Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE I

Suite 1

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Nous l'avons déjà dit, nous trouverons comparativement, peu de rites et de cérémonies dans le livre du Deutéronome. L'Éternel communique plus directement avec le peuple ; les sacrificateurs même se présentent rarement à nous, et quand il est fait allusion à eux, c'est au point de vue moral plutôt que cérémoniel. Nous en aurons la preuve en avançant dans notre étude.

« L'Éternel, notre Dieu, nous parla en Horeb, disant : Vous avez assez demeuré dans cette montagne. Tournez-vous et partez, et allez à la montagne des Amoréens ». Quel privilège d'avoir l'Eternel si près d'eux, s'intéressant à tous leurs mouvements et à tout ce qui les concernait ! Il savait combien de temps ils devaient rester dans un endroit, et de quel côté se diriger ensuite.

Que leur restait-il donc à faire ? Quel était leur devoir pur et simple ? Obéir. Là se trouvait le secret de leur paix, de leur bonheur, de leur sécurité morale. Ils n'avaient pas à s'inquiéter de leurs mouvements ; tout leur voyage était arrangé pour eux par Celui qui connaissait chaque pas du chemin depuis Horeb à Kadès-Barnéa ; ils n'avaient qu'à vivre au jour le jour, dans une heureuse dépendance de Lui.

Position bénie et privilégiée ! Mais elle demandait une volonté brisée. Si, lorsque l'Éternel avait dit : « Vous avez assez demeuré en cette montagne », ils avaient, au contraire, décidé d'y rester un peu plus longtemps, ils y seraient restés sans Lui ; sa compagnie, ses conseils et son secours ne leur étaient assurés que sur le chemin de l'obéissance.

Il en est de même de nous. Nous avons le précieux privilège de pouvoir remettre tout ce qui nous concerne entre les mains, non seulement du Dieu de l'alliance, mais d'un Père qui nous aime. Sa bonne Parole nous dit : « Ne vous inquiétez de rien, mais, en toutes choses, exposez vos requêtes à Dieu par des prières et des supplications avec des actions de grâces ». C'est alors que « la paix de Dieu, laquelle surpasse toute intelligence, gardera vos coeurs et vos pensées dans le Christ Jésus » (Phil. 4, 6, 7).

Mais on demandera peut-être : « Comment Dieu dirige-t-il son peuple maintenant ? Nous ne pouvons espérer d'entendre sa voix, nous disant ce que nous avons à faire ».

 

Nous pouvons être guidés de deux manières par la Parole et par le Saint-Esprit ; et nous devons nous rappeler que ces deux choses seront toujours d'accord. Une personne peut se croire amenée par le Saint-Esprit à suivre une certaine ligne de conduite, dont les conséquences sont en opposition avec la parole de Dieu. Son erreur sera mise en évidence. Il est très dangereux de se fier à ses impressions ou d'agir par impulsion ; les conséquences les plus fatales peuvent en résulter. Mais nous pouvons nous fier à l'Ecriture sans aucune hésitation, et nous verrons toujours que l'homme conduit par le Saint-Esprit n'agira jamais en contradiction avec la parole de Dieu. C'est ce que nous pouvons appeler un axiome de la vie divine ; une règle immuable du christianisme pratique. Que n'y a-t-on prêté plus d'attention dans toutes les périodes de l'histoire de l'Eglise !

Un autre côté de cette question demande encore notre sérieuse considération. On entend souvent parler « de la divine Providence », comme d'un guide auquel on peut se fier. Il se peut que ce ne soit là qu'une manière d'exprimer l'idée d'être guidé par les circonstances, ce qui est loin d'être une direction convenable pour un chrétien. Sans doute, le Seigneur nous fait connaître quelquefois sa volonté, et nous montre notre chemin d'une manière que nous appelons providentielle ; mais nous devons vivre bien près de Lui pour pouvoir discerner convenablement ce fait ; sans cela, il se peut que ce que nous appelons « circonstances providentielles », ne soient que des pierres d'achoppement sur le sentier de l'obéissance. Les circonstances extérieures doivent être pesées cri la présence de Dieu et jugées à la lumière de sa Parole, sans quoi elles peuvent nous conduire aux plus graves erreurs. Bref, la parole de Dieu est la pierre de touche parfaite pour toutes choses ; les circonstances extérieures, les impressions intimes et les sentiments, - tout doit être placé dans la lumière de l'Ecriture Sainte, et jugé là calmement et sérieusement. C'est le vrai chemin de la paix, de la sûreté et de la bénédiction pour tout enfant de Dieu.

