Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE V

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« Et Moïse appela tout Israël, et leur dit:

Écoute, Israël, les statuts et les ordonnances que je prononce aujourd'hui à vos oreilles : Vous les apprendrez, et vous les garderez pour les pratiquer ».

Observons avec soin ces quatre mots, si caractéristiques du livre du Deutéronome, et si importants pour le peuple de Dieu, en tous temps et en tous lieux : « Ecouter », - « apprendre », - « garder », - « pratiquer ». Ces paroles sont d'une valeur inexprimable pour toute âme pieuse, pour tout homme qui désire réellement marcher dans le sentier étroit de la justice pratique, si agréable à Dieu, si sûr et si heureux pour nous.

 

Le premier de ces mots place l'âme dans l'attitude la plus bénie où elle puisse se trouver, celle d'écouter. « La foi est de ce qu'on entend, et ce qu'on entend par la parole de Dieu » (Rom. 10, 17). « J'écouterai ce que dira Dieu, l'Éternel » (Ps. 85, 8). « Écoutez et votre âme vivra » (Es. 55, 3). L'oreille attentive est à la base de toute vie chrétienne réelle et pratique. Elle place l'âme dans la seule attitude qui convienne à la créature. C'est le secret de toute paix et de toute bénédiction.

Il est à peine nécessaire de rappeler au lecteur que, lorsque nous parlons de l'âme dans l'attitude d'écouter, nous supposons que ce qui est écouté est uniquement la parole de Dieu. Israël devait écouter « les statuts et les ordonnances » de l'Eternel, et pas autre chose. Ce n'était point aux commandements, aux traditions et aux doctrines des hommes qu'ils devaient prêter l'oreille, mais aux paroles mêmes du Dieu vivant qui les avait sauvés et délivrés du pays d'Égypte, pays de servitude, de ténèbres et de mort.

Il est bon de se souvenir de ceci, et l'âme sera préservée de bien des pièges, de bien des difficultés. De nos jours, on parle beaucoup d'obéissance et du devoir moral de se soumettre à l'autorité ecclésiastique. Un grand nombre de personnes excellentes et vraiment pieuses se laissent prendre à ces belles paroles. Mais lorsqu'on nous parle d'obéissance, demandons « à quoi il faut obéir » ? Quand on nous exhorte à soumettre notre volonté propre, informons-nous « à qui nous devons la soumettre » ? Si nous devons nous soumettre à l'autorité, nous devons connaître la source ou la base de cette autorité.

Ce point est de toute importance pour chacun des membres de la famille de la foi. Nombre d'âmes vraiment sincères et pieuses sont bien aises de n'avoir pas la peine de penser pour elles-mêmes, et d'avoir leur sphère d'action et leur ligne de conduite toute tracée par des personnes plus compétentes. On trouve agréable et reposant d'avoir sa tâche de chaque jour indiquée par d'autres. Le coeur est soulagé d'une grande responsabilité, et on a l'apparence de faire preuve d'humilité et de défiance de soi-même en se soumettant à quelque autorité.

Mais qu'on examine soigneusement, en présence de Dieu, quelle est la base de l'autorité à laquelle on se soumet, sans cela on court le risque de se trouver dans une position tout à fait fausse. Prenons l'exemple d'un moine ou d'une religieuse. Le moine obéit à son abbé, la nonne à sa mère abbesse, la religieuse à sa supérieure, mais la position et les relations de chacune de ces personnes sont complètement fausses. Il n'y a pas dans tout le Nouveau Testament un seul mot en faveur des monastères ou des couvents ; au contraire, l'enseignement de la Sainte Écriture, tout comme la voix de la nature, s'oppose à cet ordre de choses, qui sort les hommes et les femmes de la sphère et des relations où Dieu les a placés, pour les former en sociétés qui suppriment les affections naturelles et excluent toute vraie obéissance chrétienne.

Nous nous sentons poussés à attirer l'attention du lecteur chrétien sur ce sujet, vu que l'ennemi fait actuellement de vigoureux efforts pour raviver le système monastique au milieu de nous, sous mille formes diverses. On va même jusqu'à dire que la vie du cloître est la seule vraie vie chrétienne En entendant des assertions aussi monstrueuses, il convient d'examiner ce sujet à la lumière de l'Écriture, et de demander qu'on nous montre dans la parole de Dieu les raisons qui autorisent le système monastique. Est-il fait mention dans tout le Nouveau Testament de quoi que ce soit qui ressemble à un monastère, à un couvent, ou à une communauté de soeurs ? Où trouverons-nous une autorité pour un office tel que celui d'un abbé, d'une abbesse ou d'une supérieure ? Nulle part ; et par conséquent, nous n'hésitons pas un instant à déclarer que tout le système, du sommet à la base, n'est qu'une invention de la superstition, également opposée à la voix de la nature et à la voix de Dieu. On s'étonne que ces choses puissent encore avoir des adhérents de nos jours où la pleine lumière du glorieux Évangile brille sur nous dans les pages du Nouveau Testament (1).

