Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'Inquisition

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On fait remonter les origines de l'Inquisition à l'année 1198, alors qu'Innocent III écrivait aux archevêques d'Embrun, Aix-en-Provence, Narbonne et Tarragone, ainsi qu'aux seigneurs de ces lieux, de chasser Cathares et Patarins. L'année suivante il envoyait son légat Raynier dans ces diocèses et intimait aux prélats de ces provinces de lui prêter main forte.

Mais, après la manière forte, qui effaça toute trace extérieure des cultes dissidents, il fallait aviser à étouffer l'hérésie, professée en secret dans le sanctuaire domestique, et la poursuivre jusqu'au fond des coeurs et des consciences. C'est là l'Inquisition, telle que l'organisa Dominique Guzman.

Ce chanoine espagnol, revenant de Rome à la suite de son évêque, rencontra à Montpellier les trois légats du pape, découragés de l'insuccès de leur lutte contre l'hérésie. L'évêque reprocha aux légats le luxe qu'ils traînaient avec eux et leur fit remarquer quel exemple désastreux donnaient aux populations les moeurs relâchées du clergé.

Celui-ci était, en outre, si ignorant qu'il était incapable de défendre sa doctrine dans une discussion avec les hérétiques. C'est alors que commença la série des disputes dont nous avons parlé. Soutenues, du côté catholique, par des théologiens instruits, habiles à manier la dialectique et à mettre dans l'embarras, par des questions captieuses, un adversaire inexpert dans les labyrinthes de la casuistique romaine, ces grandes disputes eurent les résultats que nous avons vus. Laissant son évêque rejoindre son diocèse, Dominique s'arrêta en Languedoc jusqu'à ce que la croisade se fut déchaînée.

Des dizaines de milliers d'hérétiques avaient péri, et un nombre bien plus grand s'était enfui au loin. Mais d'autres milliers avaient plié sous la terreur et abjuré leurs croyances du bout des lèvres. Ils ne manqueraient pas de retourner à leur hérésie dès que le danger serait passé. C'est ce qu'il fallait empêcher.

C'est alors que Dominique rêva la fondation d'un ordre monastique qui, au lieu de se borner à la méditation oisive dans les couvents ou d'aller de porte en porte mendier son pain quotidien, poursuivrait la lutte contre l'hérésie. Pour réussir dans cette tâche difficile, loin de se vanter de ne savoir qu'une chose, comme les Ignorantins, il s'entoura de personnes instruites. Le pape les appuya et leur accorda des pouvoirs extraordinaires. L'Inquisition était née.

Son nom, du latin inquirere, indique qu'ils avaient le devoir et le pouvoir de s'enquérir des moeurs et des idées des personnes de tout ordre. Devant eux tombaient même les privilèges dont le clergé et la noblesse 'étaient si jaloux. Libres de pénétrer à toute heure dans les demeures privées, ils saisissaient tout ce qui leur paraissait suspect et s'emparaient même des personnes. Une fois qu'elles étaient entre leurs mains, si les aveux ne venaient pas spontanément, les tortures les plus raffinées se chargeaient de les leur arracher. Un détenu était contraint de dénoncer ses voisins et ses propres parents. Ainsi le réseau des recherches s'étendait et se resserrait à la fois, et il fallait être plus heureux qu'habile pour y échapper.. La croisade finie, l'Inquisition continua à ensanglanter le Languedoc avec des milliers d'arrestations, d'exécutions, de confiscations de biens.

Sous la menace de ces dénonciations anonymes, contre lesquelles on n'avait pas même la possibilité de se défendre, aucune été n'était plus à l'abri;. personne n'était sûr de ne pas être à la veille d'être arrêté et enfermé dans les sombres cachots de l'Inquisition. Une fois là-bas, on ne savait plus rien de vous. Ni parents, ni amis ne pouvaient vous parler, ni vous informer de ce qui se passait au dehors. Un avocat qui aurait ose prendre la défense d'un suspect, aurait par là même été enveloppé dans le terrible soupçon. Et si, comme c'était presque toujours le cas, une condamnation survenait, c'était, pour le condamné, la prison perpétuelle ou le supplice du feu. Quant à sa femme et à ses enfants, la confiscation des biens de la victime les chassait hors de chez eux et les réduisait à vivre de mendicité, dénués de tout et toujours poursuivis par le. soupçon d'hérésie.

