Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ZACHARIE

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(Luc I. 5-25.)

Au seuil de la nouvelle Alliance comme de l'ancienne, nous rencontrons deux pieux époux arrivés à un âge avancé sans avoir d'enfant. Mais, tandis qu'Abraham et Sara attendaient l'héritier que l'Éternel leur avait depuis longtemps promis, Zacharie et Élisabeth, ne se doutant pas de la faveur inespérée que Dieu leur réservait, persévéraient à prier avec foi pour la naissance d'un fils.

Ces deux familles se rattachaient l'une à l'autre à travers les siècles. Elles avaient toutes deux des titres incontestables de noblesse. La famille du prêtre Zacharie descendait par Aaron, l'ancêtre d'Élisabeth, de la famille du patriarche Abraham.

Retirés dans les montagnes de Juda, vieux avant l'âge, Zacharie et Elisabeth vivaient isolés, à l'écart des querelles des pharisiens et des discussions des scribes (1) Évitant même le commerce des hommes, ils se nourrissaient ensemble de la lecture des prophètes, conservant et entretenant dans leur coeur la consolante espérance de la venue prochaine du Messie.

Tous deux, nous dit Luc, étaient justes, non devant les hommes qui jugent selon les apparences, mais devant Dieu qui lit au fond des coeurs. Ils ne se contentaient pas d'observer les commandements de la Loi, négligeant les plus difficiles pour se conformer seulement aux plus aises. Ils savaient, en effet, que celui qui viole le plus petit des commandements de Dieu est aussi coupable que celui qui les viole tous. Aussi mettaient-ils même en pratique les ordonnances cérémonielles. Il ne leur suffisait pas d'éviter ce qui était défendu, ils s'efforçaient d'accomplir ce qui était prescrit ou seulement conseillé. jugeant même que le serviteur de Dieu qui ne ferait que ce qui lui aurait été commandé serait un mercenaire, un serviteur inutile, ils s'appliquaient à être « sans reproches ». Tout en observant la loi de la justice, ils n'oubliaient pas pour cela d'être doux, patients, désintéressés. Ils mettaient déjà en pratique par leur conduite, les vertus que devait proclamer le Précurseur et réaliser le Messie.

Quand Zacharie allait à Jérusalem, appelé par ses fonctions de prêtre et désigné par le sort, il ne quittait, pas le Temple où il s'entretenait de préférence avec les rares Israélites qui « attendaient la consolation d'Israël et la délivrance de Jérusalem. »

Aux yeux de ces juifs pieux, les prophéties ne pouvaient tarder plus longtemps à se réaliser. Le sceptre, en effet, était sorti de Juda, puisque l'Iduméen Hérode occupait le trône.

Toutefois, ce qui troublait Zacharie, c'était de n'avoir pas encore entendu parler du Prophète, de cet Élie qui devait précéder, annoncer et préparer la venue du Messie. Comment aurait-il pu penser ou espérer que le Précurseur allait naître et qu'il était destiné lui-même à devenir le père de Jean-Baptiste ?

Or, tandis que le peuple se tenait prosterné dehors en prière, Zacharie entra dans le lieu saint pour offrir à Dieu l'encens sur l'autel des parfums. A ce moment un ange lui apparut et lui annonça que l'Éternel, ayant résolu de faire cesser l'opprobre qui pesait sur sa femme et sur lui, avait exaucé sa prière et allait leur accorder un fils.

Zacharie, ému, troublé, tout tremblant, n'ose pas croire à une pareille bénédiction. Il a prié avec foi, et quand Dieu lui répond, l'étonnement dépasse chez lui la reconnaissance. Bien loin d'ouvrir aussitôt la bouche pour rendre grâce à Dieu, il demande à l'ange un signe certifiant ce miracle. « A quoi reconnaîtrai-je cela ? » s'écrie-t-il.

Ce cri, échappé du coeur de Zacharie, trahit chez lui une secrète incrédulité. Elle méritait chez un prêtre une sévère leçon. Toutefois Dieu, en considération de sa vie passée, voulant atténuer cette éclipse momentanée de sa foi, va lui faire subir un châtiment qui contiendra et cachera une bénédiction.

