(1)
Espérer instinctivement,
espérer confusément, est un des
meilleurs trésors de
l'humanité.
Espérer avec la clairvoyance de
la foi et dans la certitude de n'être pas
confondu, c'est l'apanage splendide de
l'Église.
Oh ! que, dans les années sombres
où nous sommes, il est nécessaire
d'entretenir l'espérance!
L'espérance, rayon clair après la
nuit; l'espérance, petite fleur sur une
ruine; l'espérance, chanson d'enfant dans la
désolation muette d'un champ de bataille.
Nous vous convions à communier dans
l'espérance chrétienne. Nous voulons
dire : à entrer dans la communion de celui
qui fonde les seules espérances vraies :
Jésus-Christ. Regardons vers l'avenir qui
s'illumine et laissons monter dans nos coeurs la
force et la joie que donne au croyant
l'espérance de la foi.
Et d'abord, deux ou trois indications
préalables.
À un point de vue tout humain, on
peut dire que le besoin d'entrevoir l'avenir est un
besoin universel et légitime. L'homme qui
marche veut savoir où il va; il ne chemine d'un
pas
allègre que dans ces
conditions-là.
Voici trois marcheurs. Le premier, c'est
un badaud qui, dans l'oisiveté du soir, muse
le long des rues. Quel pas traînant! quels
bras ballants! quelle expression vague et
dispersée! Le second, c'est un enfant qui
court. En vérité, il n'a pas une
minute de repos. Tantôt une fleur l'attire,
tantôt un fruit. Affairé, il s'agite
sans trêve, mais il ne va nulle part. Midi le
trouvera où l'a trouvé huit heures.
Le troisième, c'est un fiancé qui, un
dimanche, de grand matin, au printemps, va
rejoindre sa fiancée. À peine est-il
besoin de lui demander où il va. Cette
élasticité ravie, ce regard clair,
ces refrains qui montent vers le bleu, tout crie
que le marcheur à un but et que ce but,
déjà vivant pour son imagination,
fait couler du bonheur dans ses muscles.
Ainsi dans la vie des âmes. Ceux
qui ne savent où ils vont, vrais badauds de
l'existence, marchent sans direction et sans
élan. Ceux qui, intelligences
puériles sous des apparences de
maturité, courent aux fleurs, aux fruits,
aux cailloux des bords de la route, sans s'informer
du sens de la destinée, s'agitent, il est
vrai, mais n'avancent pas. Seuls ceux qui ont la
vision radieuse d'un but certain, marchent comme le
fiancé dont nous parlions. La direction est
sûre, un cantique secret
s'élève de l'âme et comme un
tressaillement passe sur toutes les facultés
harmonisées. C'est la marche de l'homme qui
espère.
Nous savons bien que l'enseignement
chrétien a toujours fait droit à ce
besoin de savoir, lorsqu'il s'agissait de l'âme
individuelle et de ses destinées par
delà le tombeau. Aussi bien n'est-ce pas de
cela que nous avons l'intention de vous entretenir
ici.
Nous pensons aux espérances
collectives et terrestres du peuple de Dieu et aux
espérances individuelles en tant que
s'encadrant dans les espérances collectives.
Nous aurions pu, tout aussi bien, emprunter nos
comparaisons à la marche des foules. Dire
les remous inféconds d'une cohue et
décrire la démarche vive d'un jeune
bataillon qui rejoint ses foyers. Comme Israël
au désert, l'Église spirituelle est
engagée dans une immense aventure. Notre
programme est d'entrevoir s'il y a, au bout du
séculaire pèlerinage, une Terre
promise et, si oui, ce que seront les étapes
du voyage et les gloires de
l'arrivée.
Cela dit, il faut avouer que cet
appétit de prévoir peut se faire
indiscret. Comme tout besoin que ne
régénère ni ne discipline
l'Évangile, il risque de prendre l'allure
des curiosités effrénées. Il
est vrai, d'autre part, qu'un certain esprit filial
à l'égard de Dieu, peut comporter une
ignorance consentie, faite de confiance implicite
et d'espoir en blanc. Nous avons vu, autour de
nous, ces deux manifestations extrêmes. D'un
côté, c'était le
débordement prophétique des groupes
à manie eschatologique, les
conférences au titre alléchant, voire
les films cinématographiques. C'est
l'excès. De l'autre côté, il y
a eu le silence relatif de la prédication,
dans nos églises, sur les choses de la fin.
Cette réserve, toute respectable qu'elle
puisse être, est-elle sage? Nous ne le
pensons pas.
Dieu sait ce qu'il nous faut et vient
au-devant de nos aspirations.
Dans le domaine qui nous occupe ici, Dieu a voulu
l'espérance chrétienne et s'est plu
à la nourrir. Sans approuver les
démangeaisons d'un insatiable désir
de savoir, il nous donne tout ce qui contribue au
bien moral et à la ferveur religieuse. Nous
essaierons de prendre possession de ces
révélations utiles. Et, croyez-le, il
y a encore place pour l'ignorance qui se
confie.
