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44. Le mysticisme de l'école de Saint-Victor.

Comme dans la scolastique, telle qu'elle se formait, l'élément logique semblait l'emporter sur l'élément religieux, celui-ci trouva des défenseurs dans la personne des mystiques. Le mysticisme n'était pas une nouveauté les idées qui en forment l'essence se trouvent éparses chez les Pères et chez les docteurs postérieurs; saint Bernard surtout les a exprimées dans ses sermons et dans plusieurs de ses traités. Les premiers qui les aient rédigées en système sont deux théologiens, dont l'un fat le contemporain d'Abélard, l'autre celui de Pierre le Lombard.

En 1108Guillaume de Champeaux, un des premiers maîtres d'Abélard, dégoûté des disputes que celui-ci avait soutenues contre lui, établit avec quelques disciples, dans un couvent près de Paris, une association de chanoines réguliers de Saint-Augustin; ce couvent devint l'abbaye de Saint-Victor. On y pratiquait un enseignement destiné à mettre d'accord la foi et la science, moins par la logique que par la piété. Les principaux représentants de cette école sontHugues, Saxon d'origine, mort en 1141 (57), et l'ÉcossaisRichard, prieur de Saint-Victor en 1162 et mort en 1173 (58). Ils ont professé la même doctrine, en se servant de la dialectique pour ériger le mysticisme en théorie, et en donnant à celle-ci un fondement psychologique. Comme, suivant eux, la théologie mystique est la science de l'expérience intérieure, elle doit être précédée d'une analyse des facultés de l'âme, dont les plus essentielles sont la raison et la volonté ou affection. La foi n'est pas seulement une adhésion de la raison aux doctrines de l'église, elle est un acte de la volonté qui s'élève à Dieu, «une certitude volontaire de ce qui est absent». Au-dessus de cette foi, qui croit sans preuves et qui toutefois est suffisante pour le salut, il y a le savoir, confirmé par des arguments; au-dessus du savoir, dont se contentent les scolastiques, il y a la contemplation, par laquelle l'absent nous devient présent, de telle sorte que nous le saisissons pour nous unir à lui. La contemplation diffère de la spéculation, qui ne voit Dieu que dans un speculum et qui ne donne de lui qu'une connaissance incomplète par les analogies des choses créées avec les choses éternelles ; la contemplation nous met immédiatement en face de Dieu sans aucun intermédiaire ; après avoir supprimé les images et les analogies, après avoir fait abstraction par un effort, de la pensée de tout ce qui n'est pas Dieu, et après avoir purifié le coeur de tout ce qui l'attache au monde, l'homme contemple Dieu, il l'écoute, il le saisit par l'amour et s'unit à lui sans se confondre avec lui. Ce n'est pas sans raison qu'on a donné à cette théologie le nom de théologie affective.

Cependant ni Hugues ni Richard de Saint-Victor ne sont hostiles à la scolastique; Hugues en a employé la méthode et les procédés dans plusieurs de ses ouvrages sur les dogmes; Richard abonde en distinctions subtiles dans sa théorie de la contemplation. Un de ses disciples,Gautier, qui en 1173 lui succéda comme prieur de Saint-Victor, devint au contraire un adversaire véhément de la scolastique; il écrivit un livre «contre les hérésies des sophistes » Abélard, Pierre le Lombard, Pierre de Poitiers et Gilbert de la Porrée (59); il accable ces docteurs de ses invectives, les accusant d'égarer les fidèles dans des labyrinthes inextricables, et de rendre la vérité incertaine par leurs disputes sur le pour et le contre.

Une critique moins amère fut dirigée contre l'abus de la dialectique parJean de Salisbury, qui, après avoir été l'ami de Thomas Becket, était devenu en 1176 évêque de Chartres (60). Aussi sensé et religieux qu'il était lettré, il censura tous les travers de son époque; aux scolastiques il reprochait d'oublier que la raison a des bornes et de ne pas trouver la science à force de la chercher. L'évêque Étienne de Tournay, mort en 1200, se plaignait également que «l'étude des saintes lettres fût devenue une officine de confusion ». Ces critiques passèrent inaperçues; la scolastique prit, au contraire, un essor nouveau.

