Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

La grande dispersion

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Si, après leur expulsion de Lyon, les Vaudois s'étaient déjà à répandus dans maintes contrées de la France, de l'Espagne, de l'Italie et de l'Allemagne, la dispersion qui suivit le déchaînement de la croisade et de l'Inquisition fut bien plus importante encore.

Les fuyards ont été mis en relations avec les Lollards, devenus plus tard nombreux et influents en Angleterre, au temps de Wiclef. Crespin assure que des Vaudois ont été persécutés dans ce pays en 1217. Un dominicain affirme qu'un Vaudois pouvait partir d'Angleterre ou d'Anvers et aller jusqu'à Rome, en logeant chaque nuit chez un de ses frères. Leur présence en Catalogne, qui 'était presque la seule partie de l'Espagne qui ne fût pas sous le pouvoir des Maures, est attestée par les lettres d'Innocent III à l'évêque de Tarragone, par l'intervention du roi Pierre d'Aragon contre les croisés et par la persécution qui continua à sévir au delà des Pyrénées.

A Strasbourg, l'évêque introduisit dès l'année 1210 l'Inquisition, qui y trouva plus de cinq cents Vaudois hommes, parmi lesquels on comptait plusieurs nobles, des prêtres et des moines. Ils durent consigner leurs livres, dans lesquels l'Inquisiteur retrouva leurs trois cents articles de foi, que l'on disait dus à Valdo. Ils déclarèrent avoir des coreligionnaires en Suisse, Italie, Allemagne et Bohême, avec trois chefs, auxquels ils envoyaient, pour les pauvres, l'argent que l'on collectait dans leurs assemblées. Ces chefs étaient à Milan, en Bohême et à Strasbourg même. Ce dernier, Jean, excellent prédicateur, fut brûlé vif avec 11 autres ministres, 23 femmes, en tout un autodafé de 80 Vaudois. Ces supplices eurent lieu en 1212. Nous avons signalé la présence des Vaudois à Metz et en Lorraine dès avant la croisade. Ils s'étendirent ensuite largement aussi dans la Suisse, la Picardie, l'Artois, les Flandres et les Pays-Bas (aujourd'hui la Belgique et la Hollande), partout signalés par l'Inquisition, qui envoya au supplice de nouveaux martyrs, particulièrement parmi les prédicateurs itinérants. En Allemagne, on les trouve jusqu'aux extrémités septentrionales et orientales du pays, en Brandebourg et en Poméranie, tout comme en Bavière, en Franconie, en Souabe, en Saxe, en Silésie. Les congrégations vaudoises, passées de Bohême en Pologne et en Transylvanie, étaient encore prospères au XVIe siècle, alors que ces Fratres Waldenses entrèrent en relations avec le réformateur Calvin, qui approuva en 1539 leur profession de foi.

Celle-ci fut adoptée par les réformes de ces contrées, et imprimée en 1552, avec une préface de Vergerio. Ces Vaudois refusèrent d'ailleurs de se fondre, soit avec les Calvinistes, soit avec les Luthériens, déclarant qu'ils choisiraient l'exil plutôt que de renoncer à leur propre confession de foi. Ils possédaient des églises et des écoles, ainsi qu'une imprimerie à Lesna.

D'autres Vaudois se répandirent en Hongrie, en Bulgarie et jusqu'à Constantinople, capitale de l'empire grec.

En Autriche, l'Inquisition énumérait, dans le seul diocèse de Passau, quarante-deux localités, que visitaient des missionnaires venant d'Italie. Douze de ces congrégations avaient des écoles et dans l'une d'elles résidait l'évêque. C'est dans les écoles que les magistri de passage présidaient les réunions.

Vers 1250, l'empereur Frédéric Il, lui-même un catholique bien tiède, les persécutait rigoureusement, dans le vain espoir d'apaiser l'hostilité du pape contre lui. C'étaient des sentiments tout semblables qui avaient rapproché Hérode et Pilate, à l'occasion de la condamnation du Christ.

De la Provence et du Valentinois, des Vaudois fuyards étaient partis pour le Piémont, à travers les passages des Alpes occidentales; d'autres avaient remonté la vallée de la Durance pour se réfugier en Dauphiné. Ils s'établirent en nombre dans l'Embrunais. Ces vallées avaient, pendant longtemps, fait partie de la Provence. Elles auraient été enveloppées dans la dévastation de la croisade, si elles n'avaient été cédées au Dauphiné en 1202, comme dot de Beatrix de Forcalquier, épouse d'André Dauphin.

En conclusion, nous pouvons nous écrier avec l'inquisiteur de Passau : « Il n'y a presque aucun pays où cette secte ne se trouve pas. »

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