Une remarque encore avant d'entrer dans
le vif de notre sujet. C'est une chose,
croyons-nous, qui fait grand tort à la
piété chrétienne que
l'optimisme pour l'optimisme. Nous ne nous
tromperons guère en affirmant que beaucoup
attribuent au fait même de l'optimisme,
indépendamment de son contenu, une valeur
religieuse. Espérer, espérer
toujours, tout espérer, c'est
chrétien. Ainsi pensent plusieurs. Quiconque
émet des craintes quant au triomphe d'une
grande réforme, quiconque marque la
relativité des progrès que la foule
salue avec un enthousiasme un peu béat, est
promptement classé parmi les
défaitistes. On lui reproche d'avoir trop
peu de foi, de ne pas connaître le coeur de
son maître, d'être hanté par
l'idée de péché, que
sais-je?
Ce point de vue quant à
l'optimisme, nous paraît parfaitement faux.
Appelez-le, cette espèce d'optimisme
intégral, appelez-le religieux, s'il vous
convient, ne l'appelez pas chrétien. Est
chrétien, ce qui peut, textes en main, se
réclamer de Jésus-Christ. Or,
Jésus n'a jamais cultivé, nous le
verrons, cet optimisme superficiel et global. Il a
toujours passé pour peu sage d'être plus royaliste
que le roi,
il
nous semble que nous ne devons pas non plus
être plus optimistes que le Sauveur du monde,
ni nourrir de plus grandes espérances que
n'en nourrissait « le Chef et le Consommateur
de la foi
(Héb.
XII, 2.)».
Nous voilà donc en face d'un
sujet très vaste puisqu'il embrasse tout
l'avenir terrestre de l'Église. Il va bien
sans dire que nous en détachons modestement
quelques traits qui nous paraissent essentiels,
sans prétendre être complet. Ces
traits, nous les empruntons à Jésus
seul, laissant de côté les
prophètes et les apôtres.
Ce que nous allons faire ensemble, c'est
exactement ce que firent, un jour, les disciples.
La carrière du Maître approchait de
son terme. Le ciel s'assombrissait. La crise, une
crise décisive, était amorcée.
Tandis que Jésus et les siens étaient
assis sur le Mont des Oliviers et contemplaient les
splendeurs de la ville sainte, les Douze, inquiets,
mais désireux de profiter jusqu'au bout de
la présence du Seigneur, lui posèrent
cette question : « Dis-nous quand ces choses
(les événements de la fin) arriveront
et quel sera le signe que toutes ces choses sont
sur le point de s'accomplir
(Marc
XIII, 3-4.). »
Ainsi, en cette époque
troublée de l'histoire du monde, en face
d'un avenir mystérieux, venons et nous
asseyons aux pieds du « témoin
fidèle et véritable ». Reprenons
à notre compte le « dis-nous » des
disciples.
Quiconque parcourt les discours de Jésus
concernant l'avenir, ne peut qu'être
frappé d'un fait.
L'avenir, pour Jésus, n'est pas
le déroulement illimité d'une route
blanche que les yeux suivent jusqu'à son
engouffrement, là-bas, dans la vibration
bleue de l'air. Où va-t-elle? Arrive-t-elle
quelque part? Mystère 1
L'avenir n'apparaît pas à
Jésus - pour employer une autre comparaison
- comme la ligne a peine perceptible qui, en pleine
mer, marque la jonction du ciel immense et de
l'Océan sans rive, cette ligne qui est
partout et nulle part, qui fuit à mesure
qu'on avance et qui, si la terre ne surgissait, ne
serait jamais atteinte.
Non ! Pour Jésus, la troupe des
disciples foule une route bien marquée.
Cette route mène quelque part. Pour
Jésus, la barque qui porte l'Église
navigue suivant un itinéraire providentiel
et touchera le port.
Il y a toujours, dans l'enseignement de
Jésus sur la destinée des siens, une
échéance prévue.
La variété des images
employées est très grande. Laissez
votre esprit aller de l'une à l'autre et,
sans doute, l'évidence se fera.
Quand il parle des
événements à venir,
Jésus, après avoir esquissé
les étapes à prévoir, conclut
en disant, par exemple : «
Alors viendra la fin
(Matt.
XXIV, 6; 14.).
» La fin de quoi ? C'est
un mot à la fois vague et précis. La
fin de l'économie présente, la fin de
la lutte, la fin de la souffrance, la fin du monde
tel qu'il est. Comme finit le jour, ainsi finira la
longue journée de la grâce et du
travail. Comme finit une bataille, ainsi finira la
lutte par excellence, celle qui est la
caractéristique suprême de l'histoire,
la lutte du bien et du mal, du Christ et de
l'ennemi.
Nous ne sommes donc pas engagés,
comme Église chrétienne, dans une
destinée indéfinie sur la terre. Nous
ne sommes pas voués non plus à ce
dépérissement lent d'une pauvre race
qui s'anémie, sur une planète
refroidie et sous un soleil terni. Non point ! Il y
aura, de par un décret souverain de Dieu, il
y aura une fin, un bout, un terme.