L'ange Gabriel se fait alors connaître à lui. Son nom signifiant « force de Dieu » lui montrera que l'Éternel est tout-puissant. Zacharie restera muet ou plutôt sourd-muet (Luc 1, 62, 64) jusqu'à la naissance de son fils. Il n'aura donc pas la joie d'entendre le magnifique cantique d'Élisabeth, saluant dans sa maison la mère du Messie et sera incapable de faire éclater l'allégresse qui remplissait son coeur.

Bien que châtié par Dieu, Zacharie ne songe pas à déserter son poste avant d'avoir terminé son sacrifice. Bien au contraire, il reste plus longtemps à prier, semblant même s'oublier dans l'humiliation et le repentir et rendant grâce à Dieu d'avoir caché une bénédiction dans le châtiment.

Le peuple était impatient de le voir sortir du sanctuaire. Dès qu'il parait pour bénir, tous se lèvent. A toutes les questions qu'on lui pose Zacharie répond par des signes. Le peuple comprend qu'il a eu une vision et S'éloigne en respectant le secret que Zacharie semble vouloir garder pour lui seul.

Son service termine, le sacrificateur s'en retourna lentement dans les montagnes. Arrive auprès d'Élisabeth, il lui annonça par des signes la faveur sans égale dont ils vont bientôt être les objets. Non seulement Dieu, exauçant leurs persévérantes prières, va leur donner un fils, mais leur accordant au delà même de leurs espérances, cet enfant sera le plus grand des prophètes. Parmi ceux qui sont nés de femmes nul ne sera plus grand que le fils d'Élisabeth et de Zacharie. Cette mère, s'associant volontairement à la peine infligée à son mari, restera silencieusement enfermée dans sa maison pendant six mois, jusqu'au moment où elle saluera la mère du Sauveur dont son fils Jean-Baptiste devra annoncer la venue.


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NICODÈME

(JEAN III, 1-21.)

Nicodème était un juif de marque, qui se distinguait des autres pharisiens par son désir de s'instruire et son humilité. Apprenant qu'il est sorti du bourg de Nazareth, jouissant alors d'une triste réputation d'ignorance et de grossièreté, un prophète accomplissant des miracles, il est anxieux et agité à son sujet; il forme le dessein de l'aller voir pour l'interviewer.

Toutefois, ce docteur de la Loi, habitué à prendre la parole en plein Sanhédrin, hésite et se trouble à la pensée de parler devant ce fils d'un charpentier. Aussi prépare-t-il soigneusement à l'avance le discours qu'il doit prononcer. L'exorde insinuant doit lui concilier sa bienveillance. Attiré et repoussé à la fois, il craint ce rabbin autant qu'il le recherche, car il a entendu parler de sa franchise envers tous et surtout de sa sévérité pour les pharisiens. Il redoute « autant sa dureté qu'il admire son courage.

Ce qui me plaît en Nicodème, c'est son caractère : il est timide, mais il n'est point lâche. Quand il aura surmonte sa timidité, il ira résolument trouver Jésus. Il ira de nuit, il est vrai, mais croyez que c'est moins pour ne pas se compromettre que pour être sûr de le rencontrer seul et de causer librement avec lui dans l'intimité d'un tête à tête.

Mais où le trouvera-t-il à cette heure tardive? Dans la maison de Jean devenu son disciple, dans la chambre du temple où se réunissaient les Galiléens, dans le jardin de Gethsémané, la retraite préférée de Jésus?

Si vous eussiez été alors à Jérusalem, vous auriez pu rencontrer, dans les sombres et étroites ruelles de la ville, ce membre en vue du parti pharisien se glissant dans l'ombre à la recherche de Jésus de Nazareth. A peine l'a-t-il trouvé qu'il commence aussitôt son discours appris par coeur et qu'il parait réciter. Il lui donne d'emblée le titre de Rabbi, et comme s'il parlait au nom de son parti, peut-être même du peuple juif tout entier, il ajoute : nous savons que tu es un docteur venu de Dieu. Puis, contrairement à l'opinion des pharisiens, il n'hésite pas à reconnaître que ses miracles, loin d'être l'oeuvre du démon, ne peuvent être que des manifestations directes de la puissance de Dieu. Et comme il est surtout venu pour s'instruire, il veut savoir comment Dieu lui donne un tel pouvoir.

