Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE Il

L'HOMME NE PEUT PAS TROUVER LA PAIX EN LUI-MEME

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Prov. XXVIII, 26. Jérémie II, 35-37. Jérémie VII, 4. Jérémie IX, 23. Jérémie XIII, 25.

Jérémie XVIII, 5. Osée X, 13. Luc XVIII, 9. Romains III, 9-20. Romains X, 3.

1 Corinthiens I, 29. Galates II, 16. Galates II, 10. Philippiens III, 3, 4. 1 Jean I, 8, 10.



Si Dieu est contre nous, qui sera pour nous? Si son jugement sur le péché de l'homme, sur sa culpabilité, sur le châtiment dû au péché est si formel, quelle espérance d'acquittement pourrions-nous fonder sur notre nature, ou sur la bonté de notre coeur ou la pureté de notre vie ? Tout ce que Dieu voit en nous, au lieu de mériter son pardon, ne mérite au contraire qu'une aggravation de sentence.

Il serait vain de lutter ou de murmurer contre le jugement de Dieu. Il est le juge de toute la terre, à la fois juste et souverain dans ses jugements. Il faut qu'il soit obéi ; sa loi est rigoureuse. La moindre infraction à cette loi rend le transgresseur digne de mort.

Voilà ce que l'âme voit quand le Saint-Esprit l'éclaire. La conviction du péché consiste, pour le pécheur, à se voir tel qu'il est, et tel que Dieu l'a toujours vu. Alors toute pensée complaisante de satisfaction de lui-même s'évanouit. Les choses qui autrefois lui paraissaient bonnes en lui, lui paraissent si mauvaises, et celles qui lui paraissaient mauvaises, si affreuses, que tout appui qu'il aurait pu jusque-là chercher en lui-même s'écroule, que tout espoir de salut fondé sur quelque mérite propre lui est enlevé. Il voit qu'il ne peut se sauver lui-même, ni aider Dieu à le sauver. Il est perdu, et impuissant. Actions, sentiments, efforts, prières, aumônes, ne sont ni des soulagements pour sa conscience, ni un repos pour son coeur troublé. Si le péché n'était qu'un malheur ou qu'un mal accidentel, ces choses, bonnes en apparence, pourraient le soulager, comme étant des symptômes favorables d'un retour au bien ; mais puisque le péché est une faute avant d'être un accident, et que le pécheur est non-seulement malade, mais condamné, par un juste juge, aucune de ces choses bonnes en elles-mêmes, ne peut pacifier sa conscience réveillée et blessée, parce qu'aucune ne peut lui assurer un pardon juste et complet.

A la vue de la haine de Dieu pour le péché, sa colère qui s'apprête à le frapper, le pécheur ne peut que, trembler. Un ancien auteur chrétien décrit ainsi son propre état : « J'avais une impression profonde des choses de Dieu. Mon état naturel et le péché me faisaient plus horreur que l'enfer lui-même; le monde et ses vanités me semblaient terribles et redoutables; j'étais effrayé de la pensée d'avoir affaire à ce monde, ou d'être riche. Je voyais venir son jour ; les expressions de l'Écriture m'accablaient de leur poids; un Sauveur était une chose grande à mes yeux; je prenais au sérieux les souffrances du Christ; il me semblait n'avoir vécu jusqu'alors que Christ; dans un rêve, ou avec la légèreté d'un enfant, et le monde me paraissait plongé dans le sommeil. »

Cette question : avec quoi me présenterai-je devant le Seigneur ? ne peut pas se résoudre en faisant appel au caractère personnel, à une vie bonne aux yeux des hommes, aux prières ou à l'accomplissement des devoirs religieux. Ce n'est pas à nous de déterminer le moyen par lequel nous pourrons approcher de Dieu. C'est Dieu qui a choisi ce moyen; il ne nous reste qu'à nous en prévaloir. Dieu, pour le choisir, est parti de ce principe que nous sommes pécheurs et que tout élément de bonté en nous, soit comme titre, garantie ou recommandation, est absolument inadmissible, à quelque degré que ce soit.

