docilité.

« Chantons un nouveau cantique, » s'écriait Luther dans une de ses effusions poétiques si puissantes. Les premiers martyrs de la Réforme venaient de sceller leur foi de leur vie. Luther voyait dans ces premières victimes les prémices de toute une armée de victimes ; il avait vu d'avance s'élever la fumée des bûchers, le sang dégoutter d'échafauds sans nombre. Il pleura, pourtant il ne désespéra pas. C'est alors, en ce moment critique, qu'il saisit sa harpe et convie l'Eglise à un nouveau cantique. Il annonce que l'hiver est passé, que l'été est à la porte. Il suit le vol des cendres brûlantes des bûchers transportées au loin par le vent. Il sait qu'elles vont allumer partout de nouveaux embrasements. Dieu lui parait merveilleux dans ses voies ; celles-ci font couler ses larmes, je l'ai dit, elles le font même trembler, mais il croit fermement que Dieu finira par avoir raison de ses adversaires et que le sang des martyrs sera une nouvelle semence de vie. Luther cherche son Dieu au sein des ténèbres, de l'obscurité - il le trouve parce qu'il le cherche et de nouveaux cantiques montent de ses lèvres à toutes les stations de son pèlerinage.

Il n'est pas besoin d'être un Luther pour refaire la même expérience. Aucune dispensation divine ne reste assez mystérieuse, en ce monde, pour que nous n'y puissions découvrir l'occasion de nouveaux cantiques. Lorsque je me souviens de tous les récits que j'ai entendus dans ma vie pastorale, de la bouche de simples journaliers, dans de petites maisons de tisserands, d'artisans, ou de la bouche des grands de ce monde, dans des palais, je me dis que je pourrais écrire tout un livre sur les délivrances divines, sur la manière dont Dieu assure par la souffrance le développement et le progrès de la foi.

Cette vérité demeure : Dieu veut se révéler d'une manière toujours plus claire à ses enfants ; ceux-ci sont appelés à pénétrer toujours plus avant dans les desseins de la Providence. Nous avons à nous élever de degré en degré dans la possession des secrets divins. Nous possédons ici-bas les arrhes de la vie éternelle ; cependant nous avons sans cesse à chercher et à trouver de nouveau Dieu jusqu'à ce que nous le contemplions face à face. Joignons-nous donc à Abraham pour célébrer celui qui s'est nommé le Fidèle, l'Éternel, le Dieu d'éternité.


Note: (Note de Regard: Repentez-vous et faites-vous baptiser... (Actes 2: 38
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