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 CHAPITRE II

LE CLERGÉ

 

6. La hiérarchie.

Depuis Charlemagne jusqu'à Grégoire VII l'organisation de la hiérarchie ecclésiastique était réglée en général par les canons des anciens conciles, par les décrétales des papes et par quelques capitulaires des carolingiens. Les changements qui survinrent dans le monde politique et dans la situation de la papauté y apportèrent des modifications diverses. La même tendance, qui portait les papes à se soustraire à la domination impériale, leur fit chercher aussi les moyens d'affranchir le clergé de la dépendance où le tenaient les princes; mais l'état social du moyen âge ne leur permit pas d'atteindre, sous ce rapport, leur but aussi complètement que la dignité clé l'église l'aurait exigé.

 

Une des traditions de l'empire chrétien romain était, depuis Constantin, la subordination de l'église a l'état.Charlemagne, quand il euit été, proclamé empereur d'Occident, continua cette tradition. Aussi longtemps qu'il régna , l'administration des affaires ecclésiastiques fut une de ses principales préoccupations; il s'appliqua à lui rendre son ensemble et sa régularité. Toutes les mesures relatives à l'église franque étaient prises au nom du pouvoir temporel. C'est le roi qui convoquait les assemblées nationales et les conciles, et qui publiait leurs décisions sous forme de capitulaires. Les évêques acceptaient cette situation ; les conciles d'Arles et de Mayence de 813 soumirent leurs délibérations à la sagesse de Charlemagne. Il n'en fut plus ainsi sous ses successeurs; au lieu de s'incliner devant le souverain laïque, les évêques s'attachent plus directement au pape et, forts de l'appui qu'ils trouvent à Rome, ils cherchent à humilier les princes. Ils ne s'en rapportent plus à la sagesse de l'empereur, il arrive que l'empereur s'en rapporte à la leur. Lorsqu'en 859Charles le Chauveaccusa devant le concile de Toul l'archevêque Wénilon de Sens, qui s'était allié à ses ennemis, il dit entre autres qu'après avoir été sacré roi par Wénilon lui-même , il ne devait pas être renversé du trône sans avoir été entendu et jugé par les évêques : « Dieu repose sur eux, c'est par eux qu'il décerne ses jugements ; j'ai toujours été et je suis encore prêt à me soumettre à leurs sentences et à leurs corrections paternelles ». On voit quel chemin l'autorité épiscopale avait fait depuis Charlemagne. Quand la race de celui-ci se fut éteinte, l'épiscopat, en présence de souverains redevenus plus forts, dut restreindre ses prétentions politiques, sans toutefois y renoncer.

 

Par un capitulaire de 803 Charlemagne voulut rétablir l'ancienne liberté de l'élection des évêques par le clergé et par le peuple, « sans acceptation de personnes ni de cadeaux ». Jusqu'à Nicolas Il les papes eux-mêmes étaient élus, comme évêques de Rome, par les clercs et les laïques. Dans des siècles où ces derniers n'étaient pas toujours capables de discerner les hommes les plus dignes, cette coutume présentait des inconvénients, qui reparaissaient sous une autre forme quand les rois se chargeaient de la nomination des évêques. Tantôt ils récompensaient des services par la collation d'un évêché, tantôt ils acceptaient des candidats protégés par les papes. L'usage de faire élire les prélats par les chapitres de leurs cathédrales ne s'introduisit que peu à peu ; il dérogeait à l'ancienne règle, mais semblait garantir des élections plus irréprochables.

Parmi les attributions des évêques les plus importantes étaient la consécration des prêtres et la nomination des curés des paroisses de leur diocèse. Ce dernier droit était limité par celui des patrons laïques. Les seigneurs, qui fondaient des églises dans leurs domaines, les considéraient comme des bénéfices, dont ils disposaient en faveur de clercs qu'ils désignaient eux-mêmes. Comme ils les donnaient parfois à des gens peu estimables, plusieurs conciles décrétèrent que celui qui érigerait une église en resterait, il est vrai, le propriétaire et qu'il aurait le droit d'y établir un prêtre, mais que celui-ci devait être agréé par l'évêque et demeurer sous sa surveillance et sa juridiction.

