Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE III

suite

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120. Les derniers discours de Jésus à ses disciples.

(Jean XIII, 33.)

 

Pendant que Jésus prend son dernier repas avec ses disciples, les rues de Jérusalem sont remplies d'une foule agitée. Tous pensent qu'ils ont attendu assez longtemps l'établissement du règne du Messie. Maintenant, le Seigneur a effectué son entrée royale à Jérusalem. Cet acte ne peut avoir d'autre signification que celle-ci : c'est que cette fête va enfin apporter la réalisation de toutes les espérances nourries depuis des siècles. Chacun dirige son attention avec la plus grande ardeur sur les événements qui sont sur le point de se dérouler. D'un autre côté, le Sanhédrin a déjà appris par le traître, que le moment est venu de saisir Jésus, sans que la population en ait eu le pressentiment. On pense que cette foule inconstante ne sera plus à craindre, dès que Jésus sera au pouvoir des autorités comme prisonnier d'État, et que, accusé de crimes dignes de mort, il sera jugé incapable de réaliser les espérances qu'on a fondées sur lui.

Jésus reste encore quelque temps dans la chambre haute où il a institué le repas d'amour, afin de préparer ses disciples aux terribles événements qui sont sur le point de se produire, et sous la pression desquels ils succomberaient, s'il ne leur témoignait un amour plus tendre que celui d'une mère. Il voit clairement les influences sataniques prêtes à envahir son âme. Les vagues de l'enfer menacent de l'engloutir, et il ne s'inquiète nullement de lui-même. Il ne pense qu'à ses chers enfants. C'est qu'il sait combien de tristesses et de douleurs fondront sur eux, orphelins, au milieu d'un monde qui va clouer leur Roi sur la croix. - Il commence par leur parler de sa prochaine disparition. Mes petits enfants, leur dit-il, je suis encore avec vous pour un peu de temps ; et comme je l'ai dit aux Juifs, je vous le dis aussi maintenant : Vous ne pouvez venir où je vais. Il lui tient extraordinairement à coeur que, pendant qu'ils seront privés de sa présence visible, ils soient unis les uns aux autres par le lien de l'amour. Je vous donne un commandement nouveau, que vous vous aimiez les uns les autres ; que, comme je vous ai aimés, vous vous aimiez aussi les uns les autres. C'est cet amour mutuel qui les consolera et les fortifiera dans les tentations, pendant qu'ils seront séparés de leur Maître. Lorsqu'il se sera glorifié en eux, ils pourront s'aimer les uns les autres. Et cet amour sera la marque à laquelle on reconnaîtra les vrais disciples de Jésus. Comme cette flamme de l'amour brilla plus tard dans la nuit du paganisme ! Les païens ne pouvaient se soustraire à l'admiration que cet amour leur inspirait, et étaient obligés de s'écrier : Voyez comme ils s'aiment !

Cependant Pierre ne peut pas encore comprendre cette parole de Jésus. Seigneur, lui dit-il, où vas-tu ? Jésus lui répondit : Tu ne saurais me suivre où je vais, mais tu me suivras ci-après. Pierre lui dit: Seigneur, pourquoi ne puis-je pas te suivre maintenant ? Je mettrai ma vie pour toi ! Jésus lui répondit : Tu mettras ta vie pour moi ? Simon, Simon, Satan a demandé à vous cribler comme on crible le blé, mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point. Toi donc, quand tu seras converti, affermis tes frères. Le démon, qui s'était déjà emparé de l'âme de Judas, voulait aussi séparer du Seigneur les autres disciples, surtout Pierre. Il voulait profiter de l'heure de ténèbres qui approchait, pour les secouer comme dans un crible, afin qu'il n'y restât plus un seul grain. Le Sauveur le dit d'avance à Pierre, afin qu'après sa chute il ne désespérât pas, mais se relevât en s'appuyant sur cette parole : J'ai prié pour toi afin, que ta foi ne défaille point.

L'intercession de Jésus a préservé Pierre, et nous apprendrons là-haut, en sa présence, tout ce que nous aussi devons à cette puissante intercession. Ce que nous attribuons la plupart du temps à notre sérieux moral, à notre fidélité dans le combat, à notre persévérance dans la foi, n'est que l'oeuvre de l'intercession de Jésus, dans laquelle nous manquons trop souvent de confiance.

Quiconque a éprouvé pour soi-même, comme Pierre, les effets de la patiente intercession de Jésus, et a été préservé par elle d'une perdition certaine, pourra aussi plus tard, comme Pierre, aider d'autres âmes dans leurs tentations. Toutefois, si Pierre a été délivré de cette attaque, d'autres ne lui seront pas épargnées, non plus qu'aux autres disciples. En effet, Jésus leur dit : Je vous serai cette nuit à tous une occasion de chute. Car il est écrit : Je frapperai le berger et les brebis seront dispersées. Plus leurs esprits avaient été exaltés jusqu'ici par les manifestations de la gloire de leur Maître, plus ils étaient scandalisés qu'il dût mourir sur une croix de la mort des malfaiteurs. Mais comme il l'a toujours fait en annonçant ses souffrances, Jésus verse ici aussi une goutte de consolation dans la coupe amère de leur tristesse. Mais après que je serai ressuscité, j'irai devant vous en Galilée. Telle est sa constante manière d'agir. Il fait la plaie, mais il la guérit ; il afflige, mais il console ; il impose la croix, mais il restaure.

Les autres disciples l'écoutent avec étonnement et en silence. Mais Pierre prend la parole et dit : Quand tous les autres seraient scandalisés, je ne le serais pourtant pas. Il ne pensait plus à la facilité avec laquelle il s'était scandalisé à l'annonce des souffrances du Seigneur. Il oubliait qu'il lui avait dit, six mois auparavant, près de Bethsaïda : « A Dieu ne plaise, Seigneur, cela ne t'arrivera point. » Il oubliait comment le Seigneur l'avait averti qu'une telle crainte de souffrance livrait son coeur à Satan. Il lui semblait impossible qu'il pût à ce point manquer à Jésus. Il avait plus de confiance dans son propre sentiment que dans l'avertissement de Jésus. Ni la prison, ni la mort ne pourraient l'ébranler dans sa fidélité à son Maître.

Alors Jésus s'adresse encore personnellement à lui et lui dit : En vérité, je le dis qu'aujourd'hui, cette même nuit, avant que le coq ait chanté deux fois, tu me renieras trois fois. L'assurance et la présomption de Pierre ne cèdent à aucun avertissement, et tous les autres disciples sont d'accord avec lui pour penser qu'il ne saurait être question, parmi eux, ni de reniement, ni de scandale. Jésus n'insiste pas davantage. Il laisse à leur propre expérience le soin de les éclairer sur leurs dispositions, et il continue à les préparer à leur séparation d'avec lui. Que votre coeur ne se trouble point : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. La foi était nécessaire aux disciples pour les rendre capables de supporter les frayeurs de cette terrible nuit. Il leur semblera que tout marche, non seulement sans Dieu, mais même contre Dieu. Une pleine et entière confiance en Jésus pourra seule les soutenir. Dans les angoisses que leur causeront les événements qui vont se dérouler, une seule pensée pourra les consoler : c'est que, à travers ses souffrances et sa mort, Jésus retourne au Père. Car grâce à ce retour dans la gloire, des places leur seront préparées dans le ciel. Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père : si cela n'était pas, je vous l'aurais dit. Je m'en vais vous préparer le lieu. Et quand je m'en serai allé, et que je vous aurai préparé le lieu, je reviendrai et vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous y soyez aussi.

Le regard de la foi fixé sur le but vers lequel Jésus s'achemine, doit remplir le coeur des disciples d'un joyeux courage. Ils peuvent lever les yeux en haut, sans se laisser distraire par la haine du monde, et se dire : « Qui peut me ravir le ciel dont le Fils de Dieu m'a mis en possession par la foi ? » Ainsi, le but de son départ est aussi celui où tend le désir de leur foi, et le chemin qui y conduit, Jésus le leur a montré depuis longtemps. Mais, précisément parce que le but vers lequel le Seigneur va se diriger, est le même que celui auquel aspire leur foi, les disciples sont incertains. De là cette question de Thomas : Seigneur, nous ne savons où tu vas, et comment pourrions-nous en savoir le chemin ?

