L'Éternel
accomplit ce
qu'il avait promis. Abraham donna le nom d'Isaac au
fils qui lui Était né.... Abraham
circoncit son fils Isaac, âgé de huit
jours, comme Dieu le lui avait
ordonné.
.... L'enfant
grandit
et fut sevré ; et Abraham fit un grand
festin le jour où Isaac fut
sevré.
.... Abraham
planta
des tamariscs à Beer-Shéba ; et
là il invoqua le nom de l'Éternel,
Dieu de l'éternité.
1. Joies du ciel et joies
terrestres.
Comment sera le ciel ? Qu'y
verrons-nous ? Qu'y ferons-nous ? De
quelle manière les esprits glorifiés communiquent-ils
entre
eux ? Quelle est là-haut la relation
des hommes et des anges ? Vieilles questions,
questions toujours nouvelles ! Des choses
sensées et des choses absurdes, des choses
profondes et des choses superficielles, je dirai
même frivoles, ont été dites
là-dessus. Mais les questions gardent leur
secret. Les questions demeureront des questions
jusqu'au moment où la grâce divine
nous introduira dans le ciel.
Vivant sur la terre, nous avons des
idées toutes terrestres. Nos
représentations ne peuvent correspondre aux
réalités célestes.
« Là-haut tout est saint,
sublime », a-t-on dit. Tout est par
conséquent élevé au-dessus des
pensées, des relations et des circonstances
présentes. Si Dieu avait voulu nous donner
une révélation complète, il se
fût heurté aux limites de notre
nature. Notre langue ne peut exprimer que ce que
nous avons conçu clairement, et nous ne
pouvons pas concevoir clairement ce qui appartient
à un mode d'existence supérieur.
Voilà pourquoi la Bible nous parle en
images de la vie future. Ces métaphores
éveillent des pressentiments confus et non
des idées nettes : Ou bien auriez-vous
peut-être la prétention de comprendre
la parole : « Nous serons
transformés à l'image de
Christ ? » Ce qui concerne notre vie
spirituelle, là-haut, nous est plus
accessible que ce qui concerne la vie du corps
glorifié : Ou bien auriez-vous encore
la prétention de comprendre l'expression
biblique : « Voir la face de
Dieu ? » La Bible mentionne les
harpes, les chants, les couronnes, les
vêtements blancs des saints. Tout cela nous
réjouit. Mais ne sourirons-nous pas au ciel
des conceptions imparfaites que nous nous formions
ici-bas de toutes ces choses ?
En résumé, il en faut toujours
revenir aux caractéristiques de la Bible.
Elles se défendent de vouloir rien nous dire
de précis sur le monde à venir et par
cela même elles nous disent beaucoup, elles
appellent notre confiance. Je songe ici à
ces mots de Paul : « Ce sont des
choses que l'oeil n'a pas vues, que l'oreille n'a
pas entendues et qui ne sont pas
montées au coeur de l'homme, des choses que
Dieu a préparées pour ceux qui
l'aiment »
(1
Cor. II, 9). - « Je
connais un homme en Christ qui fut, il y a quatorze
ans, ravi jusqu'au troisième ciel .... Et je
sais que cet homme fut enlevé dans le
paradis, et qu'il entendit des paroles ineffables
qu'il n'est pas permis à un homme
d'exprimer »
(Il
Cor. XII, 2-4). Donc mettons une
borne à notre curiosité. Disons-nous
qu'elle ne serait pas davantage satisfaite quand
même la Bible serait plus explicite, puisque
alors nous ne comprendrions plus celle-ci.
Ce qui demeure, c'est que le ciel est
à la fois un lieu et un état ;
c'est encore que dans ce lieu tous nos voeux
légitimes seront remplis. Tout n'est pas
contenu dans cette définition, cela va sans
dire. On parle beaucoup, à notre
époque, de l'humanité ; on
décrit celle-ci comme si elle n'avait rien
à faire avec Dieu et avec la foi. J'ose
dire, quant à moi, que Dieu n'est pas autre
chose que l'humanité élevée
à la perfection, à l'absolu.
