Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

PREFACE

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Au temps de ma jeunesse, dans mes visites au musée du Louvre, je me souviens de m'être arrêté bien des fois devant une immense toile sur laquelle un des plus grands peintres de l'école italienne n'avait tracé que quelques traits et peint qu'une seule figure. Ce n'était là qu'une esquisse, une simple ébauche mais le génie de l'artiste avait si bien saisi toute la grandeur et la beauté de son sujet que l'on n'avait aucune peine à se représenter la scène qu'il avait entreprit de peindre sur la toile.

Nous éprouvons une impression analogue, quand nous lisons certaines scènes de nos évangiles, où figurent tous ces personnages dont l'histoire nous est aussi connue et nous est devenue aussi familière que s'ils avaient pensé, agi, vécu devant nous. Ce ne sont que quelques coups de crayon tracés à la hâte, mais suffisante pour rendre l'expression du visage ou les sentiments du coeur.

D'autres fois, ce ne sont que des bustes sommairement taillés dans la pierre, mais les traits sont si expressifs, si vrais, si vivants, que nous n'avons pas de peine à deviner leur caractère et leur genre de vie.

Qui ne connaît, comme s'ils avaient vécu parmi nous, le jeune Samuel et le vieil Élie, le roi David et le pauvre Lazare, Marthe et Marie de Béthanie, Priscille et Phébé, le bon Samaritain soignant un blessé, et Dorcas travaillant pour les pauvres ?

Notre but, en traçant, à l'aide des esquisses de nos évangélistes, quelques portraits de personnages connus, et en les plaçant dans le milieu où ils ont vécu, est de tirer de leur vie quelques utiles leçons, qui, en nous faisant mieux connaître l'Évangile, nous le fassent aimer et admirer davantage.



SIMÉON

(Luc Il, 25-35.)

Un charpentier de Nazareth, accompagné de sa femme, pauvre comme lui, mais d'origine royale par ses ancêtres, se rendait au temple de Jérusalem pour y présenter à Dieu son fils premier-né. En entrant, ils avaient acheté dans la cour du temple deux tourterelles pour les offrir en sacrifice. Tandis que le père les tenait à la main, la mère portait dans ses bras le petit enfant.

Seuls, sans escorte, et sans que l'arrivée de ces étrangers pauvres provoquât la moindre curiosité des Israélites venus là pour prier, ils offrirent leur sacrifice. Ils s'en retournaient, quand tout à coup un juif, renommé à Jérusalem par sa sagesse et sa piété, qu'on appelait Siméon et qui leur était parfaitement inconnu, vient vers eux, contemple longuement le petit enfant et, comme pousse par une impulsion irrésistible, le prend dans ses bras. Puis à haute voix, au milieu du murmure confus des prières machinales que les juifs pieux faisaient monter vers Dieu, il entonne un cantique d'actions de grâce, qui signale à tous cet enfant comme « la lumière des nations et la gloire d'Israël » (32). C'était comme le dernier psaume de l'ancienne Alliance et le premier cantique de l'Église chrétienne. Avec Jean-Baptiste, Siméon devient ainsi le dernier des prophètes et le premier des apôtres.

Siméon au Simon, dont aucun texte de nos évangiles ne nous autorise à faire un vieillard, faisait partie de ces Israélites fidèles, qui « attendaient la délivrance de Jérusalem » (38) et avaient pris la pieuse habitude de se rendre chaque jour dans le temple pour s'entretenir ensemble de leurs espérances communes. Lisant et relisant les écrits des prophètes, ils en interprétaient les moindres mots et se complaisaient dans l'attente du Messie, qui ne pouvait plus tarder à paraître au milieu de son peuple.

Siméon jouissait même dans ce petit cercle religieux d'une grande autorité, depuis le jour où il avait affirmé avec l'accent d'une certitude absolue qu'il ne mourrait pas avant d'avoir vu le Christ. Du reste, ne racontait-il pas à qui voulait l'entendre qu'il avait eu à ce sujet une révélation spéciale de l'esprit de Dieu?

Se nourrissant surtout de la lecture d'Ésaïe, son prophète de prédilection - comme son cantique nous le montre - il était plutôt porté à s'humilier des défaillances et des révoltes de son peuple qu'à s'enorgueillir de la gloire que Dieu lui réservait dans l'avenir. Il avait compris que le Messie devait inaugurer son règne, non par ses victoires, mais par ses souffrances, et qu'il serait non le héros conquérant attendu par les pharisiens, mais «l'homme de douleurs » annoncé par le prophète. Le Messie devait être plutôt le Consolateur d'Israël que le Libérateur du peuple juif.

