Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

INTRODUCTION

La condition de la femme en Inde.

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Les moeurs de ce lointain pays assuraient autrefois à la femme un sort équitable. L'hindouisme, la vieille religion païenne de l'Inde, avait consacré, dans les Védas (1), la liberté de la compagne de l'homme, ainsi une gracieuse légende raconte l'histoire d'une princesse qui parcourut la contrée pour trouver l'époux de son choix. Mais dans des écrits plus récents le ton change : la sujétion et l'esclavage de la femme sont affirmés. Les parents marient leur fille très jeune, parfois à un homme beaucoup plus âgé qu'elle et toujours sans la consulter. « Que la femme soit sous l'autorité de son père dans son enfance, de son époux pendant sa jeunesse, de ses fils à la mort de celui-ci ; que la femme ne jouisse jamais de la liberté. » (Tiré de la loi de Manou.)

La plupart de ces victimes, plongées dans une stupide ignorance, acceptent leur destinée avec résignation. Quand on organise une école de jeunes filles la plupart des mères disent : « À quoi bon une école ? ma fille sait cuire le riz, cela lui suffira. » La femme du peuple est traitée comme une bête de somme ; celle de haute caste est prisonnière dans l'appartement qui lui est réservé : la zénana ; elle n'en sort pour ainsi dire jamais. Ainsi, dans la ville de Bombay, port de mer, un certain nombre de femmes, enfermées dans leurs demeures, n'ont jamais vu la mer ! L'une d'elles s'est comparée à la grenouille qui vit dans un puits et ne voit que les murs de celui-ci et un pan de ciel.


Un père désolé fait raser la chevelure de sa fille devenue veuve


La veuve hindoue.

Si misérable que soit la condition de l'épouse, elle n'est pas la pire. À peine un homme a-t-il rendu le dernier soupir que sa femme doit se dépouiller de ses colliers et bracelets et de ses vêtements pour porter le costume de la veuve. Dans plusieurs contrées, on l'oblige à faire tondre sa chevelure. jusqu'à la fin de sa vie elle sera la maudite. On l'évitera sur le chemin et à la maison on la chargera des plus humbles et des plus durs travaux. Même si elle est jeune, il lui est rigoureusement défendu de se remarier. L'homme assez audacieux pour braver ce préjugé et épouser une veuve est définitivement exclu de sa famille et de sa caste : « jusqu'à sa mort que la veuve ait une vie de souffrance, de contrainte et de chasteté et qu'elle soupire après l'accomplissement de la loi des veuves, qui n'ont qu'un seul mari, loi qui est la plus excellente. » (Tiré aussi de l'ouvrage cité plus haut).
D'autre part les veufs peuvent se remarier autant de fois qu'ils le désirent.


Jeune veuve devenue l'esclave de sa belle-mère

Naguère régnait une affreuse coutume, la sati ou suttee. « Si l'époux d'une femme vient à mourir, celle-ci mènera une vie de chasteté, sinon elle montera sur le bûcher pour être brûlée vive », ordonne le livre sacré de Vichnousmriti. Pas d'autre alternative que le veuvage strictement observé ou la mort dans les flammes. Un grand nombre de veuves furent ainsi consumées vivantes avec le cadavre de leur mari. Aux funérailles d'un roi ou d'un prince le même sort était réservé à toutes leurs épouses. Plusieurs Européens et, parmi eux quelques missionnaires, furent les témoins impuissants de ces drames. Les énergiques réclamations de ces derniers, entre autres de l'Écossais Carey, décidèrent le gouvernement de l'Inde anglaise à intervenir. En 1829, le vice-roi, Lord Bentink, interdit la sati en annonçant qu'il ferait poursuivre comme meurtriers et complices tous les acteurs et témoins de ces horribles spectacles. Cet acte de fermeté mit fin à l'antique coutume.

Malheureusement ce décret ne put donner à la veuve la situation à laquelle elle a droit. Le mépris dont on l'entourait à subsisté ; elle est aujourd'hui comme autrefois l'être souillé que l'on tiendra à l'écart aussi longtemps qu'elle vivra. Au Pundiab, ceux qui la rencontrent crient : « Sortez du chemin de la maudite. » À cause des mariages précoces, des milliers de fillettes et même de bébés sont déjà veuves et ne connaîtront jamais les joies de la famille. On comptait en Inde (en 1893) 23 millions de veuves dont 64 000 au-dessous de neuf ans et 13 000 au-dessous de quatre ans. Actuellement la population est de 319 millions d'habitants.


Qui enverra le secours ?

Les missions chrétiennes luttent contre ces injustices. Des dames missionnaires fondent des asiles et des orphelinats pour recueillir ces pauvres victimes et leur procurer un gagne-pain honorable. Il était réservé à l'une de celles-ci de s'occuper de ses soeurs avec un remarquable succès. La mentalité formée par une vie malheureuse est si particulière que seule une veuve peut la comprendre parfaitement et apporter une aide efficace. Nous pouvons même affirmer que cette personne fut un instrument choisi par Dieu pour une tâche éminente, instrument qu'Il prépara en le faisant passer au creuset des privations, des souffrances et des deuils. Son nom est Ramabaï, vraie fille de l'Inde, qui a entrepris la lutte libératrice en faveur de la veuve souffre-douleur, dont « les jours ne sont qu'un chapelet de tortures, qu'une lente agonie de son âme. »

Pour la rédaction de cette biographie nous avons puisé de nombreux renseignements dans deux publications anglaises : A testimony, par Ramabaï elle-même, et P. Ramabai, the Story of her Life, par Helen S. Dyer, et nous nous sommes inspiré de deux excellents articles de la Bibliothèque universelle et Revue suisse : « La vie et le rôle de la femme hindoue » par V. de Floriant (1894) et - « Une école de veuves aux Indes », par J. Pictet (1906).

Parmi les autres publications parues sur le même sujet nous mentionnons celles de Mme William Monod, E. von Feilitzsch, P Ipsen et H. Riehm, qui sont bien documentées et ont toutes le même titre : « Pandita Ramabaï » et un bon article dans l'Annuaire de la Mission suisse aux Indes de 1923, signé F. Subilia.


1 Védas, livres sacrés des Hindous, recueils d'hymnes accompagnés de commentaires philosophiques. Le plus ancien est le Rig-Véda, rédigé en sanscrit entre l'an 2000 et l'an 1500 avant J.-C. 
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