Tout ce qui est vraiment humain en nous sera
donc glorifié dans le ciel. Enfant des
hommes, tu te promènes ici-bas parmi des
ruines, des espérances brisées, des
voeux qui n'ont pu se réaliser ; un
jour viendra où tu n'auras plus rien
à désirer ! Quelle pensée
que celle-là ! Assurément nos
voeux ont d'abord à être
purifiés et sanctifiés à
l'école de Jésus-Christ ;
à ses pieds seulement, nous naissons
à la véritable humanité,
à notre véritable moi, à celui
qui réalise le plan de Dieu. Et c'est
à l'école de Jésus-Christ
aussi que nos conceptions du ciel deviendront
sérieuses. Sous l'influence de Christ, nous
écarterons résolument des fantaisies
comme celles de cette bonne dame qui se figurait le
ciel offrant à ses habitants de petites
éphémérides ou comme celles de
ce mourant qui me disait sérieusement :
« Voilà la dernière pipe
que je fume sur la terre, je fumerai la prochaine
dans le ciel ; » ou encore de cet
autre mourant qui s'attendait à être
reçu dans le monde à venir par un
petit chien fort aimé, qu'il avait perdu. De
pareilles espérances sont dignes des Mahométans.
Elles jurent
avec l'idéal chrétien.
Dernièrement un malade qui souffrait
d'insomnies me demandait :
« Pourrons-nous dormir dans le
ciel ? » La question vous
paraît oiseuse. Vous sentez que le besoin de
dormir procède de notre faiblesse. Il est
donc absurde de parler de sommeil dans le ciel.
D'autre part, il nous est bien réellement
impossible de nous figurer la vie céleste
sans des haltes et des repos. Nous ne nous
représentons pas un organisme
n'éprouvant jamais la
nécessité d'arrêter son
activité. C'est ainsi que dans tous les
domaines nos représentations se trouvent
défectueuses. Croyons seulement que
là-haut tout désir légitime
recevra son accomplissement, et nous
posséderons la partie essentielle de
l'espérance chrétienne.
Ce ne sont pas nos souhaits charnels, mais
nos souhaits vraiment humains qui seront remplis au
delà de toute attente. Je range dans cette
dernière catégorie notre aspiration
à une pleine communion des âmes, au
bonheur, à la contemplation de la
beauté. On se souvient de la lettre de
Luther à son petit garçon. Dans cette
lettre, le réformateur peint le ciel comme
un grand jardin, où l'on s'amusera,
où les petites filles danseront, où
les petits garçons tireront avec des
arbalètes. N'est-ce pas là
l'idéal de l'enfant ? Il est difficile
d'élever celui-ci plus haut. Peut-être
les idées que nous nous faisons,
ressemblent-elles souvent sans que nous le sachions
à celles de l'enfant. Contentons-nous de
penser encore une fois que tous nos désirs
légitimes seront
réalisés.
On parle parfois de joies célestes
goûtées dans la vie présente.
Il faut user de prudence dans l'emploi de cette
expression. Presque toujours ici-bas, nos joies
s'accompagnent de quelque remords ou de quelque
tristesse. Voici un homme qui, après de
longues années, a eu le bonheur d'être
père. Il tient avec fierté son petit
enfant dans ses bras, tandis que la mère
sourit à ce dernier. C'est un tableau de
joie pure et simple. Mais cet homme peut être
amené à se demander ce que deviendra
plus tard son enfant et la pensée de
l'avenir de ce fils, de cette
petite fille, suffira à troubler sa
félicité. Voici une heureuse
fiancée. Plus elle sera pieuse, plus elle
souffrira de la crainte de placer son bonheur
terrestre au-dessus de l'amour divin, de perdre la
perle de grand prix. Et cela suffira à
insinuer dans son âme une certaine
angoisse.
En outre les grandes joies terrestres n'ont
qu'un moment, un faîte qu'elles ne
dépassent pas, quand elles l'ont atteint,
elles décroissent. Je réserve le nom
de célestes pour les joies qui vont en se
renouvelant, en se développant. Elles ne se
rencontrent que dans la communion avec Dieu, que
dans la révélation de son amour qui
nous permet de tout accepter et d'attendre le salut
de toutes les dispensations divines.