Si Jésus était le Messie, Nicodème comprendrait bien qu'il fit des oeuvres semblables, mais cependant s'il l'était, il ne resterait pas ainsi dans l'ombre et choisirait surtout d'autres disciples. Mais si par hasard il était le Messie? C'est pour être au clair sur cette question qu'il est venu vers lui. Sous sa timidité apparente se cache donc un certain courage et un sérieux amour de la vérité. S'il redoute encore le jugement des hommes, du moins il a un vrai désir de s'instruire.

En le voyant aller à Christ, je me dis que c'est ainsi qu'on arrive à la foi. L'histoire de sa vie confirme du reste ce sentiment, car nous savons que ce timide pharisien devint un disciple courageux.

Que manquait-il à cet homme qui vint vers Jésus - de nuit, il est vrai - mais qui y vint enfin? Il était riche, instruit, honore, pieux, et tout cela ne lui suffisait pas. Croyant, comme le font beaucoup de nos contemporains, que la science peut procurer le bonheur, il vint s'instruire à l'école du Christ, qui s'empresse de le mettre en garde contre cette tendance toute intellectualiste qui fait résider la religion dans la doctrine et non dans la vie, cette orthodoxie morte, la foi des démons qui connaissent la Bible et la citent à tous propos, qui croient au salut et s'efforcent de le rendre impossible ou inutile.

A Nicodème qui vient lui demander ce qu'il faut croire, Jésus s'empresse de lui apprendre ce qu'il faut faire, sachant qu'il est plus facile d'arriver à la foi qu'à la repentance. Non qu'il refuse de l'instruire, comme nous le montre la fin de cet entretien (14-18), mais comme il sait que l'on ne peut accepter un Sauveur que si l'on se croit perdu, il commence par lui annoncer la nécessité de la nouvelle naissance.

Procéder à l'égard de l'Évangile comme le fit Nicodème, c'est commencer par où l'on doit finir. On ne peut, en effet, connaître la vérité avant de se connaître soi-même. Comme le ciel ne se reflète que dans l'eau tranquille et claire Dieu ne se révèle qu'aux coeurs purs.


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LA SAMARITAINE

(JEAN IV, 1-42.)

Pour bien connaître une personne, rien ne vaut mieux que de la surprendre dans le laisser aller d'une conversation familière. Une simple phrase en dit parfois plus que de longs discours. N'est-ce pas là l'impression produite par l'entretien de Jésus avec une Samaritaine? Incomparable chapitre de théologie pratique, ce dialogue nous montre comment nous devons parler et agir en présence du pécheur, et par quelles étapes doit passer une âme pour parvenir au salut et à la vie éternelle.

Cette Samaritaine découvre en Jésus un homme au-dessus des préjugés et dont l'humilité n'est égalée que par l'élévation de l'âme. Aussitôt son esprit est gagné. Elle est disposée à écouter et à s'instruire. Jésus en profite pour lui découvrir son péché, et elle reconnaît aussitôt en lui un prophète. Devant le Christ, sa conscience se trouble, et la repentance qu'elle ressent prépare en elle la naissance de la foi. Enfin, quand Jésus se proclamera le Messie, elle le reconnaîtra sans peine, et après l'avoir accepté pour elle, elle s'empressera d'aller l'annoncer à ses compatriotes.,

La rencontre du Sauveur et de la Samaritaine fut providentielle. Dieu les conduisit l'un vers l'autre. Jésus, au lieu de longer le bord de la mer, se sentait pressé de passer par un autre chemin. « Il fallait qu'il passât par la Samarie. » D'autre part, une femme de Sychar allait au milieu du jour, sans se rendre bien compte de ce qui l'y poussait, au puits de Jacob, pour y rencontrer le Sauveur.

Bien que le soleil dardât ses rayons brûlants, Jésus s'était arrêté au bord d'un puits à l'ombre d'un figuier sans doute, prêtant à la vigne l'appui de ses rameaux. Après avoir renvoyé ses disciples pour qu'ils allassent acheter des vivres, il restait seul, absorbe par la méditation et la prière.

De Sychar sortait une femme du peuple chargée d'une amphore qui, pour éviter le tête à tête avec elle-même et par désoeuvrement, venait puiser de l'eau. Elle se serait bien passé de porter sa cruche et de venir si loin. Seule, elle cheminait lentement. Son esprit errait à l'aventure, songeant plus à son passé qu'à l'avenir.