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45. Deuxième période de la théologie scolastique. Aristote. Les panthéistes.

Cet essor est dû à Aristote. On avait appris à connaître, outre ses ouvrages éthiques et métaphysiques, traduits de l'arabe par des juifs espagnols, ses commentateurs arabes dont l'évêque Raymond de Tolède (1130 à 1150) avait fait faire des traductions. Dans ces commentaires se mêlaient aux doctrines péripatéticiennes des notions empruntées au néo-platonisme, que les philosophes chrétiens, ne sachant pas les discerner, adoptèrent comme étant d'Aristote. On vit paraître ainsi des tendances panthéistes; celles-ci, d'ailleurs, étaient conformes au réalisme, poussé à ses dernières conséquences. Déjà dans la première moitié du douzième siècle, encore indépendamment des Arabes, Bernard de Chartres avait exposé une sorte de panthéisme dans un langage obscur et allégorique. Vers la fin du siècle le système revint, entouré de moins de nuages; on reprit aussi Scot Érigène, que pendant longtemps on semblait avoir oublié il fut étudié de nouveau par des philosophes et des théologiens.David de Dinan, qui avait vécu à la cour d'Innocent III, enseigna qu'il n'y a qu'une substance, commune à tous les esprits et à tous les corps, et que cette substance unique était Dieu. Son contemporainAmaury de Bennesa des passages qui se retrouvent presque mot pour mot chez Érigène; il appliqua ses spéculations au christianisme, en se fondant sur quelques passages de saint Paul (61). D'après l'apôtre, I Cor. XV, 22, Dieu est tout en tout, il est donc dans toutes les choses et toutes les choses sont en lui; il fait tout en nous, le vouloir et l'exécution, Phil. II, 13 ; ce tout embrasse à la fois le bien et le mal, il n'y a donc ni mérite ni démérite, ni ciel ni enfer; par ciel il faut entendre l'état des hommes qui connaissent la vérité, par enfer l'état de ceux qui ne la connaissent pas; les premiers sont les membres du corps de Christ; le paradis est la science, l'enfer est l'ignorance. Jadis Dieu s'est incarné dans Abraham et dans les patriarches; de même il s'est incarné en Jésus-Christ et il le fait encore dans les chrétiens; le moment est proche où le Saint-Esprit à son tour s'incarnera dans les hommes pour les affranchir de toute règle qui n'est pas de nature spirituelle.

Ces opinions, avec leur promesse de liberté spirituelle, trouvèrent des partisans enthousiastes, dont il sera parlé dans la suite. En 1204 l'université de Paris condamna comme hérétique la proposition d'Amaury que tout chrétien doit se croire membre de Christ; il consentit à se rétracter, mais en éprouva, dit-on, un tel chagrin qu'il en mourut. Un concile réuni a Paris en 1210 prononça l'anathème sur ses écrits et sur ceux de David de Dinan ; il ordonna de livrer aux évêques certains ouvrages en langue française, et défendit de copier les traités d'Aristote sur la philosophie naturelle, que l'on croyait être la source de la nouvelle hérésie et que l'on confondait sans doute avec les commentaires traduits de l'arabe. En 1215 les doctrines d'Amaury furent condamnées aussi par le concile du Latran ; la même année le légat Robert de Courceon, donnant des statuts à l'université de Paris, prohiba les livres d'Aristote sur la métaphysique et la physique; il ne permit que la logique, l'éthique et les topiques. L'interdiction de la physique et de la métaphysique ne pouvait pas durer; on avait condamné ce qu'on ne connaissait pas. Par une bulle de 1231 Grégoire IX autorisa les deux ouvrages, à la seule condition d'en retrancher les propositions qu'on trouverait suspectes.

