Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA BIBLE.

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INTRODUCTION.


DE L'INTÉGRITÉ DES ÉCRITURES, OU LA BIBLE TELLE QUE LES HOMMES INSPIRÉS DE DIEU L'ONT ÉCRITE.



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I. - Révéler c'est, d'après l'étymologie de ce mot, lever un voile ou découvrir ce qui était caché : une révélation divine est donc une communication de lumières religieuses que Dieu fait à l'homme par d'autres moyens que nos seules facultés naturelles. Si Dieu donne une telle révélation , elle renfermera probablement des mystères, c'est-à-dire des choses profondes que la raison ne peut pas saisir de tous les côtés; la pensée de Dieu est aussi profonde que possible : l'homme ne doit pas s'attendre à la saisir dans son entier.

Nous ne pouvons connaître Dieu et nos rapports avec lui que par des révélations émanées de Dieu même. Aussi a-t-il daigné se manifester aux hommes, dans la nature, par les oeuvres de la création, par celles de la providence et par la voix de la conscience,

Dieu s'est manifesté et se manifeste encore tous les jours aux enfants des hommes par les oeuvres de la création, qui démontrent l'existence d'une cause éternelle, intelligente, bonne, infiniment sage et puissante (Rom., 1, 20. Ps. XIX, 1 , 3; civ. 24).

De plus, la conservation de ce bel ensemble qu'on appelle l'univers, le maintien de l'ordre et de l'admirable harmonie qui règnent dans toutes ses parties, ainsi que dans la combinaison et la succession des nombreux phénomènes que nous y pouvons remarquer, attestent l'exercice non interrompu de la puissance et de la sagesse sans bornes qui l'ont fait sortir du néant (Actes, XIV, 17).

 

Dieu se révèle aux hommes par la voix de la conscience, qui est en chacun de nous comme un témoin fidèle de nos actions, et qui, nous approuvant ou nous condamnant, selon que nous faisons le bien ou le mal , rappelle sans cesse à nos âmes la toute science, la sainteté et la justice du Créateur (Rom., II, 14, 15).

Cependant ces révélations de Dieu dans la nature nous suffisent-elles ?

Quelque évidentes qu'elles soient en elles-mêmes, l'expérience prouve que les hommes, quand ils sont abandonnés aux seules forces de leur raison, ne savent point en comprendre le langage (1 Cor., I, 20, 21. Matth., XI, 27).

Il est également démontré par l'expérience, que la révélation naturelle ne nous fournit pas tous les secours dont nous avons besoin pour servir le Seigneur comme nous le devons (Rom., I, 21 , 25. Ephés., IV, 17-19. Actes, XIV, 15-17 ; XVII, 29, 30).

Et, enfin, si les cieux et la terre annoncent la gloire de Dieu, si la conscience atteste sa justice, ils ne nous enseignent point comment nous pouvons obtenir grâce; quand nous l'avons offensé par nos fautes, ils ne nous disent même pas si notre réconciliation est possible ( 1 Cor., II, 6-9).

Il faut donc reconnaître que nous avons besoin d'une révélation surnaturelle, qui nous fasse connaître la divinité d'une manière plus sûre et plus complète, d'une révélation qui nous apprenne s'il y a espérance de pardon pour le coupable et comment nous pouvons y avoir part , d'une révélation , enfin, qui nous retrace nos devoirs et les détermine avec certitude.

Quoique nous n'ayons aucun droit à des révélations surnaturelles , il a plu à Dieu de nous en accorder. Il s'est révélé à plusieurs reprises ; quand une révélation avait atteint son but, il en donnait une autre plus étendue. Dieu commença cette oeuvre par Adam, et la poursuivit jusqu'à Jésus-Christ , époque où elle fut complète; de cette manière le monde n'a jamais été sans ce précieux secours.

 

Les diverses révélations de Dieu (Héb. , I, 1, 2) nous sont connues par la BIBLE.

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II - La Bible, si même on ne la considère que d'un point de vue tout humain et sous le rapport littéraire , est l'ouvrage le plus remarquable qui ait jamais paru dans le monde. C'est de tous les livres le plus ancien, comme nous le verrons plus loin. Les événements qu'elle raconte sont du plus saisissant intérêt. Son histoire dans le monde, c'est l'histoire de la civilisation, du progrès et de la prospérité. Les hommes les plus sages et les plus excellents dont s'honore l'humanité, ont rendu témoignage à son influence intellectuelle et moralisante. Écrite pour révéler LE SEUL VRAI DIEU ET JÉSUS-CHRIST QU'IL À ENVOYÉ (Jean, XVII, 3. Ps. XIX), la Bible, par son auteur et par son sujet, peut réclamer à bon droit le respect de tous et une étude attentive et consciencieuse.

 

Les noms donnés au saint volume sont importants et caractéristiques. Il est appelé la BIBLE, ou le livre par excellence, du mot grec Biblos, qui signifie livre.

Les mots:

- l'Ecriture (2 Tim., III, 16. Actes, VIII, 32. 2 Pierre, I, 20. Jean, X, 35. Jacq., IV, 5),

- les Ecritures (Luc, XXIV, 27 Matth., XXII, 29. Actes, XVIII, 24),

- la Parole de Dieu (Luc, XI, 28. Prov., XXX, 5),

- les saintes Ecritures (Rom., I, 9),

- les saintes lettres (2 Tim., III, 45),

- les oracles de Dieu (Rom., III, 2),

- les paroles de Dieu (Héb., V, 12),

- les paroles de vie (Actes, VII, 38),

- la loi (Matth., V, 18. Jean, X, 31; XII, 34, etc. 1 Cor., XIV, 21),

- les prophètes (Matth., XXVI, 56. Actes, III, 18, 24; XXVIII, 23),

- la loi et les prophètes (Matth., XI, 13, 22, 40),

- l'Ancien Testament (2 Cor., III, 14),

- ces différentes expressions, disons-nous, sont employées dans les livres du Nouveau-Testament en parlant du recueil de l'Ancien.