Telle fut la joie d'Abraham à la
naissance du fils de la promesse. Regardez le
vénérable patriarche tenant dans ses
bras le petit enfant qui vient de naître,
dirigeant vers le ciel un regard humide. À
cette heure, il a oublié les douleurs de son
attente de vingt-cinq années. Non, non,
elles ne sont pas oubliées. Elles se sont
seulement transformées en un motif de joie.
Ce n'est pas un « Enfin,
enfin ! » inspiré par
l'impatience qui a retenti dans son coeur ; ce
n'est pas non plus le : « Pourquoi,
Seigneur, m'avoir fait attendre si
longtemps ? » Il sait maintenant
pourquoi il a dû attendre. Il comprend que
l'attente lui a été bonne. C'est
pendant ce temps qu'il a appris à se
connaître lui-même, à
connaître les irrésolutions de sa foi
et la fidélité, de Dieu. Et
maintenant la grâce divine a dissipé
les nuages qui obscurcissaient son horizon. Abraham
peut s'écrier :
« Jéhovah a mis un nouveau
cantique sur mes lèvres ! »
Le cantique qui s'élève de son
âme loue Dieu de ce qu'il a fait
éclater sa puissance ! Par le retard,
en effet, Dieu a rendu la naissance d'un fils plus
imprévue, plus extraordinaire pour le monde.
Ce fils n'est pas pour son père un enfant
ordinaire, c'est le don de Dieu, d'un Dieu
fidèle. « L'Éternel
accomplit ce qu'il avait promis »,
voilà le thème qui inspire Abraham
aux jours de la naissance d'Isaac.
Aux yeux d'Abraham, Dieu est donc un Dieu
qui tient ses promesses. Abraham est sûr
désormais que Dieu les tiendra à
l'avenir, comme il vient de les tenir, en lui
donnant son fils. Il en est certain, aussi certain
que de sa propre existence. Ce n'est pas seulement
la fidélité de Dieu que loue le
patriarche, ce sont ses miséricordes
à l'égard des peuples qui seront
bénis en sa postérité. Et il
voit peut-être en esprit le Fils de Dieu, qui
sera son fils. Il tressaille de joie à la
pensée de la journée de Christ, qu'il
a pressentie
(Jean,
VIII, 56). Il
s'élève, qui sait, dans sa
méditation jusqu'à ce moment
béni du rétablissement de toutes
choses, où les créatures seront
délivrées de la vanité et
parviendront à la glorieuse liberté
des enfants de Dieu ; il a enfin
l'idée, confuse encore sans doute, des
nouveaux cieux et de la nouvelle terre. Tous les
souhaits de l'ancêtre d'Israël ont
été accomplis. Il semble qu'il n'ait
plus qu'à s'en aller en paix. Entre Abraham
serrant le petit Isaac sur son coeur et le
vieillard Siméon qui, sous le portique de
marbre du temple, 2000 ans plus tard, a pris
l'enfant Jésus dans ses bras, je vois une
étroite ressemblance. Ces figures
vénérables sont deux épreuves
de la même image, suspendues à une
paroi, en face l'une de l'autre. Toutes deux ont
l'expression d'une joie céleste
réalisée dans la vie terrestre.
La Bible nous offre d'autres exemples de
pures joies célestes goûtées
déjà sur cette terre. Quand Joseph,
cet arrière-petit-fils d'Abraham,
reçoit ses onze frères dans son
palais égyptien, les voit fondre en larmes,
il oublie ses propres pleurs et voit l'avenir de sa
race illuminé d'un rayon divin, Il pressent
déjà, devant le repentir des siens,
la vérité de cette parole de
l'apôtre qui exprime une loi de
l'histoire : « Dieu les a
enfermés dans l'incrédulité
pour faire miséricorde à
tous. » Quand Anne, la mère de
Samuel serra sur son coeur l'enfant qui lui avait
été accordé en réponse
à ses prières, elle ne se trouva pas
seulement extraordinairement heureuse, elle vit
s'éclairer devant elle, dans un moment
d'inspiration, les perspectives de l'histoire
humaine. Vous n'avez qu'à lire, pour mesurer la
portée de son regard à ce moment, le
cantique qu'elle prononça. Quand les
apôtres saluent le Sauveur ressuscité,
ils n'éprouvèrent pas seulement le
divin tressaillement d'un doux revoir, le triomphe
de Christ sur le péché et sur la mort
se trouve en même temps affirmé avec
éclat devant leurs yeux. L'alléluia
éveillé en eux par cet
événement, retentira dans toute leur
vie, dans les cachots les plus obscurs, devant le
glaive qui allait trancher le fil de leurs jours.
