Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE X

INSENSIBILITÉ

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Ésaïe I, 18. Jérémie III, 22.

Matthieu 23-24. Luc XIX, 10.

Marc II, 17. 2 Pierre III, 9.



Vous vous plaignez de ne pas vous sentir pécheur; de n'être ni assez troublé, ni assez repentant. - Permettez-moi de vous répondre en vous adressant quelques questions.

Ce manque de sentiment, dont vous vous plaignez, change-t-il quelque chose à l'Evangile? La bonne nouvelle en est-elle moins gratuite, moins bénie, moins acceptable? et cette bonne nouvelle n'est-elle pas pour les indignes, les haïssables, les insensibles? Le fait que votre fardeau vous pèse n'altère ni la nature de l'Évangile, ni la miséricorde de son auteur. Il vous convient, tel que vous êtes, et il vous convient parfaitement. Il vient à vous, que que soit votre état, et vous dit. : Voici un Christ tout entier pour vous, - un Christ, avec tout ce qu'il vous faut. Souvenez-vous de l'invitation. Elle s'adresse à ceux qui sont «sans argent. » (És. LV, 4.) N'est-ce pas là précisément votre cas? Un sentiment plus vif ne vous rendrait pas plus digne de le recevoir, ne le rapprocherait pas de vous, ne vous en assurerait pas les grâces, ne vous ferait pas mieux venir, et n'inclinerait pas le coeur de Dieu vers vous plus qu'il ne l'est maintenant.

Votre froideur est-elle une excuse pour votre incrédulité? La foi ne naît pas du gentiment, mais le sentiment de la foi. Moins vous avez de sentiment, plus il faut avoir de confiance. Jusqu'à ce que vous ayez cru, vous ne pouvez pas vous sentir dans le vrai. Comme toute vraie repentance, tout vrai sentiment a sa racine dans la foi. Vous vous efforceriez en vain de renverser l'ordre de Dieu.

Votre froideur est-elle une raison pour vous retenir loin de Christ? Le sentiment de ce qui vous manque devrait au contraire vous pousser vers Lui. « Le plus grand nombre, dit Thomas Shepherd, viennent à Christ pénétrés plutôt de la sécheresse de leur coeur que poussés par le chagrin, les humiliations ou la terreur. » Vous avez d'autant plus besoin de Lui que vous avez moins de sentiment ou de conviction. Bartimée vient à Jésus précisément parce qu'il est aveugle. Si vous êtes plus aveugle ou plus sourd que d'autres, vous avez d'autant plus de raisons de vous approcher de Christ. Si « toute la tête est malade et le coeur languissant, » que cela vous contraigne d'aller à Lui, et d'y aller immédiatement. Ne vous inquiétez pas de ce que peuvent faire les autres, plus ou moins convaincus que vous. Vous, allez à Jésus !

Serez-vous moins bienvenu de Christ, à cause de votre froideur? Qu'a-t-il jamais dit ou fait qui pût vous le faire supposer? Rappelez-vous la Samaritaine au puits de Sychar, lorsqu'Il lui parla avec tant d'amour. (Jean IV, 10.) Rappelez-vous Zachée, lorsqu'Il lui adresse ces paroles : « Hâte-toi, car il faut que je loge aujourd'hui dans ta maison. » Le besoin plus grand que vous avez de Lui ne fait que donner au médecin suprême l'occasion de déployer l'étendue de sa puissance et les richesses de sa grâce. « Je ne mettrai point dehors celui qui viendra à moi. » Quoi que vous puissiez éprouver, ou ne pas éprouver, « c'est une parole certaine et digne d'être reçue avec une entière croyance, que Jésus-Christ est venu au monde pour sauver les pécheurs. »

Ne limitez pas la grâce de Dieu; ne mettez pas en doute l'amour de Christ. La confiance dans cette grâce et dans cet amour fera tout pour vous. Christ veut que vous veniez à Lui: venez; que tardez-vous?

