Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

AVANT-PROPOS

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Le Laos est au premier plan de l'actualité mondiale. Ce n'est guère un bon signe... Ce pays, peu connu encore, traverse des temps de trouble au moment où la Mission Évangélique Suisse au Bas-Laos vient de fêter son jubilé. C'est en effet en 1902 que deux pionniers quittaient la Suisse pour l'Indochine, remontaient le Mékong, et plantaient leur tente à Song-Khône, dans la province de Savannakhet.

En 1951, l'auteur de cette plaquette partait avec sa jeune femme et leur petit garçon pour cette terre lointaine où les appelait une vocation profonde. Hélas ! Madame Corthay, amenée au bord de la tombe par une maladie redoutable, devait bientôt regagner la Suisse. La petite famille rentrait au pays après un séjour de quelques mois seulement au Laos.
Mais Charles Corthay avait bien employé son temps. Il avait ouvert tout grands ses yeux, et enregistré une foule d'impressions. On trouvera dans cette brochure, résumées, ses remarques pénétrantes, ses préoccupations, ses espérances.

Tel de nos lecteurs ne manquera pas d'être touché, en lisant ces pages, par ce qu'ont accompli quelques hommes et quelques femmes dont la seule ambition était de faire connaître la Bonne Nouvelle de l'amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ.

C'est à sa gloire que cette plaquette a été écrite. Si, peut-être, vous faites aujourd'hui la « découverte » du Laos, voulez-vous réserver désormais dans votre cœur une place à cette mission, et prier pour ses ouvriers et pour les chrétiens laotiens, nos frères ? Ils en ont besoin plus que jamais. Et en leur nom nous vous disons
Merci.

Corsier-sur-Vevey, août 1953.

Georges Gaudibert
rédacteur de « Semailles et Moisson »

 


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INTRODUCTION

C'est sur la demande d'un groupe de frères anciens des Assemblées Évangéliques de la Suisse Romande que ce travail voit le jour.
Malheureusement, mon expérience missionnaire est des plus brèves et ma documentation fort insuffisante. Je demande donc au lecteur de limiter son attente à ce que le titre laisse entrevoir : une « découverte », avec tout ce que ce mot comprend d'impressions vives, nouvelles, mais nécessairement superficielles. Malgré sa sincérité, ce document restera relatif et incomplet.

En ce jubilé de la Mission Suisse au Laos, ce travail voudrait être un témoignage de reconnaissance envers Dieu et envers ses envoyés en ce lointain pays.
Il voudrait apprécier à nouveau l'honneur que Dieu fait à l'Eglise de lui confier ce service missionnaire, service qu'elle désire mieux connaître afin de le mieux remplir.

Si, dans le passé, des chrétiens d'Angleterre participaient par la prière et leurs dons à ce travail, actuellement une vingtaine de petites communautés évangéliques de notre pays en portent presque tout le poids, à côté d'autres activités et champs missionnaires en Suisse, en Guyane française, en France, en Afrique du Nord, etc.
Elles cherchent à grouper périodiquement les dons reçus et en confient la répartition à un collège de frères anciens (1).

Plusieurs hommes également se sont vu adresser vocation pour se faire les échos des besoins et des problèmes des deux champs missionnaires placés sous la responsabilité directe de ces communautés : le Laos et la Guyane française. Ils cherchent ainsi à constituer un lien tangible entre la Mission et l'Eglise, à l'effet d'en multiplier encore les fibres d'intérêt et de prière (2).
Ce lien ne saurait se limiter définitivement à ces quelques communautés ; le Seigneur de la moisson est libre de l'étendre à d'autres encore, tant il est vrai que l'ampleur de cette tâche missionnaire au Laos dépasse infiniment les forces qui s'y trouvent déjà engagées.

Ainsi, de même que ces assemblées n'ont pu se soustraire aux appels venus d'autres champs d'activité, lorsque Dieu les confirme dans la communauté, de même aussi elles ne peuvent qu'être ouvertes aux signes d'intérêt venus de l'Eglise en général. C'est ainsi que, tout récemment, se sont joints aux missionnaires suisses deux serviteurs étrangers portés par leur propre communauté, et que de nombreuses marques d'un vif intérêt missionnaire nous parviennent de tous les horizons géographiques et ecclésiastiques. Que Dieu en soit glorifié et rende féconds ces échanges au sein de son Eglise !

Le premier pas vers le champ missionnaire nous conduit à la redécouverte du sens étonnant de la « mission ».
Issu du latin comme apostolat l'est du grec, « mission » signifie en effet : envoi, envoi au loin ; il contient l'idée du service, du mandat confié à ceux qui sont ainsi « envoyés ».

Dans le Nouveau Testament, il s'agit bien d'un envoi, et du ministère de ces « envoyés ». Le Saint-Esprit envoie des membres de l'Eglise à travers l'engagement de la communauté chrétienne locale, cette expression visible et toujours complète de l'Eglise (Actes 13. 1-2). Corps de Christ, elle en est la présence dans ce monde et pour ce monde. Sa vie, sa raison d'être est précisément de manifester dans son sein et autour d'elle la Personne du Sauveur et du Seigneur de tous les hommes. Elle cesse d'être elle-même si elle cesse d'être missionnaire. Parce qu'elle est une communauté, le service missionnaire la concerne, elle, par ses propres membres « envoyés » ; en effet, sans cesser d'être « membres du corps », ces envoyés en sont au contraire les mains tendues et ouvertes 1 pour offrir à tous les hommes la grande nouvelle de Jésus-Christ par lequel Dieu veut les sauver pour les réunir à leur tour en églises et à l'Eglise.
C'est pourquoi « la mission » de ces envoyés est la nôtre ; aussi est-il essentiel de la bien connaître.