Béni soit Dieu, nous sommes appelés à l'obéissance ; nous devons « écouter », et nous soumettre avec un saint respect, à l'autorité. Et ici nous nous écartons encore de l'incrédulité et de ses hautes prétentions. Le chemin de l'humble et pieux chrétien est également éloigné de la superstition et de l'incrédulité de l'autre. La noble réplique de Pierre au sanhédrin (Actes 5, 29), est une réponse complète à l'une et à l'autre : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes ». Nous pouvons faire face à l'incrédulité dans toutes ses phases et sous toutes ses formes, avec cette seule phrase : « Il faut obéir ». Et nous pouvons faire face à la superstition, de quelque manteau qu'elle se couvre, avec ces mots de toute importance « Il faut obéir à Dieu ».

Nous avons là, dans sa forme la plus simple, le devoir de tout vrai chrétien. Il doit obéir à Dieu. L'incrédule peut se moquer d'un moine ou d'une nonne, et s'étonner de ce qu'un être doué de raison et d'intelligence puisse se soumettre aussi complètement à l'autorité d'un de ses semblables, et obéir à des règles et à des pratiques absurdes, dégradantes et contraires à la nature. L'incrédule se vante de sa soi-disant liberté intellectuelle, et s'imagine que sa raison est un guide tout à fait suffisant pour lui. Il ne voit pas qu'il est plus loin de Dieu que le pauvre moine ou que la nonne qu'il méprise. Il ne sait pas que, tout en s'enorgueillissant de sa volonté propre, il est, en réalité, tenu en esclavage par Satan, le prince et le dieu de ce monde. L'homme a été formé pour obéir, pour avoir quelqu'un au-dessus de lui. Le chrétien est sanctifié (mis à part) pour l'obéissance de Jésus Christ, c'est-à-dire pour posséder la même obéissance que celle que notre adorable Seigneur et Sauveur lui-même rendait à Dieu (1 Pierre 1, 2).

Cela est de la plus grande importance pour celui qui désire vraiment savoir ce qu'est l'obéissance chrétienne. Si elle est bien comprise, adieu la volonté propre de l'incrédule et la fausse obéissance de la superstition. Il ne peut jamais être bien de faire notre propre volonté, mais ce peut être tout à fait mal de faire la volonté d'un de nos semblables. En revanche, il est toujours bien de faire la volonté de Dieu. C'est ce que Jésus est venu faire ; ce qu'il fit toujours. « Voici, je viens, pour faire, ô Dieu, ta volonté » (Héb. 10, 7). « C'est mes délices, ô mon Dieu, de faire ce qui est ton bon plaisir, et ta loi est au dedans de mes entrailles » (Ps. 40, 8).

Mais il se peut que le lecteur pieux désire attirer notre attention sur l'exhortation dit chap. 13 des Hébreux, vers. 17 : « Obéissez à, vos conducteurs, et soyez soumis, car ils veillent pour vos âmes, comme ayant à rendre compte ; afin qu'ils fassent cela avec joie, et non en gémissant, car cela ne vous serait pas profitable ».

 

Exhortation importante, assurément, à laquelle nous devons ajouter aussi un passage de la première épître aux Thessaloniciens : « Or nous vous prions, frères, de connaître ceux qui travaillent parmi vous, et qui sont à la tête parmi vous dans le Seigneur, et qui vous avertissent, et de les estimer très haut en amour à cause de leur oeuvre » (5, 12-13). Et encore, en 1 Cor. 16, 15, 16 : « Or je vous exhorte, frères... (vous connaissez la maison de Stéphanas, qu'elle est les prémices de l'Achaïe, et qu'ils se sont voués au service des saints), - à vous soumettre, vous aussi, à de tels hommes, et à quiconque coopère à l'oeuvre et travaille ». A tous ces passages, nous en ajouterons encore un, tiré de la première épître de Pierre. « J'exhorte les anciens qui sont parmi vous, moi qui suis ancien avec eux, et témoin des souffrances de Christ, qui aussi ai part à la gloire qui va être révélée ; paissez le troupeau de Dieu qui est avec vous, le surveillant non point par contrainte, mais volontairement, ni pour un gain honteux., mais de bon gré, ni comme dominant sur des héritages, mais en étant les modèles du troupeau ; et quand le souverain pasteur sera manifesté, vous recevrez la couronne inflétrissable de gloire » (5, 1-4). - Tous les passages cités ci-dessus, n'établissent-ils pas le principe de l'obéissance à certaines personnes ? nous demandera-t-on. Et s'il en est ainsi, pourquoi objecter à l'autorité humaine ? - La réponse est fort simple. Lorsque Christ confère un don spirituel, que ce soit le don d'enseignement, de direction ou de surveillance, c'est le devoir et le privilège des chrétiens de reconnaître et d'apprécier de tels dons. Ne pas le faire, serait renoncer à nos bénédictions. Mais nous devons nous rappeler qu'en pareils cas, il faut que le don soit une réalité, une chose visible, reconnaissable, bona fide, donnée de Dieu. Ce n'est pas un homme s'emparant d'un certain office, ou étant établi et consacré par ses semblables pour un soi-disant ministère. Tout cela n'a aucune valeur quelconque ; bien plus, c'est une présomptueuse intrusion sur un domaine sacré et qui attirera, tôt ou tard, le jugement de Dieu.