 

On peut répondre à tout ceci, que nous ne saurions nous attendre à trouver un passage de la Bible pour nous guider dans les mille détails de notre vie journalière. En effet ; mais il y a dans l'Écriture certains grands principes qui, appliqués à propos, seront une direction divine, même dans les cas où nous ne pourrions trouver un texte formel. En outre, nous avons l'assurance certaine, que notre Dieu peut guider ses enfants en toutes choses, et qu'il le fait. « Par l'Éternel les pas de l'homme sont affermis » (Ps. 37, 23). « Il fera marcher dans le droit chemin les débonnaires, et il enseignera sa voie aux débonnaires » (Ps. 25, 9). « Je te conseillerai ayant mon oeil sur toi » (Ps. 32, 8). Il peut nous montrer sa volonté à l'égard de telle ou de telle chose ; sans cela où en serions-nous ? Dans quelque cas que ce soit il peut nous donner, d'une manière parfaite, la certitude que nous faisons sa volonté ; et, sans cette certitude, nous ne devrions jamais faire un pas. Si nous sommes indécis, restons tranquilles et attendons.

Souvent il arrive que nous nous tourmentons pour des choses que Dieu ne nous demande pas du tout. Quelqu'un disait un jour à un ami : « Je ne sais de quel côté me tourner ». « Eh bien ! ne vous tournez d'aucun côté », fut la sage réponse.

Mais ici se place un point moral de toute importance : c'est notre état d'âme, qui joue ici un grand rôle. Ce sont « les débonnaires qu'il fera marcher dans la justice et auxquels il enseignera sa voie ». Si nous sommes humbles et méfiants de nous-mêmes, si nous comptons sur Dieu en simplicité de coeur, il nous dirigera sûrement. Mais c'est un fatal manque de droiture que de demander conseil à Dieu, lorsque nous avons un parti pris et que notre volonté est en jeu.

Prenez l'exemple de Josaphat, dans 1 Rois 22

« Et il arriva, en la troisième année, que Josaphat, roi de Juda, descendit vers le roi d'Israël », - faute grave, pour commencer, - « Et le roi d'Israël dit à ses serviteurs : savez-vous que Ramoth de Galaad est à nous ? Et nous nous taisons sans la reprendre de la main du roi de Syrie ! Et il dit à Josaphat : Viendras-tu avec moi à la guerre à Ramoth de Galaad ? Et Josaphat dit au roi d'Israël : Moi, je suis comme toi, mon peuple comme ton peuple, mes chevaux comme tes chevaux, et », comme nous le lisons en 2 Chroniques 18, 3 - « je serai avec toi dans la guerre ».

Nous voyons ici que son parti était pris avant qu'il ne pensât à consulter Dieu dans cette affaire. Il était dans une fausse position. Il était tombé dans le piège de l'ennemi, faute de posséder un oeil simple ; il n'était donc pas en état de recevoir la direction divine. Il était décidé à faire sa propre volonté, et le Seigneur lui en laisse recueillir les fruits. Sans la miséricorde infinie de Dieu, il serait tombé sous les coups des Syriens, et on l'aurait emporté mort du champ de bataille.

