Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

La conférence de Bergame

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Le mouvement vaudois avait pris un développement extraordinaire en Italie, et particulièrement en Lombardie. Ils avaient à Milan un temple, ainsi qu'une, école très fréquentée même par des jeunes gens d'au delà des Alpes. Aussi avons-nous vu en 1212 les Vaudois de Strasbourg dire que l'un des trois chefs était à Milan.

Ce qui avait si fort et si vite grossi leur nombre, c'était leur fusion avec les Humiliés. Mais cette fusion ne s'était pas faite sans frottements. Il y avait entre les Vaudois d'Italie et ceux d'outre-monts des différences sur quelques points, plutôt de discipline que de doctrine. Valdo n'ayant pas voulu céder, les Lombards s'étaient soustraits à son obéissance en 1205.

La mort de Valdo parut une occasion opportune pour rétablir l'union. Une conférence fut convoquée à Bergame pour le mois de mai 1218. Le résumé des questions, qui y furent débattues, nous a été conserve dans trois manuscrits latins tombés entre les mains des adversaires, dont l'un d'eux lui donna pour titre : Relation des hérétiques de Lombardie aux Pauvres de Lyon qui sont en Allemagne. L'Allemagne comprenaît alors aussi la Bohême. Six délégués italiens (1) se rencontrèrent avec six Vaudois venus de l'autre côté des Alpes (2).

Ils tombèrent facilement d'accord sur plus d'un point. Valdo avait rigoureusement défendu le travail manuel, sans doute de crainte qu'on en vînt à rechercher le gain et à ne plus s'en tenir à la pauvreté absolue, en même temps que pour empêcher qu'on se relâchât dans le ministère itinérant.

Les Lombards admettaient des occupations. Ils promirent de veiller à prévenir les abus, et les autres se relâchèrent de l'intransigeance de leur maître.

D'autres points regardaient des Vaudois exclus par les frères de France, et qui avaient recouru à ceux de Lombardie. On décida de revoir ces cas ensemble.

Mais deux sujets furent de vraies pierres d'achoppement, qui rendirent impossible la réconciliation complète.

L'un concernait la célébration de la Sainte-Cène. Selon les Vaudois d'outre-monts, le sacrement 'était valide quand l'officiant avait prononcé les paroles sacramentelles, car c'était la parole de Dieu qui opérait, et non pas la vertu de l'homme.

Plus radicaux, les Lombards ne croyaient pas que la parole d'un officiant indigne pût provoquer l'intervention divine dans ce mystère solennel.

C'est que les Vaudois de France n'avaient pas partout rompu totalement avec l'Eglise; aussi fréquentaient-ils la messe, ou les prêtres consacraient l'hostie en prononçant les paroles enseignées par Jésus.

L'autre sujet, qui empêcha la conciliation, nous étonne. Il regarde la personne de Valdo. Les deux recteurs des Vaudois d'outre-monts, Pierre de Relana et Bérenger d'Aquaviva, qui devaient ensuite référer au synode annuel, déjà convoqué., demandèrent aux Lombards :

- Admettez-vous, oui ou non, que Valdo et Vivet sont au paradis?

- Ne serait-ce pas mieux, leur fut-il répondu, d'écarter cette question toute personnelle?

- Alors nous ne pouvons pas avoir la paix avec vous.

- Notre avis à leur égard n'a pas changé. S'ils ont donné satisfaction à Dieu pour toutes leurs fautes, ils peuvent être sauvés.

On en resta là, mais les Français partirent mal satisfaits.

Il est regrettable que le manuscrit, très prolixe dans l'exposition de la discussion sur la Sainte-Cène, ne soit pas plus explicite en ce qui regarde Valdo. On aimerait savoir ce qu'on lui reprochait, ainsi qu'à son collaborateur. Le fait que les Français n'admettaient pas ces torts semble indiquer qu'il s'agit de l'obstination de Valdo maintenir son point de vue sur les questions en litige, et peut-être de quelques actes d'autorité, que les Lombards considéraient comme des abus de pouvoir, et qui avaient sans doute provoqué la scission.

Au reste, nous ne possédons que la version des Lombards, exposée dans la lettre adressée comme suit :

« Oto de Ramezello, par la grâce de Dieu, con. frère des pauvres en esprit (suivent les noms des cinq autres délégués venus de Pavie, de Modène, de Bologne, etc.) aux bien-aimés en Christ frères et soeurs, amis et amies, qui vivent au-delà des Alpes pieusement dans la vérité salutaire, salut et confirmation d'amour 'éternel. »

Si l'union ne put se faire, il n'y eut cependant pas rupture complète entre les deux grandes fractions, cisalpine et transalpine, du vaste mouvement vaudois. Ils se 'Visitaient mutuellement par le moyen de leurs missionnaires, et les florissantes écoles de Lombardie continuèrent à être fréquentées par les Transalpins.

1. Il y a qui a voulu voir dans l'un d'eux, Johannes Francischus. rien moins que François d'Assise. Celui-ci était en effet, à cette époque en tournée en Italie; mais Il avait déjà constitué son ordre, sans se détacher de l'Eglise de Rome.

2. Ils sont appelés Valdesiani, Socii Voldesii (compagnons de Valdès ou Valdo) et forment la Societas Valdesiana.

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