 

Tout vrai ministère est de Dieu et se base sur la possession d'un don positif du Christ, Chef ou Tête de l'Église ; en sorte que nous pouvons réellement dire : pas de dons, pas de ministère. Dans tous les passages cités plus haut, nous voyons des dons positifs possédés, et un travail réel accompli. Nous voyons en outre de l'amour pour les brebis et les agneaux du troupeau de Christ ; nous voyons une grâce et une puissance divines. L'expression en Héb. 13 est : « Obéissez à vos conducteurs ». Or, il est essentiel qu'un bon guide ou conducteur marche devant nous sur le chemin. Ce serait folie à quelqu'un de se donner pour guide s'il était ignorant de la route, et s'il ne pouvait ni ne voulait y marcher. Qui songerait à suivre un tel homme ?

De même, lorsque l'apôtre exhorte les Thessaloniciens à « connaître » et à « estimer » certaines personnes, sur quoi base-t-il son exhortation ? Est-ce sur la simple attribution d'un titre, d'un office ou d'une position quelconque ? Nullement. Il fait reposer son appel sur le fait positif et bien connu que ces personnes étaient « à la tête parmi eux dans le Seigneur », et qu'elles les avertissaient. Et pourquoi devait-on « les estimer très haut en amour ? » Était-ce à cause de leur charge ou de leur titre ? Non, mais « à cause de leur oeuvre ». Et pourquoi les Corinthiens étaient-ils exhortés à se soumettre à la maison de Stéphanas ? Etait-ce à cause d'un vain titre ou d'une charge dont ils s'étaient emparés ? En aucune façon, mais parce « qu'ils s'étaient voués au service des saints ». Ils étaient à l'oeuvre. Ils avaient reçu le don et la grâce de Christ, et ils avaient de l'amour pour son peuple. Ils ne se vantaient point de leur office ou de leurs titres, mais se donnaient entièrement au service de Christ en la personne de ses rachetés.

 

Voilà le vrai principe du ministère. Ce n'est point une autorité humaine, mais un don-divin, une puissance spirituelle communiquée par Christ à ses serviteurs ; exercée par eux sous sa dépendance, et reconnue avec gratitude par ses saints. Un homme peut se donner comme pasteur ou docteur; il peut aussi être nommé à cet office par ses semblables, mais à moins qu'il n'ait reçu un don réel du Chef de l'Eglise, tout cela ne sera que vaines paroles, vides de sens et de force ; la voix de ce berger sera la voix d'un étranger que les vraies brebis de Christ ne connaissent point et ne doivent point reconnaître (2).

Mais, d'un autre côté, nous n'aurons pas de peine à reconnaître et à apprécier le docteur enseigné de Dieu, le fidèle et infatigable pasteur qui veille sur les âmes, qui pleure sur elles, qui les soigne comme une tendre nourrice, qui peut leur dire : « Car maintenant nous vivons, si vous tenez fermes dans le Seigneur » (1 Thess. 3, 8). Comment connaissons-nous un bon chirurgien ? Est-ce en voyant son nom sur sa plaque ? Non, c'est par son ouvrage. Un homme peut s'appeler mille fois chirurgien, mais s'il est un opérateur maladroit, qui songerait à l'employer ?