Pour rester loin de Christ, verrez-vous diminuer votre froideur? Non; au contraire : c'est un mal que Lui seul peut guérir. Que d'autres tardent de venir à Lui, vous ne le pouvez pas. Il faut que vous alliez immédiatement à « Celui que Dieu a élevé à sa droite pour être le Prince et le Sauveur, afin de donner à Israël la repentance et la rémission des péchés. » (Act. V, 31.) Puisque vous voyez que l'éloignement et la méfiance ne peuvent rien pour vous, essayez ce que feront la confiance et le rapprochement. Fussiez-vous le premier des pécheurs, cette parole est aussi pour vous : « Approchons-nous de Lui. » (Héb. X; 22.) Dieu vous commande de venir, sans autre préparation, apportant avec vous vos péchés, votre incrédulité, votre froideur, votre coeur, votre volonté, votre être tout entier, pour les remettre entre les mains de Christ. Il vous demande votre confiance et votre obéissance immédiate à Christ. « Baisez le Fils, de peur qu'Il ne s'irrite. » (Ps. II, 12.) « Convertis-toi à l'Eternel ton Dieu. » (Osée XIV, 1.) La vraie cause de votre éloignement de Christ est votre répugnance à le laisser vous sauver à sa manière, votre désir d'avoir la gloire de vous guérir vous-même de votre froideur, par vos prières et vos larmes.

Votre insensibilité n'est-elle pas un de vos péchés les plus graves? Un enfant au coeur dur est un être détestable. Vous pouvez plaindre et excuser bien des choses, mais pas l'endurcissement du coeur. « Tu es cet homme-là. » Tu es cet enfant sans coeur. Cesse donc de t'apitoyer sur toi-même, et apprends à te condamner. Point de quartier pour ce péché. Ne le traitez pas comme un malheur, mais comme un péché. Appelez-le maladie si vous voulez; mais souvenez-vous que c'est un péché sans excuse. C'est comme une sorte de péché général et envahissant ajouté à tous les autres. Il faut que vous alliez à Christ pour votre guérison comme un lépreux incurable; et pour votre pardon, comme un criminel désespéré. Et, je vous en supplie, n'ajoutez pas à un péché déjà grand, le péché plus grand encore de refuser de reconnaître Christ comme le seul puissant pour guérir toutes les maladies et pardonner toutes les iniquités.

Christ seul peut donner la repentance. Allez à Lui pour l'obtenir. Il a été « élevé pour donner la repentance. » Parler d'attendre, c'est montrer que vous n'êtes pas sincère dans votre désir de l'obtenir. Ce n'est pas en attendant que la conviction du péché se développera en vous; c'est en regardant à Christ, à Celui que vos péchés ont crucifié, et que vous crucifiez de nouveau par votre incrédulité. N'est-il pas écrit : « Ils regarderont vers moi qu'ils auront percé, et ils mèneront deuil.» (Zach. XII, 10.) Non pas : ils mèneront deuil et ils regarderont; mais: ils regarderont et ils mèneront deuil.

Gardez-vous de penser qu'aucune conviction comme celle que vous recherchez soit en elle-même salutaire ou essentielle. « La sensation d'un coeur dur et môme mort est un moyen efficace pour attirer à Christ; plus efficace même qu'aucun autre, puisque ce sont les pauvres, les aveugles, les misérables qui sont invités. »

Quant à ce qui en est d'un travail légal, préparatoire à la foi en Christ, consultez à ce sujet les Actes des Apôtres. Là nous voyons la prédication de l'Évangile apostolique, et ses fruits dans la conversion de milliers de pécheurs. Nous y trouvons plusieurs discours inspirés, adressés soit aux Juifs, soit aux Gentils; mais jamais nous n'y verrons apparaître la loi. Ce qui toucha le coeur des trois mille au jour de la Pentecôte, ce fut le simple récit de la vie, de la mort, de la sépulture et de la résurrection de Jésus de Nazareth, se terminant par ces paroles solennelles qui durent résonner comme la trompette du jugement aux oreilles de ceux qui les entendirent : « Que toute la maison d'Israël sache donc certainement que Dieu a fait Seigneur et Christ ce Jésus que vous avez crucifié. » (Act. II, 36.) Paroles plus terribles que la loi, plus accablantes que le Sinaï! S'entendre dire: «Vous avez violé toute la loi de Dieu; » ce n'est pas aussi redoutable que de s'entendre dire : « Vous avez crucifié son Fils. » Crucifier le Seigneur de gloire est un crime plus horrible que de transgresser mille lois. Et cependant, dans cette oeuvre même de méchanceté accomplie, était renfermé l'Évangile de la grâce de Dieu. Par elle, la délivrance du pécheur était proclamée en même temps que sa condamnation. La vie était renfermée dans cette mort; et les clous qui attachèrent à la croix le Fils de Dieu firent couler les ruisseaux de la miséricorde divine sur ses meurtriers même.

