Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

La Bible vaudoise

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Qu'est devenue la Bible de Valdo?

Cette question a été longuement et doctement traitée, en France, en Italie, en Allemagne et en Angleterre. Les discussions, auxquelles elle a donné lieu, portent surtout sur la langue dans laquelle elle a été écrite et sur l'âge des manuscrits qu'on en conserve actuellement. Il nous semble que les résultats acquis peuvent se résumer comme suit

Etienne d'Anse, que Valdo chargea de traduire la Bible, était sans doute un homme très instruit pour l'époque. Les versions vaudoises, aujourd'hui connues, ont été traduites du latin de la Vulgate. Cependant le traducteur a recouru, à plus d'une reprise, à la Vetus Itala et parfois aussi à d'autres textes latins, ce qui indique un travail très soigné. Son exactitude littérale est, d'autre part, généralement reconnue.

Au temps de Valdo, les langues modernes dérivées du latin n'étaient pas encore formées, à l'exception du provençal, que les troubadours du Midi de la France avaient répandu jusqu'en Normandie et en Italie, en chantant leurs romances de ville en ville et de château en château. C'est ce langage appelé roman, compris de tous, qui fut adopté pour la Bible, que Valdo voulait faire connaître au peuple. Cependant la langue des Bibles vaudoises, qui subsistent, est assez fortement mélangée de lyonnais et de dauphinois, ou patois des Alpes Cottiennes. D'autre part de nombreux termes bibliques manquaient dans le langage populaire; il fallut y suppléer par des dérivations du latin.

Aussi peut-on dire que le langage de cette Bible, ainsi que celui des poèmes et des traités vaudois du Moyen Age, n'a jamais été parlé tel quel. Il a 'été enrichi de divers éléments pour rendre intelligibles au peuple les vérités évangéliques. Il garde néanmoins tellement le caractère des dialectes des deux versants des Alpes Occidentales, qu'il peut être, aujourd'hui encore, presque entièrement compris par les montagnards de ces régions.

On remarque quelques légères variantes dans les différentes copies qui subsistent. Elles sont dues au désir de s'adapter aux idiomes parlés dans les divers pays, que les Vaudois évangélisaient, en France ou en Italie. On a vu que Valdo présenta lui-même au Concile de Latran, en 1179, les portions de la Bible, qu'il avait déjà fait traduire.

En 1199, les Vaudois de Metz avaient des Livres traduits du latin en dialecte, que les envoyés du pape livrèrent aux flammes. Ce dialecte est appelé tantôt gallique, tantôt roman, Deux ans plus tard, le pontife ordonnait de remettre à l'évêque de Liège toute traduction des Ecritures, tant françaises qu'allemandes. Ce travail, d'abord incomplet, d'Etienne d'Anse, avait sans doute été achevé par lui ou par d'autres; et le zèle que les ennemis de l'Evangile mettaient à le brûler 'était encore surpassé par celui que les Vaudois déployaient pour en multiplier les copies.

Le concile de Toulouse, réuni en 1228, alors que sévissait encore la croisade des Albigeois, osa, pour la première fois dans l'histoire de l'Eglise, défendre au peuple la lecture de la Parole de Dieu. Voici l'article 7 des actes de cette assemblée, cité d'après Perrin, dans son Histoire des Albigeois . « Nous défendons de mettre les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament entre les mains des laïques, sinon que d'aventure ils veuillent avoir le Psautier ou quelque bréviaire pour l'office divin, ou les Heures de la bienheureuse Vierge Marie, par dévotion, défendant très expressément qu'ils n'aient point les dits livres tournés en langue vulgaire. »

Combien de fois, depuis lors, l'Eglise Romaine n'a-t-elle pas renchéri sur cette défense et combien de Bibles n'ont-elles pas été consumées sur des bûchers! Mais la Parole de Dieu n'est point liée!

Les vrais fidèles continuèrent à la lire, en dépit des foudres du Concile. Vaissette, le scrupuleux auteur de l'Histoire du Languedoc, dit, à propos de l'année 1237, qu'on trouve dans les informations ou dans les jugements, « que les hérétiques, nomment vulgairement Vaudois dans le pays, lisaient l'Evangile en langue vulgaire. »

A l'Ecole des Barbes, à Angrogne, les aspirants au ministère faisaient des copies de la Bible pour apprendre à bien la connaître tout en l'écrivant, selon le précepte latin : Qui scribit bis legit. Ces copies devaient en même temps servir aux prédicateurs itinérants, ou bien encore être envoyées aux congrégations qui les demandaient. Ce travail de diffusion de la Bible en dialecte ne cessa que pour céder la place à la Bible française d'Olivétan qui parut en 1535.