Il en est ainsi dans toutes les choses humaines, et de, même aussi dans ce qui concerne le ministère. Si un homme a reçu un don, il est un ministre, si non, toutes les consécrations du monde ne le feront pas être un ministre de Christ. Il pourra être un ministre de la religion ; mais un ministre de la religion et un ministre de Christ, un ministre dans la chrétienté et un ministre dans l'Église de Dieu, sont deux choses totalement différentes. Tout vrai ministère a sa source en Dieu, il repose sur l'autorité divine, et son but est d'amener l'âme en la présence de Dieu et de l'attacher à Lui. Le faux ministère, au contraire, a sa source en l'homme ; il repose sur une autorité humaine, et son but est de s'attacher les âmes. L'immense différence entre ces deux ministères consiste en ce que le premier conduit à Dieu et le second loin de Lui. L'un nourrit et fortifie la vie nouvelle ; l'autre en empêche les progrès de toute manière et la plonge dans le doute et les ténèbres. En un mot, on peut dire que le vrai ministère est de Dieu, par lui et pour lui ; le faux ministère est de l'homme, par l'homme et pour l'homme. Nous estimons le premier plus que nous ne pouvons l'exprimer ; nous rejetons le second de tout notre pouvoir.

 

Nous croyons en avoir dit assez pour fixer l'esprit du lecteur sur le sujet de l'obéissance à ceux que le Seigneur appelle à l'oeuvre du ministère. Nous sommes tenus de juger par la parole de Dieu et d'être bien assurés que c'est une divine réalité et non une prétention humaine, un don positif du Chef de l'Eglise et non un vain titre conféré par les hommes. Dans tous les cas où il y a un don réel, c'est notre doux privilège de le reconnaître et de nous y soumettre, en tant que nous discernons Christ dans la personne et dans le ministère de ses bien-aimés serviteurs.

Un coeur spirituel n'aura pas de difficulté à discerner la grâce et la puissance réelles. Nous pouvons aisément dire si un homme cherche avec amour à nourrir nos âmes du pain de vie et à nous conduire dans les voies de Dieu ; ou bien s'il cherche à s'élever lui-même et à avancer ses propres intérêts. Ceux qui vivent près du Seigneur, distinguent bien vite entre la vraie puissance et de vaines prétentions. En outre, nous ne verrons jamais les vrais ministres de Christ faire parade de leur autorité ou se vanter de leur charge ; ils font leur oeuvre et la laissent parler pour elle-même. Dans le cas de l'apôtre Paul, nous le voyons faire, maintes fois, allusion aux preuves de son ministère, à l'évidence fournie par la conversion des âmes. Il pouvait dire aux pauvres Corinthiens égarés, lorsque, sous l'influence de quelque faux docteur, ils mettaient en question son apostolat : « Puisque vous cherchez une preuve que Christ parle en moi... examinez-vous vous-mêmes » (2 Cor. 13, 3).

C'était les mettre au pied du mur. Eux-mêmes, ils étaient les preuves vivantes de son ministère. Si son ministère n'était pas de Dieu, qu'étaient-ils et où en étaient-ils ? Mais il était de Dieu, et c'était là sa joie, sa consolation et sa force. Il était « apôtre, non de la part des hommes, ni par l'homme, mais par Jésus Christ, et Dieu le Père, qui l'a ressuscité d'entre les morts » (Gal. 1, 1). Il se glorifiait dans la source de son ministère, et quant à son caractère, il lui était aisé de produire des preuves amplement suffisantes pour convaincre tout esprit droit : chez lui, ce n'étaient pas les paroles, mais la puissance.

Il en doit toujours être, plus ou moins, ainsi. Il nous faut la puissance ; il nous faut la réalité. Les hommes peuvent essayer de conférer des titres et de donner des charges, mais ils n'ont pas plus le droit de le faire, qu'ils n'ont celui de nommer des amiraux dans la flotte de Sa Majesté, ou des généraux dans ses armées. Si nous voyions un homme se permettre de prendre le titre d'un amiral ou d'un général, sans une commission de Sa Majesté, nous l'appellerions un imbécile ou un fou. Cela ne serait pourtant qu'une faible imitation de la folie d'hommes prenant le titre de ministres de Christ, sans avoir ni don spirituel ni autorité divine.

Nous dira-t-on que ce n'est pas à nous d'en juger ? Au contraire,' c'est à nous qu'il est dit : « Soyez en garde contre les faux prophètes ». Comment nous en garderons-nous, si nous ne devons pas juger ? Mais comment jugerons-nous ? « Vous les reconnaîtrez à leurs fruits ». Les enfants de Dieu ne distingueront-ils pas entre un homme qui vient à eux avec la puissance de l'Esprit, doué par le Chef de l'Église, rempli d'amour pour leurs âmes, désirant ardemment leur avancement spirituel, un humble, saint et désintéressé serviteur de Christ, et un homme qui se présente avec un titre purement humain, sans avoir trace de quoi que ce soit de divin ou de céleste, soit dans son ministère, soit dans sa vie ? Evidemment, ils ne s'y tromperont pas.