 

La Bible se divise en deux parties bien distinctes - l'Ancien et le Nouveau-Testament. Le mot testament, c'est-à-dire alliance, accord, indique de, la part de Dieu le genre de rapports qu'il voulait entretenir avec son peuple d'abord, puis avec l'humanité il servit plus tard à désigner les livres dans lesquels étaient inscrites les conditions de cette alliance (Exode, XXIV, 7. 2 Rois, XXIII, 2, 2 Cor. , III, 6-11).

 

Chez les Juifs, l'Ancien-Testament était appelé la loi, les prophètes et les écrits; quelquefois ces derniers, qu'on appelait aussi les saints écrits, en grec hagiographes (1), portaient les noms du premier d'entre eux, qui était les Psaumes; on retrouve cette division et ce nom dans Lue, XXIV, 44.

 

D'après Josèphe (2) et d'autres autorités juives, les Juifs comptaient dans l'Ancien Testament vingt-deux livres canoniques, et les divisaient ainsi qu'il suit:

D'abord la Thorah , la loi, c'est-à-dire

4 à 5. Les cinq livres de Moïse.

Puis les Nebiyim ou prophètes, qu'ils distinguaient en prophètes historiques ou antérieurs, savoir

6. Josué,

7. Les Juges et Ruth,

8. Les deux livres de Samuel,

9. Les deux livres des Rois,

10. Les deux livres des Chroniques,

11. Daniel,

12. Esdras et Néhémie,

13. Ester,

14. Job,

Et prophètes proprement dits ou postérieurs, savoir:

15. Esaïe,

16. Jérémie et Lamentations,

17. Ezéchiel

18. Les douze petits prophètes,

Enfin, les hagiographes ou écrits saints, savoir

19. Les Psaumes,

20. Les Proverbes de Salomon,

21. Le Cantique des cantiques,

22. L'Ecclésiaste.

 

Cette dernière catégorie comprenait aussi, dans des temps plus modernes, Job, Ruth , les Lamentations, Ester, Daniel, Esdras, Néhémie et les Chroniques, qui étaient ainsi distraits de la liste des prophètes. C'est cet arrangement qui a prévalu depuis, et qu'on retrouve aujourd'hui employé dans toutes les éditions de la Bible hébraïque.

Les écrits saints étaient quelquefois appelés le Canon de l'Ecriture, d'un mot grec qui signifie une verge, un bâton droit, une règle, et de là, dans un sens moral et spirituel, une règle, un règlement ou une loi (Gal., VI, 16. Philip.,III, 16). La Bible devint ainsi le canon, c'est-à-dire la règle obligatoire en matière de religion et de morale.

Le nom qui résume le mieux et le plus complètement l'idée qui s'attache au livre dont nous nous occupons, c'est celui de PAROLE DE DIEU. Ce titre suffit pour justifier la foi des plus faibles, et il comprend tout ce que les plus savantes et les plus profondes recherches peuvent nous donner sur les problèmes les plus sérieux de la vie. Ces mots: la Parole de Dieu, nous apprennent à regarder la Bible comme l'expression la plus parfaite de la sagesse et de l'amour divins.

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III. - Les ignorants seuls contestentla grande antiquité de la Bible. Les preuves en sont plus nombreuses et ont plus de force que toutes celles que l'on pourrait produire en faveur d'un livre quelconque.

 

L'Ancien-Testament a été conservé par les Juifs avec une jalousie scrupuleuse, et une extrême vénération pour les mots et les lettres qui le composent.

L'Ancien-Testament renferme, outre le récit des premiers âges du monde, le code des lois juives, civiles et religieuses; les annales de leur histoire nationale, pendant plus de dix-neuf cents ans, à partir de la vocation d'Abraham ; les prophéties, aussi bien celles qui sont déjà accomplies que celles qui sont encore à venir. Le célèbre historien vivait au temps des apôtres, parle des livres des Juifs comme étant alors déjà d'une grande antiquité. Ils furent traduits de l'hébreu en grec, il y a plus de deux mille ans , et nous les possédons encore dans ces deux langues.

Les Juifs qui vivaient parmi les Grecs les lisaient dans les synagogues tous les jours de sabbat. Leurs savants les commentaient; des copies furent transportées par les Juifs dans tous les pays de leur dispersion; les livres sacrés furent ainsi extrêmement répandus.

Les livres de Moïse ont été écrits il y a plus de trois mille, ans: environ quinze cents ans avant l'ère chrétienne. Plusieurs des autres livres furent publiés près de mille ans et ceux des anciens prophètes huit cents ans avant la venue de Christ.

Les écrits des hommes non inspirés sont modernes en comparaison des Ecritures. La plus ancienne histoire profane connue est celle d'Hérodote; elle est contemporaine du livre de Malachie, le dernier des écrivains de l'Ancien-Testament.

Les peuples de l'Asie, malgré la haute antiquité dont ils se vantent, ne nous présentent, aucun écrivain antérieur à Confucius, le premier législateur et historien de la Chine, vivait cinquante ans avant la venue de Jésus-Christ.

Sanchoniaton, le plus ancien écrivain phénicien, dont les fragments historiques parvenus jusqu'à nous sont contestés sous le rapport de l'authenticité, vivait au temps des Juges en Israël, environ treize cents avant l'ère chrétienne.

Béroso, écrivain assyrien, prêtre du temple de Bélus, rédigea l'histoire de la Caldée après la captivité des Juifs à Babylone.

Manéthon, l'un des premiers historiens de l'Egypte , des ouvrages duquel on ne possède plus que quelques fragments rapportés par d'autres auteurs, est encore d'une date plus récente; elle ne va pas au-delà de trois cents ans avant Jésus-Christ

 

De l'Afrique et du Nouveau-Monde, aucun témoignage historique n'accuse une antiquité qui surpasse celle des écrivains des autres continents. Il y a sans doute des constructions monumentales en Asie, en Egypte, au Mexique, dont la date, aujourd'hui reconnue, remonte plus haut que celle des écrits des savants, mais aucune n'est antérieure au temps d'Abraham, le plus grand nombre lui est postérieur.

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IV. - On est d'accord à reconnaître que les doctrines de la Biblesont étroitement liées avec la morale qu'elle proclame, et que dans leur ensemble elles contiennent des motifs puissants de sanctification.