Profondément affligé par la piété formaliste des scribes, par l'orgueil et l'ignorance des rabbins, il pleurait sur les péchés de son peuple et répétait sans cesse ces paroles, qu'il faisait monter vers Dieu dans des prières en faveur de l'élite du peuple, adoratrice fidèle de son Dieu : « Consolez, consolez mon peuple » (Ésaïe XL, 1). Préparation bien propre à lui faire chercher le Messie parmi les humbles et à lui faire reconnaître le Christ dans l'enfant de Marie!

Une fois qu'il a salué le Christ, la promesse que Dieu lui avait faite est accomplie. Il a été là comme une sentinelle, afin de signaler à son peuple la venue dans le monde du Messie si longtemps et si impatiemment attendu; il comprend à cette heure que sa mission est terminée. Aussi rend-il grâce à Dieu de le relever de ce poste d'honneur, non qu'il veuille dire dans son cantique qu'il n'a plus maintenant qu'à mourir, mais il peut s'en aller en paix et quitter ce monde, puisque Dieu a maintenant réalisé à son égard ses desseins miséricordieux. Comme Moïse apercevant de loin le pays de la promesse, Siméon se contentera, en se réjouissant, de saluer de loin le royaume des cieux.

Certains commentateurs - et c'est le plus grand nombre - ne voyant dans ce cantique que l'expression de la plus complète résignation, ont pensé que, pour s'exprimer ainsi, Siméon devait être arrivé au terme de sa carrière terrestre et ils ont été portés à en faire un vieillard. Ils n'ont pu comprendre un pareil détachement chez un homme d'âge mûr, oubliant que saint Paul tenait à peu près le même langage sans se croire pour cela à la veille de sa mort (Philip. I, 23). Siméon, loin de faire allusion à sa mort, rend simplement grâce à Dieu de ne pas avoir plus longtemps prolongé son attente et de l'avoir si tôt et si miséricordieusement relevé de ce poste de confiance où il l'avait lui-même placé.

Il y a dans ses paroles un mot profond, comme on n'en trouve que dans les paroles des prophètes inspirés. Après avoir dit que le petit enfant est mis dans le monde pour être en butte à la contradiction, il ajoute : En sorte que les pensées de plusieurs seront découvertes. En effet, notre attitude en présence de Jésus et de son évangile révèle nos pensées, découvre le fond de notre âme et dénonce les contradictions de notre être : disciples, par ce qu'il y a de plus élevé et de plus idéal en nous, adversaires, par ce qu'il y a de plus sensuel et de plus limoneux dans notre âme.

On a aussi voulu faire, à tort, de Siméon un haut personnage en le regardant comme le fils de Hillel et le père de Gamaliel. Le récit de Luc ne nous permet de voir en lui qu'un de ces israélites pieux qui attendaient « en silence » la consolation d'Israël. Le sachant fort connu, l'évangéliste ne le désigne que par son nom et nous trace son esquisse en quatre traits qui suffisent à nous montrer en lui tous les caractères d'une piété véritable. Il était juste : voilà pour sa conduite; craignant Dieu - en voilà le mobile; il attendait 13, consolation d'Israël : en voilà le but; et il était rempli du Saint-Esprit: en voilà la récompense.

Siméon était juste, c'est là le titre accorde dans l'Ancien Testament aux serviteurs de Dieu qui faisaient sa volonté en observant ses commandements. Le secret de sa conduite se trouve dans sa piété. Il était juste parce qu'il craignait Dieu.. La crainte de Dieu est le commencement de la sagesse. Ayant le mal en horreur, il tremblait d'offenser Dieu. Cette horreur du mal le poussait à accomplir le bien. Otez d'un coeur la crainte de Dieu, qui n'est qu'une des formes de l'amour, se manifestant par la religion et la piété, et vous donnerez par là libre cours à l'impiété, à l'injustice, au péché. La justice de l'homme doit être le reflet de la justice de Dieu, et quand on ne croit pas en Dieu, on a de la peine à croire à la justice et surtout à la réaliser.

