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7. Les biens ecclésiastiques.

Les biens ecclésiastiques, déjà très considérables sous les Mérovingiens, ne cessèrent de s'augmenter par des donations provenant de princes ou de seigneurs, ou par la cession de terres que des hommes libres, trop faibles pour se protéger eux-mêmes, abandonnaient à des églises ou à des monastères en les reprenant contre des redevances. Aux revenus de ces domaines s'ajoutait la dîme; d'abord on avait été tenu de la fournir, sans contrainte, par simple obligation morale; en 779Charlemagneen fit une loi pour toute l'église franque.

Les biens des églises et des couvents continuaient de jouir de l'immunité ce privilège exemptait les évêques et les abbés de l'intervention des officiers royaux; ils percevaient les impôts et jugeaient leurs hommes, tout en restant, pour leur personne, sous l'autorité directe du souverain. Les habitants de leurs terres, serfs ou libres, étaient devenus leurs sujets; eux-mêmes étaient assimilés aux fidèles du roi. Comme ils ne devaient ni porter des armes, ni juger dans les choses criminelles, le prince leur donnait des advocati pour les représenter dans toutes les affaires incompatibles avec le caractère ecclésiastique. Ces avoués, qui étaient en général des nobles et auxquels les églises et les monastères payaient une certaine rente, exerçaient la juridiction pénale sur leurs hommes, et en cas de besoin les défendaient par les armes; ils assistaient aux plaids des colons, et ceux-ci leur devaient alors le même hébergement qu'au seigneur propriétaire.

 

A cause de leur seigneurie temporelle, les évêques et les abbés des grands monastères étaient au nombre des vassaux et convoqués, en cette qualité, aux assemblées nationales des Carolingiens, où se traitaient à la fois les affaires séculières et les affaires ecclésiastiques. Charlemagne sentait qu'il y avait là une anomalie; en 811 il ordonna d'examiner jusqu'à quel point il convient qu'un clerc s'occupe de choses politiques, et un laïque de questions d'église. A l'assemblée de Mayence de 813 on partagea les assistants en trois curies, les comtes pour les affaires séculières, les évêques pour celles qui regardaient les églises, les abbés pour les cas qui pouvaient seuls les intéresser. Cependant l'usage contraire ne cessa de se maintenir. Le pouvoir temporel des prélats fit même des progrès nouveaux. Ils obtinrent, principalement en Allemagne, le droit de battre monnaie, d'ouvrir des marchés, de lever des péages. Dès le dixième siècle on en rencontre qui sont investis du titre de comte et du pouvoir judiciaire attaché à ce titre. En 928 l'empereur Henri 1er donna à l'évêque de Toul la seigneurie et le comté de cette ville; cet exemple fut suivi surtout par les Ottons, dans l'intention de se créer des soutiens contre les barons laïques.

La jouissance de ces privilèges consolida les relations entre les évêques et les princes ; très souvent, d'ailleurs, les premiers étaient nommés par les seconds. ou an moins confirmés et toujours investis par eux. L'investiture était l'acte symbolique par lequel lin évêque était institué dans ses fonctions; elle se faisait. par le roi, au moyen de la remise d'un anneau et d'une crosse; l'anneau était le signe de l'union du prélat avec son église, la crosse celui de son ministère pastoral. Depuis que. comme possesseurs de fiefs, les évêques sont entrés dans l'organisme féodal, l'investiture prend aussi un caractère politique; outre la dignité ecclésiastique, elle leur confère des domaines, avec les droits et les obligations qui y sont attachés. Comme vassaux, ils prêtent le serment de fidélité à leur suzerain, prennent part aux expéditions militaires, et bien souvent commandent eux-mêmes leurs troupes, malgré les canons qui le leur défendent.

L'accroissement de leur pouvoir et de leurs richesses était lin perpétuel sujet de jalousie pour les seigneurs laïques, qui, con) nie par le passé, pillaient fréquemment leurs possessions. Pour se procurer des défenseurs, autres encore que les avoués, ils donnent des châteaux, des bourgs, des villages en fief à des nobles, qui sont alors leurs ministériaux; ces fiefs ne tardent pas à devenir héréditaires. Les ministériaux, joints aux, fonctionnaires préposés à la monnaie, à la justice, aux péages, aux corporations des métiers, forment la suite ou la famille des évêques; certains archevêques ont une cour qui ressemble à celle des rois.

Il était naturel que par suite de cette union du caractère politique et du caractère sacerdotal, ce dernier dut s'effacer de plus en plus ; seigneurs puissants et riches, beaucoup d'évêques deviennent étrangers aux intérêts spirituels ; s'ils interviennent (fans les affaires de l'état, ce n'est plus comme jadis en vertu de l'autorité morale que leur donnait la consécration, c'est parce qu'ils sont des vassaux, généralement plus instruits que les vassaux laïques. Mais cette position même les retient, malgré le principe qu'ils ne doivent être soumis qu'au pape, sous la dépendance des empereurs et des rois. De là devaient naître des conflits très graves; les papes réclament pour les évêques l'indépendance complète, tout en voulant qu'ils gardent les bénéfices temporels, et les princes ne pouvant se résoudre à renoncer à leurs droits sur des vassaux, il y avait là une source de troubles, qu'on verra éclater dans' la période suivante.


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