Il est vrai qu'il avait dit au roi d'Israël : « Enquiers-toi aujourd'hui, je te prie, de la parole de l'Éternel ». Mais à quoi cela servait-il après qu'il s'était engagé à faire cette guerre ? S'il eût été dans un bon état d'âme, il n'aurait jamais demandé conseil pour un cas pareil. Son état d'âme étant mauvais, sa position était fausse, et ses intentions en opposition directe avec les pensées et la volonté de Dieu. Par conséquent, quoiqu'il entendît le messager de l'Éternel prononcer un jugement solennel sur toute cette expédition, il n'en suivit pas moins son propre chemin et fut bien près d'y perdre la vie.

Nous voyons la même chose au chap. 42 de Jérémie. Les Israélites s'adressent au prophète pour savoir s'ils doivent descendre en Égypte. Mais ils étaient déjà tout décidés. Ils voulaient faire leur propre volonté. S'ils avaient été humbles, ils n'auraient pas eu besoin de demander conseil à cet égard. « Et ils dirent à Jérémie : L'Éternel soit entre nous un témoin véritable et fidèle, si nous ne faisons selon toute la parole pour laquelle l'Éternel, ton Dieu, t'enverra vers nous. Soit bien, soit mal, nous écouterons la voix de l'Éternel, notre Dieu, vers qui nous t'envoyons, afin qu'il nous arrive du bien, quand nous écouterons la voix de l'Éternel, notre Dieu ».

Tout cela paraît très bon et rempli de promesses. Mais remarquez la suite. Lorsqu'ils virent que le jugement et le conseil de Dieu ne s'accordaient pas avec leur volonté, « tous ces hommes orgueilleux parlèrent à Jérémie, disant (chap. 43, 2) : C'est un mensonge que tu dis ; l'Éternel, notre Dieu, ne t'a pas envoyé pour nous dire : N'allez point en Égypte pour y séjourner ».

L'orgueil et la volonté propre étaient à l'oeuvre. Tous ces voeux et toutes ces promesses étaient illusoires : « Vous vous êtes séduits vous-mêmes dans vos âmes, dit Jérémie, quand vous m'avez envoyé vers l'Eternel, votre Dieu, disant : Prie l'Éternel, notre Dieu, pour nous, et selon tout ce que l'Éternel, notre Dieu, dira, ainsi déclare-nous, et nous le ferons ». Tout aurait bien été, si la réponse divine se fût accordée avec leur volonté dans cette affaire, mais comme elle lui était en opposition, ils la repoussent entièrement.

Combien souvent n'en est-il pas ainsi ? La parole de Dieu ne convient pas à l'homme ; elle le juge ; elle est en directe opposition à sa volonté ; elle dérange ses plans ; c'est pourquoi il la rejette. La volonté et la raison humaines sont toujours en antagonisme avec la Parole. Le chrétien doit donc mettre de côté l'une et l'autre, s'il désire réellement être conduit par Dieu. Une volonté non brisée et l'aveugle raison, ne nous mèneront que dans les ténèbres, la misère et la désolation. Jonas voulut aller à Tarsis, quand il aurait dû aller à Ninive, et la conséquence fut qu'il se trouva « dans le sein du sépulcre », avec « les algues enveloppant sa tête » (Jonas 2, 6). Ainsi aussi Josaphat voulut monter à Ramoth de Galaad, quand il aurait dû être à Jérusalem ; la conséquence fut qu'il se trouva environné par les épées des Syriens. Le reste du peuple, aux jours de Jérémie, voulut descendre en Égypte, au lieu de rester à Jérusalem ; la conséquence fut qu'ils moururent par l'épée, par la famine et la peste, dans ce pays d'Égypte, « où ils désiraient aller pour y séjourner ».

Il en sera toujours ainsi. Le chemin de la propre volonté est un chemin de ténèbres et de misère. Le chemin de l'obéissance est un sentier de lumière et de bénédiction, un sentier sur lequel les rayons de la faveur divine brillent toujours avec éclat. Ce chemin peut paraître étroit, rude et solitaire, à l'oeil humain ; mais, pour l'âme obéissante, c'est un sentier de vie, de paix et de sécurité morale. « Le sentier des justes est comme la lumière resplendissante qui va croissant jusqu'à ce que le plein jour soit établi » (Prov. 4, 18). Sentier précieux ! Puissions-nous tous être trouvés y marchant d'un pas résolu !