 

Les effets de l'Evangile dans l'Eglise primitive sont bien connus, et les Epitres nous les révèlent incidemment. Paul nous raconte ce qui se passait à Corinthe et à Ephèse, et Pierre nous parle de l'influence de la vérité dans le Pont et la Galatie (1 Cor., VI, 11. Ephés., IV, 19; II, 1. 1 Pierre, IV, 3). A une époque dissolue , et sous le plus mauvais de tous les gouvernements, les chrétiens, qui ne valaient d'abord pas mieux que ceux qui les entouraient, avaient atteint un degré de moralité et de vertu qui n'a peut-être jamais été dépassé.

On trouve des témoignages analogues dans les écrits des premiers apologistes. Clément de Rome, dans son épître aux Corinthiens, l'an 100 , fait l'éloge de leurs vertus :

« Et qui, s'écrie-t-il, a pu vivre au milieu de vous sans admirer votre piété sobre et modérée, votre large hospitalité ! Vous êtes humbles et point orgueilleux, vous êtes contents du pain quotidien que Dieu vous envoie , vous écoutez diligemment sa Parole et vous croissez en charité. »

Justin Martyr, qui avait été un philosophe platonicien, dit de même dans son Apologie, l'an 165 : « Nous qui nous complaisions autrefois dans l'adultère, nous vivons aujourd'hui dans la plus grande chasteté ; nous qui nous adonnions à la magie, nous ne connaissons plus que le vrai Dieu; nous qui mettions l'argent et le gain au-dessus de toutes choses, nous possédons maintenant tout en commun et nous donnons à chacun suivant ses besoins. »

« Et vous, dit Minutius Félix à son adversaire païen, vous ne punissez le mal que lorsqu'il s'est traduit en faits extérieurs, tandis que nous regardons comme un péché même de nourrir des pensées coupables. Ce sont les vôtres qui remplissent vos prisons; vous n'y trouverez pas un seul chrétien, à moins que ce ne soit un apostat, ou un confesseur de la vérité. » - Tertullien, le premier écrivain ecclésiastique latin dont les oeuvres soient parvenues jusqu'à nous (l'an 220), tient un langage semblable et parle de multitudes nombreuses qui, dans l'empire romain, avaient subi l'influence morale de la conversion.

Origène, dans sa réponse à Celse (246) Lactance, le précepteur de Constantin, reproduisent les mêmes faits, et il n'y a pas jusqu'à l'empereur Julien qui n'offre les chrétiens en modèles aux païens, sous le rapport de l'amour du prochain, de l'amour des ennemis et de la sainteté de la vie.

 

Cette influence de l'Evangile se lit sentir de bonne heure parmi les nations anciennes. En Grèce, les impuretés les plus effrayantes avaient été patronnées par Lycurgue et Solon. A Rome, elles se commettaient publiquement et sans être l'objet d'aucune désapprobation. Le suicide était presque partout estimé, recommandé même dans certaines circonstances. Sénèque et Plutarque, Pline l'Ancien et Quintilien l'applaudissent. Les sacrifices humains, l'exposition des petits enfants sont permis et encouragés. Mais partout où l'Evangile pénètre, il condamne ces pratiques, les frappe de honte et finit par les faire disparaître. Ces progrès ne furent évidemment pas l'oeuvre de la civilisation, car ils s'opérèrent par l'avènement de la doctrine évangélique au milieu de peuples bien supérieurs aux chrétiens en connaissances et en raffinements de toutes espèces; toujours et partout, la moralité progresse et s'élève dans la mesure où se développe , non l'intelligence de l'homme , mais la connaissance de la vérité divine.

Le soin des pauvres et l'assistance donnée aux malheureux sont partout un caractère particulier des nations chrétiennes. Il n'y avait pas à Constantinople, avant l'introduction du christianisme, un seul établissement de charité ; mais peu de temps après qu'il eut pénétré dans cette grande cité, on y compta jusqu'à trente maisons et plus, consacrées à recueillir les infortunés de cette terre, les pauvres, les malades, les orphelins, les vieillards, les étrangers, etc. A Rome, également, vingt maisons de charité ne tardèrent pas à s'élever sous l'influence de l'Evangile. C'est le même esprit encore, on peut l'affirmer, qui a aboli la polygamie, adouci les horreurs de la guerre , racheté les prisonniers, aboli l'esclavage, tenu en échec la tendance oppressive de la féodalité, flétri les lois des nations barbares. « On est obligé de reconnaître, dit Gibbon, qui n'est guère suspect en cette matière, que le triomphe du christianisme fut pour l'ancien et le nouveau monde la source de nombreux bienfaits matériels, qu'il prévint la destruction complète de la littérature, adoucit la férocité des temps, vint en aide aux faibles et aux opprimés, et rendit à la société civile l'ordre de la paix depuis longtemps menacé. »

Ainsi, comme on reconnaît la providence de Dieu dans la conservation de la Bible, on reconnaît dans ses effets la grâce d'en haut; ces effets sont un puissant témoignage de son origine divine (1 Thes., I, 4-10. Gal., V, 22).

 


CHAPITRE PREMIER.

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DE L'INTÉGRITÉ DES ÉCRITURES, OU LA BIBLE TELLE QUE LES HOMMES INSPIRÉS DE DIEU L'ONT ÉCRITE.

 

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- L'intégrité de la Bible définie et prouvée.

I. - Si l'on possédait encore aujourd'hui le manuscrit original de chaque livre de la Bible, écrit de la main même de son auteur, et que le fait de cette identité fût bien établi, toute copie exacte et parfaitement conforme au manuscrit primitif serait ce qu'on appelle une copie ou un manuscrit intègre et pur. Malheureusement, il n'existe plus un seul de ces autographes. Mais si la preuve de l'intégrité des manuscrits existants ne peut plus être faite sous ce rapport, elle peut être fournie avec une certitude presque égale par les circonstances qui se rattachent à la conservation et à la transmission des manuscrits de l'Ecriture , tels qu'ils se rencontrent aujourd'hui dans nos différentes bibliothèques.

 

On appelle de même intégrité d'un livre son entière conformité avec le livre tel qu'il a été écrit par l'auteur. Si le texte varie, on dit qu'il est corrompu ; interpolé , s'il s'y trouve des additions; enfin, si l'on a lieu de croire que le livre n'a pas été écrit par l'auteur dont il porte le nom, on l'appelle inauthentique ou supposé.