L'Évangile fut entre les mains des apôtres un marteau pour briser les coeurs les plus durs, et pour produire cc la repentance qui donne la vie. » L'Évangile seul put fondre la dureté du Juif enveloppe dans sa propre justice; et rien que la proclamation de l'amour gratuit de Dieu, frappant le péché et épargnant le pécheur, ne peut maintenant encore toucher le coeur, et faire « de ces pierres des âmes vivantes.» La loi et ses terreurs ne peuvent qu'endurcir; et leur puissance, fût-elle déployée dans un Élie, est faible en comparaison de la prédication de la croix.

Le mot repentance, dans l'original, signifie changement d'esprit, ou de disposition; et ce changement, le Saint-Esprit le produit non point par la loi, mais par l'Évangile. Ces paroles : «Amendez-vous, et croyez à l'Évangile » (Marc. I, 15) ne signifiaient pas : arrivez à la repentance par la loi, puis croyez à l'Évangile; mais que cette bonne nouvelle du royaume que je vous annonce vous amène à changer de vues, et à recevoir l'Évangile. La repentance nommée ici avant la foi indique simplement qu'il faut se détourner de ce qui est faux pour pouvoir recevoir ce qui est vrai. Si je veux aller vers le nord, je dois nécessairement tourner le dos au midi; cependant je ne songerais pas à dire que l'une de ces actions me prépare à l'autre. Si je veux me débarrasser des ténèbres, je laisse pénétrer la lumière; mais je ne puis pas dire que le fait de me débarrasser des ténèbres soit une préparation pour recevoir la lumière; il est dans la nature des choses que les deux soient simultanées. Ainsi la repentance n'est pas une préparation à la foi, surtout dans le sens de la douleur du péché. « Il est entendu, dit Calvin, que la repentance non-seulement suit la foi, mais qu'elle en découle... Ceux qui pensent que la repentance précède la foi, au lieu d'en être le produit comme le fruit d'un arbre, n'en ont jamais compris la nature. » « La foi qui sauve, dit Colquhoun, est le moyen de la vraie repentance; et cette repentance est non pas le moyen mais le but de la foi. »

Sans doute, les terreurs de la conscience peuvent précéder la foi. Mais ces terreurs ne sont pas la repentance selon l'Ecriture; elles détournent l'âme de la croix plutôt qu'elles ne l'y conduisent. Que des pécheurs puissent être réveillés par les tonnerres de la loi, je le sais. Mais les alarmes qu'ils produisent ne sont pas la tristesse selon Dieu. Elles sont assez communes parmi les hommes qui ne sont pas croyants, comme Achab, ou Judas. Elles retentiront d'une manière redoutable en enfer, mais elles ne sont pas la repentance. La douleur du péché vient de « l'appréhension de la miséricorde de Dieu en Christ, » de la vue de la Croix, et de l'amour qu'elle nous révèle. Un « coeur froissé et brisé » est le résultat de notre foi au grand amour de Dieu; et la repentance en tant qu'elle exprime la douleur du péché n'est produite que par la vue de la croix; en tant qu'elle exprime un changement de disposition à l'égard de Dieu ou de Christ, c'est la même chose que de croire à l'Évangile.

Christ n'exige du pécheur qui s'approche de Lui aucune préparation ni légale ou évangélique, ni intérieure ou extérieure. Et celui qui ne veut pas venir tel qu'il est, ne viendra jamais. Ce ne sont pas des « âmes exaucées, » ou des « croyants repentants, » ou les meilleurs entre les fils et les filles d'Adam que Christ accueille, ce sont des pécheurs. « Je suis venu appeler à la repentance non les justes, mais les pécheurs. » (Luc V, 32.)

Il y a une fausse repentance, produit et expression de l'incrédulité et de la propre justice qui peut précéder la foi; comme tous les autres mauvais sentiments abondent dans le coeur naturel. Mais la foi pénètre le, coeur en dépit de cette soi-disant repentance que le vrai croyant ne regarde plus que comme un de ces efforts de la justice propre, dont l'effet est de retenir le pécheur loin du Sauveur. Ceux qui appellent à la foi « les pécheurs repentants » se trompent sur la nature même de la repentance et de la foi. Et ce qu'ils enseignent n'est pas la bonne nouvelle, annoncée au pécheur. C'est une bonne nouvelle peut-être pour ceux qui, à force d'efforts, pensent s'être humiliés eux-mêmes suffisamment; mais ce n'est pas la bonne nouvelle efficace pour ceux qui sont « sans force », perdus, impies, endurcis, pour les boiteux, les aveugles, les impotents et les perclus.

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