L'homme est comme un banqueroutier qui a perdu tout crédit. S'il doit continuer ses affaires, il ne peut plus le faire en son propre nom. Il lui en faut un meilleur, connu et puissant, qui inspire de la sécurité. Ce nom, c'est celui de Jésus : « Il n'y a qu'un nom qui ait été donné aux hommes pour être sauvés. »

Dire, comme on est tenté parfois de le faire, lorsqu'on commence à chercher le salut : «Je me mettrai à prier, et lorsque j'aurai prié assez longtemps et avec assez de ferveur, je pourrai espérer d'être accepté de Dieu», ce n'est pas seulement bâtir sur la quantité et la qualité de nos prières, mais c'est oublier la vraie question que doit se poser le pécheur : « Comment m'approcher de Dieu pour le prier ? »

Toute prière est un rapprochement de Dieu; et la question anxieuse du pécheur est celle-ci : « Comment puis-je m'approcher de Dieu? » Dieu déclare à l'homme qu'il est indigne de s'approcher de Lui; et c'est contredire Dieu que de dire : « Par la prière je me sortirai moi-même de cet état d'indignité, je me mettrai dans un état, convenable de coeur et d'esprit pour pouvoir m'approcher de Dieu.» Esprit inquiet! dussiez-vous à partir de ce moment ne plus pécher, et ne faire que le bien tout le reste de votre vie, cela ne vous servirait de rien.

Dussiez-vous commencer à prier maintenant, et ne faire plus autre chose tout le reste de votre vie, cela ne suffirait pas. Vos propres dispositions ne peuvent vous frayer un chemin vers Dieu, ni vous offrir un fondement pour vos espérances. Aucune accumulation de prières, d'oeuvres ou de sentiments ne peut pacifier une conscience coupable, ni éteindre l'épée flamboyante qui garde l'accès de la présence de Celui qui est infiniment Saint.

J'ai connu un homme dont la conscience avait été réveillée, qui, dans l'amertume de son âme, se mit à prier et à agir, avec la pensée qu'il trouverait la paix. Il se livrait à des exercices de dévotion multipliés, se disant : «Dieu me donnera certainement la paix ! » mais cette paix ne venait, pas. Il institua le culte de famille, se disant : « Certainement Dieu me donnera la paix ! » mais cette paix ne vint pas. Enfin, il eut la pensée, comme remède certain, d'avoir une réunion de prières dans sa propre maison. Il fixa le jour, convoqua ses amis, et se prépara à présider la réunion, en écrivant à l'avance une prière qu'il apprit par coeur. Cela fait, il déposa la prière sur la table en se disant : « Cela au moins sera utile; Dieu me donnera la paix. » Au même moment, il entendit une voix douce résonner à son oreille: « Non, cela ne te donnera pas la paix ; mais Christ seul suffit. » Aussitôt, les écailles tombèrent de ses yeux, et le fardeau de ses épaules. La paix inonda son âme comme un fleuve. Et toujours dans la suite, il retint ces paroles pour sa devise : « Christ seul suffit. »

Les déclarations de Dieu sont bien précises quant à l'impuissance de l'homme de rien faire par lui-même pour se rapprocher de Lui. « Ce n'est pas, dit saint Paul, à cause des oeuvres de justice que nous eussions faites » (Tite III, 5); et ailleurs... «à l'égard de celui qui n'a point travaillé. » (Rom. IV, 5.) « ... Justifiés par la foi en Jésus-Christ, et non par les oeuvres de la loi. » (Gal. II, 16.)

La paix de l'homme avec Dieu ne saurait venir de lui-même. Il ne peut tirer de lui aucun élément de réconciliation, ni directement, ni indirectement. Sa seule qualité pour recevoir la paix, c'est le besoin qu'il en a. Ce n'est pas ce qu'il y a de bon en lui, mais ce qui lui manque, qui l'attire vers Dieu. Et c'est la conscience même de ce qui lui manque qui lui fait chercher ailleurs quelque chose qui puisse à la fois l'inviter et l'enhardir à s'approcher; comme c'est notre état de maladie, et non pas de santé, qui nous fait rechercher le secours du médecin.