 

II - Les questions relatives à l'intégrité des différents livres de l'Ecriture ont été de beaucoup simplifiées par la découverte de l'imprimerie. Cet art merveilleux fixe les dates; et, par la multiplication des exemplaires et des éditions, protège le texte contre toute altération. Comme des livres imprimés ne peuvent être changés ou retouchés à la plume, sans que l'oeil n'en soit immédiatement prévenu, toute modification matérielle du texte est rendue impossible, toute tentative de falsification serait vaine. Les manuscrits des différents livres imprimés sont donc pour toujours placés à l'abri de la fraude sous l'égide immortelle de l'imprimerie.

L'Ancien-Testament est écrit à peu près tout entier en hébreu ; c'est la langue que parlèrent les Israélites pendant toute la période de leur indépendance. Le peuple lui-même était connu chez les nations voisines, non sous le nom d'Israélites, mais sous celui d'Hébreux ou de Juifs.

Les livres du Nouveau-Testament sont écrits en langue grecque, langue qui alors était parlée non seulement par les habitants de l'Asie-Mineure et de la Grèce, mais encore par les Juifs de l'Egypte et des autres pays, tant en Europe qu'en Afrique et en Asie.


Parmi les premières éditions hébraïques de la Bible, on au compte trois principales; ce sont :

1. celle qui a été publiée à Soncino (1488) et à Brescia (1494),

2. celle imprimée à Alcala (en latin Complutum) (1517),

3. la seconde édition de la Bible de Daniel Bomberg (Venise, 1526).

C'est sur ces trois éditions qu'ont été faites toutes les autres; il en est quelques-unes cependant qui, pour quelques parties, ont été corrigées sur les manuscrits mêmes.


Parmi la foule innombrable des éditions grecques du Nouveau -Testament, nous nous bornerons à indiquer les suivantes -

1. l'édition de la polyglotte d'Alcala (1511),

2. l'édition grecque et latine d'Erasme (Bâle, 1516),

3. le Nouveau-Testament grec de Robert Etienne (Paris, 1546) ,

4. celui du même (4519 et 1550),

5. le Nouveau-Testament imprimé par les Elzevir (1621, 1633, etc.).

 

L'édition grecque du Nouveau-Testament d'Erasme et celle d'Alcala dont il vient d'être parlé, publiées d'après un examen très attentif des manuscrits, formèrent la base de ce qu'on est convenu d'appeler le texte reçu. La première édition de ce texte fut publiée par Elzevir (1624). Il put consulter, en outre, les éditions d'Etienne (Paris, 1546) et de Bèze (Genève, 4565) ; mais il ne leur emprunta pas beaucoup de variantes importantes.

 

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- Les manuscrits de la Bible.

I. - A l'époque où les premières éditions de la Bible furent imprimées, il y avait des manuscrits des Ecritures dans la plupart des bibliothèques publiques de l'Europe. Ils formaient, avec les écrits des Pères et avec quelques autres ouvrages ecclésiastiques du moyen-âge, le fonds principal de la plupart des catalogues littéraires du quinzième siècle.

Le docteur Kennicott (1718-83) compulsa et compara six cent trente de ces manuscrits pour son édition critique de la Bible hébraïque. De Rossi, professeur d'hébreu à Parme vers 1776 , en collationna sept cent trente-quatre de plus. Pour les éditions les plus récentes du Nouveau-Testament grec, plus de six cents manuscrits ont été mis à contribution.

 

II - Quant à l'âge des manuscrits de l'Ancien-Testament, la plupart des manuscrits hébreux que l'on possède aujourd'hui ont été écrits entre les années 4 000 et 1457. Quelques-uns cependant appartiennent au neuvième et même au huitième siècle.

 

Les manuscrits hébreux se divisent en deux classes, savoir :

1. Les manuscrits roulés dont on se sert dans les synagogues. Ils sont transcrits avec beaucoup de soin, et on a établi diverses règles pour y conserver la pureté du texte sacré.

2. Les manuscrits carrés dont les Israélites se servent pour leurs usages particuliers. Ils sont écrits selon la forme des livres imprimés, soit sur du parchemin soit sur du papier de diverses grandeurs.

 

Les Juifs ont cinq exemplaires modèles qui sont spécialement renommés à cause de leur correction. C'est d'après ces manuscrits qu'on a transcrit les copies que nous possédons des livres de l'Ancien -Testament. Voici leurs noms :

1. Le manuscrit de Hillel, manuscrit qui a été vu par le rabbin Kimchi, à Tolède (en Espagne) , au douzième siècle.

2, 3. Le manuscrit de Aaron Ben-Asher, président de l'Académie juive de Tibériade, et le manuscrit de Jacob Ben-Nephthali, président de l'Académie juive de Babylone, lesquels, au onzième siècle, ont collationné les manuscrits des Juifs orientaux et occidentaux. Ces deux rabbins ont fixé définitivement la ponctuation du texte hébreu.

4, 5. Le manuscrit de Jérico et le manuscrit de Sinaï. Ils sont tous deux très estimés pour leur correction. On ne connaît rien de certain concernant le manuscrit Sambouki,

 

Les manuscrits qui datent du onzième siècle ont tous été, corrigés d'après certaines recensions ou éditions. On les a donc classés en familles , selon les pays où les recensions ont eu lieu , savoir :

1. Les manuscrits espagnols. Ils furent corrigés sur le manuscrit de Hillel , et on y a soigneusement suivi le système des massorèthes; ils sont bien écrits et très estimés parmi les Juifs.

2. Les manuscrits orientaux. Ils sont à peu près les mêmes que les manuscrits espagnols, et on peut les attacher à la même famille.

3. Les manuscrits allemands. Ils sont moins élégamment écrits que les manuscrits espagnols; on n'y a point suivi l'annotation massoréthique, et ils présentent quelquefois des variantes importantes qu'on ne trouve pas dans les manuscrits espagnols. Ils sont peu estimés des Juifs.