 

Avant de quitter ce sujet si pratique de l'obéissance et de la direction divine, nous prierons nos lecteurs de s'arrêter avec nous quelques instants sur un beau passage du 11 ème chapitre de Luc ; ils le trouveront rempli d'instructions précieuses.

« La lampe du corps, c'est ton oeil ; lorsque ton oeil est simple, ton corps tout entier aussi est plein de lumière ; mais lorsqu'il est méchant, ton corps aussi est ténébreux. Prends donc garde que la lumière qui est en toi ne soit ténèbres. Si donc ton corps tout entier est plein de lumière, n'ayant aucune partie ténébreuse, il sera tout plein de lumière, comme quand la lampe t'éclaire de son éclat » (vers. 34-36).

Rien ne peut égaler la beauté et la force morales de ce passage. Tout d'abord, nous avons « l'oeil simple ». Il est essentiel pour la jouissance de la direction divine. Il indique une volonté brisée, un coeur honnêtement résolu à faire la volonté de Dieu, sans prétextes personnels ou autres, et quelle que puisse être cette volonté.

Quand l'âme est dans cette situation, la lumière divine y resplendit et le corps en est rempli. D'où il suit que, si le corps n'est pas plein de lumière, c'est que l'oeil n'est pas simple ; la volonté propre, des motifs divers, des intérêts personnels sont en jeu ; nous ne sommes pas droits devant Dieu. Dans ce cas, la lumière que nous faisons profession d'avoir est ténèbres ; et il n'y a pas de ténèbres plus profondes et plus terribles, que ces ténèbres judiciaires, qui s'étendent sur un coeur gouverné par la propre volonté, tout en professant d'avoir la lumière de Dieu. Cela se verra avec toute son horreur dans la chrétienté, lorsque « sera révélé l'inique, que le Seigneur Jésus consumera par le souffle de sa bouche et qu'il anéantira par l'apparition de sa venue » (2 Thess. 2, 8).

Combien cela est terrible ! et avec quelle solennité cela s'adresse à l'église professante tout entière ; à vous et à moi aussi, cher lecteur ! La lumière non utilisée devient ténèbres. « Si la lumière qui est en toi est ténèbres, combien seront grandes les ténèbres » (Matt. 6, 23). D'autre part, une faible lumière, sincèrement suivie, augmentera sûrement, car « à celui qui a, il sera donné davantage ».

Ce progrès moral est admirablement exposé au verset 36 de Luc 11 : « Si donc ton corps tout entier est plein de lumière, n'ayant aucune partie ténébreuse », - pas de coin fermé aux rayons célestes, - pas de réserve déloyale, - tout ton être moral sera exposé à l'action de la lumière divine. De plus, l'âme obéissante a non seulement une lumière pour son propre sentier, mais cette lumière brille au dehors, de sorte que d'autres la voient, comme l'éclat brillant d'une lampe. « Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, en sorte qu'ils voient vos bonnes oeuvres et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Matt. 5, 16).

 

Le sentier du juste est celui de la sagesse céleste, de la paix parfaite. N'oublions jamais que c'est notre grand privilège d'être dirigés par Dieu dans les plus petits détails de notre vie de chaque jour. Celui qui n'est pas ainsi guidé bronchera souvent ; il fera plus d'une chute, plus d'une triste expérience. Quel privilège béni que de marcher, jour après jour, dans le sentier tracé pour nous par notre Père ; sentier que l'oeil de l'aigle n'a point vu, que le lionceau n'a point foulé ; sentier d'une sainte obéissance, dans lequel les humbles et les petits se trouveront toujours, à la louange et à la gloire de Celui qui le leur a ouvert.