Quelle force pour Siméon que son attente, quelle puissance que sa foi aux promesses de Dieu, le soutenant au milieu des tristesses et des découragements de l'heure présente ! Aussi l'Esprit saint était-il sur lui pour récompenser sa vertu, soutenir sa foi, fortifier son espérance. Son coeur en était l'asile. L'ayant amené à Dieu, il le poussa dans le temple et lui fit découvrir le Christ dans ce pauvre enfant, en l'honneur duquel il entonne un chant de délivrance pour lui et pour son peuple. Sans doute s'il doit être pour les uns une occasion de chute, il sera pour les autres la source du salut. Si c'est en s'éloignant de lui que les hommes se perdent, c'est en allant à lui qu'ils peuvent être sauvés. Christ, en effet, nous montre le chemin par sa loi, nous y conduit par son exemple, nous y fait marcher par son secours. Pour nous, chrétiens, Christ nous promet le triomphe dans l'épreuve et nous fait espérer une couronne en nous présentant une croix.


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ANNE LA PROPHÉTESSE

(Luc, II, 36.)

Les récits évangéliques ne nous ont guère conservé que le nom de cette pieuse servante du Seigneur. Luc la désigne comme la fille de Phanuel. Pourquoi nous donner le nom de son père plutôt que celui de son mari? Ne serait-ce pas que, de son temps, on connaissait Phanuel, qui s'était sans doute signalé par sa piété et, comme sa fille, avait, lui aussi, été de ce petit nombre de croyants attendant « la délivrance de Jérusalem » ?

Anne était connue, parmi les habitués du temple, par son surnom de « Prophétesse », parce que, lisant et relisant les écrits des prophètes, elle redisait à tout venant les passages d'Esaïe, qui annonçaient la venue d'un Messie humble, sans éclat, souffrant. Bien loin de partager les orgueilleuses espérances de ses compatriotes attendant un Messie vengeur et conquérant, elle faisait partie de cette élite de pieux Israélites, qui, comme Siméon, attendaient « la consolation d'Israël ».

Les habitués du temple la connaissaient depuis longtemps. On était toujours sûr de la rencontrer aux mêmes heures et à la même place à côté de Siméon, qui venait, lui aussi, au temple, chaque fois que des parents pauvres y présentaient un enfant à Dieu, pour chercher à reconnaître en lui le Messie patiemment attendu. Dans les conversations des scribes et du peuple on ne séparait plus les noms d'Anne et de Siméon. De là sans doute l'explication de cette tradition qui fait, à tort, de Siméon un vieillard, alors que les Évangiles ne nous disent rien qui soit de nature à nous le laisser supposer.

Après une jeunesse chaste, Anne se maria, mais ne vécut que sept ans avec son mari. Veuve de bonne heure, elle ne songea pas à se remarier, et résolut de consacrer à Dieu sa fortune, ses forces et son temps. Restée sans enfants et redoutant un isolement bien propre à engendrer l'égoïsme, elle alla habiter tout près du temple - peut-être même logea-t-elle, sur ses vieux jours, dans une de ses nombreuses dépendances, - afin de ne point « quitter le temple et servir nuit et jour le Seigneur ». Nous serions porté à croire qu'Anne avait fixé sa résidence dans une des chambres alors réservées aux femmes qui, jeunes filles ou veuves, s'étaient vouées à Dieu pour le servir jour et nuit. Elles y accueillaient et assistaient les mères juives qui venaient accomplir les cérémonies prescrites par la Loi mosaïque. C'est ce qui nous explique qu'à la vue du Messie elle prit cet enfant dans ses bras et le présenta elle-même au Seigneur.

Cette femme pieuse passait tout son temps en prières, afin de soutenir et fortifier en elle l'espérance qui seule donnait du prix à sa vie. Elle jeûnait souvent, afin d'assujettir son corps et le rendre capable d'obéir toujours à son esprit. Aussi peut-elle nous être donnée en exemple comme jeune fille, comme femme et comme veuve, par sa pureté, sa soumission, sa confiance.

Semblable en cela à la mère du Seigneur, elle n'entrevit le bonheur qu'à travers l'épreuve et ne semble avoir connu de la vie que les heures sombres. Mais elle accepta avec soumission la volonté de Dieu et eut d'autant plus de mérite à rester veuve que son union avait été plus courte.