4. Les manuscrits italiens. Ils occupent la place moyenne entre les manuscrits espagnols et allemands , tant sous le rapport de la correction que pour la valeur critique.

 

III. - Les plus anciens manuscrits grecs du Nouveau-Testament ne remontent pas au-delà du quatrième siècle ; la plupart d'entre eux sont même d'une date beaucoup plus moderne. Quelques-uns contiennent tout le Nouveau-Testament ; d'autres, quelques livres ou des fragments de livres ; enfin, il y a des manuscrits qui ne contiennent que des portions séparées ou des sections destinées à être lues au service public dans les églises. Nous nous bornerons ici à parler des quatre manuscrits qui jouissent d'une grande célébrité et qui sont les plus précieux et les plus anciens que la critique du texte puisse consulter.

1. Le manuscrit Alexandrin , Codex Alexandrinus que l'on désigne ordinairement par la lettre A, est un des manuscrits les plus précieux de l'antiquité chrétienne. Il a été envoyé en 1623 à Charles 1er, roi d'Angleterre, par le célèbre, Cyrille Lucaris, patriarche de Constantinople. En 1753, il a été transféré avec la bibliothèque royale au Musée britannique de Londres, où il se trouve encore. Ce manuscrit forme quatre volumes in-folio et comprend l'Ancien et le Nouveau-Testament. Le dernier ne commence qu'à Matth., XXV, 6; ce qui précède est perdu. Il manque encore dans le corps du livre Jean, VI, 50-VIII, 52 ; 2 Cor. , IV, 4 3 -XII, 2. Il paraît avoir été écrit avant la fin du cinquième siècle, et, pour le plus tard, au commencement du sixième.

2. Le manuscrit du Vatican, appelé B, et qui se trouve à Rome dans la bibliothèque qui lui a donné son nom , partageait anciennement, avec le manuscrit d'Alexandrie, la réputation d'être le plus ancien qui existât. On lui donnait un âge de douze siècles, et on le plaçait par conséquent vers la fin du quatrième siècle, ainsi que le Cottonianus (ou I) , dont les fragments existent encore au Musée britannique. Il contient l'Ancien et le Nouveau-Testament en un seul volume, dont la tête et la fin manquent; ce qui reste, commence par le XLVIlle chapitre de la Genèse, et se termine au chap. IX, 14, de l'épître aux Hébreux. Dans l'Ancien - Testament manquent les livres des Macchabées et les feuillets qui contiennent les Ps. CV-CXXXVIII; dans le Nouveau-Testament, la fin de l'épître aux Hébreux, celle de Timothée, à Tite et à Philémon, et l'Apocalypse. Il est entièrement écrit en belles majuscules, sur parchemin d'une grande finesse. Hug a prouvé qu'il est du commencement du quatrième siècle.

3. Le manuscrit C, ou Codex Ephrem, qui se trouve depuis longtemps à la bibliothèque impériale de Paris, renferme quelques portions de l'Ancien - Testament et tous les livres du Nouveau. Il appartient au sixième siècle.

4. Le Codex Bezoe, ou Cantabriensis, appelé D (pour les Evangiles et les Actes seulement, car il ne contient que ces livres), a été donné à l'université de Cambridge par Théodore de Bèze (1581), qui l'avait reçu de Lyon, où on l'avait trouvé dans un monastère en 1562. On est incertain sur son âge; Wettstein et quelques autres critiques l'attribuent à la fin du cinquième siècle; d'autres le mettent beaucoup plus bas, jusque vers la fin du huitième.

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- Les citations de la Bible par les Pères. Les Targums.

I. - Au moment où les manuscrits commencent à faire défaut, une autre source d'évidence se présente qui n'est ni moins sûre ni moins abondante; ce sont les longues et nombreuses citations des Ecritures et les allusions directes ou indirectes à certains textes, qu'on trouve dans les écrits des Pères de l'Eglise ou dans les paraphrases des rabbins.

Ainsi, nous avons au cinquième siècle les écrits de Théodoret de Cyrus en Syrie, sur les épîtres de Paul et sur la plus grande partie de l'Ancien-Testament. Avant lui, Cyrille d'Alexandrie avait écrit sur les prophètes et sur l'évangile de Jean. Au quatrième siècle, les commentaires de Chrysostôme sur tout le Nouveau-Testament, et les écrits de Grégoire de Nysse. Au troisième et au deuxième, les ouvrages d'Origène et de Théophile d'Antioche. Au deuxième siècle, les écrits d'Irénée et de Clément d'Alexandrie. Mentionnons encore au quatrième siècle les importants commentaires de Jérôme sur l'Ecriture et les nombreux ouvrages d'Augustin.

On compte jusqu'à cent quatre-vingts auteurs ecclésiastiques des premiers siècles du christianisme, dont les ouvrages, encore existants aujourd'hui, renferment des citations du Nouveau-Testament, et ces citations sont tellement nombreuses que si tous les manuscrits du Nouveau-Testament avaient disparu, on pourrait reconstruire le texte original tout entier à l'aide des commentaires et des citations qui se trouvent dans les écrits des six premiers siècles

La même observation s'applique aux livres de l'Ancien-Testament. Pour cela , nous devons remonter plus haut encore dans l'histoire. Le Targum (ou interprétation) d'Onkélos fut écrit environ 609 ans avant Christ; il donne une traduction du Pentateuque en hébreu caldéen (de l'ordre le plus pur). Le Targum de Jonatham, sur les prophètes et les livres historiques , date du commencement de l'ère chrétienne. Au quatrième siècle , Joseph l'Aveugle écrivit un Targum sur les hagiographes, et peu de temps après, d'autres travaux semblables sur différentes parties des Ecritures furent publiés. Ces Targums, au nombre de dix, sont d'une grande valeur, le premier surtout, pour déterminer et fixer le texte original de l'Ancien-Testament hébreu, dont ils sont la paraphrase littérale.

 

II. - Un autre moyen de contrôler et d'établir la fidélité du texte des Ecritures, soit de l'Ancien, soit du Nouveau-Testament, se trouve dans les anciennes et nombreuses traductions qui en ont été faites, et qui ont eu pour résultat de conserver intact le texte original en rendant les falsifications impossibles. Une foule de ces traductions, soit en entier, soit par fragments, existent encore aujourd'hui.