Voulez-vous rappeler encore à
votre souvenir les paraboles annonciatrices de
l'avenir? Vous verrez que, dans chacune d'elles,
surgit une échéance bien
marquée.
Voici la parabole de l'Ivraie
(Matt.
XIII, 24-30.). Les serviteurs
du maître, dans leur hâte, voudraient
opérer un triage immédiat des plantes
qui germent. - Non ! dit le propriétaire du
champ, « laissez-les croître ensemble
jusqu'à la moisson. À l'époque
de la moisson je dirai aux moissonneurs...
».
La moisson, voilà l'image
employée pour désigner
l'échéance. Le temps de la moisson,
c'est une courte période
entre deux dates extrêmes. Il y a des
années précoces et des années
tardives, mais, une chose est certaine : on ne peut
ni avancer ni reculer à son gré la
moisson. Il y a un moment de maturité
parfaite. À ce moment, les moissonneurs
sortent et jettent la faux dans les blés
mûrs : l'heure est là.
Ainsi, dans l'histoire de notre
humanité, une heure sonnera où la
moisson sera là. Elle n'aura rien de
prématuré. Elle ne pourrait tarder,
d'autre part, sans introduire le désordre
dans le gouvernement divin.
Autre parabole : Le Filet
(Matt.
XIII, 47-50.). Les
pêcheurs traînent le lourd filet
gonflé. Ils ne le traîneront pas
indéfiniment, ils ne le sortiront pas avant
le temps. « Quand il est rempli, dit
Jésus, les pêcheurs le tirent. »
Le moment psychologique est venu. Pour les poissons
longtemps halés sous l'eau, la fin est
là.
« Il en sera de même, ajoute
Jésus, à la fin du monde. »
Notre humanité est comme cette masse,
mouvante et bigarrée, de poissons. Les
siècles, mailles de l'immense filet
providentiel, charrient les
générations sous les flots de
l'océan des âges. Mais, prenons garde
! un temps viendra où seront comme
retirés les filets. L'humanité
émergera sur quelque plage
mystérieuse : ce sera la fin.
Après les paraboles
représentant le travail des hommes, en voici
qui ont un cachet plus personnel ou, du moins, dans
lesquelles un personnage central est mis en
vedette. La fin, ce n'est pas une saison, ni un
moment favorable seulement,
c'est une libre et souveraine intervention. Vous
avez tous présente à l'esprit la
parabole des Vierges
(Matt.
XXV, 1-13.). Ici,
l'échéance, c'est une arrivée.
L'époux doit venir et les amies de noces le
guettent. « Sur le minuit, dit Jésus,
l'époux vint. » Les Vierges
prêtes à l'accueillir se lèvent
et se joignent, heureuses, au cortège
nuptial qui entre dans la salle des noces.
D'autres paraboles précisent
encore et donnent toute sa signification et
à l'attente et à l'arrivée.
L'échéance, c'est un retour. Que ce
mot est riche, pour ceux qui aiment,
d'émotions inexprimables !
Voici la parabole des Mines
(Luc
XIX, 11-27.). Il s'agit «
d'un homme de haute naissance, qui s'en alla dans
un pays lointain, pour se faire investir de
l'autorité royale et revenir ensuite ».
Il confie des fonds à ses serviteurs et les
invite à les faire valoir. Jusqu'à
quand? - « Lorsqu'il fut de retour, dit
Jésus, investi de l'autorité
royale... » Son retour marque la fin.
Vous connaissez, enfin, l'image
saisissante des serviteurs qui, vigilants,
attendent leur maître qui doit revenir des
noces. « Que vos reins soient ceints et vos
lampes allumées. Soyez semblables à
des hommes qui attendent leur maître revenant
(lu festin de noces, afin de lui ouvrir
aussitôt qu'il arrivera et frappera. Heureux
ces serviteurs que le Maître, en arrivant,
trouvera veillant de la sorte
(Luc
XII, 35-37.). »
Ainsi pour l'Église. Le
Maître (car c'est bien lui-même que
Jésus désigne ici) est encore absent
pour les yeux sinon pour la foi. Mais il
reviendra.
Nous n'avons pas épuisé la
liste des paraboles qui prédisent un terme
à l'économie présente. Nous
nous arrêtons cependant. Ce que nous avons
dit suffit pour démontrer que Jésus a
annoncé une échéance,
échéance inexorable.
Quant à savoir à quel
moment surviendra cette fin prévue,
Jésus ne nous le dit pas. C'est le secret de
Dieu. « Pour ce qui est de ce jour et de cette
heure, est-il écrit, personne n'en sait
rien, pas même les anges du ciel, ni
même le Fils, mais le Père seul
(Matt.
XXIV, 36.). » Il y a,
dans les textes, deux courants que l'on ne peut
aisément harmoniser. L'un paraît faire
prévoir une échéance toute
proche, l'autre semble la reculer beaucoup. Peu
importe d'ailleurs, une chose est certaine : la fin
viendra ex abrupto. Elle sera inopinée.