 

Dans la suite de notre chapitre, Moïse répète au peuple, dans un langage d'une touchante simplicité, les faits relatifs à la nomination des juges et à la mission des espions. Ici, Moïse attribue l'établissement des juges à sa propre Suggestion. La mission des espions fut proposée par le peuple. Ce cher serviteur de Dieu trouvait le poids de la congrégation trop lourd pour lui ; il était lourd en effet, bien que nous sachions que la grâce de Dieu était amplement suffisante pour tous les besoins, et de plus, que cette grâce pouvait agir tout aussi bien avec un seul homme qu'avec soixante et dix.

Nous pouvons néanmoins comprendre la crainte qu'éprouvait « l'homme le plus doux de la terre », relativement à la responsabilité d'une charge aussi importante ; le langage qu'il emploie pour exprimer cette crainte est touchant au plus haut degré : « Et je vous parlai, en ce temps-là, disant : Je ne puis, moi seul, vous porter ». Non, assurément, nul homme ne l'aurait pu ; mais Dieu était là pour répondre aux besoins de tous les moments. « L'Éternel, votre Dieu, vous a multipliés, et vous voici aujourd'hui, en multitude, comme les étoiles des cieux. Que l'Éternel, le Dieu de vos pères, ajoute à votre nombre mille fois ce que vous êtes, et vous bénisse, comme il vous l'a dit ! » (vers. 10-12). Belle parenthèse ! Souhaits d'un coeur généreux ! - « Comment porterais-je, moi seul, votre charge, et votre fardeau, et vos contestations ? »

Le secret de beaucoup de leurs « charges et de leurs fardeaux » c'est qu'ils n'étaient pas d'accord entre eux ; il y avait des différends, des controverses et des procès ; et qui aurait pu porter un tel poids ? N'en aurait-il pas dû être autrement ? S'ils eussent marché d'accord, il n'y aurait pas eu de procès à juger, et par conséquent nul besoin de juges pour les juger. Si chaque membre de la congrégation eut cherché l'intérêt, l'avantage, le bonheur de ses frères, il n'y aurait pas eu de querelles.

Il n'en était point ainsi d'Israël dans le désert ; et, cc qui est bien plus humiliant, il n'en est pas ainsi de l'Église de Dieu, quoique nos privilèges soient bien plus grands.

A peine l'assemblée eut-elle été formée, par la présence du Saint-Esprit, que des accents de murmure et de mécontentement s'y firent entendre. Et pourquoi ? A propos d'une « négligence » réelle ou imaginaire (Actes 6). Quoi qu'il en soit, le moi était à l'oeuvre. Si la négligence était imaginaire, les Grecs étaient blâmables ; si elle était réelle, alors les Hébreux étaient blâmables. Il arrive ordinairement en pareils cas, qu'il se trouve des fautes des deux côtés ; mais le seul moyen d'éviter les disputes, les dissensions et les murmures, c'est de fouler aux pieds le moi et de rechercher sincèrement le bien des autres. Si cela eût été compris et pratiqué dès le commencement, combien la tâche de l'historien sacré eût été différente ! Mais, hélas ! l'histoire de l'église professante n'est, dès son début, qu'un récit déplorable et humiliant de divisions et de divergences. En présence du Seigneur lui-même, dont la vie tout entière était une vie d'abnégation complète, les disciples se disputent, pour savoir lequel d'entre eux sera le plus grand. Quiconque connaît la vraie grandeur morale, qui consiste à dépouiller le moi, ne recherchera pas la meilleure place. Être près de Christ, satisfait tellement un coeur humble, qu'il ne fait aucun cas des honneurs ou des distinctions. Mais quand le moi domine, on voit paraître l'envie et la jalousie, les dissensions, les querelles, et tout ce qui est mauvais.

 

Voyez la scène entre les deux fils de Zébédée et leurs dix frères, au chapitre 10 de Marc.

Le moi en était la cause. Les deux premiers pensaient à se procurer une bonne place dans le royaume, et les dix autres en « conçurent de l'indignation contre eux ». Si chacun avait mis de côté le moi et recherché le bien des autres, cette scène n'aurait jamais eu lieu.