Par la résurrection, ils surent avec
certitude que le Seigneur accomplirait tout ce
qu'il avait promis. Lorsqu'à Damas, il
tombait comme des écailles des yeux de Saul
converti, le nouvel apôtre de Christ, en
sentant que ses péchés étaient
pardonnés, jetait un regard profond sur les
voies de Dieu. Il comprenait que la grâce qui
lui avait été faite à lui, si
profondément aveuglé par le
péché, allait s'étendre
à d'autres. Il plantait en esprit sur les
hauteurs de la terre une bannière, avec
cette inscription glorieuse :
« Où le péché a
abondé, la grâce a
surabondé. » Il se
réjouissait dans la contemplation des
pensées de paix que Dieu avait
conçues en faveur de l'humanité.
Mon cher frère, ma chère
soeur, êtes-vous de ceux qui, après de
longues luttes contre le doute et le
péché, ont tout à coup compris
la portée de ce nom de Sauveur donné
à Jésus par l'Évangile ?
Savez-vous ce que c'est de pouvoir dire à
Jésus « mon Sauveur, »
que d'être éclairé par la
lumière de Christ, que de marcher aux rayons
de sa grâce ? Avez-vous fait, vous
aussi, dans votre vie spirituelle, cette
expérience bénie :
« Le Seigneur tient toutes ses
promesses ? » Avez-vous
été inondé d'une joie
céleste ? Vous saurez que
l'Évangile n'en dit pas trop, lorsqu'il
parle « de choses qui ne sont point
montées au coeur de
l'homme. »
Je suppose que dès votre jeunesse
vous avez fréquenté les temples. Vous
aviez besoin du christianisme, et cependant votre
coeur ne fut pas d'abord donné à
Dieu. Une chaîne secrète vous liait
à l'empire des ténèbres. Enfin
vous avez écouté la voix d'en-haut.
Vous avez commencé le
saint combat, vous avez brisé dans la
prière votre chaîne, vous vous
êtes senti libre. La paix, la joie sont
descendues dans votre coeur. En cet instant
à jamais mémorable pour vous,
n'avez-vous pas eu l'assurance d'une victoire plus
haute encore, plus parfaite, de la victoire
définitive qui vous attend au dernier jour
de votre vie ? Je me souviens de ce que me
racontèrent naguère deux
époux. Pendant vingt ans ils avaient
crié pour la conversion d'un fils
profondément enfoncé dans le bourbier
du péché. Ils avaient perdu toute
espérance de son salut. Ils ignoraient
même s'il vivait encore. Un soir, il entra
tout à coup dans leur chambre : Un
regard sur sa figure baignée de larmes, sur
son attitude humiliée, leur
révéla que le fils prodigue qui
était mort était revenu à la
vie. Vous étonnerez-vous de ce que ses
parents aient loué Dieu de toute leur
âme ? Ah ! si nous nous tenions
plus près du Seigneur, nous respirerions
davantage et plus souvent l'air du ciel. Nos doutes
concernant la vie future s'évanouiraient,
s'éteindraient, comme une étincelle
qui tombe dans la mer.
2. Un nom extraordinaire.
La naissance d'un enfant amène dans
la famille de nombreuses préoccupations. Le
nouveau citoyen du monde a à recevoir un
nom, il faut l'inscrire à
l'état-civil, le baptiser. Du temps
d'Abraham il n'y avait point d'état-civil,
je n'ai pas besoin de le dire, ni de baptême.