Quant aux archevêques ou métropolitains, depuis que le droit pseudo-isidorien eut prévalu, ils ne gardèrent que la confirmation et la consécration des évêques et la présidence des conciles provinciaux, outre les fonctions épiscopales qu'ils remplissaient dans leur propre diocèse. Pour mieux se les rattacher, Nicolas 1er leur imposa, lors de la réception du pallium, symbole de leur dignité, le serment d'obéir aux décrets émanant du siège apostolique. Leur considération et leur importance politique étaient d'autant plus grandes, que leurs provinces étaient plus étendues; lors de l'élection d'Otton le" les trois archevêques de ,Mayence, de Trèves et de Cologne figurèrent pour la première fois en tête des grands dignitaires impériaux.

 

Au neuvième siècle il existait encore deschorévêques; ce n'étaient plus, comme jadis, des évêques ruraux, mais tantôt des évêques régionnaires ou missionnaires, sans diocèse déterminé, tantôt ils étaient adjoints à des évêques titulaires, -ci peu près comme les suffrageants des temps postérieurs. Les régionnaires disparurent après la réorganisation de ]'église franque et la constitution de celle de la Germanie. Les autres donnaient lieu à des abus divers. Comme ils ne pouvaient pas remplir toutes les fonctions épiscopales, tandis que les supérieurs, qu'ils devaient remplacer, faisaient des absences fréquentes, il en résultait que bien des choses dans les diocèses restaient en souffrance. De plus, lors de la vacance d'un évêché, les rois, quand il y avait un chorévêque, ne se pressaient pas de nommer un successeur;- le chorévêque, qui n'avait que peu d'autorité légale, était presque forcé alors d'exercer un pouvoir illégal ; de là des irrégularités d'une autre espèce. Déjà Charlemagne essaya de fixer les limites des fonctions des chorévêques ; mais ce ne fut qu'au concile de Meaux, en 845, qu'on leur défendit de donner la confirmation et de consacrer soit des églises, soit des prêtres. Au concile de Paris de 849 on en destitua plusieurs ; bientôt après on supprima toute l'institution, que condamnaient aussi les fausses décrétales (21). Dans quelques diocèses plus grands on conserva encore le nom ; jusqu'au douzième siècle on le donna aux vicaires des évêques, çà et là même aux archidiacres.

L'évêque Heddon de Strasbourg parait être le premier qui ait divisé son diocèse en plusieurs archidiaconats; en 774 Adrien 1er confirma cette mesure. Les archidiacres étaient chargés de la juridiction ecclésiastique dans les paroisses de leur circonscription. Généralement ils étaient membres des chapitres. Ceux-ci durent leur origine à l'application des règles (le la vie canonique, données d'abord à son clergé par l'évêque Chrodegang de Metz, et sanctionnées pour toute l'église franque par un capitulaire de 789. En 816Louis le Débonnaire fit rédiger par un concile, tenu à Aix-la-Chapelle, une règle en 145 articles, reproduisant et complétant celle de Chrodegang; il l'envoya à tous les métropolitains de l'empire, pour qu'elle devînt la discipline uniforme des églises. C'était une adaptation au clergé séculier du genre de vie du clergé régulier, vie en commun dans une même maison, et chant des heures la nuit comme le jour, avec la différence qu'on n'exigeait pas le voeu de pauvreté. Dans l'origine les évêques étaient chargés de l'entretien des chapitres ou collèges des prêtres attachés aux cathédrales mais comme ces corps purent eux-mêmes acquérir des possessions, ils finirent par avoir une administration indépendante. D'autres églises adoptèrent les mêmes règles et se constituèrent en chapitres secondaires. Ils élisaient eux-mêmes leurs membres et leurs fonctionnaires, qui étaient un prévôt, un doyen, un custode ou trésorier, un chantre, un écolâtre, un cellérier. Dès la fin du dixième siècle la richesse des prébendes fut cause que les chanoines renoncèrent à la gêne de la vie commune.


Table des matières

Précédent:5. Les papes jusqu'à l'avènement de Grégoire VII

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21 Weizsäcker, Der kamps gegen den Chorepiskopat im fränkischen Reich im neunten Jahrhundert Tubingue 1859.

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(La Bible: 1Thessaloniciens 5:21)

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