Il est superflu de multiplier les exemples. Chaque siècle de l'histoire de l'Eglise prouve la vérité de notre assertion : que l'égoïsme et ses viles menées sont les causes qui produisent la division, depuis les temps des apôtres jusqu'à nos jours. En revanche, on verra que l'oubli de soi et de ses intérêts est le secret de la paix, de la concorde et de l'amour fraternel. Si nous apprenons à mettre le moi de côté, pour rechercher sincèrement la gloire de Christ et le bien de son peuple bien-aimé, alors nous n'aurons guère de « procès » à juger.

Mais revenons à notre chapitre.

«Donnez-vous des hommes sages, et intelligents, et connus, selon vos tribus, et je les établirai chefs sur vous. Et vous me répondîtes et dîtes : La chose que tu as dit de faire est bonne. Et je pris les chefs de vos tribus, des hommes sages et connus », - des hommes préparés par Dieu, et possédant, parce qu'ils la méritaient, la confiance de la congrégation, - « et je les établis chefs sur vous, chefs de milliers, et chefs de centaines, et chefs de cinquantaines, et chefs de dizaines, et officiers sur vos tribus » (vers. 13-15).

Admirable arrangement ! Puisqu'il y avait lieu de le faire, rien n'était mieux adapté au maintien de l'ordre, que ces degrés d'autorité allant du gouverneur de dizaines au gouverneur de milliers, - le législateur étant à la tête de tous, et lui-même en communication directe avec le Dieu d'Israël.

Il n'est pas fait allusion ici au fait rapporté au chap. 17 de l'Exode, savoir que l'établissement de ces juges se fit à la suggestion de Jéthro, le beau-père de Moïse. Il n'est non plus pas fait mention de la scène du chap. Il des Nombres. Nous ferons remarquer au lecteur, que c'est là une des nombreuses preuves que ce livre est loin d'être une pure répétition des autres sections du Pentateuque. Ce livre a un caractère qui lui est particulier, et la manière dont les faits y sont présentés est en parfait accord avec le but du Saint Esprit, qui était de parler au coeur des enfants d'Israël, afin d'obtenir ce grand résultat, objet tout spécial du livre, savoir une obéissance filiale à toutes les ordonnances de l'Eternel, leur Dieu.

 

Les incrédules et les rationalistes voudraient nous faire voir des contradictions dans les divers récits donnés par les différents livres, mais le lecteur pieux rejettera avec une sainte indignation une telle suggestion, qui procède directement du père du mensonge, cet Ennemi déclaré de la Révélation. Si nous consentons à être aussi simples qu'un petit enfant, nous jouirons de la révélation de l'amour du Père, telle qu'elle nous est donnée par le Saint Esprit dans I'Ecriture. D'un autre côté, ceux qui se croient sages et comptent sur leur savoir, leur philosophie et leur raison, qui se croient compétents pour juger la parole de Dieu et, par conséquent, Dieu lui-même, ceux-là seront laissés à leur aveuglement et à leur endurcissement de coeur. « Où est le sage ? où est le scribe ? où est le disputeur de ce siècle ? Dieu n'a-t-il pas fait de la sagesse du monde une folie ? » (1 Cor. 1,20).

« Si quelqu'un veut être sage, qu'il devienne fou ». Tel est le secret de toute l'affaire.

Continuons maintenant notre étude.

« Et je commandai à vos juges, en ce temps-là, disant : Ecoutez les différends entre vos frères, et jugez avec justice entre un homme et son frère, et l'étranger qui est avec lui. Vous ne ferez point acception des personnes dans le jugement ; vous entendrez aussi bien le petit que le grand; vous n'aurez peur d'aucun homme, car le jugement est de Dieu ; et l'affaire qui sera trop difficile pour vous, vous me la présenterez, et je l'entendrai » (vers. 16, 17).