Le prudent Thomas ne se contente pas de vagues pressentiments. Il veut voir le fond des choses. Quels ne durent pas être son étonnement et sa confusion, quand le Seigneur lui montra si rapproché ce qu'il cherchait si loin ! Jésus lui dit : Je suis le chemin, la vérité et la vie, nul ne vient au Père que par moi. Jésus est lui-même le chemin de la gloire céleste. Quiconque veut y parvenir, doit se donner à lui et s'unir de la manière la plus intime à sa personne. Quiconque le laisse de côté et prend un autre chemin, est dans une fausse voie. Du moment que Jésus est le seul chemin qui conduit à Dieu, les païens; les Juifs, les libres-penseurs, font fausse route. Jésus est le chemin qui conduit au Père. Tu connais des chrétiens qui t'ont restauré par la ferveur et la puissance de leurs prières ; tu voudrais aussi pouvoir prier comme eux, et tu dis avec amertume : Comment y parviendrai-je ? Jésus est le chemin cherche Jésus et sa lumière ; tout le reste ne sert de rien.

Donne ton coeur à Jésus et tu apprendras à prier. Où bien commences-tu à haïr et à combattre le péché ? Tu t'aperçois avec douleur que tu t'es engagé dans une lutte de géant, où tu es souvent vaincu. Tu te demandes comment tu parviendras à la sainteté. Jésus est le chemin, cherche Jésus et sa lumière. Tout le reste n'est rien. Que Jésus vive en toi, et le péché mourra. Ou bien poursuis-tu la paix devant les accusations de ta conscience ? Tu voudrais tant croire que tes péchés te sont pardonnés ! Tu reçois avec foi la parole de l'absolution ; tu manges le vrai corps et tu bois le vrai sang du Sauveur, et ton coeur est tranquille pour quelque temps. Mais les pensées qui tantôt s'accusent tantôt se défendent, se présentent toujours de nouveau, et alors c'en est fait de ton repos. Ah ! comme ce coeur agité soupire après la paix ! Comment y parviendra-t-il ? Jésus est notre paix. Tu te travaillerais en vain dans la multitude de tes pensées, si tu la cherches ailleurs.

Je suis la vérité. Regarde attentivement à sa Parole et médite-la en silence. Elle te présentera le vrai miroir dans lequel tu reconnaîtras l'état de ton âme. Mais si ton coeur te condamne, elle te montrera le coeur de Dieu, qui est plus grand que ton propre coeur. Jésus n'est pas seulement le véritable, il est lui-même la vérité. Dans ce monde de néant, d'apparences et de tromperie, Jésus seul est la vérité ; car tout son être est en parfaite harmonie avec le Dieu vivant.

Je suis la vie. La mort est le salaire du péché. Elle a pénétré toutes choses et a corrompu de son poison toutes les relations humaines. L'âme et le corps de l'homme lui sont assujettis. Il n'y a dans ce monde qu'une puissance plus forte que la mort : Jésus est la vie. Quiconque vit sans lui, n'a que l'apparence de la vie. En réalité, il est mort. C'est un cadavre ambulant. Jésus est la véritable vie. C'est pourquoi nul ne peut venir au Père que par lui, à qui le Père l'a communiquée, de telle sorte qu'elle habite corporellement en lui.