Mais la coutume de tous les temps fut de donner
à l'enfant un nom après sa naissance.
La mode, les préférences personnelles
guident aujourd'hui les parents dans le choix du
prénom qu'ils donnent au nouveau-né.
En revanche les anciens attachaient au choix du nom
une importance particulière. Il était
chez les Hébreux un souvenir, une
commémoration d'événements
ayant accompagné la naissance, ou bien il
devait être un signe, une prophétie de
ce que deviendrait l'enfant. Le Dieu d'Israël
avait voulu lui-même révéler sa
puissance dans le nom qu'il avait pris : Il
s'était appelé Jéhovah pour
affirmer son éternité, sa
fidélité qui jamais ne varie. La
perfection de Dieu paraît donc dans son nom
et c'est ce qui a fait dire si souvent à ses
saints : « Le nom de
l'Éternel soit
loué ! »
Il nous est raconté qu'Adam donna des
noms à tous les animaux qui sont sous le
ciel. Acte souverain et créateur de la part
du premier homme ! Il est évident que
ces noms n'étaient pas des
désignations arbitraires, choisies de telle
manière, par exemple, que le nom
donné au cerf eût pu s'appliquer
également à l'agneau. Des noms
donnés de la sorte, choisis arbitrairement,
eussent été oubliés l'instant
d'après. Ces noms imposés par Adam
étaient des signes. Ils marquaient la
qualité particulière par laquelle un
animal se distingue d'un autre. Sans doute, au dire
de Darwin et consorts, le premier homme fut
incapable d'accomplir un pareil travail :
D'abord il n'y a pas eu de premier homme.
L'humanité primitive se serait
péniblement dégagée des langes
de l'animalité. Elle possédait
à peine, nous dit-on, un rudiment
d'intelligence. Et les récits de
l'Écriture sur les origines de notre race
seraient à rejeter. La vérité
est que les ancêtres de notre race
possédèrent des forces spirituelles
extraordinaires. Leurs descendants vivent encore de
leurs inventions. Les noms, en effet, que nous
entendons aujourd'hui dans la rue ne sont
guère modernes ; ils ont des
siècles, ils sont parfois aussi vieux que
l'humanité, car les noms d'Adam et d'Eve se
retrouvent encore fréquemment dans les
registres d'état-civil, aussi bien que ceux
d'Abraham et de Jacob.
À toutes les époques, on a cru
que certains noms annonçaient l'avenir de
l'enfant, qu'il en était de favorables et
qu'il en était de défavorables. La
superstition s'est mêlée du choix des
noms. Chrysostôme nous rapporte, vers 390
après Jésus-Christ, que le choix du
nom d'un enfant à Antioche, de son temps,
s'opérait de la manière
suivante : On allumait un certain nombre de
flambeaux. Chacun d'eux recevait un nom masculin ou
féminin, suivant le cas.
Le flambeau qui brûlait le plus longtemps
avait le privilège de donner son nom
à l'enfant. Et l'on croyait que la
prolongation de la durée de la flamme, qui
avait décidé du nom,
présageait une longue vie au porteur de ce
dernier. C'est avec raison que le Père de
l'Eglise en question s'élève contre
un tel usage. Il conseille d'emprunter les noms des
saints de l'antiquité. De cette
manière, remarque-t-il, les enfants
recevraient dès leurs jeunes années,
par leurs noms, une invitation à marcher
dans les voies de Dieu.
Le conseil du grand orateur a
été suivi. Ce ne sont pas seulement
les noms hébreux comme David, Samuel, Jean,
qui abondent dans nos familles, mais les noms grecs
de Pierre, de Paul, les noms latins d'Auguste, de
Jules. Quel que soit mon respect pour l'opinion de
Chrysostôme, je me permettrai de conseiller
de donner parfois des noms modernes, plutôt
qu'antiques. Je trouve qu'un enfant né de
parents français doit s'entendre appeler
d'un nom français, propre à le
familiariser avec la langue maternelle. Je
n'insiste pas, et je crains que mes propositions
n'aient pas beaucoup de succès. Le mieux
serait de consulter l'enfant qui, lorsqu'il a
grandi, est souvent mécontent de son nom.