Quelle sainte et juste impartialité ! Dans tous les cas de divergences, on devait entendre les deux parties, sans aucune acception de personnes. Le jugement devait se baser, non sur les impressions personnelles, mais sur les faits clairement établis. La position et les circonstances des plaignants n'étaient point prises en considération. La justice seule devait décider la question. « Vous entendrez aussi bien le petit que le grand ». Le pauvre devait avoir la même mesure que le riche, l'étranger que celui qui était né au pays.

Combien tout cela est rempli d'instruction pour nous tous ! Il est vrai que nous ne sommes pas tous appelés à être des juges, des chefs ou des gouverneurs, mais les grands principes moraux posés dans le passage cité plus haut, sont de toute importance pour chacun de nous, car il se présente constamment des cas qui en demandent l'application directe. Dans quelque position que nous soyons, nous pouvons être appelés à voir des divergences entre nos frères, des cas de torts réels ou imaginaires, et il nous est nécessaire d'être divinement instruits sur ce que nous avons à faire dans de semblables occasions.

Dans les cas de cette nature, nous ne saurions trop nous rappeler que notre jugement doit être basé sur tous les faits de l'un et de l'autre côté. Nous ne nous laisserons pas influencer par nos impressions, car nous savons qu'elles peuvent nous tromper. Il nous faut des faits réels et irrécusables - des faits établis par deux ou trois témoins, comme l'Ecriture le dit si clairement (Deut. 17, 6; Matt. 18, 16 ; 2 Cor. 13, 1 ; 1 Tim. 5, 19).

 

En outre, nous ne devons jamais nous borner, dans une affaire à juger, à une affirmation ex parte. Chacun est sujet, même avec les meilleures intentions, à colorer ses assertions de telle ou telle manière, sans avoir la moindre idée de mentir ou de porter un faux témoignage. Le manque de mémoire ou telle autre cause, peut faire omettre un point important, ou, au contraire, lui donner trop d'importance, ou en altérer la signification. «Audi alteram partem » (écoute l'autre partie) est une maxime à suivre. Écoutons donc les deux parties, et nous pourrons porter un jugement juste et équitable. En règle générale, tout jugement formé sans une exacte connaissance de tous les faits, n'a aucune valeur. « Écoutez les différends entre vos frères, et jugez avec justice entre un homme et son frère, et l'étranger qui est avec lui ». Paroles utiles en tout temps.

Quelle injonction importante aussi au verset 17: Comme ces paroles dévoilent le pauvre coeur humain ! Ne sommes-nous pas portés à avoir égard à l'apparence, à être influencés par les personnes, à mettre de l'importance à la position, à la fortune, à craindre l'homme ?

L'antidote divin à tous ces maux est la crainte de Dieu. Si nous avons le Seigneur devant nos yeux en tout temps, cela nous délivrera de la pernicieuse influence de la partialité, des préventions et de la crainte des hommes, sources de tant de mal parmi les enfants de Dieu.

 

Voyons maintenant le récit fait par Moïse de la mission des espions, de son origine et de ses résultats.

« Et je vous commandai, en ce temps-là, toutes les choses que vous devez faire» (vers. 18). Le sentier de l'obéissance était mis devant eux, ils n'avaient qu'à y marcher d'un pas ferme et avec un coeur soumis. Ils n'avaient pas à raisonner ou à peser les conséquences. Ils devaient laisser tout cela entre les mains de Dieu et avancer résolument dans ce sentier béni.

« Et nous partîmes d'Horeb, et nous traversâmes tout ce grand et terrible désert que vous avez vu, le chemin de la montagne des Amoréens, comme l'Éternel, notre Dieu, nous l'avait commandé, et nous vînmes jusqu'à Kadès-Barnéa. Et je vous dis : Vous êtes arrivés jusqu'à la montagne des Amoréens, laquelle l'Éternel, notre Dieu, nous donne. Regarde, l'Éternel, ton Dieu, a mis devant toi le pays : monte, prends possession comme l'Éternel, le Dieu de tes pères, te l'a dit ; ne crains point et ne t'effraye point » (v. 19-21).