 

Nous demanderons encore ce que signifient ces paroles du vénérable apôtre Jean : « Bien-aimés, ne croyez pas tout esprit, mais éprouvez les esprits pour voir s'ils sont de Dieu, car beaucoup de faux prophètes sont sortis dans le monde » (1 Jean 4, 1). Comment éprouverons-nous les esprits, ou comment distinguerons-nous entre les vrais et les faux, si nous ne devons pas juger? Le même apôtre, en écrivant à « la dame élue », lui fait encore la solennelle exhortation que voici : « Si quelqu'un vient à vous et n'apporte pas cette doctrine, ne le recevez pas dans votre maison et ne le saluez pas, car celui qui le salue participe à ses mauvaises oeuvres » (2 Jean 10). La dame élue n'était-elle pas tenue d'agir d'après cette exhortation ? Assurément. Mais comment le pouvait-elle, si nous ne devons point juger ? Et de quoi devait-elle s'inquiéter ? Était-ce de savoir si ceux qui venaient chez elle avaient été consacrés, ou autorisés par un homme quelconque ou par une société quelconque ? Rien de semblable. La seule et tout importante question pour elle avait trait à la doctrine. S'ils apportaient la saine et divine doctrine de Christ, - la doctrine de Jésus venu en chair, - elle devait les recevoir ; si non, elle devait leur fermer sa maison résolument, quels qu'ils fussent et d'où qu'ils vinssent. Lors même qu'ils eussent eu tous les meilleurs témoignages des hommes, s'ils n'apportaient pas la vérité, elle devait les repousser sans hésiter. Cela pouvait sembler sévère, étroit, bigot, n'importe ; c'est à la vérité qu'elle devait se mesurer. Sa porte et son coeur devaient être assez larges pour admettre tous ceux qui apportaient Christ, mais non au delà. Devait-elle être polie aux dépens de son Seigneur ? Devait-elle se faire la réputation d'avoir le coeur et l'esprit larges, en recevant dans sa maison et à sa table ceux qui prêchaient un faux Christ ? La seule pensée en est horrible.

 

Enfin, dans le second chapitre de l'Apocalypse, nous voyons l'église d'Ephèse louée pour avoir éprouvé ceux qui se disaient apôtres et qui ne l'étaient pas. Comment auraient-ils pu faire cela, s'ils ne devaient pas juger ceux qui se disaient apôtres ? Il est évident qu'on applique tout à fait à tort ces paroles de notre Seigneur, en Matt. 7, 1 : « Ne jugez pas afin que vous ne soyez pas jugés », de même que celles de l'apôtre, en 1 Cor. 4, 5 : « Ainsi, ne jugez rien avant le temps ». L'Écriture ne peut se contredire, et par conséquent, quelle que soit la signification du « ne jugez pas » de notre Seigneur, ou celle du « ne jugez rien... » de l'apôtre, il est parfaitement certain que ces deux injonctions ne diminuent en aucune manière la responsabilité solennelle qu'ont tous les chrétiens de juger les dons, les doctrines et la vie de tous ceux qui prennent la position de prédicateurs, de docteurs et de pasteurs dans l'Église de Dieu.

Si maintenant, l'on nous demande la signification de « ne jugez pas » et « ne jugez rien avant le temps », nous répondrons que ces paroles nous défendent simplement de juger les motifs ou les ressorts cachés des actions des autres. Nous n'avons absolument pas à nous en inquiéter. Nous ne pouvons pénétrer sous la surface et, grâce à Dieu, nous ne sommes pas appelés à le faire, cela nous est même interdit. Nous ne pouvons pas connaître les conseils du coeur, c'est l'affaire de Dieu seul. Mais dire que nous ne devons pas juger la doctrine, le don ou la conduite de ceux qui s'emparent des ministères dans l'Église de Dieu, c'est contredire ouvertement les Saintes Écritures et ignorer les instincts de la nature divine que Dieu a mis en nous par le Saint-Esprit.

Le fait que nous reconnaissons tout vrai ministère dans l'Église, et que nous nous soumettons à ceux que le Seigneur juge capables d'être nos pasteurs, nos docteurs et nos guides, ce fait est en parfait accord avec le grand principe fondamental : « Il faut obéir à Dieu, plutôt qu'aux hommes ».

Le chapitre ouvert devant nous, de même que le livre tout entier du Deutéronome, nous montre Moïse cherchant constamment et avec instance, à persuader la congrégation d'Israël de l'urgente nécessité d'une obéissance implicite à tous les statuts et les droits de l'Eternel. Il ne recherchait pas l'autorité pour lui-même, et ne domina jamais sur le peuple de Dieu. Du commencement à la fin, il prêcha l'obéissance, non à lui-même, mais à Celui qui était son Seigneur et le leur. Il savait que là était le secret de leur bonheur, leur sécurité morale, leur dignité et leur force.