Mais ce qui serait bon n'est pas possible et dans
l'état des choses, ce sont les traditions de
la famille, ses habitudes, les parrains et
marraines qui continueront à être
consultés. Qu'il en soit ce qu'on
voudra ! Le bonheur ne dépend point du
nom que l'on porte. Ce qu'il faut rappeler à
l'enfant, c'est qu'il a reçu son
prénom au baptême et que ce
prénom a été, dans le
baptême, lié aux noms du Père,
du Fils, du Saint-Esprit.
Les Hébreux s'efforçaient avec
une grande sagesse de choisir pour l'enfant un
prénom qui fût un lien entre lui et le
ciel. Il est vrai que les jeunes filles recevaient
des noms à la signification moins
sérieuse. On voit qu'à cette
époque le sexe faible n'était pas
l'objet des mêmes égards que le sexe
fort. Les petites filles recevaient donc des noms
gracieux, empruntés à quelque objet
extérieur. Séphora
veut dire « petit oiseau ». Job
nomma ses trois filles Jémima, Ketsia,
Kérenhappuc. Ces noms signifient
« petite colombe »,
« résine odorante » ou
« casse », « corne de
beauté ». Pauvres filles !
serions-nous tentés de dire, si nous ne
savions que ces noms, à l'époque
où ils furent donnés, avaient un
grand charme.
On voulait dans les noms des garçons
une signification plus sérieuse. Eve nomme
son premier-né Caïn, ce qui veut dire
« Acquisition » : elle a
acquis, pense-t-elle, un protecteur, un sauveur. Ce
nom est sans doute à ses yeux en relation
avec la promesse du Sauveur faite après la
chute. Elle nomme son second fils Abel, ce qui
signifie « Vanité ».
Lémec appelle son fils
« Noé », ce qui veut
dire « Repos ». Il met, lui
aussi, ce nom en relation avec la promesse d'un
Sauveur. Il dit : « Celui-ci nous
consolera de nos fatigues et du travail
pénible de nos mains, provenant de cette
terre que l'Éternel a maudite. »
Anne nomme son fils Samuel, ce qui veut dire
« Exaucé de Dieu ».
Esaïe nommera un de ses fils, dont la
naissance coïncide avec l'annonce des
jugements de l'Éternel, Scearjasçub,
ce qui voulait dire « Un reste
retournera ». Dieu lui-même change
parfois les noms de ses serviteurs en des noms plus
éloquents. Nous l'avons vu changer le nom
d'Abram en Abraham et celui de Saraï en Sara.
Le nom de Jacob signifiait
« Supplanteur ». Il sera
changé par Dieu, en Israël,
« plus fort que Dieu »,
à la suite de la lutte au gué de
Jabbok. Le nom du précurseur de Christ,
Jean, est imposé à Zacharie par
l'ange Gabriel ; de même le nom de
Jésus l'est à Marie. Jésus a
changé le nom d'un de ses disciples ;
il a voulu que Simon s'appelât Pierre.
Entre tous les noms étranges de
toutes les époques, il n'en est pas de plus
singulier que celui du fils d'Abraham. Il doit
s'appeler Isaac. Le nom d'Isaac signifie
« On a ri ». C'est Dieu
lui-même qui a choisi ce nom. Nous avons donc
à l'accueillir avec respect. Mais faites
pour un moment abstraction de cette origine divine
et figurez-vous un homme de nos jours dont le nom
serait « On a
ri. » Ce nom ne paraîtrait-il pas
presque comique ? Il l'était
intentionnellement. Tout le monde avait ri, en
effet, lors de la naissance d'Isaac. L'âge de
la mère, auquel était né cet
enfant, devait faire de l'événement
un sujet général de sourires
(Gen.
XXI, 6).
