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& 3. De Nicolas 1er à Jean VIII(9), 858 à 882.

Nicolas 1er, Romain de naissance, un des grands papes du moyen âge, fut élu en 858. Sa consécration eut lieu en présence de l'empereur Louis Il; peu après, celui-ci lui témoigna sa déférence, en tenant la bride de son cheval. Le pape, homme instruit, de moeurs austères, d'un caractère inflexible, se faisait de sa mission l'idée la plus haute. En prenant la défense des opprimés et en résistant aux despotes, il se concilia le respect des peuples; en même temps Il sut profiter, pour consolider son pouvoir, des rivalités entre les princes qui régnaient sur les diverses parties de l'ancien empire franc.

 

En 857 le roi de Lorraine,Lothaire II, répudia sa femme Teutberge, pour vivre avec Waldrade, soeur de Günther, archevêque de Cologne, et nièce de Thietgaud, archevêque de Trèves.

Pour se justifier, il accusa Teutberge de divers crimes; trois conciles, tenus à Aix-la-Chapelle de 860 à 862, furent assez complaisants pour la condamner et pour rompre son mariage avec le roi.Charles le Chauveet ses évêques prirent le parti de l'épouse outragée, qui, d'ailleurs, s'adressa elle-même au pape Nicolas. Deux légats, que celui-ci envoya en Lorraine, pour examiner la cause, eurent la faiblesse de confirmer, au concile de Metz de 863, les sentences prononcées contre la reine. Le pape annula cette décision, enjoignit au roi de reprendre sa femme et déposa les archevêques Günther et Thietgaud. Ceux-ci l'excommunièrent, mais furent obligés de se soumettre ; Lothaire se soumit à son tour, par peur de ses oncles, Charles le Chauve et Louis le Germanique, qui se disposaient à exécuter l'ordre du pape de s'emparer de ses états. Il prodigua à Nicolas les témoignages d'une basse humilité, tout en continuant de vivre avec sa maîtresse. Dès lors le pape ne le ménagea plus; l'opinion publique se déclara pour celui qui maintenait la justice contre un prince débauché et lâche, et celui-ci ne trouva plus de défenseurs. Voici ce qu'en 863 Nicolas écrivit à l'évêque de Metz : «Examinez bien si ces rois et ces princes, auxquels vous vous dites soumis, sont vraiment des rois et des princes ; examinez s'ils gouvernent bien, d'abord eux-mêmes, ensuite leurs peuples; celui qui ne vaut rien pour lui-même, comment peut-il conduire les autres? Examinez s'ils règnent selon le droit, car sans cela il faut les regarder comme des tyrans, et nous devons leur résister au lieu de nous soumettre; ne pas nous élever contre eux, serait favoriser leurs vices. » Ces paroles étaient justifiées par les circonstances; exercée par un homme commeNicolas 1er, au milieu d'une société aussi dépravée que celle du neuvième siècle, la papauté a été la seule puissance morale capable de se faire respecter.

 

A la même époque Nicolas réussit à fortifier l'autorité du saint-siège en restreignant celle des métropolitains; à cette occasion il se servit pour la première fois des fausses décrétales. En 861 l'archevêqueHincmar de Reims suspendit l'évêque Rothade de Soissons qui, sans le consulter, avait destitué un prêtre pour cause de mauvaises moeurs. Malgré l'appel de Rothade au pape, Hincmar le fit déposer par le concile de Senlis en 863, en soutenant que les lois impériales interdisaient tout appel à un juge étranger. Nicolas cita les parties à Rome; il se fondait sur les canons du concile de Sardique, qui passaient depuis longtemps pour être d'une application générale, et auxquels Hincmar avait en effet contrevenu en donnant à Rothade un successeur, sans égard à son appel au pape. Hincmar convint alors que les canons de Sardique consacraient le droit d'en appeler à Rome, mais il nia qu'ils donnassent au pape celui de réintégrer l'appelant, avant que la cause eût été portée devant un nouveau concile provincial.

En 864 Rothade vint à Rome, en y apportant peut-être les fausses décrétales ; dans tous les cas Nicolas 1er cassa l'arrêt de destitution par le motif, tiré de ce recueil, qu'aucun concile ne peut se réunir sans l'assentiment du pape. C'était là une nouveauté très grave; les nombreux conciles, tenus en Gaule et en France depuis le quatrième siècle, avaient tous été convoqués sans qu'on se fût adressé à Rome pour en obtenir la permission. Néanmoins Nicolas l'emporta ; Hincmar dut souffrir que Rothade rentrât dans son diocèse. Le fait de la destitution et de la restitution de cet évêque est en lui-même d'une importance médiocre; ce qui lui donne sa signification historique, ce sont les principes qui ont été en jeu : Hincmar a représenté l'ancien droit et l'indépendance des églises nationales, Nicolas le droit nouveau et la suprématie du siège apostolique.

