10. Le culte.

 

La liturgie romaine s'imposa successivement à toutes les églises de l'Occident; elle formait un lien de plus pour les rattacher au siège apostolique.Charlemagnese rit envoyer le sacramentarium de Grégoire le Grand; pour relever le culte dans les églises de ses états, il établit à Soissons et à Metz des écoles de chantres. Le chant des offices était en latin ; le peuple ne répondait que par Kyrie eleison. La prédication, quand elle avait lieu, se faisait en langue vulgaire; elle était un des devoirs des évêques. Sur l'ordre de Charlemagne, et dans le but de fournir des modèles, le diacrePaul, moine du Mont-Cassin, fit un recueil d'homélies des Pères pour toute l'année ecclésiastique (28); chaque église devait en avoir une copie. Le concile de Tours de 813 enjoignit aux évêques de « traduire les homélies en langue rustique, romane ou théotisque, afin que tout le monde pût les comprendre » d'autres conciles de cette même année rappelèrent à leur tour la nécessité de prêcher juxta quod vulgus intelligere possit; celui de Mayence de 847 renouvela le canon de celui de Tours. Les quelques rares fragments qui nous restent de sermons allemands du dixième siècle, ne sont en effet que des traductions d'homélies (29).

 

Le centre du culte était la messe ; elle prit un sens plus mystérieux depuis la propagation de la doctrine, que les éléments se convertissent en la substance même du corps et du sang du Christ, et que le sacrifice doit se renouveler tous lei; jours parce que tous les jours on commet des péchés. En principe la messe n'était complète que par l'assistance des fidèles ; mais à mesure qu'on exalta la vertu du sacrement, on fut conduit à penser qu'il peut être offert sans la participation des laïques, le prêtre étant le sacrificateur au nom et à la place du peuple. De là l'usage des messes privées; désapprouvées encore par les conciles de Mayence de 813 et de Paris de 829, elles devinrent une coutume générale, justifiée par les théologiens.

 

Sous Charlemagne et Louis le Débonnaire l'église franque, comme nous le dirons plus loin, professa sur les images et les reliques des opinions plus saines que celles qui avaient prévalu en Orient et qui régnaient aussi en Italie. Elles ne se maintinrent point. Il fallait aux hommes de cette période des objets sensibles pour leur culte. La tradition artistique favorisa cette tendance presque païenne. On continua de reproduire certaines images, qui dans l'origine n'avaient eu qu'un caractère symbolique, et que désormais on prit pour des représentations de la réalité. En voyant par exemple Dieu le Père sous forme humaine, on se persuada qu'il avait en effet le corps d'un homme. Quand au dixième siècle l'évêqueRathérius de Véroneen fit un reproche au clergé de Vicence, on lui répondit: «Que ferons-nous hélas? jusqu'ici nous avons cru savoir quelque chose de Dieu, maintenant il nous semble qu'il n'existe pas, car comment existerait-il s'il n'a pas de tête (30) ? »

Chaque église désirait posséder des reliques de quelque saint. On rapporte que, pour s'en procurer, des moines et des évêques en dérobèrent; on parle même déjà de fausses reliques. Le neuvième et le dixième siècle sont les temps où l'on compose le plus de légendes; on ajoute aux faits historiques des saints soit des fables inventées par l'imagination du peuple et des moines, soit des réminiscences de la mythologie germanique. Ce n'est pas sans peine que l'historien réussit à démêler la vérité sous les fictions qui l'enveloppent. La place la plus haute parmi les saints est réservée à la Vierge; on la glorifie déjà dans un langage plus romanesque que religieux. Le sombrePierre Damienlui attribue toute puissance au ciel et sur la terre, et parle de sa beauté avec une exaltation digne d'un troubadour (31). Dans quelques couvents italiens il introduisit la coutume de consacrer le samedi à un culte spécial de Marie, pour lequel il composa un officium beatoe virginis; ce nouvel office ne fut pas accueilli sans quelque résistance, on voulut y voir une innovation inutile; mais au concile de Clermont de 1095 Urbain Il fit décréter que lesheures de la Viergeseraient chantées chaque jour, et que chaque samedi on célébrerait son office dans toutes les églises.

 

Depuis le neuvième siècle se répandit unefête de saint Grégoirepour les écoliers; originaire de Rome, elle peut bien avoir été la christianisation d'une ancienne cérémonie en l'honneur deMinerve(32).La fête des trépassésdate du commencement du onzième siècle; destinée à obtenir par des messes, des prières et (les aumônes la délivrance des âmes retenues au purgatoire, elle fuit introduite d'abord par l'abbé Odilon de Cluny dans les monastères de cette congrégation; la légende la rattache à la croyance populaire que l'entrée du purgatoire était dans un des volcans des îles Lipari; d'après le biographe d'Odilon, celui-ci aurait appris cette circonstance d'un pèlerin, qui disait la tenir d'un ermite habitant l'une des îles.


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28) Attribué parfois à Alcuin, qui n'en a fait que la révision. Souvent imprimé depuis la fin du quinzième siècle.

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29) Ces fragments sont publiés dans la Geschichte der deutschen Predigt im Mittelalter, par Cruel. Detmold 1879, p. 97. - C. Schmidt, Ueber das Predigen in den Theol. Studien und Kritik., 1846, 2, livr.

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30) Sermo I de quadeagesima, chez d'Achéry, Spieilegium, T. 1, 1). 388.

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31) Dans plusieurs sermons sur la Vierge. Damiani opéra, T. 2, p. 23, 91, 99.

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32) Schauer, Pas Gregoriusfest. Zeitschr. für hist. Theol. 2e livr.

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