Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Les moeurs des Vaudois

-------

Dès le début, le clergé a cherché à noircir les Vaudois en les accusant d'inconduite. En 1183, le concile de Vérone leur attribuait ce principe qu'il n'y a aucun péché à suivre la volupté de la chair, quand on y est stimulé par la concupiscence. Plus tard, lorsque les persécutions les obligèrent à se réunir en cachette, et même parfois à éteindre les lumières de crainte d'être découverts, on prétendit leur imputer les mêmes pratiques infâmes que les païens prêtaient aux chrétiens primitifs. Les Vaudois étaient donc à cet égard en meilleure compagnie que leurs calomniateurs.

Mais ce qui ne peut être récusé, c'est le splendide témoignage que plus d'un inquisiteur rend, malgré lui, à la moralité de ses victimes. L'un d'eux, Bernard Guidonis, dit : « la prédication terminée, ils s'agenouillent pour la prière, et il leur arrive d'éteindre la lumière, s'il y en a une, afin de n'être pas vus et surpris par les gens du dehors, qui ne consentent pas avec eux ». Il s'abstient d'ajouter l'infâme calomnie, et David d'Augsbourg dit : « On raconte qu'après avoir éteint les lumières, ils se livrent à la fornication; mais je ne le crois pas, et je ne l'ai entendu dire par aucune personne digne de foi. »

Plus tard, les inquisiteurs affectèrent de confondre les Vaudois avec d'autres sectes, et en particulier avec la Sorcellerie. Dans leur procédure secrète et impénétrable, il leur était facile, soit de dicter les réponses, qu'ils voulaient, à leurs victimes sous les affres de la torture, soit de les leur attribuer sans autre dans les verbaux des procès. On en a maintes preuves, bien qu'ils allassent jusqu'à imposer le bâillon aux suppliciés, ou le silence des oubliettes. Aussi, vers la fin du Moyen-âge, la sorcellerie fut-elle couramment appeler, vauderie. Le clergé romain, qui accusait Jeanne d'Arc d'avoir remporté ses succès à l'aide de la magie, la condamna comme vaudoise, c'est-à-dire comme sorcière.

Mais les inquisiteurs des premiers temps, tout en poursuivant leur tâche impitoyable, sincèrement persuadés d'agir pour le bien de l'Eglise et ad majorem Dei gloriam, furent du moins plus scrupuleux dans l'examen des malheureux qu'ils détenaient. Les Vaudois sont distingués d'avec les Cathares dualistes, et les uns et les autres d'avec ceux qui étaient imputés de sorcellerie.

Voici le témoignage que leur rend l'inquisiteur de Passau :

« On peut les reconnaître à leurs moeurs et à leurs discours. Ils sont réglés et modestes; ils évitent l'orgueil dans leurs vêtements, qui sont d'une étoffe ni précieuse, ni vile. Ils ne. s'occupent à aucun trafic, afin de ne pas s'exposer à mentir, ni à jurer ou tromper. Ils vivent du travail de leurs mains, en ouvriers.

Ils n'accumulent pas, mais se contentent du nécessaire. Ils sont aussi chastes, surtout les Léonistes, modérés dans leurs repas. Ils ne fréquentent ni les cabarets, ni les danses, ne goûtent pas les vanités. Ils se tiennent en garde contre la colère. Tout en travaillant toujours, ils trouvent le moyen d'étudier ou d'enseigner, c'est pourquoi ils prient peu. En effet, l'ouvrier travaille de jour, de nuit il apprend et enseigne; aussi prient-ils peu à cause de l'étude.

« On les reconnaît aussi à leur manière de parler précise et modeste. Ils fuient la médisance et s'abstiennent de toute parole bouffonne ou oiseuse, comme du mensonge. Ils ne jurent pas et ne disent pas même en vérité ou certes, ni autres paroles de ce genre, parce qu'ils les considèrent comme des serments. »

On pourrait citer d'autres témoignages tout pareils d'inquisiteurs du VIIIe siècle, tels que Reinier Saccon, qui avait été lui-même cathare, Etienne de Bourbon, David d'Augsbourg et d'autres dominicains français, allemands, anglais. Ne pouvant nier l'évidence, quelques-uns se plaisent à les taxer d'hypocrisie et de n'avoir qu'une moralité toute extérieure. « Ils ont une grande apparence de piété, pour qu'il paraisse aux yeux des hommes qu'ils vivent selon la justice », affirme l'inquisiteur de Passau. Et Etienne de Bourbon dit qu' « ils affichent une apparence de sainteté et de foi ».

Bien qu'ils fussent obligés de reconnaître leur innocence, ces juges iniques, leur reprochant de ne pas appartenir à la Sainte Mère Eglise, ne les condamnaient pas moins à la mort.

C'est sans doute en pensant à cette contradiction entre la pureté de leurs moeurs attestée par leurs ennemis mêmes, et les sentences prononcées contre eux, que le poète vaudois, auteur de La Nobla Leyczon, s'exclame :

 

Si n'y a alcun bon que volha amar Dia e temer Jeshu Cris!,
Que non volha maudire ni jurar ni mentir,
Ni avotrar ni aucire ni penre de l'autruy,
Ni venjar se de li son enemis.
lih diçon quel es vaudes e degne de punir .

C'est-à-dire:


S'il y a quelque bon qui veuille aimer Dieu et craindre Jésus-Christ,

Qui ne veuille dire du mal ni jurer ni mentir,

Ni se venger de ses ennemis,
Ils disent qu'il est Vaudois et digne d'être puni.

Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant