Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE XV.

L'homme d'hier et l'homme de demain.

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Nul ne saurait prévoir ce que l'avenir réserve au maréchal Feng, et nul non plus ne saurait prédire comment se révélera l'énergie cachée dans son coeur. Mais nous savons que la foi est une force, et que "la prière fervente du juste a une grande efficace". Il est donc permis de dire que cet inconnu dépend, au moins en partie, de l'usage que nous ferons de cette puissance que Dieu a mise entre nos mains.

La situation à laquelle le maréchal Feng doit faire face est plus compliquée et angoissante qu'on ne le sait généralement. Jamais, sans doute, la corruption n'a été pire en Chine qu'aujourd'hui, et c'est naturellement autour des places ambitionnées à Pékin que se concentrent la corruption et les intrigues. Voilà des années que dure la guerre civile, et tout semble indiquer que l'on va au-devant de troubles plus graves encore. Le maréchal Feng aura besoin d'une sagesse supérieure pour discerner le sentier du devoir ; il lui faudra une grande mesure de la grâce de Dieu et beaucoup de courage.

D'autre part, malheureusement, les rapports entre la Chine et les puissances étrangères ne sont pas aussi cordiaux qu'on pourrait le désirer. Tous les liens qui unissent la Chine aux nations occidentales sont gravement menacés par la marée montante de l'anarchie et du désordre. Si les puissances parviennent encore à obliger la Chine à se plier aux diverses clauses des traités, c'est aux dépens de la cordialité des relations, et cela parce que certains de ces traités n'ont été signés par la Chine qu'à contre-coeur et sous la contrainte de la "force majeure".

Il ne faut pas oublier que depuis la révolte des Boxers, en 1900, les légations étrangères à Pékin ressemblent à un camp protégé par les armes. Nous pourrions nous demander quels seraient les sentiments des Anglais s'il y avait au coeur de Londres une forteresse occupée par des gardes étrangers. Le maréchal Feng a été récemment accusé d'avoir tenté de passer par-dessus les ordonnances policières établies pour le quartier des légations étrangères à Pékin. Il y a là sans doute un incident regrettable ; mais qu'il nous soit permis de demander, par exemple, ce qu'aurait ressenti Lord Kitchener au cas où son automobile eût été arrêtée au milieu de Londres par un agent de police au service des autorités chinoises. Il n'est pas nécessaire de faire un grand effort d'imagination pour se représenter qu'un procédé pareil peut paraître une provocation.

Si nous disons deux mots de ce qui vexe les Chinois de Pékin, c'est pour que nos lecteurs se rendent mieux compte des difficultés au milieu desquelles se trouve le maréchal Feng. Comme citoyen chinois, il ne peut qu'être embarrassé et troublé par le labyrinthe politique dans lequel il est engagé, et comme patriote ardent il peut bien être tenté de s'irriter contre l'emploi que les puissances font de la force pour soutenir les droits des traités.

Nous devons maintenant laisser inachevée cette histoire émouvante. Nous en avons dit assez pour montrer que le maréchal, placé comme il l'est au milieu des complications et des luttes de la Chine, occupe un poste extrêmement périlleux. N'oublions donc pas que la suite de cette vie dépend, dans une large mesure, de notre fidélité à remplir le devoir de l'intercession.




APPENDICES.

Le maréchal Feng. (1)

M. Hoste, avec l'amiral Sir James Startin, qui visitait la Chine, a fait récemment un séjour à Pékin. Ils passèrent quelques heures dans le camp du maréchal Feng, avec lequel ils prirent un repas. Celui-ci organisa une réunion qu'il présida lui-même et à laquelle il avait invité trois cent cinquante de ses officiers supérieurs, y compris trois généraux. Les deux hôtes furent invités à prendre la parole. À ce sujet M. Hoste écrit :
"Ce jour fut l'un des plus impressionnants de ma vie ; je quittai le camp persuadé, plus que jamais, que Feng et le mouvement qu'il dirige sont inspirés de Dieu et constituent l'un des événements les plus remarquables, sinon un fait unique, dans l'histoire de la chrétienté."

Mme Goforth, missionnaire en Chine, publie à son tour les lignes suivantes :
"On raconte que Tsao-Kun, Président de la Chine, avait offert la main de sa fille au maréchal Feng, qui était veuf ; mais celui-ci refusa et choisit lui-même pour fiancée une jeune chrétienne de Pékin, professeur dans les Unions chrétiennes de jeunes filles. Cette nouvelle a plus d'importance que ne pourrait le supposer le lecteur européen. Si Feng avait accepté la proposition du Président, et épousé ainsi une païenne, il aurait eu de l'avancement, de l'appui pour ses troupes et du prestige parmi les grands et les puissants .... Le Président est très riche, un refus peut le blesser et le rendre hostile. Nous pouvons nous représenter combien grande fut, probablement, la tentation d'accepter cette offre en nous rappelant que Feng et son armée furent, plusieurs années durant, dans la gêne, les soldats comptant sur leur chef pour subvenir à leur subsistance et à celle de leurs familles qui souffraient de la faim ; mais Feng est avant tout chrétien.

Il se fût compromis aux yeux de ses hommes et du peuple s'il avait épousé une personne élevée dans le paganisme et accoutumée au faste. Mais, grâce. à Dieu, il a choisi une meilleure part. Connaissant les Chinois comme je les connais, je ne puis me représenter un acte plus convaincant de la sincérité de Feng, pour ses 30,000 soldats, dont 18,000 sont baptisés, que ce refus d'épouser une païenne riche et de choisir plutôt une humble chrétienne qui gagnait dix dollars par mois."

 

Avec l'armée chrétienne chinoise
par George T. B. Davis.

Un Américain, M. Davis, eut le privilège de faire dernièrement une campagne d'évangélisation dans les troupes de Feng. Il en rendit compte de la manière suivante. (2)

"Après avoir séjourné quatre mois à Pékin et observé cette armée, du simple soldat jusqu'au commandant en chef, je puis, comme la reine de Séba, qui avait fait un long voyage pour voir un roi fameux, m'écrier : "On ne m'en avait point raconté la moitié."

Plus j'étudie ces hommes, plus j'en suis émerveillé. Réfléchissez donc : Il y a une douzaine d'années un major, du nom de Feng, qui avait cinq cents hommes sous ses ordres, se convertit. Comme il lui était interdit de leur prêcher Christ dans les casernes, il les envoya au culte dans les églises de la ville. Aujourd'hui cet officier est le défenseur de la capitale, et son armée, aux deux tiers chrétienne, travaille à l'établissement de la justice en Chine. Elle est remarquable au point de vue moral et spirituel : "C'est de l'Éternel que cela est venu, c'est une chose merveilleuse à nos yeux." Ps. CXVIII : 23.

 

Une école chrétienne.

Un officier américain, après avoir passé deux semaines auprès des troupes de Feng, déclara :
"Voilà les meilleurs soldats de la Chine." Ce n'est pas seulement une force militaire, mais aussi une école dont les élèves sont instruits au point de vue physique, professionnel, intellectuel et spirituel. Ces soldats-étudiants travaillent ainsi pendant trois ans, sans vacances ; ce qui équivaut à quatre années de collège.
De l'heure de la diane à celle de la retraite, chacun est occupé. En été, on se lève à quatre heures du matin pour commencer la journée par un culte en plein air. Le capitaine de chaque compagnie entonne un cantique, puis les têtes s'inclinent pendant qu'un gradé ou un simple soldat prie à haute voix pour implorer la bénédiction divine.

Viennent ensuite les exercices corporels. Pendant vingt minutes les hommes, en courant, escaladent de curieux talus afin d'apprendre à gravir les montagnes et de s'assouplir les muscles.

Puis viennent les exercices militaires proprement dits, des travaux d'artisans, des leçons d'instruction primaire, des lectures de morale, puis le culte de midi, et ainsi de suite, du matin au soir, alternent l'étude, les exercices et les services religieux.

 

Aptitudes physiques.