Il résulte de là jusqu'à l'évidence que, dès le premier siècle de l'ère chrétienne, et pour l'Ancien-Testament déjà deux siècles plus tôt (285 ans avant Christ), il existait, répandus dans toutes les parties du monde romain, des livres appelés les saintes Ecritures , écrits par les hommes inspirés, et que le texte actuel de la Bible est identique avec le texte de ces livres à leur origine.

Ces observations s'appliquent, sans aucune exception, à tous les livres de l'Ancien-Testament et à vingt des vingt-sept du Nouveau. Ces vingt sont les quatre Evangiles, les Actes, les épîtres de Paul (sauf celle aux Hébreux) , et les premières de Pierre et de Jean; ils furent universellement reconnus comme authentiques et reçurent le nom d'homologoumènes , c'est-à-dire reconnus. Les autres sept furent contestés et même rejetés pendant un temps par quelques Eglises, et furent, à cause de cela, nommés antilégomènes, c'est-à-dire contestés. Néanmoins, après un long examen, ils finirent par être reçus comme authentiques ; l'hésitation même qu'on avait mis à les recevoir est une preuve de plus du soin avec lequel fut formé et fermé le canon définitif de l'Eglise.

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- Les variantes de manuscrits de la Bible.

I. - On nomme variantes ou leçons les petites différences qui se présentent parfois pour un même passage ou pour un même mot dans le texte des manuscrits ou des éditions. Plus un ouvrage est ancien, et plus il est exposé à des diversités de cette espèce : plus il a été fréquemment copié, et plus les copies en auront introduit : enfin, plus souvent et plus longtemps il a été cité par d'autres auteurs, plus l'inexactitude dans ces citations aura créé de variantes nouvelles. A tous ces titres, les livres de la Bible doivent en avoir plus qu'aucun ouvrage au monde, ayant été copiés tant de milliers de fois (en hébreu pendant trente-trois siècles, et en grec pendant dix-huit cents années).

Des travaux herculéens ont été poursuivis pendant tout le siècle dernier (surtout dans sa dernière moitié et dans le commencement de celui-ci), pour réunir toutes les leçons ou variantes que pouvait fournir; soit l'examen détaillé des manuscrits de l'Ecriture conservés dans les diverses bibliothèques de l'Europe, soit l'étude des versions les plus anciennes, soit la recherche des innombrables citations faites de nos livres saints dans tous les écrits des Pères de l'Eglise ; - et ce travail immense a fourni un résultat admirable par son insignifiance.

 

II. - Quoique toutes les bibliothèques, où l'on peut trouver d'anciens exemplaires des livres saints, aient été appelés en témoignage; quoique les éclaircissements donnés par les Pères de tous les siècles aient été étudiés; quoique les versions arabe , syriaque, latine, arménienne et éthiopienne, aient été collationnées; quoique tous les manuscrits de tous les pays et de tous les siècles, depuis le troisième jusqu'au seizième, aient été recueillis et mille fois examinés par d'innombrables critiques qui cherchaient avec ardeur, et comme la récompense et la gloire de leurs fatigantes veilles, quelque texte nouveau ; quoique les savants, non contents des bibliothèques de l'Occident , aient visité celles de la Russie et porté leurs recherches jusques aux couvents du mont Athos, de l'Asie turque et de l'Egypte, pour y chercher de nouveaux instruments du texte sacré - « on n'a rien découvert, dit Wiseman, non pas même une seule leçon qui ait pu jeter du doute sur aucun des passages considérés auparavant comme certains. Toutes les variantes, presque sans aucune exception, laissent intactes les pensées essentielles, de chaque phrase, et n'ont rapport qu'à des points d'une importance secondaire. » Dans les sept mille neuf cent cinquante-neuf versets du Nouveau-Testament , il n'y a pas plus de dix ou douze variantes de quelque gravité dans l'original , elles ne consistent le plus souvent que dans la différence d'un mot, quelquefois d'une seule lettre. Elles ne touchent ni les unes ni les autres à la. doctrine de l'Ecriture, et vont tout au plus jusqu'à diminuer le nombre des passages que l'on peut invoquer à l'appui d'un dogme.

Quant à l'Ancien-Testament, qui contient vingt-trois mille deux cent quatorze versets , des recherches faites avec beaucoup de soin ont fait connaître treize cent quatorze variantes de quelque valeur; cinq cent soixante-six d'entre elles ont été adoptées dans la version anglaise, dont cent quarante-sept seulement affectent le sens du texte, mais aucune n'a la moindre importance théologique; ce ne sont, en général, que des corrections de chiffres et de dates ou la substitution d'un mot plus clair à un autre qui l'est moins.

 

Dans tout ce, qui précède, nous n'avions qu'un seul objet en vue, montrer l'identité de notre Bible actuelle avec la Bible des premiers âges. Ce que nous en avons dit suffit à notre but ; nous avons maintenant à examiner ces questions pour elles-mêmes.

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- Histoire de la critique des textes originaux de la Bible. 

1. - On a vu précédemment que le texte reçu du Nouveau-Testament avait pour base l'édition d'Erasme et celle des éditeurs de Complutum. Ces deux éditions reposaient elles-mêmes sur des manuscrits assez modernes, et l'on peut dire que comparativement, l'autorité du texte reçu n'est pas très grande.

L'étude des manuscrits plus anciens fut un long travail et prit beaucoup d'années. Elle commença par la Bible polyglotte de Londres ( 1657), qui ajouta au texte primitif les variantes de seize nouveaux manuscrits et s'aida encore des anciennes versions. Curcelloeus examina de même plusieurs manuscrits pour son édition du Nouveau-Testament qui fut imprimée par Elzevir ( 1658). Le docteur Fell (1675) publia une nouvelle édition pour laquelle il mit à contribution quarante manuscrits qui n'avaient pas encore été examinés, et il chargea le docteur Millius d'un travail de révision des manuscrits et des versions du Nouveau-Testament plus complet encore que tout ce qu'on avait fait jusqu'alors. Le docteur Millius consacra trente années à ce travail , et publia, dans son édition , les variantes d'un très grand nombre de manuscrits encore inconnus et les leçons des premiers Pères de l'Eglise. Jean Albert Bengel (1731) d'abord dans son Introductio, puis dans son Apparatus continua l'oeuvre du docteur anglais, mais avec plus de circonspection ; il ne se contenta pas de recueillir et de compter les leçons, il voulut aussi les peser. L'édition de Wettstein parut en 1751 en deux volumes, il conserva comme texte le texte reçu, et ajouta en notes les résultats de ses recherches toutes les fois que le texte lui paraissait fautif. Quarante ans plus tard (1796-1806 ), Griesbach appliqua au texte lui-même les règles et les principes qui avaient guidé Wettstein dans ses recherches, et y ajouta de nombreuses variantes que ses propres recherches lui avaient fait découvrir.

