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CHAPITRE VI

PROPAGATION DU CHRISTIANISME

 

21. Les Saxons. - Les pays scandinaves.

Les tribus germaniques encore païennes étaient celles des diverses parties de la Saxe; elles furent soumises au christianisme parCharlemagne(63). Inspirée par la politique, cette oeuvre fut accomplie par la violence. Pour garantir les frontières du royaume franc, il fallut conquérir la Saxe, et pour assurer cette conquête, il fallut la destruction du paganisme. Dès sa première expédition en ce pays en 772, Charlemagne fit démolir un sanctuaire national. Cette guerre fut suivie de plusieurs autres, signalées par d'odieux massacres ; de part et d'autre on combattait avec un égal acharnement. Après chaque victoire le roi força les vaincus de se faire baptiser et bâtit des églises et des châteaux, aussitôt dévastés après le départ des Francs. Lorsqu'en 785 Wittekind et Alboin, les principaux des chefs, eurent accepté le baptême pour eux et leurs hommes, sur la promesse qu'ils garderaient leurs domaines , la paix semblait établie ; des mesures barbares devaient empêcher le retour des Saxons à leur paganisme (64). Un nouveau soulèvement en 793 provoqua de nouvelles expéditions des Francs. Ce ne fut que dix ans plus tard que les Saxons, réduits à l'impuissance, consentirent, par le traité de Seltz, à rester chrétiens, à payer la dîme et à suivre Charlemagne en temps de guerre. L'empereur créa successivement dans leur pays plusieurs évêchés, pour consolider la domination du christianisme et la sienne. Louis le Débonnaire fonda le grand monastère de Herford et celui de Corbie, colonie du Corvey français.

Il restait encore à convertir les populations du Nord scandinave et celles qui habitaient aux confins orientaux de la Germanie. Depuis le commencement du neuvième siècle on fit à cet effet des tentatives réitérées; dans plusieurs de ces contrées la victoire ne fut définitive qu'après des retours offensifs du paganisme et des luttes sanglantes.

Harald, roi deDanemark, détrôné par un fils de son prédécesseur, implora l'assistance de Louis le Débonnaire, grâce à l'intervention duquel il rentra en possession de son royaume (65).

En 826 il vint à la cour impériale; à Mayence, lui, sa femme et les gens de leur suite se firent baptiser. En retournant en son pays il emmena deux moines, dont l'un étaitAnsgaire, du couvent de Corvey. Malgré le baptême de la famille royale, les succès d'Ansgaire, qu'on a surnommé l'apôtre du Nord, furent d'abord insignifiants. Il racheta de jeunes esclaves, qu'il instruisit pour les envoyer comme missionnaires parmi leurs compatriotes. En 831 Louis le Débonnaire créa pour lui l'archevêché de Hambourg, comme centre des missions du Nord; le pape lui envoya le pallium, afin de rattacher au siège apostolique l'église scandinave qui se formait à peine. Hambourg ayant été saccagé en 845 par les Normands, Ansgaire, expulsé, obtint, après la mort de l'évêque de Brême, l'union de cet évêché avec la métropole hambourgeoise. Il résida dès lors à Brême, continuant son oeuvre avec un rare dévouement et avec peu d'effet, jusqu'à sa mort en 865 (66). Les quelques établissements chrétiens, fondés par lui et par son disciple et successeur Rimbert, eurent beaucoup 'à souffrir; le christianisme ne s'était pas maintenu dans la famille royale, il était odieux comme religion venue de l'étranger. En 934 Henri 1er d'Allemagne obligea le roi Gorm à promettre aux chrétiens la tolérance. Après une guerre avec Otton 1er, le roi Harald consentit à recevoir le baptême. Son fils Swen, quoique baptisé lui-même, se mit à la tête d'une réaction païenne; dans une bataille qu'il livra à son père, en 991, celui-ci perdit la vie. Swen chassa les prêtres chrétiens et rétablit l'ancien culte. Ce ne fut qu'après avoir entrepris la conquête de l'Angleterre, qu'il comprit les avantages de l'église; il revint au christianisme et favorisa sa propagation dans le Danemark. Son fils Knut, 1014 à 1035, ayant achevé la conquête de l'Angleterre, acheva aussi la conversion des Danois; lors d'un pèlerinage qu'il fit à Rome, il soumit son église au siège apostolique.

 

En 829 et en 855 Ansgaire avait fait deux essais infructueux d'évangéliser aussi laSuède. En ce pays la nouvelle religion ne se répandit que très lentement. Le premier roi chrétien fut Olaf, 1008. En 1075 le roi Inge fit détruire à Upsal le sanctuaire le plus vénéré du culte national; pour obtenir ce résultat, il lui avait fallu réprimer d'abord un soulèvement des païens.

Le christianisme, apporté en Norvège dès le neuvième siècle, ne fut consolidé en ce pays que par le roi Olaf Trygvesen, 995 à 1000; il accorda des faveurs aux convertis et sévit contre les réfractaires. Olaf le Gros, depuis 1019, organisa l'église; tué en 1033 dans un combat contre les païens révoltés, il fut vénéré comme le saint national et le patron de laNorvège.

Des missionnaires venus de ce pays introduisirent aussi le christianisme enIslande; en l'an mil il fut adopté par une assemblée du peuple, avec la réserve de pouvoir sacrifier en secret aux anciens dieux. De cette île il passa au Grönland, où l'on put fonder de bonne heure un évêché.

Il faut ajouter enfin que ce fut au commencement du dixième siècle que lesNormands, établis en France, acceptèrent le christianisme. Charles le Simple céda à leur chef Rollon la province ,qui prit le nom de Normandie; Rollon, devenu due et vassal de la couronne, se fit baptiser avec beaucoup de ses hommes. Mais là aussi il fallut un temps assez long pour que la christianisation fût complète.