Dès-lors Aristote fut de nouveau le maître naturel, exerçant son empire sur les philosophes et les théologiens. L'église ayant réprimé les écarts de la spéculation panthéiste, le courant de la réflexion rentra dans le lit orthodoxe. Ce fut alors que s'ouvrit la période la plus brillante de la scolastique. On continue, il est vrai, de commenter le maître des sentences, les distinctions et les subtilités restent en faveur comme au douzième siècle, mais on conçoit le système d'une manière plus scientifique, on l'achève dans tous ses détails, le langage même, tout en restant hérissé d'une terminologie barbare, devient plus précis, plus adapté aux besoins d'une démonstration rigoureuse. L'impulsion nouvelle fut donnée par les dominicains et les franciscains, aussitôt qu'à Paris ils eurent obtenu des chaires.

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46. Deuxième période de la théologie scolastique, suite.Alexandre de Halès. Albert le Grand. Thomas d'Aquin. Bonaventure. Duns Scot.

Le franciscain anglaisAlexandre de Halès, professeur de théologie à Paris, mort en 1245, forme la transition entre les sententiaires et les théologiens plus systématiques. A cause de l'apparente solidité de ses démonstrations, on lui a donné le surnom de docteur irréfragable. Sa Summa universoe theologioe (62) est un commentaire des sentences de Pierre le Lombard; il y fait usage de tous les livres d'Aristote que l'on connaissait alors; aussi encombre-t-il la théologie d'une foule de matières étrangères. Dans la discussion du pour et du contre il ne laisse plus subsister aucune incertitude ; sur chaque thèse il donne d'abord les arguments dont la conclusion est que videtur quod sic, puis ceux qui conduisent au videtur quod non, pour se décider enfin soit pour le sic, soit pour le non, en se fondant sur quelque texte.

Ce même esprit, uni à des connaissances plus vastes, se retrouve chez le dominicainAlbert, qu'on a surnommé le grand ou le docteur universel (63). Albert naquit dans les dernières années du douzième siècle à Lauingen, en Souabe; il reçut ses premières leçons de grammaire et de rhétorique au château de son père, seigneur de Bollstädt. Un séjour que, d'après quelques biographes, il aurait fait à Paris pour s'exercer à la dialectique, n'est pas suffisamment prouvé ; c'est à Padoue qu'il compléta et acheva ses études; c'est là aussi qu'il entra dans l'ordre des dominicains. Ses supérieurs le changèrent d'enseigner la philosophie et la théologie dans le couvent de Cologne; en 1245 ou 1248 il fut envoyé dans celui de Paris pour y expliquer les Sentences ; ses leçons eurent autant d'éclat que jadis celles d'Abélard. Devenu en 1254 provincial d'Allemagne, avec résidence à Cologne, il lit de nombreux voyages dans l'intérêt de son ordre. Alexandre IV l'appela à Rome en qualité, de maître du sacré palais; désirant une vie plus calme, il obtint de pouvoir rentrer dans son monastère. En 1260 le pape le nomma évêque de Ratisbonne; par déférence il le resta pendant trois ans; puis il revint à Cologne, où il mourut en 1280.

Albert a été l'homme le plus savant de son siècle; outre la philosophie et la théologie, Il a su tout ce qu'on pouvait savoir alors en fait de sciences naturelles. Ses connaissances passaient pour si prodigieuses, que beaucoup de ses contemporains le regardaient, les uns comme doué de dons miraculeux, les autres comme un sorcier ayant fait un pacte avec le diable. Encore aujourd'hui il y a des contrées où l'on raconte des légendes sur le magicien Albert le Grand.

Il est le premier qui ait fait des cours sur toutes les parties de la philosophie d'Aristote. Cependant il n'a pas été un péripatéticien exclusif, il a des éléments platoniciens et a su animer sa théologie d'un souffle mystique ; la philosophie, dit-il, est la voie de la science, la théologie est celle de l'amour. Ses ouvrages, qui embrassent tout le savoir du treizième siècle, y compris l'alchimie, forment vingt et un volumes in-folio (64).