Tel était leur mandat pour entrer en possession immédiate. L'Éternel, leur Dieu, leur avait donné le pays et l'avait mis devant eux. Il leur appartenait, c'était le don gratuit de sa grâce souveraine en suite de l'alliance qu'il avait faite avec leurs pères, son dessein, de toute éternité. Cela aurait dû suffire pour mettre leur coeur en repos, non seulement quant à la nature du pays, mais encore quant à la manière dont ils y entreraient. Il n'y avait nul besoin d'espions. La foi ne demande pas à examiner ce que Dieu a donné, elle conclut que ce qu'il a donné doit être bon à avoir, et qu'Il est capable de nous faire entrer en pleine possession de tout ce que sa grâce nous a accordé. Israël aurait pu conclure que la même main qui les avait guidés « dans tout ce grand et terrible désert », pouvait les faire entrer et les affermir dans leur héritage.

C'est ainsi que la foi aurait raisonné, car elle va de Dieu aux circonstances, jamais des circonstances à Dieu. « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » (Rom. 8, 31). C'est l'argument de la foi, grand dans sa simplicité, et simple dans sa grandeur morale. Lorsque Dieu remplit tout l'horizon de la vision de l'âme, les difficultés sont de peu d'importance. Ou bien elles passent inaperçues, ou bien elles sont considérées comme des occasions pour le déploiement de la puissance divine. La foi aime à voir Dieu triompher des difficultés.

Mais, hélas ! le peuple n'était pas gouverné par la foi dans cette circonstance, c'est pourquoi il eut recours aux espions. C'est ce que Moïse leur rappelle dans un langage à la fois tendre et fidèle. « Et vous vous approchâtes tous de moi, et vous dîtes : Envoyons des hommes devant nous, et ils examineront le pays pour nous, et ils nous rapporteront des nouvelles du chemin par lequel nous pourrons monter et des villes auxquelles nous viendrons » (vers. 22).

Ils auraient dû se reposer sur Dieu pour tout cela. Celui qui les avait fait sortir du pays d'Égypte, qui leur avait frayé un passage à travers la mer, qui les avait guidés dans le désert, était bien capable de les faire entrer dans le pays. Mais non, ils veulent envoyer des espions, parce que leurs coeurs n'avaient pas confiance dans le Dieu Tout-Puissant.

C'était là le secret de l'affaire, soyons-en bien persuadés. S'il nous est dit dans les Nombres que l'Éternel commanda à Moïse d'envoyer les espions, c'est à cause de la condition morale du peuple. Nous voyons là la différence caractéristique, et, en même temps, la belle harmonie des deux livres. Les Nombres nous donnent l'histoire publique, le Deutéronome nous montre la raison secrète de la mission des espions. L'une est le complément de l'autre, et chacune en parfait accord avec le caractère du livre. Nous ne comprendrions pas le sujet à fond, si nous n'avions que le récit donné dans les Nombres. Le commentaire fourni par le Deutéronome complète le tableau.

Il se peut cependant que le lecteur demande comment ce pouvait être mal de les envoyer, puisque l'Éternel leur avait dit de le faire ? Nous répondrons : le mal n'était pas dans le fait qu'on les envoyait, mais dans leur désir de les envoyer. Ce désir était le fruit de l'incrédulité ; l'ordre de les envoyer fut donné à cause de cette incrédulité.

Nous voyons quelque chose de semblable en Matt. 19, touchant le divorce : « Moïse, à cause de votre dureté de coeur, vous a permis de répudier vos femmes ; mais, au commencement, il n'en était pas ainsi ».

Tout s'explique aussi dans l'affaire des espions. Israël n'aurait pas dû en avoir besoin ; une foi simple n'y aurait jamais pensé. Mais l'Éternel vit l'état des choses, et donna un ordre en accord avec cet état. De même, plusieurs siècles plus tard, il vit que le coeur du peuple désirait un roi, et il commanda à Samuel de leur en donner un (lisez 2 Sam. 8, 7-9).

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