Il savait qu'un peuple obéissant devait nécessairement être un peuple invincible et invulnérable. Nulle arme ne pourrait les atteindre, aussi longtemps qu'ils seraient gouvernés par la parole de Dieu. En un mot, il savait et il croyait que le devoir d'Israël était d'obéir à l'Éternel, tout comme le désir de l'Éternel était de bénir Israël. Tout ce qu'ils avaient à faire était « d'écouter », « d'apprendre », de « garder », et de « pratiquer » la volonté révélée de Dieu ; ainsi, ils pouvaient compter sur Lui et être assurés qu'il serait leur bouclier, leur force, leur refuge, leur tout. Et pour l'Israël de Dieu aussi, le seul sentier heureux et béni est le sentier étroit de l'obéissance, sur lequel brille sans cesse la lumière de la face approbatrice de Dieu ; et tous ceux à qui il fait la grâce d'y marcher, y trouveront toujours le Seigneur pour guide et pour défenseur ; mais si nous accomplissons notre volonté propre, si nous vivons dans une négligence habituelle de la parole de Dieu, alors le nom de l'Eternel, au lieu d'être pour nous une forte tour, nous sera un reproche qui nous fera juger nos voies et rentrer sur le chemin de la justice, duquel nous nous étions écartés.

Revenons maintenant à notre chapitre.

Au verset 2, Moïse rappelle au peuple leurs relations avec l'Eternel. Il dit : « L'Éternel, notre Dieu, fit avec nous une alliance à Horeb. Ce n'est pas avec nos pères que l'Éternel a fait cette alliance, mais avec nous, avec nous qui sommes ici aujourd'hui tous vivants. L'Éternel vous parla face à face, sur la montagne, du milieu du feu (Moi, je me tenais en ce temps-là entre l'Éternel et vous, pour vous déclarer la parole de l'Éternel, car vous aviez peur à cause du feu et vous ne montâtes point sur la montagne) disant », etc.

Il est important de bien saisir la différence entre l'alliance traitée en Horeb et celle faite avec Abraham, Isaac et Jacob. Elles sont essentiellement différentes. La première était une alliance pour les oeuvres, le peuple s'engageant à faire tout ce que l'Éternel avait ordonné. La seconde était une alliance toute de grâce, par laquelle Dieu s'engageait avec serment à tenir tout ce qu'il avait promis.

Le langage humain est impuissant pour exprimer l'immense différence, à tous égards, entre ces deux alliances : différence quant à leur base, leur caractère et leurs résultats. L'alliance d'Horeb reposait sur la capacité supposée de l'homme d'accomplir ses engagements ; l'alliance faite avec Abraham reposait sur la capacité de Dieu d'accomplir ses promesses et, par conséquent, elle ne peut manquer en un seul point.

 

Dans les « Notes sur l'Exode », nous avons cherché à montrer quel avait été le but de Dieu en donnant la loi, et l'impossibilité où se trouve l'homme pécheur d'obtenir la vie ou la justice en la gardant. Nous renvoyons donc le lecteur à ce que nous avons déjà dit sur cet important sujet.

Il semble étrange à ceux qui s'en tiennent uniquement à l'Écriture, qu'une ignorance aussi générale puisse exister parmi les chrétiens professants à l'égard d'une question que le Saint-Esprit a éclaircie d'une façon aussi positive.

Tous les chrétiens sincères croient que la valeur morale de la loi est d'une application constante et universelle ; mais, quand nous en venons à considérer la loi comme base de relations avec Dieu, nous entrons dans un champ de pensées totalement différent. L'Écriture, en maint endroit, et de la manière la plus claire, nous enseigne que, comme enfants de Dieu, nous ne sommes pas du tout sur ce terrain-là. Le Juif y était, mais il ne pouvait s'y maintenir devant Dieu ; c'était pour lui la mort et la condamnation.

Les Juifs étaient sous la loi ; les nations sans loi. Rien ne saurait être plus distinct que cela. Les gentils furent placés sous le gouvernement humain en la personne de Noé ; jamais ils ne le furent sous la loi.

Au chap. 10 des Actes, nous voyons Dieu ouvrant la porte du royaume aux nations ; puis, au chap. 14, 27, il leur ouvre « la porte de la foi». Au chap. 28, 28, nous voyons Dieu proclamant son salut aux nations ; mais du commencement à la fin du précieux volume, nous chercherions en vain un passage indiquant qu'il ait jamais placé les nations sous la loi.