Cette Samaritaine n'avait jamais éprouvé de besoins religieux. Elle savait bien que les juifs et les Samaritains différaient entre eux par leur culte. Mais elle ne s'était jamais préoccupée de rechercher chez quel peuple se trouvait la vérité. Bien loin même de dire que toutes les religions sont bonnes, elle pensait que la meilleure était pour elle inutile. Elle n'était cependant ni aussi frivole que Marie-Madeleine, ni aussi coupable que la femme adultère. Sa vie, bien que n'étant pas exempte de reproches, n'est pourtant pas un objet de scandale. Ses compatriotes la croient mariée, et il faudra la perspicacité divine du Christ pour dévoiler l'irrégularité de son ménage.

Cette Samaritaine est persuadée que sa conduite n'est pas plus répréhensible que celles de tant d'autres femmes qui cachent, sous le couvert d'une union légitime et d'une vie régulière, leur frivolité ou leur inconduite. Bien plus, elle pense valoir mieux qu'elles car sa conscience ne lui reproche rien.

Arrivée auprès du puits, elle aperçoit un étranger et reconnaît en lui un rabbin juif. Que peut-il faire à seul et à cette heure? Voyant qu'il l'a aperçue, elle s'approche en baissant les yeux; elle penche sa cruche et la remplit. Elle se disposait à partir quand Jésus, lui adressant le premier la parole, lui dit : « Donne-moi à boire. » Étonnée d'une pareille demande autant que flattée de cette confiance, elle lève aussitôt les yeux vers lui et laisse apercevoir sa surprise en disant : « Comment me demandes-tu à boire? » Cette question suffit au Christ. La curiosité de cette femme est éveillée, son esprit est attentif. Jésus va en profiter pour faire naître chez elle des pensées élevées.

Sachant que, pour parler au coeur d'une femme, il est souvent nécessaire de parler d'abord à son imagination, Jésus continue cet entretien par ces mots : « Si tu connaissais le don de Dieu? » Cette femme ne comprend pas tout d'abord. Mais elle a pose déjà une question, elle va formuler une demande. Elle qui n'avait jamais pensé à ses pères se souvient tout à coup de Jacob et demande à Jésus de l'eau vive.

Après avoir gagné sa confiance, le Sauveur veut, en provoquant ses confidences, l'amener à l'humiliation et au repentir.

« Va et appelle ton mari. » Cette femme répond avec indifférence : « je n'ai point de mari. » Comme nous lui aurions reproché l'irrégularité de son ménage et le scandale de sa vie privée ! « Tu as dit vrai», répond Jésus avec autant de douceur que de pitié. A ces paroles, la Samaritaine reconnaît en lui un prophète.

L'oeuvre du Sauveur nous semble achevée. Il n'en est rien. Dans cette âme si grossière, si étrangère a toute idée morale et à toute préoccupation religieuse, Jésus a réussi à faire naître le sentiment divin. Aussi veut-elle apprendre de lui la meilleure religion.

Jésus profite de ce désir pour nous enseigner le culte qu'il réclame de ses adorateurs, qu'il appelle le culte « en esprit », par opposition aux prières formalistes, et « en vérité », par opposition à l'erreur et au mensonge. La religion des Samaritains était fausse et ils n'adoraient pas selon la vérité, celle des juifs était charnelle et ils n'adoraient pas en esprit.

Bien plus, Jésus ne se contente pas de lui enseigner comment on doit adorer, il lui révèle celui qu'elle doit adorer désormais, en se révélant à elle comme le Messie. Il se donne à une Samaritaine comme le Messie, parce qu'il sait qu'elle ne risque pas, comme les juifs, de se méprendre sur sa nature et sa mission. La preuve en est que lorsqu'il se désignera comme tel à ses disciples il leur défendra de le divulguer (Matth. XVI, 20).

Aussitôt, n'ayant plus le souci des choses matérielles, « elle laissa là sa cruche » pour courir plus vite annoncer à ses compatriotes qu'elle pourrait bien avoir découvert le Messie.

Quand les savants ont une grande vérité à proclamer, ils choisissent une imposante assemblée ou une Académie. Le Sauveur se contente de se proclamer le Messie devant une Samaritaine que, par des étapes successives, il a attirée à lui pour la convertir et la sauver.


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NICODÈME ET LA SAMARITAINE

(JEAN III-IV.)

