Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Dernières données concernant Valdo

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Qu'était devenu Valdo pendant ces années terribles? Si, parait-il, il continua à tenir dans ses mains les fils de l'organisation générale, par contre il ne dut pas prendre une part active aux grandes disputes théologiques. Homme d'affaires à l'origine, il avait graduellement acquis une connaissance profonde des Saintes Ecritures; il y avait fortifié sa foi et y avait puisé cette parole simple et persuasive, qui captivait les foules. Mais il laissa à d'autres, d'entre ses disciples, qui étaient sortis du clergé romain, le soin de combattre les champions de Rome sur le terrain de la théologie et de la dialectique.

Combien il dut se réjouir dans son coeur, en voyant l'expansion inespérée prise par le mouvement auquel il avait donné naissance lors de son départ de Lyon. Nous pouvons nous l'imaginer, dans son ministère itinérant, allant de lieu en lieu visiter les groupes de fidèles, les encourageant à persévérer dans la foi, malgré les menaces et les persécutions, et les dirigéant vers des régions que leur prédication n'avait pas encore atteintes.

Valdo se trouvait-il en Languedoc ou en Provence, au moment où éclata le fléau de la guerre? Quels périls courut-il ? Quelles furent ses vicissitudes et ses péripéties. Nul auteur contemporain ne le mentionne et l'on en est réduit à des traditions.

D'après les Transitons de Molines, chronique tenue depuis le XVe siècle par une famille de montagnards du Queyras, « les Vaudois, ayant esté chassés de Lyon, se réfugièrent dans le pays et commencèrent d'habiter à Pimouzet (lire Puy-St-Eusèbe); de là, ils se dispersèrent à Puiaillaud, au Villar, à la Pisse, aux Prés. Les autres hameaux du pays en ont été exempts. » Ces hameaux appartiennent tous à la Val Pute (1), appelée plus tard Vallouise. Située au pied des glaciers du Pelvoux, elle avait subi les dévastations des Langobards, et plus récemment celles'des Sarrasins. Elle présentait donc sans doute des étendues inhabitées, que les seigneurs auront été heureux de voir occupées par des gens honnêtes et laborieux, dans l'espoir de recevoir de nouveau leurs redevances.

C'est vers ce groupe, installé depuis une vingtaine d'années, que Valdo se serait dirigé en quittant les plaines du Midi. Mais, comme le nombre de ceux qu'il conduisait était trop grand pour qu'il pût les établir tous dans les étroits vallons de l'Embrunnais et du Briançonnais, tandis que les uns s'arrêtaient à Freissinière et à Argentière, il franchissait avec les autres la chaîne des Alpes, par les cols du mont Genèvre et de Sestrière, atteignant ainsi celles qui furent appelées les Vallées Vaudoises par excellence.

L'historien Pierre Gilles, recueillant les récits qui couraient à cet égard aux XVIe et XVIIe siècles, dit : « On estime que Valdo accompagna cette troupe venante vers les Alpes du Piedmont, et y vid son troupeau logé, avant que la quitter pour s'en retourner vers les autres troupes, desquelles il conduisit luit-mesme une partie en Bohême. »

Si ces souvenirs traditionnels des montagnards des Vallées sont exacts, cette immigration sur le versant italien des Alpes aurait eu lieu au plus fort de la croisade contre les Albigeois. En effet, la plus ancienne mention de la présence des Vaudois en Piémont est de l'année 1210, alors que l'évêque de Turin, profitant du passage de l'empereur Othon, obtint de lui l'ordre « d'expulser de tout l'évêché de Turin les hérétiques Valdelses et tous ceux qui sèment l'ivraie de fausseté dans le diocèse de Turin ». Ce diocèse. comprenait alors tout le versant oriental des Alpes Cottiennes, celui de Pignerol n'ayant été créé qu'au XVIIIe siècle.

Valdo se serait ensuite rendu en Picardie, où ses adhérents acquirent une telle importance que Picard devint synonyme de Vaudois.

Quant au séjour de Valdo en Bohême, la tradition répétée de siècle en siècle par différents auteurs, est encore plus précise et détaillée. Ce pourrait être lui l'un des trois chefs, indiqués en 1212 par les Vaudois de Strasbourg, qui résidait en Bohème, et qu'on appelait par excellence « le Picard ».