Un de ses disciples,Thomas d'Aquin, devint le plus grand des docteurs scolastiques. Thomas descendait d'une famille noble du royaume de Naples; il naquit vers 1225 au château de Roccasicca, non loin de la petite ville d'Aquino. Entré à l'âge de seize ans dans l'ordre des dominicains, il fut envoyé à Cologne pour étudier sous Albert le Grand ; il termina ses études à Paris. Il enseigna à Cologne, à Paris, où il prit la défense des ordres mendiants contre l'université, et enfin dans différentes villes de l'Italie. Il mourut en 1274 dans un couvent près de Terracine. Son érudition était moins étendue que celle de son maître, mais il a écrit presque autant que lui ; la meilleure édition de ses oeuvres, tant philosophiques que théologiques, celle de Venise de 1745, se compose de 28 volumes in-quarto (65).

Penseur profond, plus augustinien que d'autres scolastiques, en même temps dialecticien habile, Thomas d'Aquin a donné au système dogmatique du moyen âge sa forme la plus accomplie. Il l'a exposé principalement dans trois ouvrages, dont l'un, Summa fidei contra gentiles, réfute les arguments des adversaires; l'autre est un commentaire des Sentences; dans le troisième, Summa totius theologioe, il suit un ordre plus méthodique que Pierre le Lombard, il divise l'ensemble des matières en trois parties, concernant Dieu, l'homme et Jésus-Christ (66). L'argumentation est la même que chez Alexandre de Halès, avec plus de précision. Quelque dévoué qu'il fût à son église, Thomas s'était laissé entraîner par son esprit philosophique à émettre quelques opinions qui devaient paraître peu conl'ormes à la stricte orthodoxie. Aussitôt après sa mort il éclata dans l'université de Paris une contestation sur sa doctrine; les dominicains voulurent qu'on la reçût telle quelle, les docteurs de la Sorbonne y signalèrent des propositions téméraires. En 1276 l'évêque de Paris Étienne Tempier condamna, outre une foule d'erreurs reprochées aux philosophes arabes et à la secte des cathares, plusieurs thèses tirées des ouvrages de Thomas d'Aquin; l'université d'Oxford adhéra à cette sentence, et tout l'ordre des franciscains se déclara, par rivalité monacale, contre le grand dominicain. En 1286 les frères prêcheurs, réunis à Paris en chapitre général, convinrent de faire tous leurs efforts pour défendre sa doctrine; elle devint normale pour l'enseignement théologique dans leurs écoles. L'église ferma les yeux sur les opinions hasardées d'un docteur aussi Illustre, ou les rangea au nombre des questions discutables ; sa démonstration de plusieurs des principaux dogmes devint classique pour le catholicisme; on l'appela l'ange de l'école, le docteur angélique; Dante lui assigna une place dans son Paradis; en 1322 Jean XXII le canonisa, en déclarant qu'à défaut de miracles ses écrits suffisent pour lui mériter cet honneur, quot scripsit articulos, tot miracula fecit.

 

L'ordre de Saint-François eut à la même époque un docteur également célèbre, Jean de Fidanza, ditBonaventure, né en 1221 à Bagnarea, en Toscane (67). Franciscain depuis l'âge de 21 ans, il fit ses études à Paris; dès 1253 il paraît en cette ville comme professeur, interprétant le maître des Sentences. Sa renommée égalait celle de Thomas d'Aquin; les leçons de l'un attiraient autant d'auditeurs que celles de l'autre; ils étaient amis et défendirent de concert les intérêts de leurs ordres contre Guillaume de Saint-Amour et contre l'université. En 1256 Bonaventure fut élu général des franciscains; en 1273 Grégoire X le nomma cardinal; dès l'année suivante il mourut à Lyon pendant le concile convoqué pour traiter avec les Grecs au sujet de leur soumission au siège apostolique. Pieux et poète, il reproduit l'esprit de François d'Assise, tempéré par l'étude et la réflexion. Comme scolastique, traitant du dogme, il a subi l'influence d'Aristote; comme mystique, il renoue la tradition de l'école de Saint-Victor. Il a écrit des commentaires sur les Sentences; sous le titre de Centiloquium il a composé un manuel de dogme et de morale pour les commençants, et sous celui de Breviloquium un traité plus scientifique sur les mêmes matières (68). Il écarte une foule de questions et de distinctions, afin de donner à la science un intérêt plus religieux. Dans ses traités mystiques, dont les plus importants sont celui de septem gradibus contemplationis et l'itinerarium mentis ad Deum, les raffinements psychologiques les plus subtils se mêlent aux effusions les plus ardentes du coeur.