Comme dans ces régions du monde où il
n'y a pas de crépuscule, la journée
se terminera brusquement. Comme un voyageur qui n'a
dit ni le jour ni l'heure de son retour se trouve,
un beau soir, devant la porte, ainsi en sera-t-il
du Maître. «Veillez donc, conclut
Jésus, car vous ne savez pas à quelle
heure votre Seigneur doit venir
(Matt.
XXIV, 42,). »
Ajoutons cependant, que le divin
docteur, pour éclairer cette route vers
l'avenir, a invité les siens à
observer les signes des temps. De même que
l'orage ou les journées claires ont leurs
phénomènes précurseurs, de
même que les saisons s'annoncent, de
même, pour toute âme attentive,
l'échéance ne sera pas absolument
inattendue. Elle s'annoncera, elle aussi, par des
événements avant-coureurs, de sorte
qu'un sursum corda soit possible aux disciples
avant leur délivrance.
Cette remarque nous servira de
transition vers notre seconde partie.
Donc, à l'active existence de
l'Église il y aura une fin. Qu'est-ce qui
marquera l'acheminement de cette
échéance?
Une chose d'abord et bien entendu : Le
fidèle accomplissement de l'oeuvre à
laquelle sont appelés les disciples.
Cette oeuvre a deux faces. Elle
comporte, en premier lieu, la perpétuelle
revendication des droits de Dieu à
l'obéissance intégrale. Elle comporte
ensuite l'infatigable effort de l'amour qui, au nom
de Jésus-Christ, discerne et porte
secours.
Tant que l'histoire se déroule,
il appartient aux chrétiens - sans
impatience et sans découragement - de crier
à leurs contemporains : «
Convertissez-vous ! » Il leur appartient de
montrer, par leurs actes, que le Dieu de la justice
est le Dieu de toutes les pitiés.
Mais, sans cesse reconsacrée
à cette oeuvre qui est son oeuvre, qu'est-ce que
l'Église du Christ est autorisée
à attendre? Un plein succès? Le recul
progressif et la réduction décisive
de toute hostilité contre
Jésus-Christ? La conversion en masse des
humains, et, pour finir, je ne sais quelle
apothéose universelle à laquelle -
enfin gagnée - toute l'humanité
participera?
Il faut oser le dire : Jésus n'a
pas annoncé cela. Il y a, dans ce fait, une
des plus étonnantes originalités de
notre Maître. Ce qui marquera l'acheminement
de la fin, ce sont des crises de plus en plus
étendues, de plus en plus
sévères, à tel point que la
foi et la charité des disciples seront
menacées.
Que nous voilà loin du
progrès mathématique et rectiligne
qu'annoncent les optimistes superficiels!
La conversion du pécheur est
déjà une rupture à
caractère violent. La vie du croyant est une
prolongation de cette crise. « Entrez par la
porte étroite »
(Matt.
VII, 13.), dit Jésus.
« Si quelqu'un veut être mon disciple,
qu'il renonce à lui-même, qu'il se
charge de sa croix et qu'il me suive
(Matt.
XVI, 24.). » La vie du
corps des croyants ne peut obéir à
une autre loi. C'est de crise en crise que se
poursuivra sa destinée et l'aggravation des
circonstances servira d'indicateur providentiel aux
coeurs attentifs : le dénouement sera
proche.
Il semble, en vérité,
à lire les évangiles, qu'aucun
domaine de la vie ne soit soustrait à cette
loi redoutable. Écoutez plutôt.
Jésus ne prédit point à ses
néophytes, en tout
état de cause, la paix familiale. « Je
ne suis pas venu, dit-il, apporter la paix sur la
terre, mais l'épée. Je suis venu
mettre la division entre l'homme et son
père, entre la fille et sa mère,
entre la belle-fille et sa belle-mère et
l'homme aura pour ennemis les gens de sa maison
(Matt.
X, 34.). » Cette division
dans les familles, cette opposition entre leurs
membres croyants et leurs membres rebelles, si elle
s'amende en de certaines périodes plus
calmes, retrouve ses droits chaque fois qu'un
redoublement de fidélité intensifie
la ferveur des disciples, chaque fois aussi qu'un
nouveau déploiement de la puissance du mal
exaspère l'hostilité des incroyants.
Les temps de la fin verront, au dire de
Jésus, ces luttes intestines atteindre
à leur paroxysme. « Le frère
livrera son frère à la mort, dit-il,
et le père son enfant; les enfants se
soulèveront contre leurs parents et les
feront mourir. Vous serez haïs de tous
à cause de mon nom
(Matt.
X, 21 et suiv.). » Mais
ces temps affreux seront le prélude du
retour de Jésus.
Aux crises dans le sein de la famille
s'en ajouteront de plus graves encore dans les
cercles religieux.
Le Maître a eu pour ennemis, les
plus éminents représentants de la
piété juive : les Pharisiens,
défenseurs du légalisme rigide et de
la lettre, les Sadducéens, protagonistes de
l'aristocratie sacerdotale et de tendance plus
rationalisante. La piété officielle,
stricte ou relâchée, a donc
condamné le représentant du Dieu
vivant.
