Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE IV

GRACE ET JUSTICE.

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Exode XXIV, 6, 7. Psaume CXVI, 5. Esaïe XXXII, 17.

Luc II, 14. Romains III, 26. Romains V, 21.

1 Corinthiens, I, 30. Hébreux II. 9. 1 Jean I, 9.



Nous avons vu que Dieu est un « Dieu de toute grâce » (1 Pierre V, 10), et que c'est en « goûtant combien le Seigneur est doux » (1 Pierre II. 3), que le pécheur trouve la paix.

Rappelons-nous cependant que cette grâce est celle d'un Dieu juste, de celui qui est notre Juge aussi bien que notre Père. Ne pas comprendre cela, serait ne pas comprendre l'Évangile, et nous tromper à la fois sur le pardon que nous cherchons, et sur le sacrifice par lequel nous l'obtenons. Un pardon vague, résultant du simple amour paternel, ou d'une bonté vulgaire, indifférente au péché, ne saurait nous suffire. Il nous faut connaître la nature de ce pardon, et savoir s'il provient de la pleine reconnaissance de notre absolue culpabilité par Celui qui « jugera le monde en justice. » Le vrai pardon ne vient pas de l'amour seul mais aussi de la loi; non pas de la bonté seule, mais de la justice; non pas de l'indifférence de Dieu à l'égard du péché, mais de sa sainteté.

Cela ne frappe pas le pécheur qui n'a les yeux qu'à demi ouverts sur son état de péché. Ses sentiments sont touchés, mais sa conscience n'est pas réveillée, et il se satisfait des idées les plus vagues sur la pitié de Dieu pour le pécheur malheureux. Il se préoccupe peu de savoir comment s'obtient 'le pardon, ou quelle est la nature de l'amour auquel il fait profession de croire. Et il retombe facilement dans le sommeil dont il n'a jamais été complètement réveillé. Tout au plus est à un de ces auditeurs qui reçoivent la semence dans un terrain pierreux; il perd aisément la pauvre mesure de joie qu'il a pu avoir, il se paie de formes, ne prend pas au sérieux le péché, ou tombe dans une religiosité sentimentale.

Mais celui dont la conscience a été transpercée n'est pas aussi aisément satisfait. Il voit que ce Dieu dont il cherche la faveur est un Dieu de sainteté aussi bien que d'amour, et qu'il a affaire à la justice aussi bien qu'à la grâce. De là sa première préoccupation quant à la justice du pardon qui lui est offert. Il lui faut être rassuré Sur ce point pour pouvoir jouir du pardon; et cela d'autant plus qu'il est plus convaincu de sa propre culpabilité.

Il ne lui suffit pas de savoir que, procédant d'un Dieu juste, la grâce l'est nécessairement elle-même. Sa conscience a besoin de constater la justice des moyens par lesquels elle lui est, offerte. Sans cela, elle ne saurait être pacifiée, ni « purifiée; » il lui resterait un certain malaise, et la crainte de voir un jour ses péchés s'élever en témoignage contre lui.

Ce qui console le coeur ne peut pas toujours apaiser la conscience. La vue de la grâce suffit au coeur; la justice de la grâce est nécessaire à la consciente, Et jusqu'à ce que la conscience soit affranchie, il n'y a pas de paix véritable. « La plaie est bandée à la légère; on dit : la paix ! la paix ! là où il n'y a point de paix. » (Jér. VI, 14.) La plaie ne sera guérie que lorsqu'on dira : paix ! là où il y aura la paix.

Ici, l'oeuvre de Christ intervient, et la croix de Celui qui a porté les péchés du monde répond à la question soulevée par la conscience : la grâce est-elle juste? C'est cette grande oeuvre de propitiation qui nous révèle Dieu comme « le Dieu juste et Sauveur » (Es. XLV, 21), juste non-seulement quoiqu'Il justifie le coupable, mais parce qu'Il le justifie. Le salut alors nous apparaît comme un des actes de justice les plus élevés que puisse accomplir un Dieu juste; et ce pardon est la manifestation la plus éclatante de sa justice, parce qu'il nous montre combien Il déteste et condamne le péché même qu'il pardonne.