Il a eu quelques disciples, dont plusieurs ont laissé des écrits; mais il n'a pas eu la même influence générale que Thomas d'Aquin. Il ne fut canonisé qu'en 1482; plus tard Sixte-Quint, franciscain lui-même, lui donna le titre de docteur séraphique, l'opposant ainsi au docteur angélique des dominicains.

Dans l'année même de la mort de Bonaventure naquit, en Irlande ou en Écosse,Jean Duns Scot; il entra dans l'ordre des frères mineurs, fut professeur à Oxford et à Paris et mourut à Cologne en 1308. Bien qu'il n'arrivât qu'à l'âge de 34 ans, il a laissé tant d'écrits philosophiques et théologiques qu'ils remplissent douze Volumes in-folio (69). Chez lui la tendance mystique des franciscains a disparu ; il s'éloigne presque autant du principe qui jusqu'alors avait fait l'intérêt de la scolastique; ce n'est plus la fides quoerens intellectum, il ne semble raisonner que pour prouver l'impuissance du raisonnement et la nécessité de l'autorité. On le voit par l'attitude qu'il prend à l'égard de Thomas d'Aquin ; il reprend toutes les conclusions du chef de l'école dominicaine, pour examiner si l'on ne pourrait pas en trouver d'autres. Pour Thomas la théologie est un savoir, comprenant tout l'ensemble de la religion; pour Duns Scot elle a pour objet les actes par lesquels l'homme peut arriver au salut; en la définissant ainsi, il est loin de songer au mysticisme, il est plus près du pélagianisme. Thomas essaye de démontrer que la création et la révélation ont été nécessaires, comme fondées dans la nature de Dieu; Scot les considère comme les effets de la libre volonté de Dieu, mais il exagère cette liberté au point d'en faire un arbitraire absolu : Dieu aurait pu vouloir autrement qu'il a voulu, il aurait pu ne pas créer le monde ou le créer dans des conditions différentes; il aurait pu donner une autre loi morale et choisir un autre moyen de ramener les hommes à lui. Une pareille théorie, au lieu de glorifier la majesté divine, pouvait conduire à un véritable scepticisme; Scot ne s'en est préservé qu'en se couvrant de l'autorité de l'église. Dès que la raison a le droit de demander si ce qui est pourrait être autrement, il lui est possible de trouver toutes sortes de manières de concevoir les choses; mais comme par elle-même elle ne découvre pas de motifs suffisants pour se décider entre ces manières diverses, il ne lui reste, pour peu qu'elle sente le besoin de quelque certitude, qu'à se réfugier sous l'égide de l'autorité. C'est dans cet esprit de vaine curiosité et d'humble soumission que Scot a rédigé et résolu ses Quoestiones quodlibetales, disputant sur quod libet, sur n'importe quoi. Nul encore n'avait poussé aussi loin la subtilité des distinctions; aussi n'est-ce pas sans raison qu'on l'a appelé le docteur subtil.

 

Pour les franciscains, qui à cette époque luttaient pour écarter de leur ordre le mysticisme enthousiaste des spirituels, Duns Scot devint l'autorité doctrinale, de même que Thomas d'Aquin l'était pour les dominicains. Les écoles se divisèrent en thomistes et en scotistes, se querellant en philosophie et en théologie sur des sujets divers, et préparant ainsi la décadence de la scolastique.