Tragique fait historique!
Eh bien! à travers les
âges, de par une inclination naturelle et
viciée du coeur humain, la
piété - même la
piété qui se réclame de
Jésus - a une perpétuelle tendance
à s'immobiliser, à s'officialiser,
à se figer dans des formes immuables.
Aussitôt que cette cristallisation s'est
faite, la religion, fût-elle
chrétienne de nom, a perdu sa saveur. Sous
couleur de défendre le patrimoine de son
Chef contre des intrus, elle redevient
intolérante. Elle méconnaît le
vivant esprit du Maître dans la. personne des
disciples et de nouvelles crises
éclatent.
Hélas! qu'elle est
éloquente, à cet égard,
l'histoire de l'Église. Jésus dit aux
siens : « Je vous envoie comme des brebis au
milieu des loups... Mettez-vous en garde contre les
hommes... ils vous battront de verges dans leurs
synagogues (leurs synagogues, des lieux de culte !)
Le disciple n'est pas plus que son Seigneur...
S'ils ont appelé Béelzébul le
Maître de la maison (et vous savez qui, dans
la carrière de Jésus, a
imaginé ce rapprochement sacrilège),
à combien plus forte raison appelleront-ils
ainsi les gens de sa maison
(Matt.
X, 16-17 et 24-25.)
! »
Donc, que les disciples, bien loin
d'attendre la sécurité et les
honneurs du fait de certains établissements
religieux, sachent qu'ils seront incompris jusque
dans les synagogues du formalisme. Les crises
finales seront caractérisées par une
recrudescence de ces persécutions. Mais -
glorieuse attente! - la fin viendra.
Ce n'est pas tout.
Si les cercles familiaux et religieux
fournissent les éléments de
conflits toujours renaissants, à combien
plus forte raison le monde. lui-même, la
société religieuse,
irréligieuse ou anti-religieuse.
La christianisation relative des lois et
des moeurs ne saurait faire illusion. La
civilisation dite chrétienne qui donne des
principes et des règlements de plus en plus
équitables à la société
(ce qui n'est point à dédaigner,
certes !) laisse intact un fond d'inimitié
foncière, chez un grand nombre. Certaines
autorités gouvernementales, d'une part, des
foules fanatisées, d'autre part,
fermées à l'esprit de Jésus,
peuvent donner carrière, en des temps
critiques, à une haine persécutrice
que l'on croyait impossible.
Les persécutions, ce mot revient
sans cesse dans l'enseignement de Jésus.
Dès le début de son ministère,
il y fait allusion. Il parle de « ceux qui
sont persécutés pour la justice
», de « ceux que l'on outragera, desquels
on dira faussement toute sorte de mal, à
cause de lui
(Matt.
V, 10-11.). » Une de ses
exhortations concerne l'amour à
témoigner à ceux qui
persécuteront : « Aimez vos ennemis,
bénissez ceux qui vous maudissent, faites du
bien à ceux qui vous haïssent et priez
pour ceux qui vous maltraitent et vous
persécutent
(Matt.
V, 44.). »
C'est donc que les disciples auront des
ennemis, seront maudits, haïs,
maltraités, persécutés. Quand
la fin approchera, cet état de choses, bien
loin de s'amender, s'exaspérera. « Ils
mettront les mains sur vous, dit Jésus, et
vous persécuteront, vous livrant aux
prisons; vous serez emmenés devant les rois
et devant les gouverneurs, à cause de mon
nom
(Luc
XXI, 12.). »
Ainsi - nous résumons ces
premières données - Jésus
annonce que la ligue qui s'est formée contre
lui, la ligue constituée par les
autorités pharisaïques, le gouvernement
païen et la foule complice, ne se dissoudra
pas, avec les années. Elle se reconstituera
sans cesse et, aux temps de crise, elle reprendra
son rôle persécuteur contre la
descendance spirituelle de l'Homme de douleurs.
L'Église du crucifié restera sous le
signe de la croix. La tentation suprême des
croyants, quand s'annonceront les souffrances qui
font peur et la mort, ce sera de perdre la foi et
d'abandonner les efforts d'une charité qui
paraîtra trop au-dessous des détresses
et des crimes avec lesquels elle aura à se
mesurer.
Vous souvient-il de ce doute poignant
exprimé par le Maître? « Mais le
Fils de l'homme, quand il viendra, trouvera-t-il la
foi sur la terre
(Luc
XVIII, 8.) ? » Avez-vous
remarqué ce qui est plus qu'un doute, une
vraie prophétie : « Alors (quand la fin
sera proche) l'iniquité s'étant
accrue, la charité de plusieurs se
refroidira
(Matt.
XXIV, 12.). »
Tout est à craindre, en effet,
parce que - et cela donne une ampleur vraiment
terrifiante aux perspectives ouvertes par
Jésus - l'Église ne sera pas seule
à souffrir. Entraînée en des
vicissitudes successives, secouée par les
spasmes de la fin, l'humanité tout entière sera
comme en
agonie. Des fléaux fondront sur elle. La
planète elle-même, pauvre nacelle
désemparée dans l'immensité de
l'espace, ne sera plus un sûr asile. Enfin,
pour comble, l'harmonie universelle donnera des
signes de dislocation.