Adrien Il, consacré en 867 pendant que les gens du due de Spolète saccageaient Rome, suivit la même politique que son prédécesseur, mais avec moins de vigueur et par conséquent avec moins d'éclat. La lutte au sujet des principes de Pseudo-Isidore se renouvela sous son règne; elle n'aboutit cette fois qu'à des échecs pour la papauté. Lorsqu'à la mort de Lothaire Il, Charles le Chauve eut fait la conquête de la Lorraine et qu'en 870 il eut partagé ce pays avec Louis le Germanique, Adrien prit la défense de l'héritier légitime, qui était l'empereur Louis Il ; il menaça d'anathème les adversaires laïques et ecclésiastiques de ce prince. Hincmar de Reims lui écrivit qu'un pape n'avait pas à se mêler de cette sorte d'affaires.

On ne tint pas non plus compte de sa tentative d'intervenir entre Charles le Chauve et son fils rebelle Carloman. Il ne fut pas même heureux dans les choses purement ecclésiastiques. L'évêque Hincmar de Laon, neveu et un des suffrageants d'Hincmar de Reims, semble avoir voulu essayer, par son administration arbitraire et par sa résistance à son métropolitain, ce qu'on pouvait oser en se fondant sur Pseudo-Isidore et sur la protection du pape. Accusé de désobéissance, il eut recours à Adrien Il. Comme dans son appel il citait des passages des fausses décrétales, Hincmar défendit contre lui l'ancien droit contre le nouveau, qu'il appela une souricière pour y prendre les archevêques; il démontra que le vrai droit de l'église était celui qu'avaient établi les conciles des premiers siècles, et que les décrétales des papes ne sont obligatoires que quand elles sont d'accord avec les canons.

La cause étant portée en 871 devant le concile de Doucy, l'assemblée déposa Hincmar de Laon, sans s'arrêter à son appel au pape. Adrien Il voulut agir alors comme avait fait Nicolas 1er dans l'affaire de Rothade de Soissons; Charles le Chauve lui répondit par une lettre, rédigée par Hincmar de Reims : où le pape a-t-il découvert le droit d'intervenir entre le roi et un de ses sujets? les rois de France ne sont pas les lieutenants séculiers, vicedomini, des évêques, ils sont les seigneurs de leur terre, domini terroe; que le pape s'abstienne d'envoyer des lettres injurieuses pour la royauté, s'il ne veut pas qu'on méprise sa juridiction. Adrien recula ; pour apaiserCharles le Chauve, il lui promit même l'empire quand l'empereur viendrait à décéder; il mourut lui-même dès 872.

Jean VIIImarcha sur ses traces; il eut quelques triomphes, et presque autant de revers. Après la mort de Louis Il en 875, il posa, dans l'église de Saint-Pierre, la couronne impériale sur la tête de Charles le Chauve; aux réclamations de Louis le Germanique il opposa le principe, que c'est aux papes qu'il appartient de disposer de l'empire : interprétation hardie de l'acte qu'avait accompli Léon III en couronnant Charlemagne. Le nouvel empereur lui témoigna sa gratitude en acceptant les canons d'un concile tenu à Ravenne en 877, qui avait décidé que désormais l'investiture des métropolitains serait soumise à l'approbation pontificale, et que les évêques seraient exemptés de toutes charges et de toutes poursuites civiles. Charles consentit aussi à ce qu'Anségise, archevêque de Sens, fût institué, en vertu d'un principe pseudo-isidorien, comme primat des églises d'Allemagne et de France. Toutefois par cette mesure, qui, du reste, n'eut pas de durée, l'empereur n'entendait pas que l'église de l'empire fût absolument subordonnée au siège de Rome; dans un concile tenu en 876 les évêques, Hincmar de Reims à leur tête, déclarèrent qu'ils ne reconnaissaient le nouveau primat que sous la réserve des droits appartenant à tous les métropolitains; Charles le Chauve rappela même à Jean VIII quels étaient les canons observés en deçà des Alpes; dans le nombre il ne comptait pas les fausses décrétales. Tout en subissant le droit qu'avait créé cette fraude, on ne cessait de protester contre son application.

 

Le pape avait compté sur l'appui de l'empereur pour consolider sa propre situation, ébranlée en Italie par les incursions des Sarrasins et par la turbulence des grands; mais Charles ne lui fut d'aucun secours. Après la mort de ce prince, Rome fut envahie par le duc de Spolète et le marquis de Toscane; Jean VIII devint leur prisonnier; s'étant échappé, il chercha un asile en Provence; il espérait pouvoir se servir de Boson, le fondateur du royaume d'Arles, auquel il promit les couronnes de l'Italie et de l'empire; mais de retour à Rome, il dut couronner Charles le Gros, le moins digne des descendants de Charlemagne; deux années après, en 882, il périt assassiné.


Table des matières

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9) Pontificum romanorum inde ab excunte soeculo IX usque ad soeculani XIII vitoe ab oequilabus conscriptoe. Ed. Watterich. Leipzig 1862, 2 vol. 10 Lännner, Nicolaus I. Breslau 1857.

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(La Bible: 1Thessaloniciens 5:21)

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