Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Chapitre cinquième

MISSION ET NOUS

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 Ces quelques pages voulaient nous aider à sortir de nous-mêmes pour aller à la rencontre de ce peuple, de cette Église et de ces missionnaires du Laos.
Et maintenant, riches de cette présence, de cet appel, quelle sera notre réponse ? Impossible de conclure, c'est-à-dire de clore ! Mais, comme nous sommes entrés dans cette tâche missionnaire en la considérant comme « notre tâche », nous ne pouvons maintenant que poursuivre dans une vocation missionnaire vécue. Nous nous retrouvons ainsi en face de nous-mêmes, au coeur du thème qui nous a introduit à cette « Découverte du Champ Missionnaire ». Nous sentons bien en effet que, en Jésus-Christ, la seule conclusion possible, c'est nous-mêmes, la décision renouvelée de notre propre engagement où l'on paie de sa personne, où l'on se « donne d'abord soi-même ».


VOUS SEREZ MES TÉMOINS

« Vous recevrez la puissance du Saint-Esprit et vous serez mes témoins, à Jérusalem, ... et jusqu'aux extrémités de la terre » (Actes 1. 8). Tel est l'ordre de « mission » transmis par le Seigneur à Son Église naissante ; telle est la véritable vocation de celle-ci, vocation missionnaire par excellence : « Comme tu m'as envoyé dans le monde, je les ai aussi envoyés dans le monde ». (Jean 17.18.)
Elle n'est pas réservée à une élite, à quelques spécialistes, cette mission du Seigneur, mais à tous les croyants, tant il est vrai que tous reçurent et reçoivent le Saint-Esprit.

Elle n'est pas non plus limitée à la seule prédication orale de l'Évangile, mais elle participe certainement aux multiples expressions d'un témoignage orienté vers le service et la glorification de Dieu : bienfaisance, éducation, arts, culture, travail, cité, peuvent connaître une telle orientation. Ainsi Ambroise Paré, Cyrus, J. S. Bach ou Souphine se trouvent également dans la vocation du témoignage au sens divin et illimité du mot.

L'accomplissement de la promesse, l'effusion du Saint-Esprit engendrera alors l'Eglise, l'Eglise dont il crée l'unité, « l'unité de l'Esprit » et la diversité, la diversité des « dons et des ministères qu'il distribue à chacun ». Oui, « vous êtes le Corps de Christ, vous êtes Christ », va jusqu'à affirmer le grand missionnaire Paul saisi par la révélation lumineuse et irradiante de l'Eglise, de l'Eglise qui se manifeste et prend ce visage bien visible et bien incarné dans la communauté chrétienne, telle celle de Corinthe (1 Cor. 12). (1)

Ainsi, ce témoignage auquel tous participent comme à un « sacerdoce universel », loin de conduire à un individualisme désordonné et superbe, semble s'inscrire tout entier dans la perspective d'une communauté chrétienne constituée et vivante. C'est tous ensemble que nous sommes le Corps de Christ, sa présence visible et agissante dans ce monde et pour ce monde, tous ensemble dans cette harmonieuse mise en commun de révélations, de dons, de charges et de fonctions « confiés à chacun en vue de l'utilité. commune » (1 Cor. 12). Écarter un membre du corps comme le laisser se manifester lui seul exclusivement, c'est amputer ou défigurer l'expression accomplie de la Personne de Christ dans l'Eglise, dans la communauté.

Par son indissoluble unité, elle est de son Seigneur l'irrésistible présence capable d'appeler le monde à la foi : « Qu'ils soient parfaitement un, insiste Jésus, afin que le monde croie » (Jean 17).

Par son infinie diversité, Jésus-Christ se manifeste, et dans la communauté, et dans le monde : les évangélistes, les envoyés... ne le font-ils pas connaître au monde, et les prophètes, docteurs, pasteurs... à l'église ? « ... Jusqu'à ce que nous soyons tous parvenus à l'unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu » (Eph. 4).

Affirmer que l'Eglise est, par définition, missionnaire, c'est-à-dire la présence agissante de Christ dans ce monde, n'est donc pas une manière de parler ; c'est là sa vocation essentielle. Or cette vocation s'impose à chacun de nous, irrésistible, car c'est Dieu qui nous l'adresse en Jésus-Christ, tel est son dessein. La fuir, c'est perdre notre raison d'être. Ne serait-ce pas cesser d'être Son Église ?