Vous connaissez ces prophéties.
« Quand vous entendrez parler de guerres et de
séditions, ne vous effrayez pas, car il faut
que ces choses arrivent premièrement. Nation
s'élèvera contre nation et royaume
contre royaume; il y aura de grands tremblements de
terre et, en divers lieux, des famines et des
pestes; et il y aura des phénomènes
effrayants et de grands signes dans le ciel. Il y
aura des signes dans le soleil, dans la lune et
dans les étoiles et, sur la terre,
l'angoisse des nations qui ne sauront que faire,
les hommes rendant l'âme de frayeur, dans
l'attente des choses qui vont arriver à la
terre, car les puissances des cieux seront
ébranlées. »
« Lors donc, achève
Jésus, que ces choses commenceront à
arriver, regardez en haut et levez vos têtes,
parce que votre délivrance approche
(Luc
XXI, 9 et suiv.). »
Vous le voyez, il ne faut pas parler
à la légère de l'optimisme de
Jésus.
Ses prévisions, telles que nous
les racontent les évangiles, comportent de
tragiques événements et acheminent la
victoire au travers des crises les plus
sévères.
Acheminent la victoire, disons-nous.
C'est qu'en effet, la victoire
viendra.
En quoi consistera le dénouement du drame
chrétien ici-bas?
Vous le devinez, il y aurait place ici
pour tout un chapitre sur le jugement du monde. Ce
sera le règlement des comptes, la confusion
de ceux qui se seront
délibérément prononcés
contre le Christ. Fidèle à notre
propos, nous restons dans l'axe de
l'espérance et nous en venons aux disciples.
Qu'en sera-t-il pour eux? Un mot suffit à
caractériser le dénouement, à
leur point de vue, ce sera le triomphe. Un triple
triomphe : triomphe du Maître, triomphe des
croyants, triomphe de la cause, la cause du
Royaume.
Le triomphe du Maître,
disons-nous. Ce qui marquera la fin ce sera - nous
l'avons, par la force des choses, indiqué
déjà - le retour de
Jésus-Christ en gloire.
Soit quand il a parlé sans image,
soit quand il a parlé sous le voile
transparent de la parabole, Jésus a
incontestablement affirmé la chose. Voici
quelques textes : « Le Fils de l'homme, dit
Jésus, doit venir dans la gloire de son
Père
(Matt.
XVI, 27.) ». Ce mot de
Fils de l'homme est un souvenir du livre de Daniel.
Dans les visions de ce prophète, ce Fils de
l'homme, venant sur les nuées,
apparaît comme le souverain providentiel,
fondateur du royaume éternel
(Daniel
VII, 13.). Jésus
déclare encore, en parlant des derniers
temps : « Comme l'éclair resplendit et
brille d'une extrémité du ciel
à l'autre, ainsi sera le Fils de l'homme en
son jour
(Luc
XVII, 24.). » Image
splendide de la certitude absolue,
instantanée et universelle! « Et alors
le signe du Fils de l'homme paraîtra dans le
ciel : toutes les tribus de la terre verront le
Fils de l'homme venant sur les nuées du
ciel, avec grande puissance et gloire
(Matt.
XXIV, 30.). »
Voilà les affirmations
expresses.
Rappelez-vous les images, non moins
éloquentes. Jésus est le divin
organisateur du travail qui, après son long
voyage, revient, investi de l'autorité
royale.
Jésus est celui que les Vierges
attendent et qui, sur le minuit, fait irruption au
milieu d'elles. Les croyants ne sont pas dans la
situation d'une noce de village, lorsque,
vainement, l'épouse et les invités
espèrent l'époux qu'un accident,
à leur insu, vient d'arracher à la
vie. Non! l'Épouse est aux aguets depuis
longtemps, mais « celui qui a fait les
promesses est fidèle », il
reviendra.
Jésus est le Maître de ces
serviteurs qui travaillent et qui veillent, le
Maître des économes qui administrent
sa maison. C'est lui qui, subitement, heurte
à la porte et se fait ouvrir.
Je reviendrai en gloire, tel est le
résumé de ses affirmations sur ce
thème. Il reviendra, telle est la certitude
confiante des disciples, telle leur attente.
Avons-nous besoin de rappeler que les
épîtres du Nouveau Testament, presque
sans exception, témoignent de la persistance
de cet espoir? Le Maître, paru dans
l'humilité, inaugurera son triomphe en une
seconde apparition glorieuse.
Libre à chacun de suspendre son
jugement et de répéter : « Qui
vivra verra! » Mais pensez-vous qu'il y ait
quelque raison valable de laisser tomber ce qui
est, si évidemment, partie intégrante
de l'enseignement de Jésus? Nous aimons
mieux accepter, avec une allégresse
profonde, tout le contenu de l'espérance
chrétienne et vivre, avec les croyants des
siècles passés et tant de croyants
d'aujourd'hui, dans l'attente ferme de ce
retour.