La conscience coupable ne saurait être tranquillisée par rien moins que ce qui fera du pardon une chose présente, assurée et juste. Nos meilleures oeuvres, nos meilleurs sentiments, nos meilleures prières, nos meilleurs sacrifices, ne sauraient faire cela. Le pécheur qui aura mis tous ses efforts à accumuler ces choses ne sent-il pas que le pardon est toujours aussi incertain et aussi éloigné de lui, et que toute son ardeur ne pourrait ni persuader Dieu de le recevoir favorablement, ni donner à sa conscience même une heure de paix ?

Dans toute religion fausse, celui qui rend un culte fait reposer ses espérances d'obtenir la faveur divine sur quelque mérite personnel. C'était la pensée aussi du pharisien remerciant Dieu « de ce qu'il n'était pas comme le reste des hommes. » (Luc XVIII, 12.)

C'est ce que faisaient les Galates, quand ils voulaient ajouter la loi de Moïse à l'Évangile de Christ, pour affermir leur confiance devant Dieu. C'est ce que font de nos jours ceux qui pensent avoir la paix en agissant, en priant plus que d'autres, ou plus qu'ils ne faisaient eux-mêmes par le passé, et qui refusent d'accepter simplement la paix qui leur est offerte par un Évangile gratuit, avant d'avoir amassé assez d'oeuvres et de sentiments pour mettre leur conscience un peu à l'aise, et se persuader que Dieu, ne serait pas juste en n'exauçant pas des hommes aussi sincères et aussi. pieux qu'ils le sont.

Le caractère de Dieu et l'oeuvre de Christ ne leur suffit pas; il y faut ajouter quelque chose de personnel; et ils oublient ce qui est écrit : « L'Éternel a rejeté ce qui était le fondement de ta confiance; et tu n'en tireras aucun avantage. » (Jér. II, 37.) L'idée d'une confiance immédiate leur répugne, car ils ne peuvent admettre que la sécurité du pécheur est toute hors de lui, et toute en Dieu. Ils pensent que cette confiance 'doit nécessairement être graduelle, en sorte qu'ils peuvent gagner du temps, et en ajoutant peu à peu à leur provision de devoirs accomplis, de prières, d'expériences, de dévotion, arriver à pouvoir dans une « humble espérance, » réclamer la faveur de Dieu. Mais que font-ils que chercher leur sécurité dans ce moi que Dieu a condamné ? Ils ne voudraient pas se reposer sur un moi sans prière, sans oeuvres, sans piété; mais ils trouvent juste et satisfaisant de se reposer sur leurs prières, leurs oeuvres et leur piété, et ils appellent cela de l'humilité. Ainsi, tandis qu'ils qualifient de présomption ou de fanatisme l'heureuse confiance du croyant qui accepte tout simplement la Parole de Dieu, ils appellent humble espérance leur misérable incertitude qui n'a pour fondement que leurs propres oeuvres.

Le caractère naturel du pécheur ne peut donc, sous aucune forme ni par quelque amélioration que ce soit, lui fournir aucun motif d'assurance devant Dieu. Quelque amendé qu'il soit, il ne saurait parler de paix, à sa conscience, ni lui garantir la faveur de Dieu, ni combler l'abîme creusé entre Dieu et lui. Dieu ne pourrait, dans un cas semblable, accepter que la perfection ; et l'homme n'a que son imperfection à lui présenter. Ce ne sont pas d'imparfaits devoirs et d'imparfaites dévotions qui persuaderont Dieu de pardonner. D'ailleurs il faut se rappeler que la personne de l'adorateur doit être acceptée avant que ses services soient acceptables; en sorte que rien ne saurait être utile au pécheur que ce qui lui assure dès le début qu'il est personnellement accepté. Le pécheur doit aller à Dieu tel qu'il est, ou pas du tout. S'efforcer, à force de prières, de se rendre plus digne de la faveur de Dieu, c'est faire de la prière un instrument de propre justice ; et la prière, au lieu d'être l'adoration d'un homme reçu en grâce, est le prix auquel nous voulons payer la faveur de Dieu, et la paix de notre conscience.