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VOCATION MISSIONNAIRE DE LA COMMUNAUTÉ CHRÉTIENNE

Nous désirons l'entendre dans l'assemblée locale, cette vocation de l'Eglise, relative à sa responsabilité missionnaire en terre païenne. Nous limiterons maintenant nos réflexions à ce seul aspect de son témoignage, celui qu'évoque pour nous le mot de « mission », celui que nous avons vécu dans cette découverte du champ missionnaire. Il va sans dire que cet aspect particulier du ministère d'une communauté ne saurait voiler ou exclure les autres manifestations également importantes de son témoignage : adoration, enseignement, évangélisation, bonnes oeuvres, etc.

Pour répondre vraiment à notre vocation missionnaire, comme église, ne serait-il pas nécessaire de réviser une conception par trop individualiste de la « mission » ? Nous nous surprenons à considérer la tâche missionnaire comme relevant des missionnaires eux seuls : Après tout, ils accomplissent leur travail, pour lequel Dieu les a choisis et envoyés ; évidemment, il est nécessaire de les aider... Et les plus engagés prieront régulièrement pour eux et consentiront à de réels sacrifices financiers en leur faveur. Ces gestes d'intérêt fidèle ne s'éclairent-ils pas d'une signification plus haute encore ?

En effet, il ne s'agit pas tellement d'aider les missionnaires ou d'être spirituellement avancé en priant pour eux ; mais, étant un même corps avec eux, il s'agit plutôt de nous aider mutuellement, chacun pour sa part de responsabilité et de service, à accomplir ensemble en témoignage de Christ. Ainsi, c'est au travers de la communauté que le missionnaire devient réellement l'envoyé du Saint-Esprit pour accomplir avec nous et de notre part le même ordre de mission, mais plus loin ; son travail nous appartient, comme ses joies, ses peines ; nos combats et nos prières se rejoignent et se confondent. Il est, très concrètement, dans ce corps de l'assemblée et de l'Eglise, la main tendue jusqu'aux extrémités de la terre pour son salut.

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NOTRE COMMUNAUTÉ SERA MISSIONNAIRE MAIS EN FAVEUR DE QUELS CHAMPS ?

Nous sommes tous convaincus que la responsabilité d'apporter le nom de Jésus-Christ dans le monde entier appartient à l'Eglise, et à l'Eglise tout entière. Tous aussi, nous croyons à une vocation individuelle qui s'oriente vers tel champ missionnaire. Ce jeune homme, ou cette jeune fille, saisi d'un tel appel, sera pris au sérieux par toute la communauté et il se verra finalement envoyé dans une région bien déterminée du monde. Ainsi, nous croyons à la vocation missionnaire, et de l'Eglise universelle pour le monde entier, et de l'individu pour tel champ dans ce monde.

Mais l'assemblée, l'église locale, quelle sera son rôle ? Sera-t-elle missionnaire, responsable pour sa part de porter le témoignage de l'Évangile dans le monde ? Certainement puisqu'elle est une manifestation partielle et agissante de l'Eglise universelle. Si donc elle est missionnaire, sera-ce pour le monde entier en général, ou pour tels champs dans ce monde ? Et nous éprouvons alors une insurmontable difficulté à définir concrètement les responsabilités missionnaires de notre communauté locale. Et pourtant, il le faut si elle veut répondre, outre les services qui lui incombent, à celui de sa mission en terre païenne.

Comment y répondre ? Devra-t-elle disperser ses forces spirituelles et financières dans le monde entier ? Ou bien se limiter exclusivement et jalousement à un champ, à une oeuvre ? Ou bien s'intéresser occasionnellement à une tâche ou à une autre, au gré d'un sentiment, d'une sympathie, d'un enthousiasme, ou sous l'émotion du passage d'une brillante personnalité ? Ou bien suivre un service, puis un autre, libre de le lâcher pour un autre encore ? Combien est louable cette recherche qui n'attend pas la pleine lumière pour agir. Mais il semble pourtant qu'une voie plus stable, plus logique et spirituelle aussi doit s'ouvrir devant une communauté désireuse de réaliser pleinement sa vocation :
Si Dieu appelle une assemblée à des responsabilités missionnaires en terre païenne, il paraîtrait étonnant que cette vocation ne l'engage pas dans des tâches précises.

Il semble tout d'abord que le Saint-Esprit entraîne l'intérêt et l'intercession de toute la communauté dans le service de chacun de ses membres ; elle suivra donc le missionnaire sorti de son sein.
De plus, si la vocation d'un membre se découvre et se confirme dans la prière, jusqu'à ce que le Saint-Esprit comble cette recherche de lumière et de certitude, en serait-il autrement pour la vocation de l'assemblée comme telle ? Ne serait-ce pas dans la prière commune et dans une attentive recherche que son Seigneur lui montrera en faveur de quelles tâches et de quels champs Il l'appelle à servir et à être missionnaire ?

Nous constatons en outre que toute vocation impose à l'individu le sacrifice des autres services : impossible d'être simultanément et pleinement « pasteurs, docteurs, évangélistes... », de servir en Suisse et en Indochine, d'assurer à la fois la marche d'une école biblique, d'une imprimerie et d'un hôpital. L'obéissance réside, non dans la dispersion, mais dans la concentration de l'effort : « Archippe, remplis bien le ministère que tu as reçu » et toi, Timothée « occupe-toi de ces choses, donne-toi tout entier à elles » (cf. Col. 4. 17 ; I Tim. 4. 15 ; Rom. 12. 6-8). Or si les membres sont ainsi limités dans l'espace et dans le temps, la communauté qu'ils constituent le sera également. Comme eux, elle devra accepter ses limitations, comme eux, juger toute dispersion inconsidérée comme une infidélité. Pour elle aussi, c'est une tentation de vouloir tout faire pour ne faire finalement rien, de se dissoudre dans une action tellement générale et imprécise qu'elle n'engage souvent en rien et permet parfois d'y noyer son infidélité et de se soustraire à des tâches concrètes. La communauté aussi devra inévitablement sortir de l'anonymat « d'Eglise missionnaire pour le monde entier » pour recevoir enfin de son Seigneur les services précis à travers lesquels Il peut l'appeler à être missionnaire.

Découvrir, comme assemblée, en faveur de quels champs son Seigneur l'appelle à vivre sa vocation missionnaire, semble être de la plus haute importance pour elle.

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COMMENT NOTRE COMMUNAUTÉ SERA-T-ELLE MISSIONNAIRE ?

Dans ce premier contact avec elle, la mission au Laos m'a beaucoup impressionné : vous restez comme écrasés par l'envergure et la diversité de la tâche, par l'entreprise énorme que représente un témoignage complet et efficace de l'Évangile dans un monde non christianisé. La conviction vous gagne, et vous saisit :

À cette vraie mesure, la vocation missionnaire de l'assemblée et de l'Eglise est d'une nécessité vitale ; seuls, ces missionnaires ne peuvent soutenir un pareil combat ; pour nous comme pour eux, cette vocation ne laisse plus de place à une action occasionnelle et superficielle. Et nous réalisons alors qu'il n'y aurait pas deux manières d'appartenir à Dieu, une totale et permanente pour ceux qui sont partis, et une relative et occasionnelle pour ceux qui restent au pays ; non, nous sommes tous et au même titre « achetés pour Dieu par le sang de Christ » pour servir ensemble. La joie du service et la grâce du sacrifice nous sont accordées comme à eux. Il s'agit bien d'un engagement total et très coûteux pour une tâche, glorieuse en vérité. Sommes-nous prêts à notre tour, à tout perdre pour tout retrouver ? Si oui, en dépit de nos doutes et de nos défaillances, ceux qu'ont éprouvés les disciples et tant d'autres après eux, répondons, comme assemblée et comme Église à la tâche demandée ; mettons toute notre intelligence, tout notre amour, toute notre prière pour prendre conscience de la nature et de l'ampleur de ce ministère.
En faveur de champs missionnaires auxquels elle se sait ainsi liée, la communauté chrétienne semble engagée dans trois services distincts : la prière, les vocations et la libéralité.

La prière
En elle réside le secret d'une action missionnaire solide et conquérante ; tous les hommes de Dieu en terre de mission s'accordent pour en témoigner avec insistance.
En prenant conscience des obstacles presque insurmontables que rencontre la pénétration de l'Évangile au Laos, vous êtes parfois envahis par une profonde détresse, qui se change finalement en une profonde conviction : seule la prière pourra ! Elle pourra ce que tous les efforts, toutes les prédications, toutes les visites, toutes les tournées, toutes les méthodes, toutes les larmes, tous les sacrifices même ne peuvent pas ; elle pourra ouvrir la brèche dans ce mur d'indifférence laotienne, elle pourra illuminer les coeurs enténébrés par le péché, asservis à la crainte des esprits ; elle pourra recréer les besoins spirituels annihilés par le bouddhisme ; parce que, « tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, je le ferai », nous dit Jésus. (Jean 14.13.) Mais, cette prière personnelle et collective, il la faut constante et engagée, il la faut nourrie d'une information non moins continuelle et complète. Il faut même qu'elle connaisse l'ardeur d'un véritable combat à genoux, et même parfois l'austérité du jeûne.

Les vocations
« Priez le Seigneur de pousser des ouvriers dans Sa moisson. »
Devons-nous attendre du Saint-Esprit seul ou de l'église aussi l'envoi de nouveaux ouvriers ? Question délicate entre toutes où les deux réponses extrêmes sont également incomplètes, voire dangereuses. Là aussi, l'humain et le divin se rencontrent et communient. En Actes 13. 1-2, le Saint-Esprit ordonne et l'assemblée exécute ; en fait le Saint-Esprit envoie par l'intermédiaire de la communauté, par le service de « prophètes et de docteurs », précise le texte. Est-ce trop d'affirmer que si l'église est véritablement missionnaire, ce sera toujours dans son sein et en communion avec les frères qu'un nouvel « envoyé » sera trouvé et qu'il partira ? En effet, le Saint-Esprit ne semble pas agir en marge ou en dépit de l'ensemble de la communauté, pour en isoler un individu libre ensuite d'agir à sa guise.

Plusieurs années encore après un appel bien personnel et combien indispensable, Paul, sans y avoir encore effectivement répondu, sert avec ses frères dans l'église d'Antioche. C'est dans cette communauté, à ses membres alors en train de servir et de jeûner, que le Saint-Esprit manifeste et confie son ordre : « Mettez-moi à part Saul et Barnabas » ... ; cet ordre, tous l'entendent et le reconnaissent pour y obéir alors et les laisser aller.

Le jeûne, la prière, l'imposition des mains, par lesquels ils sont « recommandés à la grâce de Dieu », revêtent une signification des plus joyeuses et des plus solennelles. Nous sommes tentés d'oublier le sens, voire la nécessité d'un tel service lors d'un départ missionnaire. Il exprime et consacre manifestement les liens internes et vivants attachant la communauté à ses envoyés, les envoyés à la communauté. Ceci est si vrai que c'est à elle qu'ils reviendront, ces premiers missionnaires, pour « convoquer l'église et raconter tout « que Dieu avait fait par eux », car leur service l'intéresse et même lui appartient. (Actes 14. 26-28). Leur second départ, pour Jérusalem alors, semble marqué par une plus grande solidarité encore avec l'église d'Antioche. Cette fois, ce sont les frères qui en « décident », et l'église, entraînée sur les traces de ses envoyés sort de ses portes pour les accompagner : signe combien émouvant et concret de son engagement communautaire avec eux. Le troisième départ avec son lamentable échec, montre à quel point la règle ne semble pas supporter d'exceptions ; Paul et Barnabas paraissent agir en marge de l'assemblée, sans la consulter ; mais, c'est très vite l'impasse, la dissension ; il faudra s'arrêter, revenir à la communauté pour vivre un véritable départ « recommandés par les frères à la grâce de Dieu » (Actes 15. 36-41).