L'armée de Feng est parvenue à un degré remarquable d'entraînement. Les hommes renoncent à l'immoralité, à l'alcool et au tabac ; ils sont alertes et fortement musclés, de vrais athlètes ; leurs regards sont clairs (comme ceux des gens honnêtes et qui ne prennent pas d'opium). Un amiral anglais, qui passa par Pékin, fut impressionné par les corps vigoureux de ces soldats et ravi par leur souplesse aux exercices de gymnastique.

L'une des particularités de cette troupe est le travail professionnel. Il fut introduit par le général, qui voulait que tout homme, une fois licencié du service militaire, eût un métier. Quand vous visitez les casernes, vous pouvez voir des jeunes soldats qui fabriquent des souliers, d'autres qui cousent des habits ou tricotent des bas, tissent des tapis, font des chaises ou d'autres meubles.

Vous seriez encore plus étonné de l'activité spirituelle. Dans mes premières visites au camp, je fus impressionné par la vue des centaines d'hommes qui chantaient des cantiques en entrant au réfectoire pour prendre leur repas et qui, la tête inclinée, prononçaient une fervente prière. Imaginez ma surprise quand j'appris qu'il en était chaque jour ainsi !

Une autre scène me frappa davantage. L'heure de midi est annoncée par un coup de canon. Dix minutes après, les hommes, réunis par compagnies devant leurs quartiers, entendent une lecture biblique suivie d'une prière. Le service est dirigé par le capitaine, ou parfois, pour varier, chaque compagnie est divisée en groupes confiés à des sous-officiers qui font de véritables cultes de famille.

 

Une armée qui chante.

Les cantiques sont aimés de tous ; vous entendez leurs accords le matin, à midi et le soir, aux heures des cultes, avant les repas et pendant la marche. Le chant préféré commence par les mots : "En avant, soldats chrétiens." D'autres ont aussi les faveurs des troupiers : "Debout, debout pour Jésus" ; "Vous qui sur la terre habitez" ; "Oh ! jour heureux."

Ce fut une joie et un privilège que de travailler au milieu de ces hommes pour leur prêcher la Parole de Dieu. Avant notre départ pour la Chine nous avions demandé qu'on intercédât auprès du Seigneur pour la réussite de notre entreprise. Notre appel, adressé par circulaires à vingt mille personnes de plusieurs pays, a été entendu et nous a donné l'occasion de glorifier l'Éternel. À notre arrivée, le maréchal Feng nous avait fait le meilleur accueil et nous avait encouragés dans notre campagne d'évangélisation.

 

Au service de Christ

Jamais je n'oublierai un culte auquel prirent part quatre mille hommes réunis en plein air par une journée splendide. Placé avec mon interprète sur une tribune, je pus constater l'attention de tous les assistants : l'Esprit de Dieu agissait sur les consciences. Quand je demandai qui voulait être chrétien, tant de mains se levèrent que je crus à une erreur. Mon traducteur répéta la question et, à ma grande joie, des centaines de mains se levèrent de nouveau, scène admirable suivie d'émouvantes déclarations de foi chrétienne. Puis le général Chang, chef de cette brigade, adressa une sérieuse exhortation et pria pour ceux qui venaient de faire profession de christianisme.

Une distribution de Nouveaux Testaments clôtura ce culte. Les hommes s'approchèrent par compagnies, en chantant des cantiques, et des majors remirent à chacun son exemplaire. Après une brève allocution et une prière incisive de Chang, les hommes reçurent l'ordre de tenir leur Testament au dessus de leur tête, ouvert au passage Il Timothée II : 15.

"Efforce-toi de te présenter devant Dieu comme un homme éprouvé, un ouvrier qui n'a point à rougir et qui dispense avec droiture la Parole de la vérité."

Ce spectacle incomparable, cette multitude de Testaments ouverts, me fit tressaillir de joie et me donna une vision des temps où la terre entière connaîtra l'Éternel."


1 Tiré de la revue China's Millions, numéro de juillet 1924. 


2 Résumé d'un article paru dans la revue The Life of Faith.
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