Aucune connaissance de soi-même, ni des progrès qu'on peut faire, ne peut apaiser les tourments d'une conscience réveillée, ni nous assurer la faveur de Dieu. Noirs rassurer par nos bonnes oeuvres, nos bons sentiments, nos bons plans, nos bonnes prières, nos bonnes expériences, c'est nous séduire nous-mêmes, c'est « dire: paix! là où il n'y a point de paix. » Pas plus qu'un homme ne. peut étancher sa soif avec du sable, ou avec l'eau de la mer Morte, il ne peut trouver la paix par sa propre nature, si bonne soit-elle; ni par ses actions, si pieuses soient-elles. Fût-il parfait, quelle jouissance aurait-il à penser à sa propre perfection ? A plus forte raison, quel profit ou quelle paix à s'appesantir sur sa propre imperfection ?

Quelle triste paix d'ailleurs que celle qui ne consisterait qu'à penser de soi-même le plus possible de bien, le moins possible de mal ! Et quelle tentation alors à exagérer le bien et à atténuer le mal, 'c'est-à-dire à se séduire soi-même! Trop portés dans ce ras à accepter tout ce qui peut nous aveugler sur notre propre état, il nous devient impossible d'être impartiaux, 'ou « sans fraude » (Ps. XXXII, 2), comme ceux qui ne font que recevoir un pardon gratuit.

L'un dira : mes péchés ne sont ni très-grands ni très-nombreux; je puis donc être en paix. Un autre : j'ai compensé mes péchés par mes bonnes oeuvres; je puis avoir la paix. Un autre : j'ai un sentiment profond du péché; je puis avoir la paix. Un autre : je me suis repenti de mes péchés, je puis avoir la paix. Un autre : je prie beaucoup, je travaille beaucoup, j'aime beaucoup, je donne beaucoup, je puis avoir la paix. Quelle tentation dans tous ces cas de se voir sous le jour le plus favorable possible! Mais après tout, quelle paix tout cela donne-t-il ? Une paix illusoire, dont le fondement est sur le sable, non sur le roc ; une paix orgueilleuse, dont le fond même est la propre justice.

Ne cherchons pas à pallier les choses, sous prétexte d'attribuer les bons sentiments qui peuvent se trouver en nous, non à nous-mêmes, mais au Saint-Esprit. Cela revient encore à nous faire chercher notre paix en nous-mêmes et non en Dieu, en nous faisant user du Saint-Esprit lui-même pour servir les desseins de notre propre justice; c'est dire que le Saint-Esprit opère en nous ce changement comme pour nous faire trouver en nous-mêmes un sujet de paix.

Assurément l'oeuvre du -Saint-Esprit en nous est accompagnée de paix; mais cette paix, résultat naturel et inconscient du retour à la santé spirituelle, n'est pas à proprement parler ce que l'Écriture appelle « la paix avec Dieu. » Si un de nos membres brisés est guéri nous éprouvons un soulagement immédiat, non pas en pensant à ce membre guéri, mais simplement par le bien-être que nous donne cette guérison. Ainsi il y a une paix qui résulte du changement opéré dans notre nature par le Saint-Esprit, autre encore que le sentiment de la réconciliation avec Dieu, autre que la paix que donne la certitude du pardon. Elle l'accompagne, elle en découle, mais elle n'en est pas moins distincte. Cette paix du reste, qui accompagne la restauration de la santé spirituelle, ne vient pas pour ainsi dire de seconde main, en pensant à ce changement, mais directement, du changement lui-même. Ce changement, c'est la santé rendue à l'âme, qui est en elle-même une joie continuelle.

Ainsi, nous ne trouvons rien en nous-mêmes qui puisse nous donner la paix. Ce qui peut nous satisfaire, c'est l'oeuvre qui s'accomplit hors de nous, non celle qui s'accomplit en nous. « Point de confiance en la chair ! » cette parole doit être notre devise, comme elle est le fondement de l'Évangile de Dieu.

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