Nous irons plus loin. Nous confesserons
que seule la perspective de cette intervention nous
sauve d'un bien dangereux pessimisme.
Nous escomptons la victoire de
Jésus : il faut bien que cette victoire
revête une forme concrète. Or, si nous
renonçons à l'espoir d'une marche
égale et progressive vers les
régénérations individuelles
multipliées et vers une organisation sociale
et internationale toujours plus chrétienne
d'inspiration, où se réfugiera notre
optimisme sinon dans la perspective de cette
Parousie annoncée par
Jésus-Christ?
Qu'on nous entende bien! Nous croyons,
de toutes nos forces, au devoir des croyants de
travailler à la conversion des
pécheurs. Nous croyons aussi à leur
devoir de travailler à l'amélioration
des conditions d'existence pour les
sociétés et pour la
collectivité des nations.
Mais, autre chose est ce labeur de
l'amour intelligent, autre chose le succès
que l'on en peut attendre. Les faits nous crient
que ce succès recule toujours. Les
prophéties de Jésus nous confirment
dans cette pensée. Et alors - bon gré
mal gré, si l'on peut dire - nous regardons
en haut et attendons avec confiance l'intervention
libératrice promise.
Jésus, disions-nous encore, a
annoncé le triomphe et la délivrance
des siens. Oui, l'heure de ce triomphe
sonnera.
Aujourd'hui méconnu, aujourd'hui
sous l'opprobre, son peuple, alors, sera
manifesté et participera à la
glorification de son chef.
Cette manifestation du peuple de Dieu
aura deux faces.
Il sera reconnu devant Dieu. «
Quiconque me confessera devant les hommes, je le
confesserai aussi, promet Jésus, devant mon
Père qui est dans les cieux
(Matt.
X, 32.). » La
lumière de Dieu sera aveuglante pour les
hommes, elle sera impitoyablement
révélatrice. Les regards du Dieu
trois fois saint feront baisser les yeux à
toute créature coupable. Personne ne pourra
se justifier ni supporter l'éclat de sa
présence. Ce serait une universelle
détresse si le Médiateur, qui a
ramené du péché à Dieu
les âmes dociles, ne couvrait de sa
grâce ceux qui furent, sur terre, dans
l'infirmité mais dans la
vérité, ses témoins. Nous
pouvons à peine nous faire une idée
de ce que sera l'émoi puis la joie de cette
heure pour nos âmes, si nous sommes conquis
au Rédempteur.
Le triomphe des croyants devant Dieu
sera, en même temps, leur triomphe sur le mal
et devant les hommes. Non un triomphe arrogant mais
le triomphe, divinement voulu et divinement
organisé, des humbles. Ce sera l'heure ou
s'accompliront parfaitement ces paroles :
- Heureux les pauvres en esprit car le Royaume des Cieux est à eux.
- Heureux ceux qui pleurent car ils seront consolés.
- Heureux les débonnaires car ils hériteront la terre.
- Heureux ceux qui ont le coeur pur car ils verront Dieu.
- Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice car ils seront rassasiés
- Nous aimons tant ce mot si fort et si généreux de rassasié ! ( Matt. V, 3 et suiv.)
Inutile d'insister sur ce que nous apprennent
à cet égard les paraboles. Grande est
la joie des serviteurs fidèles, de voir
revenir celui qu'ils ont longtemps attendu. Grande,
l'allégresse des Vierges sages. Partout,
toujours, c'est le terme heureux de l'attente, le
couronnement de l'espérance, la
justification grandiose de la foi.
Victoire du Maître,
délivrance des disciples, ces deux
événements constitueront
l'instauration du Royaume.
Ce Royaume, il n'a pas été
seulement édifié par le travail des
fidèles, il a été
demandé comme on demande un don. «
Notre Père qui es au cieux, ont prié
séculairement les croyants, que ton
règne vienne! » Et maintenant, sur les
murs élevés dans la patience et dans
les larmes, Dieu fait descendre, si l'on peut employer
cette image, la
coupole
de gloire qui couronne le temple de Dieu. La
prière est exaucée, le règne
est venu. Il y a toujours un moment où
l'oeuvre de Dieu se révèle tout
grâce et où l'homme, prosterné,
avoue qu'il a tout reçu et rien
mérité, Jésus, par
anticipation, disait à son infime groupe
d'apôtres : « Ne crains point, petit
troupeau, car il a plu au Père de vous
donner le Royaume
(Luc
XII, 32.). »
Triomphe du Maître, triomphe des
disciples, triomphe de la cause : n'est-ce pas
là une perspective capable d'entraîner
les hésitants et de gonfler
d'allégresse le coeur des
découragés? C'est à cette
espérance, dans la plénitude de son
contenu, que nous vous invitons. Venez et
consacrez-vous au grand oeuvre, venez et
espérez!