Il peut arriver qu'une église, quoique vivante, et peut-être parce qu'elle est vivante, n'entende pas et ne puisse reconnaître un appel présumé d'un de ses membres. Il peut arriver qu'un « appelé », sans cesser de « servir », doive attendre l'éveil de l'assemblée à la responsabilité missionnaire qui l'a saisi, lui, depuis fort longtemps. Serait-ce le cas de Saul à Antioche ? C'est alors qu'il faudra vivre humblement cette « soumission mutuelle dans la crainte de Christ » (Eph. 4. 17), et continuer à « servir ensemble le Seigneur » dans l'assemblée, sans cesser d'être disponibles, à l'écoute du Saint-Esprit.
Oui, c'est vrai, le Saint-Esprit parle dans la communauté chrétienne : servons, écoutons, obéissons.
Et la communauté a certainement une lourde et nécessaire responsabilité envers la vocation d'un de ses membres : son contrôle sera une sauvegarde.

La libéralité
Dans le travail et l'usage des richesses, y a-t-il une plus grande sécurité, un plus grand repos que de reconnaître notre véritable condition en Jésus-Christ, celle de gérants laborieux et fidèles de biens qui lui appartiennent ; qui lui appartiennent au même titre que nous-mêmes et que toute la création ?

Ne craignons donc pas de tout lui confier, de lui dire « Seigneur », aussi sur nos champs, sur notre industrie, sur notre commerce, à mon bureau, à mon atelier, à ma cuisine ; Dieu est sage, Il connaît, mieux que moi encore, le capital nécessaire à la bonne marche de l'entreprise qu'Il me confie ; Il me demande également d'assurer, par mon travail, l'éducation de mes enfants. Oui, je saurai découvrir, dans la joie et la liberté, ce que librement Dieu attend de moi.

Le travail matériel peut donc également participer à une véritable vocation missionnaire : « Il faut travailler, déclare l'apôtre Paul, afin de pouvoir donner. Donner en faveur des pauvres ; donner en faveur des serviteurs et des envoyés » (cf. Actes 20.35 ; Gal. 6.6 ; 2 Cor.11.8-9). Tous, sont alors gérants des biens du Seigneur, soit au pays afin de donner pour Son service, soit en mission pour l'employer à Son service. La « fidélité de l'économe » est pour tous la grande joie de cette discipline. Il faut pourtant connaître l'aspect difficile et la souffrance morale du « recevoir » pour mieux croire à la parole du Seigneur « il y a plus de bonheur encore à donner ».

Information :
Ces trois fonctions de la communauté comme de l'Eglise relatives à la prière, aux vocations missionnaires et à la libéralité mettent en évidence la nécessité pour chaque assemblée d'un ministère semblable à celui de Tychique en faveur des églises de Colosses, d'Éphèse et de Laodicée. (Cf. Eph. 6 ; Col. 4). L'apôtre Paul l'envoie exprès dans ces églises pour les informer de tout ce qui concernait la petite équipe missionnaire et pour les mettre au fait de leur véritable situation. Cette communion effective entre les membres envoyés et l'église implique nécessairement cette information attentive et complète. Des prières précises, des vocations éclairées, une libéralité intelligente, tel en sera le résultat sous l'action de l'Esprit.
Ces trois fonctions ainsi manifestées et renouvelées semblent bien appartenir au service demandé à une église missionnaire.

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VICTOIRE DE LA FOI

« La marche par la foi » : beaucoup ont défini ainsi la ligne de conduite par excellence de tout serviteur de Dieu. Mais, il faut le reconnaître, cette définition est sujette à diverses interprétations plus ou moins différentes, parfois divergentes. Toutes contiennent leur valeur et sont dignes d'être pleinement respectées comme des convictions. Il ne nous appartient pas ici de définir ce qu'est cette marche par la foi individuelle, mais de nous demander si cette attitude de foi n'est pas proposée aussi à toute la communauté chrétienne.
En effet, ce privilège d'une marche dans l'entière dépendance d'un Dieu d'amour, qui sait et qui peut tout, appartient-il uniquement à quelques-uns ou à tous, à un membre isolé de l'assemblée ou au corps tout entier qu'elle représente ? Tous n'ont-ils pas abandonné des idoles pour servir le Dieu vivant et vrai ? (Cf. I Thess. 1. 9). La norme et les conditions de ce service ne seraient-elles donc pas les mêmes pour tous, pour la communauté comme pour l'envoyé ?