Ecoutez la déclaration du Seigneur sur cette oeuvre « accomplie. » « Christ est mort pour nos péchés. » (1 Cor. XV, 3.) « Il a été navré pour nos forfaits, et frappé pour nos iniquités, » (Es. LII, 5.) « Christ a été offert une fois pour ôter les péchés de plusieurs. » (Rom. IX, 28.) «Il s'est donné lui-même pour nous. » (Tite II, 14.) « Il a été livré pour nos offenses. » (Rom. IV, 25.) « Il s'est donné soi-même pour nos péchés. » (Gal. I, 4.) « Christ est mort pour les méchants. » (Rom. V, 6.) « Il a paru pour abolir le péché, s'étant offert Lui-même en sacrifice.» (Hébr. IX, 26.) « Christ a souffert pour nous dans la chair. » (1 Pierre IV, 1.) « Christ a souffert une fois pour les péchés, Lui juste, pour nous injustes. » (1 Pierre III, 18.) « Il a porté nos péchés en son corps sur le bois. » (1 Pierre II, 24.)

Dans toutes ces expressions il y a quelque chose de plus que de l'amour. Il est bien dans chacune, l'amour profond; vrai, réel de Dieu; mais nous y trouvons aussi la justice et la sainteté, l'inflexible exigence de la loi. Tout cela demeurait sans valeur séparé de la loi, qui est le fondement et comme la clef de voûte de l'univers. De même que c'est la loi qui, dans sa perfection immuable, rendit nécessaire la mort d'une victime, de même c'est elle qui provoqua cette merveilleuse preuve de l'amour de Celui qui fut fait péché pour nous. (2 Cor. V, 21.) Car si un homme s'exposait à la mort pour un autre sans utilité, à peine cette mort serait-elle une preuve d'amour. Ce serait en tout cas un amour insensé, tout au moins serait-ce une manière futile de le montrer. Mais mourir pour quelqu'un quand la mort est imminente, n'est-ce pas la pierre de touche d'un amour véritable? Mourir pour un ami quand rien autre ne peut le sauver, voilà de l'amour. Eh bien, il fallait une mort pour nous sauver de la mort; la justice le demandait. Et pour parer à cette terrible nécessité, le Fils de Dieu a revêtu notre chair, et Il est mort. Il est mort parce qu'il est écrit: « L'âme de celui qui pêche mourra. » (Ezéch. XVIII, 4.) Le même amour qui l'avait fait descendre au berceau le fit monter sur la croix. Il est mort afin que Dieu pût avec justice couvrir la culpabilité du pécheur, et annuler la peine de sa mort éternelle.

Sans cela, la grâce et le péché n'auraient pu se rencontrer en face ; Dieu et le pécheur ne pouvaient être rapprochés ; la justice interdisait la réconciliation. Il fallait une expiation pour que le pécheur se sentît libre de s'approcher de Dieu.

Mais maintenant « la bonté et la vérité se sont rencontrées » (PS. LXXXV, 11) ; la justice est devenue grâce, et la grâce, justice. La conscience du pécheur est satisfaite; et il a l'assurance qu'une telle réconciliation ne pourra être troublée ni dans cette vie, ni dans celle qui est à venir. C'est une réconciliation juste et qui subsiste pour l'éternité. La paix de la conscience ainsi assurée est à l'épreuve de l'affliction, de la maladie, de la mort, du jugement. Quel est le pécheur, fût-il le plus grand qui sente cela et qui ne s'écrie : « Qui est-ce qui condamnera? »

Quelle paix pour une conscience réveillée dans cette vérité que Christ est mort pour les injustes, et que c'est eux que Dieu justifie! Cette grâce juste obtenue ainsi par l'oeuvre de la «Parole faite chair, » qui a porté les péchés du monde, assure à l'âme une fois pour toutes qu'il ne peut plus y avoir de condamnation sur la terre pour aucun pécheur qui consent seulement à recevoir cet amour gratuit de Dieu, qui jaillit abondamment du pied de la croix, comme une fontaine d'eau vive.

La source de cette eau vive est dans le sein du Père, demeure du Fils unique et bien-aimé (Jean I, 18). Ce n'est ni le bien ni le mal qui sont en l'homme qui l'a provoqué. Ce ne sont pas les semblables qui se rapprochent, mais les contraires. C'est la lumière qui se rapproche des ténèbres, et la vie de la mort. Notre foi, loin d'avoir créé ou provoqué ce rapprochement, ne fait que le constater, et jouir de sa divine plénitude. Que nous le croyions ou non cette grâce existe, et elle existe pour nous. L'incrédulité la repousse ; mais la foi s'en saisit, et en fait sa joie et son aliment.

Oui, la foi saisit cette grâce juste de Dieu; et avec la grâce, un juste pardon, un juste salut, un juste titre à l'héritage de la gloire éternelle.

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