Un jour qu'un charpentier galiléen entre dans le Temple avec sa femme, sans que personne paraisse s'apercevoir de l'arrivée de ces étrangers, Anne « survient à cette même heure» et, s'approchant d'eux, découvre, dans les bras de cette humble et pauvre femme, un tout jeune enfant. Ne serait-ce pas le Messie? Elle s'approche, elle interroge. La mère lui apprend qu'elle et son mari sont de Nazareth, de cette Galilée qu'on regardait comme incapable de donner le jour à un prophète (Jean VII, 52). Anne se serait-elle trompée? N'est-ce pas à Bethléem que doit naître le Messie? Elle s'informe alors du lieu de sa naissance et elle apprend avec des transports de joie que les prophéties sont réalisées, que les temps sont accomplis et que cet enfant, présent devant elle, est bien le Messie promis.

Anne fait un mouvement pour prendre l'enfant dans ses bras et le contempler longuement, mais, toute tremblante d'émotion, ses bras hésitent, semblent fléchir. Aussitôt Siméon, présent a cette scène, et qui a tout vu, tout entendu, «reçoit » le petit enfant dans ses bras et entonne à haute voix un magnifique cantique d'actions de grâces.

Comme elle était heureuse de n'avoir pas quitté le temple ! N'eût-il pas suffi d'une courte absence pour perdre le prix de son espérance et de sa foi? Mais elle ne restera pas muette. Elle aussi rendra son témoignage. Ce sera celui d'une femme. Anne aura l'insigne honneur d'avoir été la première femme choisie par Dieu pour rendre témoignage au Christ.

Après avoir montré sa piété en donnant gloire à Dieu, non à haute voix sans doute comme Siméon, mais discrètement, elle sort du temple et va faire part de son heureuse découverte, modestement, mais avec joie, non au peuple dont elle aurait eu de la peine a se faire entendre et surtout comprendre, mais aux Israélites qui partageaient sa foi au Messie humble et souffrant.

A l'aurore de l'Église chrétienne nous sommes heureux de saluer à côté de Siméon, ce messager du Messie, Anne la prophétesse, cette femme simple et pieuse, découvrant et proclamant dans l'humble enfant de la crèche de Bethléem le Sauveur du monde, et apprenant à chacun par son exemple que le plus sûr moyen de trouver le Christ est d'aller à sa rencontre en se rendant dans le temple, la Maison de son Père.

 


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MARIE, MÈRE DE JÉSUS

(Luc I, 26-80; II, 1-20.)

Toute femme israélite pouvait espérer devenir la mère du Messie promis et annoncé par les prophètes. De là la honte et l'opprobre qui pesaient sur toutes les femmes stériles. En Israël la maternité fut toujours une gloire, et toute mère tressaillait à la seule espérance de donner le jour à un fils.

Agar, la servante d'Abraham, devenue mère est supérieure à Sara restée stérile. Ne suffit-il pas de l'amour de Rébecca à l'égard de Jacob pour l'élever au-dessus de son frère Esaü? Quand on voulut soutenir Rachel défaillante, on n'eut qu'à murmurer à son oreille ces mots d'espérance : « Ne crains rien, c'est un fils ».

La différence, qui saute aux yeux au premier abord, entre les religions païennes et le christianisme c'est que dans les premières le père, investi d'une puissance sans limites, était tout, puisque d'après Aristote il était seul créateur. La mère était simplement nourrice. La Genèse représentait la femme comme issue de l'homme et Bossuet ne la disait-il pas formée « d'un os surnuméraire » ?

Le christianisme a réhabilité la mère et l'enfant. Ce dernier n'est représenté dans la peinture et la sculpture à côté de sa mère qu'à partir de la venue du Christ. Une femme portant un enfant dans ses bras, Marie portant l'enfant Jésus, c'est plus qu'un symbole artistique, c'est une révolution dans les idées et dans les moeurs.

Introduit dans le monde par la femme, c'est sur ses genoux que l'enfant s'éveille à la raison, près de son coeur qu'il s'essaie à aimer, sur ses lèvres qu'il apprend à parler et à prier.

A la naissance du Christ se réalisa cette prophétie - « La postérité de la femme écrasera la tête du serpent. » Jésus, issu de Marie, sera le vainqueur du péché, mais, à l'égard de sa mère, il réalisera la prédiction de Siméon : une épée te transpercera l'âme. Sa vie fut en effet remplie de crainte pour son fils et de douleur intime au sujet de sa mission messianique.