Examinons cette si intéressante et importante question à la lumière de l'Écriture, en laissant de côté toutes les idées que nous pourrions avoir conçues à ce sujet. Quoiqu'on puisse nous dire le contraire, la Bible déclare invariablement la position du Juif comme étant « sous la loi », et celle des nations comme étant « sans loi ». Il n'y a pas à s'y méprendre (3).

 

Si le lecteur veut ouvrir le chapitre 15 des Actes, il verra comment la première tentative faite pour placer les nations sous la loi, fut blâmée à Jérusalem par les apôtres et par l'Église tout entière. La question avait été soulevée à Antioche ; mais Dieu, dans sa sagesse, dirigea tout pour que ce fût à Jérusalem, où Paul et Barnabas se rendirent, qu'elle fut discutée librement et finalement tranchée par la voix unanime des douze apôtres et de l'Église tout entière.

Nous voyons par ce passage que la décision d'une assemblée locale, telle que celle d'Antioche, lors même qu'elle était approuvée par Paul et Barnabas, n'avait pas la même valeur que celle des douze apôtres réunis en conseil, à Jérusalem. Le Seigneur veilla à ce que l'ennemi y fut complètement confondu, et à ce que les docteurs de la loi d'alors et ceux de tous les temps apprissent qu'il n'est point selon sa volonté que les chrétiens soient placés en aucune manière sous la loi.

Ce sujet est tellement important, que nous nous sentons pressés de citer quelques-unes des paroles si convaincantes, adressées aux auditeurs dans ce concile. « Et quelques-uns, étant descendus de Judée, enseignaient les frères, disant : Si vous n'avez pas été circoncis selon l'usage de Moïse, vous ne pouvez être sauvés ». Que c'était terrible et décourageant ! Quel glas funèbre pour les oreilles de ceux qui avaient été convertis par le discours magnifique de Paul dans la synagogue d'Antioche ! « Sachez donc, hommes frères, que par Lui vous est annoncée la rémission des péchés », - sans circoncision ou oeuvres de la loi d'aucune espèce, - « et que de tout ce dont vous n'avez pu être justifiés par la loi de Moïse, quiconque croit est justifié par lui... » Et quand les Juifs furent sortis de la synagogue, les gentils demandèrent que ces paroles leur fussent annoncées le sabbat suivant (Actes 15, 1 ; 13, 38, 39, 42).

Tel était le glorieux message transmis aux nations par l'apôtre Paul, message d'un salut gratuit, immédiat et parfait, d'une entière rémission des péchés et d'une complète justification par la foi en notre Seigneur Jésus Christ. Or, d'après ce qu'enseignaient « quelques-uns qui étaient descendus de Judée », tout cela était insuffisant. Christ n'était point suffisant, sans la circoncision et la loi de Moïse. Les pauvres gentils, qui n'avaient jamais entendu parler de Moïse, devaient ajouter la circoncision et l'observation de la loi à Christ et à son glorieux salut.

Combien le coeur de Paul devait souffrir, de voir les bien-aimés disciples gentils exposés à un enseignement aussi erroné ! Il n'y voyait rien moins que l'anéantissement complet du christianisme. Si la circoncision devait être ajoutée à la croix de Christ, si la loi de Moïse devait supplanter la grâce de Dieu, alors tout était perdu.

Béni soit le Dieu de toute grâce, il suscita de nobles champions pour s'opposer à une si funeste doctrine. « Une contestation s'étant donc élevée et une grande dispute, entre Paul et Barnabas et eux (les docteurs judaïsants), ils résolurent que Paul et Barnabas et quelques autres d'entre eux monteraient à Jérusalem vers les apôtres et les anciens pour cette question... Et (ceux-ci) étant arrivés à Jérusalem, ils furent reçus par l'assemblée et les apôtres et les anciens ; et ils racontèrent toutes les choses que Dieu avait faites avec eux. Et quelques-uns de la secte des pharisiens, qui avaient cru, s'élevèrent, disant qu'il faut les circoncire et leur enjoindre de garder la loi de Moïse » (Actes 15, 2-5).

D'où venait cette nécessité ? Pas de Dieu, assurément, qui leur avait, dans sa grâce infinie, ouvert la porte de la foi, sans la circoncision ou l'obligation de garder la loi de Moïse. Non, c'étaient « quelques hommes » qui se permirent de dire que ces choses étaient nécessaires, des hommes qui ont troublé l'Eglise de Dieu dès ce moment jusqu'à maintenant, des hommes « voulant être docteurs de la loi, n'entendant ni ce qu'ils disent, ni ce sur quoi ils insistent » (1 Tim. 1, 7). Les docteurs de la loi ne savent pas ce qui est impliqué dans leur triste enseignement. Ils ne se font pas une idée, combien leurs doctrines sont haïssables aux yeux du Dieu de toute grâce, du Père des miséricordes.