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22. Les pays slaves, etc.(67)

L'évangélisation des Slaves, établis à l'est de la Bavière, avait été confiée par Charlemagne aux évêques de Salzbourg et de Passau. Quelques chefs avaient accepté le baptême, mais la grande masse de la population était restée païenne. Deux moines grecs,Cyrille et Méthodius, se chargèrent de la convertir. D'abord missionnaires parmi les Bulgares et parmi les Chazares de la Crimée, ils vinrent en 862 en Moravie, où l'usage ,intelligent qu'ils firent de la langue nationale leur assura des succès rapides; ils se servirent de l'idiome sIave pour le culte, Cyrille traduisit la Bible. Le pape Adrien Il les consacra évêques. Cyrille étant mort, Méthodius obtint en 880 de Jean VIII l'autorisation de se servir de la liturgie slave, Dieu pouvant être glorifié dans toutes les langues. Il. mourut en 885. L'église morave, pas assez forte pour ne pas succomber dans le conflit avec les évêques allemands de la Bavière, perdit son caractère national et son rite; le pays lui-même perdit, en 908, son indépendance.

 

Vers 871 Méthodius avait baptisé le duc deBohême, Borziwoï. Mais ni l'exemple de ce prince, ni la charité de son épouse Ludmille, ni le zèle de leur petit-fils Wenceslas ne réussirent à établir solidement le christianisme. Sous Boleslas, frère de Wenceslas, l'ancienne religion reprit le dessus; on détruisit les églises, on chassa les prêtres. Enfin le duc Boleslas, dit le pieux, 967 ci 999, triompha des païens; il fonda en 973 l'évêché de Prague, pour lequel le pape Jean XIII fit la condition de n'y célébrer le culte qu'en langue latine.

Le rite slave ne se maintint que dans quelques couvents; en -4062 Alexandre Il l'autorisa aussi dans la partie méridionale de l'Illyrie.

Otton 1er s'occupa de la conversion desWendes, que Henri 16, avait soumis à l'Allemagne. Il fonda les évêchés de Mersebourg, de Brandebourg et d'Oldenbourg, avec Magdebourg pour métropole. Ces églises devaient être à la fois des centres de mission chrétienne et des boulevards de la domination allemande. Confondant dans une même haine les conquérants et les prêtres, les Wendes se soulevèrent en 983 sous le chef Mistrewoï. Le petit-fils de ce dernier, Gottschalk, qui fonda en 1047 l'empire des Wendes, fit en même temps des efforts pour convertir son peuple. Une nouvelle explosion du fanatisme païen répondit à sa tentative; en 4066 il périt assassiné, et le christianisme disparut pour longtemps de ces contrées.

 

LaPolognedevint chrétienne quand en 966 le duc Miécislaw eut accepté le baptême. Comme les missionnaires étaient venus de la Moravie et de la Bohême, ils avaient introduit le rite slave; le duc, s'étant rapproché des Allemands, la liturgie romaine finit par l'emporter.

Les premiers progrès du christianisme enHongrieremontent au duc Geisa, 972 à 997; l'établissement définitif de l'église date du règne d'Étienne, fils et successeur de ce prince, 997 à 1038. Étienne, protecteur du clergé, prit, du consentement de l'empereur Otton III, le titre de roi; le pape l'autorisa à donner aux églises et aux monastères qu'il fonderait tels privilèges qu'il jugerait à propos. Pendant les troubles qui éclatèrent après sa mort, le paganisme tenta de reparaître, mais il fut réprimé violemment.

Dans la plupart de ces contrées des coutumes barbares et des superstitions païennes survécurent au triomphe du christianisme; les anciens dieux se transformèrent en esprits malfaisants; les moeurs restèrent violentes; la civilisation chrétienne ne s'introduisit qu'avec peine, et pendant longtemps on chercherait en vain une trace de culture intellectuelle.


Table des matières

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63 Meinders, Tractatus de statu religionis et reipublicoe sub Garolo magno et Ludovico pio in veteri Saxonia. Lemgo 1711, in-4°. - Böttger, Die Einführung des Christenthums in Sachsen. Hanovre 1859.

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64 Capitulatio de partibus Saxonioe, chez Pertz, T. 3, p. 48.

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65 Pontoppidanus, Annales ecclesioe danicoe diploinatici. Copenhague 1741, T. 1.- Münter, Kirchengeschichte von Dänemarkund Norwegen. Leipzig 1823, T. 1, - Maurer, Die Bekehrung des norwegischen Stammes. Munich 1855, 2 vol. - Oernhjahn, Historia Sueonum Gothorumque ecclesiastica. Stockholm 1689, in-4°.

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66 Vita Anskarii, par son disciple Rimbert, chez Pertz, T. 2, p. 378, et séparément Paderborn 1864. - Lentz, S. Ansgar. Hambourg 1865.

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67 Dombrowski, - Die mährische Legende von Cyrill und Methodius. Prague, 1826. - Ginzel, Geschichte der Slavenapostel Cyrill und Methodius und der slavischen Liturgie. Leitmeritz 1857, 2e éd. Vienne 1861. - Huber, Einführung des Christenthums in Südost-Deutschland, T. 4, Slavenzeit. Salzbourg 1875. - Frind, Kirchengeschichte Böhmens. Prague 1862, T. 1. - Kanngiesser, Bekchrungsgeschichte der Pommern. Greifswalde 1824. - Giesebrecht, Wendische Geschichten, Berlin 1843, 3 vol. - Friese , Kirchengeschichte Polens. Breslau 1786, T. 1. - Mailath, Geschichte der Magyaren. Vienne 1828. T. 1.

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