Valdo devait avoir alors de soixante-dix à quatre-vingts ans. La Bohème fut sans doute la dernière étape de son douloureux pèlerinage.

Mais s'il ne pouvait plus guère se livrer au ministère itinérant, son action ne cessa pas de s'exercer par le moyen de son coadjuteur Vivet et des fidèles qu'il continuait à envoyer deux à deux dans de nouvelles directions.

Aussi, peu d'années plus tard, vers 1223, son successeur, Barthélemi, 'était-il le surintendant des Vaudois de Bohème, Moravie, Bulgarie, Croatie, Dalmatie et Allemagne. C'est lui qui nommait les 'évêques de ces différentes contrées. Il signait Bartholomeus, servus servorum sanctoe Fidei.

Près de Neuhaus ou Indrichew Hradec, en Bohême, sur les confins de l'Autriche, on montre une colline où aurait été enseveli un saint homme venu des pays du soleil, et que quelques-uns disent être Valdo, d'où le nom de Waldhaus donné plus tard à la colline, sous une forme germanisée pour lui donner une signification. On raconte que les Waldenser, ou Walenser, de Moravie y venaient chaque année, à la fête de la Sainte-Trinité, chantaient toute la nuit du samedi au dimanche et repartaient tôt le matin. Ce pèlerinage continua même après que, à la requête de l'Empereur, François de Paule eut fondé, en 1501, un couvent et une église sur cet emplacement. Mais, après quelque temps, bien que le mot Charitas fût inscrit sur le fronton de l'église, les moines empêchèrent les fidèles d'y célébrer ce culte du souvenir.

Les Vaudois étaient aussi appelés Grubenheimer, c'est-à-dire habitants des cavernes, parce qu'ils s'y retiraient et y tenaient leurs assemblées.

Lors du soulèvement des Anabaptistes, l'église et le couvent furent détruits et les quarante moines massacrés. L'église et le cloître actuels remontent à l'année 1675.

Sans donner à ces faits la valeur d'un document historique, il faut y reconnaître une preuve de l'influence profonde et durable que Valdo et les siens durent exercer dans une contrée aujourd'hui toute catholique.

Quoiqu'il en soit, pendant tout le Moyen âge, la Bohême compta un grand nombre de Vaudois. On les évaluait à 80.000 en 1315. Au siècle suivant, ils appuyèrent le mouvement hussite, et celui de l'Unité des Frères, dont le premier évêque, en 1467, reçut l'imposition des mains de l'évêque des Vaudois d'Autriche, Etienne, mort martyr quelques années plus tard. Aussi les Frères conservèrent-ils pendant longtemps des relations suivies avec l'église vaudoise des Alpes, après que celle d'Autriche eut disparu sous les coups de la persécution. Encore en 1560, écrivant à Calvin, ils signaient : Seniores Unitatis Fratrum, qui vulgo Valdenses dicuntur, c'est-à-dire : Les Anciens de l'Unité des Frères, qu'on appelle communément Vaudois. Dans le cours de la lettre, ils ajoutent qu'on appelle faussement Picards.

La guerre de Trente Ans (1618-48), qui n'a rien à envier, en fait d'atrocités, à la croisade contre les Albigeois, a ravagé la Bohême et détruit des milliers d'églises protestantes. Mais, là aussi, la foi n'était pas éteinte. La liberté a, rallumé la flamme, et sept siècles de tragédies sanglantes et de lourde oppression n'ont pas étouffé le souvenir de Valdo, l'humble Pauvre de Lyon, qui vint achever là sa carrière de serviteur de Dieu.

On ne peut pas fixer la date de la mort de Valdo, mais elle doit avoir eu lieu après l'année 1212 et peu avant le mois de mai 1218.

1) Les traditions locales sont tenaces dans les montagnes. Il n'y a donc pas de raison de ne pas tenir compte de ces données. Cependant l'arrivée de ces premiers émigrés pourrait n'avoir eu lieu qu'à la suite de la croisade contre les Albigeois.

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