Lorsque le Sauveur dit à ses disciples : Dès à présent vous connaissez le Père et vous l'avez vu, Philippe lui dit : Seigneur, montre-nous le Père, et cela nous suffit. Jésus lui répondit : Il y a si longtemps que je suis avec vous et tu ne m'as pas connu ! Philippe, celui qui m'a vu, a vu mon Père, comment donc dis-tu : Montre-nous le Père ? Ne crois-tu pas que je suis en mon Père et que mon Père est en moi ? Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même ; mais le Père qui est en moi est celui qui fait les oeuvres que je fais. C'est une grande consolation pour nous, que le Dieu invisible et caché se révèle à nous en Christ. Que celui qui cherche Dieu, contemple Jésus de l'oeil de la foi, et il aura vu Dieu. Quelles puissantes oeuvres de Dieu les disciples n'avaient-ils pas vu accomplir par Christ ! Et maintenant il va les quitter ! Faut-il donc que ces oeuvres cessent ? Non, c'est précisément le contraire. Parce que son départ est une réintégration dans la gloire du Père, il se glorifiera dans ses disciples, en les rendant capables de faire, par sa force, des oeuvres plus grandes que celles qu'il a faites lui-même. Qu'ils prient seulement en son nom, et ils obtiendront, de son inépuisable plénitude, tout ce dont ils auront besoin.

Quiconque entreprend quelque chose avec la force de l'amour de Jésus, fait l'heureuse expérience qu'Il est fidèle. Il est inépuisable pour consoler ses disciples de son départ. Toutes les consolations et tous les secours leur sont déjà garantis par cela seul qu'il leur a promis de leur accorder tout ce qu'ils demanderont dans l'intérêt de la gloire de Dieu. Mais afin que leur faible foi ne fût pas découragée par leur inhabileté à prier, il leur promet son Saint-Esprit. Je prierai mon Père, qui vous enverra un autre Consolateur, afin qu'il demeure éternellement avec vous, savoir l'Esprit de vérité que le monde ne peut recevoir, parce qu'il ne ne voit point et ne le connaît point. Mais vous le connaissez parce qu'il demeure avec vous et qu'il sera en vous. - Telle est la gracieuse visitation d'en-haut, à laquelle tous les chrétiens doivent largement ouvrir leurs coeurs. Le Saint-Esprit doit être pour nous un Consolateur, surtout contre les malédictions de la loi, contre les menaces de l'accusateur, et contre les découragements de notre coeur, qui nous condamne. Ce précieux Consolateur veut encore être pour nous un soutien, un avocat, un guide, un conseiller, un intercesseur. Dans les combats de l'Église de Christ contre le monde et contre son prince, le Saint-Esprit donne aux croyants l'inébranlable assurance qu'ils possèdent la vérité, et leur garantit une joyeuse victoire en présence de la mort. Bien plus ! Jésus donne aux siens, non seulement un riche dédommagement pour sa présence visible, dont son départ les privera, mais il veut venir lui-même à eux avec le Père. Ils ne doivent pas craindre que leur Maître disparaisse complètement d'avec eux. Il ne s'en va que pour un peu de temps, et il reviendra de nouveau à eux sous une forme invisible.

Je ne vous laisserai point orphelins, je viendrai à vous. Encore un peu de temps et le monde ne me verra plus, mais vous me verrez ; et parce que je vis, vous aussi vous vivrez. En ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père et que vous êtes en moi et que je suis en vous. Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera et nous viendrons à lui et nous ferons notre demeure chez lui. Ces paroles renferment la promesse d'une jouissance céleste et d'un baume excellent pour un coeur qui, dans le douloureux sentiment de ses péchés, ne peut plus voir Jésus, et se trouve lui-même comme un pauvre orphelin abandonné. Ne désespère pas, Jésus viendra de nouveau à toi. Pour les disciples, la complète disparition du Seigneur n'a duré que depuis sa mort jusqu'à sa résurrection. En attendant, ils ont la parole de leur Maître qui est pour eux un trésor, car c'est une parole de vie. Seulement, c'est un trésor qu'ils ne savent pas encore apprécier. C'est un lingot d'or dont ils ne connaissent pas la valeur, et dont ils sont encore inhabiles à se servir pour les besoins de la vie journalière et pour les combats qui les attendent contre le monde. C'est pourquoi le Seigneur leur parle encore du Saint-Esprit. - Mais le Consolateur, qui est le Saint-Esprit, que mon Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses et vous remettra en mémoire toutes celles que je vous ai dites. Alors comme auparavant, il y avait dans les paroles de Jésus-Christ beaucoup de choses qui étaient restées obscures pour les disciples, et dont ils n'avaient pas compris la liaison avec d'autres. C'est sur cela que le Saint-Esprit devait les éclairer. Le Père l'enverra, mais au non ! de Jésus, car il ne pouvait pas être envoyé avant la réconciliation par les souffrances et la mort de Christ. - Aujourd'hui, tous ceux qui aiment le Seigneur Jésus, peuvent compter sur son secours et pénétrer facilement dans les profondeurs de sa Parole et dans le mystère de sa croix.

Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous la donne pas comme le monde la donne, que votre coeur ne se trouble point et ne craignez point. La paix ! quel mot délicieux ! c'est un ciel plein de félicité. Le Paradis était un lieu de paix, où le coeur de l'homme, se reposait doucement dans l'amour de Dieu. Mais depuis que les coeurs se sont éloignés de Dieu, la paix s'est réfugiée dans les paisibles tabernacles célestes. Au lieu de la paix, l'homme est en proie à l'angoisse, aux douleurs, aux combats et aux remords d'une mauvaise conscience. Le petit enfant, né dans la crèche, qui est venu restituer au grand Dieu l'honneur qui lui avait été ravi, a obtenu de nouveau la paix pour l'homme, en combattant jusqu'au sang.

Mais le Seigneur ne se contente pas d'imposer silence aux reproches de l'accusateur par le sang versé pour la rémission des péchés, et qui crie de meilleures choses que celui d'Abel ; il ne veut pas seulement que les siens expérimentent la puissance de sa mort en ce qu'ils osent s'approcher du Dieu saint après avoir obtenu leur pardon ; il veut encore leur donner sa propre paix, dans laquelle il vit lui-même avec le Père. « Jésus est notre paix » (Éph. II, 14). En vertu de sa sainteté parfaite, il était parfaitement un avec le Père. Notre paix est si facilement troublée dès que nous avons à souffrir ! Car toute souffrance est une accusation contre le péché. Cependant celles de Christ, qu'il supporta à notre place, n'altérèrent point sa paix, car il se sentait libre de péché. Même au milieu des douleurs, il demeure dans le sein du Père céleste, et cette paix peut devenir notre heureuse possession. - Tous ceux qui par la foi savent qu'ils sont réconciliés avec Dieu, que leurs péchés sont effacés et couverts par le sang de Jésus ; tous ceux qui par la foi peuvent s'écrier avec Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu ! tous ceux-là peuvent se consoler par cette pensée que sa paix est aussi la leur. Quiconque jouit de cette précieuse paix en Jésus, est placé sur une haute montagne. Les tempêtes et les orages sont sous ses pieds et au-dessus de sa tête s'étend le ciel bleu. Asaph avait un avant-goût de cette félicité, lorsqu'il disait : Quel autre ai-je que toi dans les cieux ? Je n'ai pris plaisir qu'en toi sur la terre. Ma chair et mon coeur défaillaient, mais Dieu est le rocher de mon coeur et mon partage à toujours.

D'après tout cela, le départ de Jésus ne devait pas être un sujet de tristesse pour les disciples, mais plutôt un sujet de joie. Par ce départ, le Sauveur quitte la forme de serviteur, pour rentrer en possession de la gloire céleste. Si une seule heure de ténèbres a été concédée au prince de ce monde, Jésus arrive à la gloire à travers cette obscurité, aussi sûrement que l'ennemi de la vie, l'accusateur des pécheurs devant Dieu, est impuissant contre Jésus. Le prince de ce monde vient, mais il n'a rien en moi. Voilà pourquoi son sacrifice expiatoire est parfaitement suffisant pour délivrer l'humanité pécheresse.