On comprend que, sous ce régime, ils aient été nombreux, même quand la croisade fut achevée, ceux qui continuèrent, année après année, à fuir cette terre désolée, pour émigrer vers des contrées moins riantes et des climats plus rudes, mais où ils pouvaient, du moins, jouir d'un peu de calme et de sécurité.

Au reste, la croisade même traîna en longueur. Le chef des bourreaux, Simon de Montfort, qui avait reçu, en récompense de son zèle féroce, la plus grande partie des fiefs du comte Raymond et d'autres seigneurs, ne jouit pas longtemps du fruit de ses crimes. Comme le légat du pape et l'évêque de Toulouse le poussaient à traiter cette ville avec la dernière rigueur, ainsi qu'il avait fait à Béziers et ailleurs, les habitants, qui avaient dû se rendre devant des forces prépondérantes, rappelèrent Raymond et se défendirent avec l'énergie du désespoir. Après un long siège, au cours d'un furieux assaut, Simon eut la tête écrasée par une pierre lancée par une machine de guerre, que des femmes maniaient, les hommes étant tous au combat. C'était en 1217. Son fils, après avoir essuyé d'autres revers, céda ses droits au roi de France et alla porter en Angleterre son nom, généralement exécré.

Cependant la croisade ne se termina réellement qu'en 1244, par la prise de Montségur où plus de deux cents parfaits furent brûlés vifs.

Mais l'Inquisition continua à sévir en Languedoc et en Provence avec une extrême sévérité pendant plus d'un siècle, jusqu'à ce que, vers l'année 1330, elle crut en avoir presque fini avec l'hérésie. On a vu qu'il n'en fut rien et que le feu ne cessa jamais de couver sous la cendre, pour se rallumer puissamment au XVIe siècle, au souffle de la Réformation.

Les Inquisiteurs ne se bornèrent pas à rechercher les dernières traces de dissidence. dans la France méridionale. Ils ne perdaient pas de vue les fuyards s'informaient des lieux de refuge où ils avaient porté leurs pas et ne tardaient pas à les y rejoindre. Leur flair, exercé à dénicher ce gibier humain, a donné naissance à un jeu de mots par lequel les disciples de Dominique Guzman, au lieu de Dominicani, étaient appelés Domini canes, les chiens du Seigneur.

C'est d'ailleurs presque uniquement grâce au zèle infatigable de l'Inquisition que nous connaissons l'existence et les vicissitudes des Vaudois du Moyen âge, dans les différentes contrées qui leur servirent de retraite.

L'ordre des Dominicains avait été fondé pour arrêter les progrès des Cathares et des Vaudois en leur opposant des moines instruits et zélés, au lieu d'un clergé ignorant et corrompu. Le résultat n'étant pas tel qu'il l'avait espère, Dominique eut recours à la violence, en faisant approuver par le pape son terrible tribunal d'Inquisition.

L'ordre des Franciscains, fut aussi fondé, un peu plus tard, par réaction contre le mouvement vaudois. François d'Assise voulut imiter les voeux de Valdo, mais sans se soustraire à l'obéissance du pape. S'il fut lui-même l'apôtre de la pauvreté et de la charité, il n'avait pas encore disparu de la scène du monde que ses disciples, tout en professant individuellement de ne rien posséder, commencèrent à accepter pour leur ordre de riches donations. Quant au manque de charité, ils ne voulurent pas rester en arrière des Dominicains. Jaloux de l'influence acquise par ces rivaux et des privilèges que les pontifes leur accordèrent, ils en réclamèrent leur part, et purent obtenir que l'Inquisition leur fût réservée dans certaines provinces. Ce fut particulièrement le cas pour le Dauphiné.

L'Inquisition exerçait déjà son pouvoir néfaste depuis plusieurs années, lorsqu'elle fut reconnue et instituée officiellement par le concile de Latran, en 1215.



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