Un autre franciscain anglais, antérieur à Duns Scot,Roger Bacon, né vers 1214, a peu marqué dans l'histoire de la théologie ; sa vraie place est dans celle de la philosophie naturelle. Il ne doit être mentionné ici que pour la hardiesse de quelques-unes de ses opinions. Il a été le premier, et pour longtemps le seul, qui ait fondé l'étude de la nature sur l'observation et sur l'expérience; mais dans cette direction il est allé si loin, qu'on a pu le comparer avec quelque raison aux positivistes modernes. Tout en protestant de sa foi aux dogmes de l'église et en disant que la philosophie vient de Dieu aussi bien que la théologie, il a contesté l'autorité des philosophes sur lesquels se fondaient les scolastiques, il s'est plaint que les docteurs de son temps enseignassent trop d'abstractions, il a prétendu que les Pères eux-mêmes n'étaient pas des guides sûrs, à cause de leurs contradictions mutuelle, il est allé jusqu'à mettre en doute la fidélité de la Vulgate. Ce n'est pas en ces choses-là qu'il s'est trompé on ne doit lui reprocher que son dédain pour toute science qui n'est pas expérimentale. Ses principes et la présomption avec laquelle il a coutume de les exposer lui ont attiré à plusieurs reprises les rigueurs des chefs de son ordre. Il est mort très âgé, sans avoir exercé d'influence sur ses contemporains. Le temps n'était pas venu où l'on pût saisir ce qu'il y avait de fécond dans quelques-unes de ses idées nouvelles, lors même qu'il les eût présentées sous une l'orme moins agressive et moins exclusive (69a).


Table des matières

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57 Opera. Rouen 1648, 3 vol. in-f°. - Patrol. de Migne , T. 175 à 177. - Liebner, Hugo von S. Victor und (lie theologischen Richtungen seiner Zeit. Leipzig 1832. - G. Weiss, Hugonis de S. Victore methodus mystica, Strassb. 1839.

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58 Opera. Rouen 1650, in-f°. - Patrol. de Migne, T. 196. - Liebner, Richardi a S. Victore de contemplatione doctrina. Götting. 1837, in-4°. - Engelhardt, Richard von S. Victor und J. Ruysbroek Erlangen 1838.

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59 Pierre de Poitiers, auteur de cinq livres de Sentences, mort en 1205 comme évêque d'Embrun. - L'ouvrage de Gautier de S. Victor, cité parfois sous le titre Contra quatuor labyrinthos Gallioe, n'est connu encore que par les extraits qu'en a donnés Du Boulay Historia universit. Paris., T. 2, p. 629. - Hist. litt. de la France, T. 14, p. 549. - Planck, Ueber die Schrift Walthers von S. Victor. Theolog. Studien und Kritiken, 1844, 4e livr.

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60 Ses écrits, Bibl. Patrum maxima, T. 23. - Patrol. de Migne, T. 199. - Hist. litt. de la France, T. 14, p. 89. -- Reuter, Joh. von Salisbury. Berlin 1842. - Schaarschmidt, Joh. Saresberiensis, nach Leben, Studien, Schriften und Philosophie. Leipzig 1862.

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61 Des passages de David de Dinan se rencontrent chez Albert le Grand, Summa theologioe, opera, éd. de Lyon, T. 17, p. 72, 159; T. 18, p. 360 ; Summa de creaturis, T. 19, p. 37. Ce qu'on trouve de David chez Thomas d'Aquin, Comment. in libros Sentent., Lib. 2, dist. 17, est pris d'Albert le Grand.

David a puisé sa doctrine principalement dans deux écrits -De processione mundi et de unitate de Dominique Gundisalvi, archidiacre de Ségovie. Hauréau, Sur la vraie source des erreurs attribuées à David de Dinan, dans les Mémoires de l'Acad. des inscript., T. 29, P. 2, 1). 318. V. aussi le même, Hist. de la phil. scol., T. 2, p. 73, et un travail de M. Jourdain, dans les susdits Mém., T. 26, P. 2, p. 467.