Pendant ce temps, la critique elle-même avait fait des progrès. Chrétien-Frédéric Matthoei de Moscou publia une édition ( 1782-88) remarquable surtout par le caractère général de ses variantes, qui appartenaient presque toutes à ce que l'on appela par la suite la famille ou la recension constantinopolitaine, tandis qu'Atler à Vienne (1786- 87), Birch et Adler en Italie, Maldenhasser et Tyclhsen en Espagne, et d'autres ailleurs, s'occupaient de recueillir les documents qui devaient fournir à Griesbach les matériaux de son Apparatus criticus. Les résultats de ces recherches furent consignés dans l'édition du Nouveau-Testament que Birch publia à Copenhague.

 

II - En comparant les résultats généraux obtenus de son temps, Griesbach fut frappé d'un fait, qui avait déjà été observé par Bengel, puis par d'autres, mais sans qu'ils en eussent tiré des conclusions positives; c'est que certains manuscrits et certains Pères se distinguaient par des variantes d'un caractère tout-à-fait particulier, et qu'on pouvait, à cet égard, diviser les manuscrits en trois classes bien distinctes ou recensions; il appela la première alexandrine; la seconde constantinopolitaine , et la troisième occidentale.

Cette découverte, à supposer qu'elle fût fondée, était de la plus haute importance ; elle changeait la marche de la science et modifiait les résultats acquis. Ce n'était plus, en effet, la leçon appuyée par le plus grand nombre de manuscrits qui devait être préférée, mais celle qui avait en sa faveur le plus grand nombre de familles.

Scholz, professeur de théologie catholique à Bonn, consacra plusieurs années à cette étude, et divisa les manuscrits grecs du Nouveau-Testament, d'abord en cinq classes, puis finalement en deux familles principales

- 1° le texte alexandrin , dans lequel il comprend ce que Griesbach et d'autres appellent la famille occidentale, et

- 2° le texte constantinopolitain, qu'il s'accorde avec Matthaei à préférer au premier, contrairement à l'opinion de Griesbath, Hahn et Lachmann s'accordent, en général, plutôt avec Scholz, mais attachent une importance plus grande: le premier, aux caractères internes d'évidence; le second, à l'antiquité des manuscrits.

 

Ajoutons cependant que si les dernières découvertes n'ont pas fait rejeter entièrement le principe de ces classifications, elles ont jeté des doutes sur leur légitimité. On se demande si les conclusions de Griesbach ne sont pas un exemple de plus de ces généralisations prématurées qui sont plutôt contraires que favorables aux progrès de la science. Ces doutes ont été corroborés dernièrement encore par les travaux du docteur Lawrence de Dublin. Le docteur Bentley émit le premier le désir qu'une édition du Nouveau-Testament fût publiée, basée non sur l'examen des manuscrits considérés comme familles, mais sur le texte des plus anciens manuscrits. Lachmann suivit en grande, partie ce principe dans son travail, et le docteur Tregelles se propose de s'y attacher strictement dans son édition projetée du Nouveau-Testament.

 

Quant au nombre total des manuscrits existants, Griesbach a noté deux cent trente-six manuscrits en écriture cursive (les Nos 4 à 236) dont il indique le chiffre, le contenu et la date; Matthoei en a compté vingt-trois de plus ,(237 à 259) ; Scholz en a ajouté deux cent dix, qu'il a le premier collationnés en tout ou en partie (260 à 469).

En fait de lectionnaires, Scholz énumère cent soixante-seize évangiles et quarante-huit actes et épîtres. Des premiers, un seul, le No 135 est attribué par lui au sixième siècle; il place la date des autres entre le dixième et le quinzième.

 

III. - Les soins que les Juifs ont toujours apportés à la conservation du texte des livres de l'Ancien-Testament nous garantissent la pureté de ce texte , et même on peut dire que les massorèthes y ont rendu impossible toute interpolation ou altération , au moyen des règles qu'ils ont données pour le transcrire. Aussi Philon (1) nous assure-t-il que les Juifs avaient conservé les livres de Moïse sans y avoir changé un seul mot; et Josèphe affirme également que depuis une longue suite de siècles jamais personne n'a osé rien y ajouter, ni en rien retrancher.

Les massorèthes étaient des docteurs juifs dont toute, la profession consistait à transcrire les Ecritures de l'Ancien-Testament et à fixer les différentes leçons du texte, comme on pourra en juger par les détails suivants.

Du troisième au onzième siècle, deux académies juives, établies l'une à Babylone , ]'autre à Tibériade, n'ont pas ,cessé de s'occuper du texte original (hébreu) de l'Ancien-Testament; non pas de son sens ni de ses préceptes, mais de sa forme, des mots, des lettres dont il était composé. Pendant huit cents ans, il s'est trouvé des savants nombreux et célèbres qui, dans deux académies, ont dévoué leur existence à compter et à décrire ces lettres et ces mots, à distinguer les consonnes, les voyelles, les accents - combien d'une espèce; combien d'une autre; à retourner de toutes manières leurs fastidieux et insignifiants calculs. Nous les possédons encore, ces calculs; et qui aurait la patience de les vérifier y trouverait peut-être la preuve mathématique de l'intégrité du texte hébreu.