Les hommes de la tribu, les voisins n'auront
certainement pas manqué de faire à ce
propos des remarques plaisantes. Ismaël, le
frère d'Isaac et le fils d'Agar, se livra,
nous est-il rapporté, à des moqueries
qui furent pénibles à Sara et qui
l'amenèrent à chasser son esclave
(Gen.
XXI, 9). Abraham et Sara
eux-mêmes s'étaient livrés au
rire, lorsque l'Éternel leur avait
annoncé la naissance de l'enfant
(Gen.
XVII, 17 ; XVIII,
12).
L'événement leur avait paru à
eux-mêmes d'avance absolument incroyable, vu
leur âge avancé.... Et ce nom d'Isaac
devait être un souvenir propre à leur
rappeler la faiblesse, les oscillations de leur
foi.
Ce nom mettait encore en lumière
l'incapacité d'un Abraham lui-même
à demeurer fidèle et ferme dans sa
foi. Mais il mettait aussi en relief la
miséricorde, dont Dieu avait usé
après les défaillances de son
serviteur, la fidélité de Dieu
à tenir ce qu'il promet, à rendre
l'impossible possible. Il fait tout ce qu'il dit.
Il ne nous ressemble pas à cet égard.
Et, bien qu'il puisse tarder, il réalise ses
oracles. Abraham en fit mieux que personne
l'expérience. Le rire de
l'incrédulité se changea pour lui en
un rire de joie et de reconnaissance. Ce sourire
sera celui des élus dans le monde à
venir. Il apparaîtra dans le ciel comme le
signe de la béatitude. Ne verrons-nous pas
là-haut que toutes les voies de Dieu sont
bonté et vérité, depuis le
commencement à la fin ? Ne
contemplerons-nous pas avec délices le lever
d'une ère de gloire ?
Tel était, j'imagine, le sourire de
l'enfant prodigue, lorsqu'il reçut le baiser
de son père. Il croyait rêver....
Tout à l'heure, il avait
confessé avec des lèvres tremblantes
sa faute et imploré son pardon ; sa
plus haute ambition eût été
d'avoir une place parmi les domestiques de la
maison. Et maintenant il voyait tout son
passé effacé, oublié. On lui
apportait des vêtements de fête ;
on lui mettait un anneau au
doigt, des souliers aux pieds.... Aussi son
âme, inondée de bonheur,
s'épanouissait-elle, nous le devinons, dans
un divin sourire.... Je songe encore ici à
la pécheresse, entrée d'un pas
chancelant chez Simon. Elle avait
hésité à cette démarche
qui lui paraissait hardie. Elle avait craint de
trop oser en s'agenouillant aux pieds de
Jésus, en versant ses larmes sur eux, pour
les essuyer avec ses cheveux dénoués.
Elle s'était cependant risquée
à cet acte de contrition et de
consécration. Elle n'avait pas pu
s'empêcher de témoigner ainsi à
Jésus sa reconnaissance. Mais les paroles
blessantes, les regards ironiques des
témoins de cette scène l'avaient
profondément humiliée. C'est alors
que le Sauveur prend son parti. Il lui parle, avec
une douce approbation, de l'amour dont elle l'a
aimé. Il ne nomme ses péchés
que pour lui dire qu'ils sont pardonnés. Et
il prononce sur elle la parole de
bénédiction : « Va en
paix ! » Ah ! celui qui aurait
pu lire dans le coeur de cette femme, à
cette heure, l'aurait trouvé plein d'un
joyeux rire !
Nous avons cru en Jésus-Christ. C'est
lui qui nous conduira au but suprême, au
repos des cieux. Lorsque l'heure bienheureuse de
l'arrivée sonnera pour nous, que nous aurons
combattu notre dernier combat, laissé
derrière nous la terre avec toutes ses
misères et ses larmes, que nous apercevrons
Jésus-Christ dans sa gloire et qu'il nous
introduira dans le royaume des esprits
glorifiés, alors nous éprouverons,
nous aussi, ne le croyez-vous pas, une
émotion ineffable' Dieu lui-même
essuiera les larmes de nos yeux. Et nos coeurs se
mettront à sourire comme ils n'ont jamais
souri !
Chapitre précédent | Table des matières | Chapitre suivant |