Après avoir dit ces choses, le Seigneur donne le signal du départ. Il quitte avec ses disciples la chambre consacrée par l'institution de la sainte Cène, traverse silencieusement les rues de Jérusalem et se dirige vers la vallée du Cédron, au nord-est de la ville, où se trouve un sentier qui conduit au mont des Oliviers. Entre la ville et le Cédron, la vallée s'élargit et est couverte de plantations d'oliviers et de vignes. Là se trouvaient des endroits solitaires, où le Seigneur pouvait le plus facilement répandre son coeur en présence de ses disciples. Sur le penchant de la montagne, le Sauveur traversa sans doute des vignes. C'est devant un cep qu'il dévoile à ses disciples les mystères les plus intimes de la vie chrétienne : leur gloire s'ils demeurent en lui, leur nullité s'ils se séparent de lui.

Je suis le vrai cep, et mon Père est le vigneron. Il retranche tout sarment qui ne porte pas de fruit en moi, et il émonde tout celui qui porte du fruit, afin qu'il porte encore plus de fruit. Vous êtes déjà nets à cause de la parole que je vous ai annoncée. Demeurez en moi et moi je demeurerai en vous. Comme le sarment ne saurait de lui-même porter du fruit, s'il ne demeure attaché au cep, vous n'en pouvez porter aussi si vous ne demeurez en moi. Je suis le cep et vous êtes les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, porte beaucoup de fruits, car hors de moi vous ne pouvez rien faire. Si quelqu'un ne demeure pas en moi, il sera jeté dehors comme un sarment. Il sèche, puis on le ramasse, et on le jette au feu et il brûle. - Ces paroles nous apprennent ce qu'est le Christianisme. Ce n'est pas seulement une conduite dominée par la crainte de Dieu. Une telle conduite est assurément d'une grande valeur ; mais là où il n'y a pas de communion personnelle avec Christ, il n'y a pas de véritable vie chrétienne. De même, on ne pénétrerait pas encore au centre de la foi chrétienne, si l'on se bornait à prendre le Seigneur Jésus pour modèle, en s'appliquant sincèrement à garder ses enseignements, La parole de Jésus : Je suis le vrai cep et vous êtes les sarments, en dit beaucoup plus. Elle signifie que les chrétiens sont faits une même plante avec Christ, qu'ils naissent de lui comme le sarment naît du cep, et ne tirent toute leur force vitale que de lui seul.

C'est dans ce but que le céleste vigneron a planté ce cep sur notre pauvre terre. C'est dans ce but que le Père a donné son Fils et l'a revêtu de la nature humaine, afin qu'il pût communiquer sa vie à l'humanité. Tous ceux qui ont été implantés en Christ par le baptême, sont autant de sarments du vrai cep (Rom. VI, 4-5). Le baptême fait de l'homme naturel, de l'enfant de la mort, un sarment de Christ, un enfant de Dieu, et cela afin qu'il porte les fruits du cep, c'est-à-dire qu'étant né de Dieu il vive d'une vie nouvelle, d'une vie de charité, de joie, de paix, de douceur, de patience, de bonté, de fidélité, de bénignité, de tempérance (Gal. V, 22). - De tels fruits ne peuvent être remplacés ni par le mot « Seigneur, Seigneur » ni par le don de prophétie et de connaissance de toutes choses, ni par une grande activité dans le règne de Dieu. Celui qui ne porte pas de fruits, qui n'est chrétien que de nom et en apparence, n'est qu'un parasite attaché au cep. Il sera retranché et éternellement séparé du Seigneur, même extérieurement, comme il lui est resté étranger intérieurement. Mais tous ceux qui portent des fruits, le céleste vigneron les nettoie de toute branche sèche, et de tout feuillage trop luxuriant. Par le couteau de l'épreuve extérieure, par les tentations intérieures, par les persécutions du monde, par la discipline intime du Saint-Esprit, il retranche toutes les pousses naturelles de la chair, afin que la grâce et la vie de Dieu gagnent du terrain dans les coeurs.