Marie était de souche royale et sacerdotale puisque par son père elle était de la race de David - de qui la tradition faisait descendre le Messie futur - et par sa mère se rattachait à la famille d'Aaron. Elle vécut comme femme d'ouvrier dans les plus modestes conditions. Fiancée de très bonne heure à un simple artisan, qui fut obligé de travailler pour vivre et dut Plus tard subvenir aux besoins de sa famille composée de fils et de filles, Marie eut à vaquer aux soins du ménage et se consacra à l'éducation de ses enfants.

Comme c'était l'usage alors en Palestine, Marie resta un assez long temps - un an au moins -- fiancée à Joseph, lui aussi de souche royale, condition requise pour qu'il pût devenir l'époux de Marie, issue de David. Cette coutume permettait à la jeune fille de préparer à l'aise son trousseau, mais elle était regardée dès ce moment comme une véritable épouse et elle eût été punie comme adultère, si elle avait pris plus tard pour mari quelqu'un d'autre que son ancien fiancé.

Les fiancés devaient attendre un an avant d'habiter ensemble. De là l'explication de la venue de Marie chez sa cousine Élisabeth qu'elle alla seule saluer à Hébron. A cette occasion elle entonna un magnifique cantique, dont les paroles, empruntées aux prophètes, résonnent à nos oreilles comme le chant de triomphe de l'Israël opprimé et croyant.

Marie attendit chez sa cousine Élisabeth, confidente de ses pensées et de ses espérances, le moment de son mariage et son entrée dans la maison de son mari.

Joseph, dont la tradition a fait à tort un, vieillard cassé par les ans et usé par le travail, était à peu près de l'âge de Marie, attendu que les rabbins regardaient comme criminelle l'union d'un vieillard et d'une jeune fille.

A peine de retour à Nazareth, Marie dut aller à Bethléem pour être inscrite parmi les descendants de David sur les registres du recensement, Ce fut là que naquit dans une étable Jésus de Nazareth; en sorte que ce sont non des juifs, mais des Romains, des ennemis du Christ qui nous attestent sa naissance.

Marie resta là pendant les quarante jours consacrés à la purification de toute femme israélite ayant donné le jour à un fils. Ce temps d'épreuve terminé, elle monta à Jérusalem pour se conformer à la loi et offrir au temple le sacrifice du pauvre : deux tourterelles, une pour l'holocauste, l'autre pour le sacrifice d'expiation.

De là divinement avertie, elle s'enfuit en Égypte avec Joseph pour soustraire le petit enfant à la colère d'Hérode. Elle ne revint à Nazareth qu'à la mort du tyran. C'est dans ce bourg, réputé par l'ignorance et la grossièreté de ses habitants, que grandit Jésus, travaillant à côté de son père et s'instruisant seul jusqu'à l'âge de trente ans.

Son père étant mort de bonne heure et ses frères le prenant pour un démoniaque ou un rêveur, Jésus dut se séparer d'eux et quitter la maison paternelle pour faire vivre sa mère et resta seul avec elle.

Nous pouvons supposer qu'autant pour ne pas bouleverser le coeur de Marie que pour ne pas la porter à tout mettre en oeuvre, comme elle l'avait tenté à Cana, pour hâter sa. manifestation à Israël, Jésus ne lui révéla jamais ses souffrances et su mort sur la croix.

Aussi Marie resta-t-elle toute sa vie modestement à l'écart. Son rôle se borna à donner naissance au Messie. C'est en cela que consiste sa gloire. Et le Christ déclare même plus heureux que Marie celui qui écoute la parole de Dieu et la met en pratique (Luc XI, 27-28). Tous les siècles la proclament bienheureuse. Faire plus, c'est méconnaître la signification de l'enseignement de son fils à son égard.

Dans la vie du Christ, Marie ne parait qu'aux jours d'épreuves et cela sans doute pour qu'elle ne se fasse pas, comme la mère de l'apôtre Jean, une conception fausse de sa mission terrestre et ne forme pas pour lui les rêves ambitieux d'une mère et surtout d'une mère israélite. Elle est absente à la transfiguration du Thabor, à l'entrée triomphale à Jérusalem. Si on la trouve aux pieds de la Croix avec les saintes femmes, elle n'est plus au tombeau au jour glorieux de la résurrection.

Le Christ l'ayant confiée comme son seul trésor à son disciple préféré au moment de sa mort, il est probable que c'est auprès de Jean qu'elle s'est éteinte, après avoir vécu pendant quelques années du souvenir de celui qui fut pour sa mère un fils incomparable et pour l'humanité un modèle et le Sauveur.

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