Les entretiens de Jésus avec Nicodème et la femme Samaritaine offrent un contraste intéressant et instructif, bien que certaines questions de Nicodème et certaines réponses de la Samaritaine nous paraissent à la fois étranges et inexplicables. Si nous avions à donner la préférence à l'un des deux interlocuteurs du Christ, nous n'hésiterions pas à nous décider en faveur de la Samaritaine, car cette femme ignorante et coupable paraît avoir l'intelligence plus ouverte et le coeur plus accessible que ce docteur de la loi instruit et juste.

A tous deux le Sauveur veut révéler la vérité, et il s'y prend pour cela tout autrement que nous l'eussions fuit. Nous aurions certainement parlé au pieux Nicodème du culte en esprit et en vérité et à la Samaritaine coupable de la nécessité de la nouvelle naissance, et nous n'aurions ainsi ni humilié l'un ni relevé l'autre, Nicodème est un pharisien qui passe pour un homme instruit et honorable, cherchant la vérité; la Samaritaine est une pauvre femme ignorante, obligée d'aller puiser elle-même l'eau pour son ménage et fuyant la solitude pour ne pas être en tête à tête avec son péché. L'un sort de nuit, pour éviter les distractions et la foule; l'autre sort au milieu du jour, pour chercher au dehors une diversion à ses tourments intérieurs. L'un cherche la vérité, l'autre semble la fuir. Si Nicodème parle le premier, comme un homme qui a intérêt à rompre un silence qui l'oppresse, Jésus a le soin de commencer la conversation avec la Samaritaine, comme avec une femme qui craindrait, en parlant, de laisser échapper le secret de sa vie. Aussi Jésus laisse-t-il parler Nicodème et rompt-il le premier le silence avec la Samaritaine.

Mais, lorsque Jésus parle, le docteur, dont la vie est pure, ne comprend pas mieux que la femme, dont la conduite est irrégulière, tant le péché de l'un, aussi bien que la propre justice de l'autre, ont obscurci en eux l'intelligence du devoir. Chose singulière, ils répondent aux paroles du Sauveur par l'ironie, et Jésus, ne pensant qu'au salut de leur âme, semble ne pas s'y être arrêté. Mais il abaisse l'un en lui montrant la nécessité de la régénération, et relève l'autre en excitant en elle la soif de la vérité.

L'entretien de Jésus avec Nicodème a lieu la nuit, et il en profite pour lui annoncer qu'il est la véritable lumière ; celui qu'il a avec la Samaritaine a lieu au bord d'un puits, et il en prend occasion pour se révéler à cette femme comme la source de l'eau jaillissante. Avec Nicodème, il a besoin de réveiller la conscience religieuse et il porte l'entretien sur le terrain moral; avec la Samaritaine, il a besoin de provoquer le sentiment de la moralité, et pour cela il porte l'entretien sur le terrain religieux, sachant qu'on peut rester pur, si l'on aime Dieu. Il veut amener la Samaritaine, vers la fin de son entretien avec lui, à reconnaître ce qui a été le point de départ de son discours à Nicodème: c'est qu'il est un prophète. Comme il avait insisté auprès de Nicodème sur la nécessité de la nouvelle naissance, il insiste auprès de la Samaritaine sur la nécessité de boire de l'eau vive. A tous deux il parle par images et, au lieu d'expliquer sa pensée, il la répète dans les mêmes termes, sachant bien que, s'ils semblent ne pas comprendre son langage, ce n'est pas à cause de son obscurité, mais de son évidence.

A Nicodème qui venait surtout pour savoir si Christ était le Messie, il révèle l'état de son coeur, car ce n'est qu'après s'être connu que l'on peut trouver le Sauveur. A la Samaritaine qui reconnaît et confesse son pêché, il déclare qu'il est le Messie, car il sait que son état de péché lui permettra de comprendre sa nature et de ne pas se tromper sur sa mission.

C'est ainsi que Jésus amène progressivement à la vérité et au salut ses deux interlocuteurs, qui interprétaient à la lettre ses enseignements, moyen commode et ordinaire pour se dispenser d'en pénétrer l'esprit et d'en comprendre le vrai sens.

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(1) Zacharie n'était pas encore un vieillard, puisque les prêtres ayant dépassé cinquante ans ne pouvaient plus accomplir de service dans le Temple (Nomb. VIII, 25). 
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