Ce progrès se réalise au milieu de beaucoup d'humiliations et de renoncements, afin que la repentance et le désir de la grâce deviennent de plus en plus vivants. Ainsi ni la bonne volonté, ni les bonnes résolutions de devenir meilleur, ni en général aucun produit des forces naturelles, ne rendent agréable à Dieu. Ce but ne peut être atteint que par une union réelle avec Christ, par la vie et la croissance en lui, car c'est de Christ seul que provient toute vie divine. Même celui qui aurait été en Christ, mais ne serait pas demeuré en lui, serait jeté au feu comme un sarment desséché.

Cependant Jésus ne se borne pas à mettre ses disciples en garde contre le feu de la justice de Dieu, qui consumera les rebelles ; il les attire aussi par des promesses, afin qu'ils demeurent dans sa communion. Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voudrez et il vous sera accordé. Même notre plus intime communion avec Christ ne détruit pas en nous le sentiment de notre indignité, de notre pauvreté, de notre faiblesse. Au contraire, ce sentiment croit en nous au fur et à mesure que nous croissons nous-mêmes dans la grâce. Il n'accuse pas un état d'indigence ou de dépérissement intérieur. Car, pour le coeur qui prie en demeurant en Jésus, toute, faim est immédiatement apaisée, toute soif étanchée. Les brebis du bon Berger ne connaissent plus la disette. Il remplit leur coupe et leur donne la vie, même la plénitude de la vie.

Seulement, il ne faut pas que ceux qui demeurent en Jésus, abusent arbitrairement de l'autorisation de tout demander ; mais qu'ils en usent pour la gloire de Dieu. C'est en ceci que mon Père sera glorifié : si vous portez beaucoup de fruits, et alors vous serez mes disciples. La vie intérieure et extérieure des chrétiens doit être une louange à la gloire du Père céleste : « afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux (Matth. V, 16). » Comme mon Père m'a aimé, je vous ai aussi aimés ; demeurez dans mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme j'ai gardé les commandements de mon Père et je demeure dans son amour. Même sur le chemin de la croix, même dans l'abandon et dans les douleurs de la mort, Jésus est sûr de l'amour du Père.

C'est ainsi que les disciples peuvent être sûrs de son amour, même s'ils sont considérés comme les balayures du monde, et si, portant leur croix, ils doivent suivre Jésus dans l'opprobre et dans la honte, dans les prisons et dans la mort. Son amour est assez fort pour adoucir toute la haine et toutes les persécutions des adversaires. Je vous ai dit ces choses, afin que ma joie demeure en vous et que votre joie soit parfaite. L'union avec Jésus et l'observation de sa Parole ne rendent pas la vie dure ; elles ne la transforment pas en un amer esclavage. Elles ouvrent au contraire une source de joie, dont le monde n'a aucune idée, tellement que, même dans les chaînes et dans les cachots, ou peut chanter des cantiques de louanges.

Jusqu'ici le Seigneur a cherché à gagner le coeur des siens. Maintenant il ira plus loin ; il travaillera à unir les croyants les uns aux autres par un pur amour. C'est ici mon commandement, que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés. Personne n'a un plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Celui qui veut l'amour sans la foi, est comme un homme qui plante un arbre sans racines. Le véritable amour fraternel est d'abord le produit d'une communion de coeur avec Jésus. D'un autre côté, la véritable communion de coeur avec Jésus doit nécessairement se manifester au dehors par l'amour fraternel. Là où cette manifestation manque, l'amour de Jésus fait aussi défaut. Cet amour, dont il a aimé ses disciples jusqu'à donner sa vie pour eux, se montre en ceci : c'est qu'il les initie aux mystères divins, et qu'il ne les traite pas comme des serviteurs, mais comme des amis. - Ce que je vous recommande, c'est de vous aimer les uns les autres. L'amour fraternel n'est pas seulement un précieux fruit du cep, qui nous rend agréables à Dieu en toutes choses, et un délicieux rafraîchissement pour ceux qui aiment comme pour ceux qui sont aimés. C'est encore une force propre à soutenir les croyants dans leurs combats contre le monde incrédule. C'est pourquoi le Seigneur attire l'attention de ses disciples, par les paroles suivantes, sur la haine du monde et sur le secours qu'ils trouveront contre cette haine dans leur amour mutuel.

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