Comment concevoir et vivre ce service missionnaire en faveur du monde, et du « monde païen » en particulier ?
Pour être fidèle au dessein de Dieu, nous croyons que le témoignage missionnaire demande une expression complète de la foi chrétienne dans une société foncièrement païenne. Ainsi, au Laos, le Seigneur confirme le témoignage de l'Évangile en appelant à l'existence des assemblées ; mais ces églises sont composées d'hommes qui, pour autant, ne cessent pas d'appartenir à la grande communauté laotienne.

L'Évangile engendre, sinon une société nouvelle, du moins des hommes nouveaux ayant à vivre dans un milieu ancien. Ils continuent d'y élever leurs enfants, d'y exercer une profession privée ou publique, d'y cultiver leur rizière, de se mêler à la vie villageoise et nationale. « Vous êtes le sel de la terre ; vous êtes la lumière du monde », déclare Jésus. Loin d'être séparé de la terre corrompue, le sel ne doit-il pas y demeurer pour accomplir sa mission conservatrice ! Et n'est-ce pas dans les ténèbres les plus épaisses que la lumière manifestera son plus grand rayonnement ? « Sans être du monde, ils sont dans le monde. »
Il conviendra donc de découvrir au Laos aussi cette manière chrétienne d'éduquer ses enfants, de cultiver sa rizière, d'être médecin, ou caporal, ou coolie, de remplir ses devoirs sociaux ou civiques... A ce témoignage individuel s'ajouteront nécessairement ces institutions établies, expressions concrètes de l'amour de Dieu et du prochain : hôpitaux, orphelinats, léproseries, écoles.

Sans le savoir, nous vivons nous-mêmes au bénéfice de l'influence de l'Évangile. Les grands principes du droit et de la morale qui régissent notre société occidentale sont tout imprégnés de cette « salaison évangélique » ; et les grandes institutions médicales, sociales, scolaires, sont, du moins à l'origine, d'inspiration chrétienne. Le contraste qu'offre le monde païen, même civilisé, est à cet égard impressionnant et parfois désolant.

Ainsi, la mission évangélique, ce témoignage intégral de la personne de Jésus-Christ au sein du paganisme, trouvera toujours sa vocation essentielle dans la prédication de la personne de Jésus-Christ, pour la manifestation de son Eglise, son corps, son Épouse. Mais, comme cet Évangile envahit la vie totale du croyant « dans ce monde », la mission sera aussi préoccupée des formes multiples et éminemment pratiques à donner au témoignage chrétien envers le monde païen, dont il reste le sel et la lumière.

La découverte de la mission invite premièrement à celle du monde païen où elle se développe. Quand il veut semer, le paysan sait qu'il est essentiel de bien connaître sa terre : sa structure, son pouvoir nourricier ; il saura alors comment la préparer, et de quels soins entourer plus tard la jeune plante. La terre missionnaire, l'âme d'un peuple et l'âme de l'individu, méritent bien plus encore cette découverte attentive et patiente pour y confier l'immortelle semence de l'Évangile. Impossible de vraiment comprendre et suivre le travail missionnaire au Laos sans connaître et aimer les Laotiens. Pour se faire « tout à tous », comme le missionnaire Paul, comment s'identifier ainsi à ceux vers lesquels nous sommes envoyés, sans les connaître ? Le premier pas vers eux, « afin d'en gagner le plus grand nombre », n'est-ce pas de s'efforcer de découvrir, avec sympathie et respect, leur mentalité, leurs us et coutumes, leurs croyances, etc.
« Ce peuple, assis dans les ténèbres, a vu une grande lumière. » (Matth. 4.16.) « Tu as racheté pour Dieu, par ton sang, des hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple, de toute nation. » (Apoc. 5. 9.)

Placées dans le premier et le dernier livre du Nouveau Testament, ces deux prodigieuses déclarations sont les pôles de l'action missionnaire, son origine et sa conclusion. Elles semblent démontrer aussi à quel point Dieu pense à la présence particulière de tel peuple, telle nation, langue, tribu même. Il en sanctionne pour ainsi dire la personnalité, le génie propre.
Bien que dégradée elle aussi par la chute et la malédiction de Babel, la physionomie spécifique de chaque peuple exalte l'infinie diversité créatrice de Dieu dans la famille humaine. Il reste envers et contre tout « le Père duquel tire son nom toute famille dans les cieux et sur la terre » (Eph. 3. 15).
Allons ainsi à la découverte de ce peuple du Laos dans un esprit d'amour pour lui, et d'adoration envers le Père.


 

L'Indochine

(la surface noire représente le Bas-Laos, champ d'action de la mission.)

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1 Le Trait d'Union Missionnaire. 
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2 La Commission du Laos et de la Guyane...
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