Ne serait-ce pas pour vivre ce partage intégral d'un même service et d'une marche ensemble que l'apôtre Paul réclame les prières des églises et a soin de les informer de tout ce qui le concernait, lui et ses compagnons d'oeuvre ?

Missionnaires, envoyés du Seigneur par nous, mon Église ! Dites-nous, à votre tour, tout ce qui vous concerne. Il nous appartient de porter avec vous ces fardeaux trop lourds. Le Seigneur nous appelle à partager vos angoisses spirituelles dans l'intercession, comme vos joies dans l'action de grâces. Le Seigneur nous appelle à partager votre situation financière réelle et vos humaines détresses. Le Seigneur nous appelle à supplier avec vous le Maître de la moisson pour de nouveaux ouvriers, par la prière et la disponibilité de nos personnes. À cette vie de service, il nous appelle avec vous. Aussi, votre angoisse devient la nôtre, devant les besoins spirituels illimités, les exigences matérielles sans cesse croissantes.... et il faut encore de nouveaux ouvriers pour la relève et pour de nouveaux et impérieux services. Oui, notre trouble est grand, et vous n'êtes plus seuls à être débordés de toutes parts, parfois écrasés.

Mais, la foi, la foi en un Seigneur tout-puissant et fidèle, cette foi qui vous tient debout, sera pour nous aussi le seul refuge ; nos prières et nos supplications, et nos actions de grâces, se mêleront enfin aux vôtres.
Au service du Dieu vivant et vrai, nous partagerons ainsi avec vous une consécration entière, pour marcher ensemble par la foi.

« Sur les rives du Mékong, nous confie un missionnaire, j'ai vécu un moment de profonde détresse intérieure. C'était la saison chaude, et la maladie visitait encore notre foyer. Autour de moi, la présence dense et impénétrable du paganisme laotien m'enveloppait, et sous cette impression troublante, je prenais conscience de l'accomplissement décidément irréalisable d'une tâche déjà cinquantenaire et..., à peine commencée ! » Moment redoutable de dépression et de découragement.

L'ampleur matérielle de l'entreprise vous écrase, mais bien plus encore, l'intense et vaste combat spirituel qu'elle représente : de la traduction à la prédication, de la prédication à la naissance d'une Église, de -sa naissance à sa majorité spirituelle, et puis, il ne s'agit là que d'une poignée de Laotiens d'une classe sociale modeste et fort restreinte.... et c'est toutes les couches de la population que l'Evangile doit encore pénétrer... Alors se dresse à vos yeux le spectre troublant du paganisme : ce visage muet et impénétrable du bouddhisme, cet animisme inextirpable, tissé à l'âme du peuple.... et vous êtes saisis, submergés par cette atmosphère stagnante d'indifférence et d'idolâtrie.

Tout cela vous impressionne, vous terrasse même s'il était possible ; et vous restez troublé par le doute, devant l'apparente impuissance de l'Evangile... « Qui es-tu, grande montagne, devant Jésus-Christ ? » s'écrie soudain la foi dans de telles extrémités...

Oui, Seigneur, nous prenons courage, car toi, tu as vaincu ce monde, et notre victoire, celle par laquelle il est vaincu, c'est notre foi, notre foi en ta victoire, ô Christ ! ... Et alors, le doute et le découragement sont constamment surmontés ; et alors, la conquête se poursuit inlassablement, la lente et glorieuse conquête du Laos pour Jésus-Christ.

Dans ce combat titanesque contre la puissance des ténèbres, ce combat terrible où nous ne sommes grands que de la grandeur de Jésus-Christ, le Seigneur nous honore en nous confiant un champ aussi ingrat et difficile, non, aussi attachant et magnifique, car, les victoires n'en sont que plus glorieuses, de la gloire même de Dieu.

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(1) Sans être absolus, nous comprenons par Église, le corps invisible dans l'espace et dans le temps de tous les croyants ; nous pensons aussi à la communion, au corps de l'ensemble des communautés chrétiennes. Par communauté, assemblée ou église, nous évoquons la manifestation visible, temporaire et locale de l'Eglise : la réunion des croyants d'un même lieu, à laquelle Jésus-Christ par sa présence accorde également ce caractère toujours complet de corps de Christ (Cf. 1. Cor. 12 et 14, concernant la communauté chrétienne). 
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