 

Cette assertion ne doit point étonner quand on connaît jusqu'où ces savants minutieux portaient le respect de la lettre; et quand on lit les règles de leur travail, on comprend l'usage que la providence du Seigneur a su faire de leur révérence, de leur rigueur et même de leur superstition à l'égard du texte inspiré. Ils comptaient, dans chaque livre, le nombre des versets, celui des mots, celui des lettres; ils vous eussent dit, par exemple , que la lettre aleph (A) revient quarante-deux mille trois cent soixante-dix-sept fois dans la Bible, la lettre beth (B) , trente-huit mille deux cent dix-huit fois, et ainsi de suite (1); ils se seraient fait scrupule de changer la situation d'une lettre évidemment déplacée; ils vous en eussent seulement averti dans la marge, et y auraient supposé quelque mystère; ils vous eussent dit la lettre qui est au milieu du Pentateuque, et celle qui est au milieu de chacun des livres particuliers dont il se compose, et ainsi de chaque livre en particulier de l'Ancien-Testament; ils ne se fussent jamais permis de retoucher leurs manuscrits; et si quelque méprise leur était échappée, ils rejetaient le papyrus ou la peau qu'elle avait souillée, pour recommencer leur ouvrage sur un autre rouleau; car il leur était également interdit de corriger jamais aucune de leurs fautes, et de conserver pour leur volume sacré un parchemin ou une peau qui aurait subi quelque rature.

 

Les mêmes travaux qui ont été entrepris pour le texte grec depuis deux siècles environ, ont été faits à Tibériade, il y a, mille ans, pour l'Ancien-Testament. Là, les manuscrits existants furent examinés et comparés avec beaucoup de soin, et il en résulta un texte en général assez pur, qui est à peu près celui dont on se sert encore aujourd'hui. C'est celui qui est connu sous le nom de texte massoréthique. Les travaux plus récents qui ont été faits n'ont abouti qu'à maintenir, en général , ses leçons. Lorsque l'influence du mahométisme eut obligé les Juifs à se disperser de nouveau, leurs savants émigrèrent vers l'Occident, en Espagne, en Italie et dans l'Europe centrale, emportant avec eux le texte massoréthique des Ecritures, et, avec le temps, ils en firent de nombreuses éditions (si l'on peut s'exprimer ainsi en parlant de manuscrits) pour les besoins de leurs coreligionnaires. La valeur de ces éditions dépend naturellement des soins qu'on y apporta. Buxtorf, un des plus savants hébraïsants qui aient existé, soutenait au dix-septième siècle la complète uniformité de tous les manuscrits du texte hébreu. Cappelle (1650) fut le premier qui combattit cette erreur de fait, et l'évêque Walton, éditeur de la polyglotte de Londres , s'étant rangé du côté de Cappelle, posa le fondement des études critiques qui devaient suivre. Dès lors on se mit avec vigueur à la recherche des manuscrits hébraïques, et les résultats de ces travaux furent la publication d'un texte de l'Ancien-Testament plus exact et plus pur. Le rabbin Athias, imprimeur à Amsterdam, publia (1667) une Bible hébraïque d'après divers manuscrit, et d'autres éditions imprimées. Jablonski fit paraître à Berlin (1690) une édition critique, et l'édition si admirablement exacte de Van der Hooght, dont le texte parut à Amsterdam (1705), repose sur celui d'Athias, avec les leçons massoréthiques en marge et d'autres variantes à la fin. Opitz, à Kiel (1709), et 1. H. Michaélis (1720), à Halle, publièrent aussi de bonnes éditions critiques. Houbigant (1746-53) donna à Paris sa splendide édition en quatre volumes in-folio. La même année, Kennicott fit paraître sa première dissertation sur l'état du texte hébreu dans les Bibles imprimées; son édition de la Bible parut à Oxford (1776-80) : c'était le texte de Van der Hooght, mais avec des variantes nombreuses puisées dans six cent quatre-vingt-douze autorités différentes, manuscrits, éditions et citations rabbiniques. De Rossi, de Parme, publia (1781-88) cinq volumes d'extraits de manuscrits hébreux; et les plus importantes variantes de Kennikott et de Rossi furent publiées à Leipsick par DÏderlein et Meisner (1793), puis, plus tard encore à Vienne, par Jahn (1806); elles le furent également en Angleterre, par Bootbroyd (1810-16).

Le résultat de tous ces travaux, c'est qu'il n'y a pour le texte hébreu qu'une seule classe de manuscrits, celle des massorèthes, et que l'ensemble des variantes qu'elle présente n'excède ni en nombre ni en valeur l'importance des variantes que présente une seule des familles de manuscrits du Nouveau-Testament grec.

La grande uniformité des manuscrits hébraïques rend leur classification moins opportune que dans le cas des manuscrits du Nouveau-Testament. Kennicott en mentionne six cent trente, dont deux cent cinquante-huit ont été entièrement examinés par lui, les autres seulement en partie. De Rossi en compulsa sept cent cinquante et un, dont dix-sept n'avaient pas encore été collationnés. Beaucoup d'autres existent, sur lesquels aucun travail n'a encore été fait.

Quoiqu'il n'y ait qu'une seule recension proprement dite, il semble cependant qu'au dixième siècle les Juifs de Babylone aient eu des variantes particulières, et que ceux de Tibériade en aient eu d'autres. De là est venue la distinction des manuscrits en deux familles, l'orientale et l'occidentale. L'évêque Walton, dans sa polyglotte, a indiqué les différences sur lesquelles est basée cette distinction. Ce sont des différences de lettres, au nombre d'environ deux cent vingt, dont aucune n'affecte matériellement le sens, et les différences de points-voyelles s'élevant à huit cent soixante environ. Quant aux premières, nos éditions imprimées diffèrent du texte oriental en cinquante-cinq endroits ; quant aux secondes, elles suivent la ponctuation massoréthique telle qu'elle a été fixée à Tibériade.

 

Quelques exemplaires spéciaux furent longtemps remarqués et connus pour leur minutieuse exactitude ; mais ils ne nous sont plus connus aujourd'hui que par leur réputation traditionnelle.

Une preuve sommaire, mais bien remarquable, de l'intégrité du texte biblique actuel, c'est ce fait, que les Juifs sont d'accord avec les chrétiens sur la lettre de l'Ancien-Testament, et que les catholiques romains le sont avec les protestants sur la lettre du Nouveau.

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