Trop de carnages et d'incendies ont ravagé la région vaudoise, et ses habitants ont dû trop de fois abandonner leurs foyers, livrés au pillage, pour qu'on puisse s'attendre à trouver encore beaucoup de traces de cette propagande écrite, si active au Moyen-Age.

Néanmoins, des exemplaires de la Bible Vaudoise sont conservés dans les bibliothèques de Lyon, Grenoble, Carpentras, Paris, Cambridge, Dublin, tandis que celle de Zurich ne possède que le Nouveau Testament. La Bible, qui était gardée à Strasbourg, a été détruite lors du bombardement de cette ville par les Prussiens, en 1870. Malgré quelques différences de détail, elles sont évidemment des copies du même original, sauf peut-être celle de Lyon dont quelques variantes tendancieuses ont fait croire qu'elle aurait servi à une communauté cathare. Les plus anciennes sont sur parchemin, d'autres sur du papier. Elles ont été 'écrites entre la fin du XIIIe siècle et le commencement du XVIe; la plus récente porte la date de 1522.

C'est dire que les copies faites au cours du premier siècle à partir de Valdo ont toutes disparu.

Celle de Cambridge a été déposée à l'Université de cette ville par Morland, l'ambassadeur que Cromwell envoya à Turin, en 1655, à l'occasion des Pâques piémontaises. Ce fut le modérateur Léger qui recueillit pour lui les documents que le pillage et le feu n'avaient pas atteints. Une traduction des premiers chapitres de la Genèse fut fournie par la famille du pasteur du Roure. Trente ans plus tôt, le pasteur et historien Perrin avait cédé à un conseiller dauphinois les pièces qui lui avaient 'été confiées et qui avaient surtout 'été trouvées au Val Pragela. Elles furent ensuite acquises par le docte Usher, archevêque de Dublin, et déposées à l'Université de cette ville. C'est de la Vallée de Pragela que provient le Nouveau Testament, que le pasteur d'Angrogne, Guillaume Malanot, donna en 1692 à l'Académie de Zurich (1).

Les Bibles de Grenoble et Carpentras ont été trouvées en Provence, celles de Paris viennent probablement de la Provence ou du Dauphiné.

Le savant Samuel Berger, qui avait fait de la Bible au Moyen Age l'objet spécial de ses études, en est venu à la conclusion que la plupart des Bibles françaises antérieures à l'imprimerie sont dérivées de celle des Vaudois. Il en serait de même des italiennes, en particulier de celle de Fra Domenico Cavalca. Un manuscrit de la Bible allemande du Moyen Age a été découvert, il y a quelques années, à Tepl, en Bohême. On lui a pareillement attribué une origine vaudoise, ce que des théologiens catholiques se sont empressés de contester. Le résultat de cette discussion n'est pas définitif. Mais il semblerait que cette version a eu cours assez largement en Allemagne et que Luther s'en serait servi pour la traduction, à laquelle il se livra pendant son séjour plus ou moins forcé au château de la Wartbourg.

La nouvelle Bible française, dite d'Olivétan, votée au synode de Chanforan en 1532, et publiée aux frais de l'Eglise vaudoise, la première Bible française traduite sur les originaux et imprimée en entier, a eu des destinées non moins glorieuses que celle de Valdo. Elle a, en effet, servi de base à toutes les Bibles, qui ont paru pendant trois siècles dans cette langue. Aussi a-t-on appelé les Vaudois le peuple de la Bible.


1). Il a été publié en entier par le prof. Salvioni dans l'Archivio Clottologico de Milan, en 1890. Celui de Lyon a été reproduit en photolithographie en 1887 à Paris, édition Leroux. W. Gilly a. le premier, dès 1848 imprimé parallèlement l'Evangile de saint Jean d'après les manuscrits de Dublin et de Paris. A Londres, édition Murray, avec quelques fac-similés coloriés.

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