Il nous reste à rappeler, avant de mettre
le point final à notre exposé, les
dispositions intérieures qui doivent
caractériser les chrétiens qui
espèrent. Il est nécessaire de les
indiquer, pour parer aux dangers qui accompagnent
toutes les grandes espérances.
Il va sans dire que l'on pourrait
énumérer, à ce propos, tous
les devoirs chrétiens envers Dieu et envers
le prochain. Ce qui vaut pour tous les temps, vaut
deux fois pour les temps critiques. Contentons-nous
de signaler ce que doit être, plus
spécialement, l'attitude
des disciples dans l'éventualité,
toujours plausible, d'un dénouement
imminent. Nous notons trois traits.
Le travail d'abord. Tout du long de son
ministère, Jésus a insisté
expressément sur le devoir du travail. On le
comprend. La perspective, peut-être pas
éloignée, d'un dénouement
subit pourrait aisément entraîner
à l'inaction béate, à une
attente les bras croisés. L'Église,
dès les premiers siècles, a commis
cette erreur et a dû être
rappelée à l'ordre par les
apôtres. Non ! personne ne doit rester oisif.
Le Maître ne reviendra pas que l'ouvrage par
lui donné ne soit achevé à ses
yeux. Le Maître entend trouver - surprendre
s'il le faut - ses serviteurs au travail.
Espérons donc, mais travaillons,
travaillons, travaillons. La sainte besogne de
l'amour et de la foi nous réclame. Rien
n'est plus beau que de s'y vouer avec le grand
espoir permis.
Après le travail, l'état
de veille. Que de fois Jésus a relevé
la nécessité de veiller. Il faut
veiller parce que l'exercice d'une patience
prolongée est guetté par
l'assoupissement ou la distraction. Ne permettons
pas à nos âmes de se lasser. Que ni
soucis ni bien-être, ni labeurs ni plaisirs
ne nous arrachent à notre attitude
foncière de gens qui attendent avec
ferveur.
Et puis, le caractère
inopiné de l'arrivée du Seigneur
invite les disciples à être
constamment sur leurs gardes. Jésus, avec
cette audace d'expression qui nous enchante,
compare sa venue à l'irruption soudaine d'un
voleur, dans la nuit. La même attention
aiguë que prête au moindre bruit le chef
de famille qui redoute une effraction, se
retrouve,
transposée du domaine de la crainte dans
celui de la joie, au coeur du croyant.
Le travail, la vigilance, nous ajoutons
un dernier trait et nous le désignons d'un
mot qui est revenu vingt fois au cours de ces pages
: l'espérance.
L'espérance, non plus son contenu
seulement, mais sa valeur comme agent
d'équilibre moral. Oh! l'homme qui
espère! Quelle joie grave imprègne
son âme qui va au devant du bonheur! Quelle
force, au cours des heures noires! Quelle paix
toujours! Que donc l'espérance s'incarne
dans nos vies, et, céleste levain, en
pénètre la pâte. Qu'elle
rayonne de nos personnes. Qu'elle exalte nos
énergies. Qu'elle soit, enfin, la
lumière sereine du soir de la vie. Et cela,
jusqu'à ce qu'un jour, comblée, elle
se mue en bienheureuse possession.
À la victoire du Christ - disons
cet ultime sujet d'allégresse - ne
participeront pas seulement ceux de la
génération contemporaine de son
retour.
Il y a quelques années, on
célébrait, à Paris, une
fête de la victoire plus grandiose, sans
doute, que tout ce qu'on a jamais vu. Sous l'arc de
triomphe, les maréchaux de France aux sept
étoiles, passèrent en vainqueurs,
suivis des mutilés de la grande guerre et
des troupes de combat. Vous n'avez pas pu lire le
récit de cette journée, sans que
votre gorge en fût serrée
d'émotion. Mais il n'y avait, à cette
cérémonie, que quelques
représentants des armées
combattantes. L'immense majorité de ceux qui
souffrirent n'était pas là. Les
absents étaient innombrables et les morts
n'étaient rappelés que par un
catafalque solennel. Cette injustice inévitable
des victoires
humaines jetait une ombre sur toutes
choses.
Croyez-vous que, quand notre heure
sonnera, quand nous aurons, à notre tour,
non les fêtes brillantes d'une victoire
militaire, mais les liesses de l'amour et de la
sainteté, quand se formera le cortège
du Fils de l'homme entouré de ses
rachetés, quand les étoiles du
maréchalat seront remplacées par les
étoiles apocalyptiques, symboles des
Églises, alors, pensez-vous que des absents
et des morts manqueront à l'appel? Non, vous
dis-je. À la pacifique armée se
joindront les croyants de tous les âges. Nous
y serons, vivants ou ressuscités.
Ah! que pâlissent les plus belles
cérémonies de cette terre pour qui
réserve son coeur aux fêtes
triomphales du Christ de Dieu!
Haut les coeurs! dans la foi, dans
l'amour et dans l'espérance. Dans la
prière aussi, qui répète le
dernier voeu de la Bible : « Viens, Seigneur
Jésus! » et qui recueille la
réponse du Maître : « Oui, je
viens bientôt. »
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