Gerson a conservé des fragments d'Amaury dans son traité de concordia metaph. cum logica, Opera. éd. Dupin, T. 4, P. 2, p. 826; il les avait tirés sd'un commentaire du cardinal d'Ostie et de la chronique de Martin le Polonais ; ces derniers se retrouvent dans l'édition de Martin, Anvers 1574, in-f°, p. 394. Un texte plus complet des extraits empruntés au card. d'Ostie, chez Thomasius, Origines historioe philos. et eccles. Halle 1699, p. 113. - Sur Amaury Y. Hauréau, Hist. de la philos. scol. T. 2, p. 83, d'après un traité inédit contra amaurianos. - Krönlein, Amalrich von Bena und David von Dinant, Theol. Studien und Kritiken, 1847, 2e livr.

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62 Cologne 1622. 4 vol. in-f°. - Hist. litt. de la France. T. 18, p. 3,12.

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63 Hist. litt. de la France, T. 19, p. 363. - Sighart, Albertus Magnus. Ratisbonne 1857.

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64 Ed. P. Jammy. Lyon 1651.

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65 On peut citer encore les éditions de Paris 1660, 23 vol. in-f°, et de Parme 1852, 24 vol. in-4°. - Les ouvrages théologiques aussi dans la Patrologie de Migne, T. 217 et suiv. - Une nouvelle édition des oeuvres complètes vient d'être entreprise sur l'ordre du pape Léon XIII; le premier volume, contenant les commentaires sur Aristote et soigné par le cardinal Zigliara, de l'ordre des dominicains, a paru en 1882, Rome, impr. de la propagande.

Hist. litt. de la France, T. 17, p. 236. -Touron, Vie de saint Thomas d'Aquin. Paris 1740, in-4°. - De Rubeis, De gestis et scriptis ac doctrina Thomoe Aq. Venise 1750. in-f°. - Carle, Histoire de la vie et des écrits de S. Th. d'Aquin. Paris 1846, in-4,. Montet, Mémoire sur S. Th. d'A., extrait du T. 2 des Mémoires de l'Acad. des sciences morales, savants étrangers, 1847. - Jourdain, La philosophie de S. Th. d'A. Paris 1858, 2 vol. - Hörtel , Th. von Aquino und seine Zeit. Augsbourg 1846. - Werner, Der h. Th. von Aquino. Ratisbonne 1858, 3 vol. - Gibelli, Vita, di S. Thoma. Bologne 1862.

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66 La 3e partie est inachevée; on l'a complétée par un Supplementum tiré du commentaire de Thomas sur le 4e livre des Sentences. La Somme a été souvent publiée à part, encore en 1863, à Paris, en latin et en français, 16 vol.

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67 A. de Margerie, Essai sur la philosophie de saint Bonaventure. Paris 1855. - Hollenberg, Studien zu Bonaventura. Berlin 1862. - Le même, Bon. ais Dogmatiker. Theol. Studien und Kritiken, 1868. 1er livr.

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68 Opera. Rome 1588, 8 vol. in-f°. Venise 1751, 13 vol. in-4°. Une nouvelle édition est publiée par les soins de l'ordre des franciscains en Italie : S. Bonaventurae opera omnia, ed. Bernardinus a Portu Romatino. Florence 1884, in-f°, T. 1.

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69. Opera, ed. Wadding. Lyon 1637. - Hist. litt, de la France, T. 25, 1). 404. - Werner, Jolt. Runs Scotus Vienne 1881.

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69a Le principal de ses ouvrages, Opus majus, fut publié pour la première fois à Londres 1733, puis à Venise 1750, in-f°. Opera quoedam inedita ed. Brewer, Londres 1859. - E. Charles, Roger Bacon, sa vie, ses oeuvres, ses doctrines. Bordeaux 1862. - Schneider, R. Baco. Augsb. 1873. Werner, Psychologie, Erkenntniss - und Wissenschaffslehre des Roger Baco. 'Vienne 1879,

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