 

Le chapitre des Actes dont nous nous occupons, nous donne, avec une grande clarté, les pensées de Dieu à ce sujet. Il prouve, à n'en pouvoir douter, qu'il n'était pas selon Dieu de placer les nations sous la loi. « Et les apôtres et les anciens s'assemblèrent pour examiner cette affaire. Et une grande discussion ayant eu lieu », - hélas, déjà ! - « Pierre se leva et leur dit : Hommes frères, vous savez vous-mêmes que, dès les jours anciens, Dieu m'a choisi entre vous, afin que par ma bouche les nations ouïssent » - non la loi de Moïse et la circoncision, mais - « la parole de I'Evangile, et qu'elles crussent. Et Dieu qui connaît les coeurs, leur a rendu témoignage, leur ayant donné l'Esprit Saint comme à nous-mêmes ; et il n'a fait aucune différence entre nous et eux, ayant purifié leurs coeurs par la foi. Maintenant donc, pourquoi tentez-vous Dieu, en mettant sur le cou des disciples un joug que ni nos pères ni nous n'avons pu porter ? »

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1) Il est important de distinguer entre «nature » et « chair ». La première est reconnue dans l'Écriture, la seconde est condamnée et mise de côté. « La nature même ne vous enseigne-t-elle pas ?» dit l'apôtre (1 Cor. 11, 14). Jésus, ayant regardé le jeune homme, en Marc 10, « l'aima ». Etre sans affections naturelles, sera un des signes de l'apostasie. L'Ecriture dit que nous sommes morts au péché, mais non à notre nature, car alors qu'en serait-il de nos relations de famille et des affections naturelles ?


2) Le lecteur fera bien de considérer le fait qu'il n'y a rien dans le Nouveau Testament qui indique un appel humain à prêcher l'Évangile, à enseigner dans l'assemblée de Dieu ou à paître le troupeau de Christ. Les anciens et les diacres furent nommés par les apôtres ou par leurs délégués Timothée et Tite, mais les évangélistes, les pasteurs et les docteurs ne sont jamais nommés de la sorte. Il s'agit de distinguer entre les dons et les charges locales. Les anciens et les diacres pouvaient posséder un don spécial, ou non ; ce don n'avait rien à faire avec leur charge locale. Si le lecteur désire comprendre le sujet du ministère, qu'il étudie les chapitres 12-14 de 1 Cor. et Eph. 4, 8-13. Dans les Corinthiens, nous avons d'abord la base de tout vrai ministère dans l'Église de Dieu, savoir l'appel divin : «Dieu a placé les membres », etc. Secondement, le mobile d'action, « l'amour». Troisièmement, le but, « afin que l'assemblée reçoive de l'édification ». En Eph. 4, nous avons la source de tout ministère, un Seigneur ressuscité et monté au ciel. Le but : « en vue de la perfection des saints ; pour l'oeuvre du service». La durée : « jusqu'à ce que nous parvenions tous à l'état d'homme fait, à la mesure de la stature de la plénitude du christ ».
En un mot, le ministère dans toutes ses branches, est une institution entièrement divine. Elle n'est pas de l'homme ni par l'homme mais de Dieu. Il faut que, dans chaque cas, le Maître prépare, remplisse et place le vaisseau. Il n'y a aucune autorité dans l'Écriture pour la notion que tout homme a le droit de se faire entendue dans l'Église, de Dieu. La liberté pour les hommes est le radicalisme et non pas l'Écriture. Le ministère par le Saint-Esprit de ceux qu'il appelle à s'y vouer, voilà ce que nous enseigne le Nouveau Testament. Puissions-nous apprendre à connaître cette liberté

3) On nous demandera peut-être sur quel pied les nations seront jugées, si elles ne sont point sous la loi? Le vers. 20 du chap. 1 aux Romains, nous dit clairement que le témoignage de la création les laisse sans excuse. Puis, au chap. 2, 14, 15, elles sont jugées sur le terrain de la conscience, « car quand les nations, qui n'ont point de loi. font naturellement les choses de la loi, n'ayant pas de loi, elles sont loi à elles-mêmes, et elles montrent l'oeuvre de la loi, écrite dans leurs coeurs, leur conscience rendant en même temps témoignage », etc. Enfin, quant aux nations qui sont devenues chrétiennes de profession, elles seront jugées sur le terrain de leur profession.

 

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