Pendant que Jésus prend son dernier repas avec ses disciples, les
rues de Jérusalem sont remplies d'une foule agitée. Tous pensent
qu'ils ont attendu assez longtemps l'établissement du règne du Messie.
Maintenant, le Seigneur a effectué son entrée royale à Jérusalem. Cet
acte ne peut avoir d'autre signification que celle-ci : c'est que
cette fête va enfin apporter la réalisation de toutes les espérances
nourries depuis des siècles. Chacun dirige son attention avec la plus
grande ardeur sur les événements qui sont sur le point de se dérouler.
D'un autre côté, le Sanhédrin a déjà appris par le traître, que le
moment est venu de saisir Jésus, sans que la population en ait eu le
pressentiment. On pense que cette foule inconstante ne sera plus à
craindre, dès que Jésus sera au pouvoir des autorités comme prisonnier
d'État, et que, accusé de crimes dignes de mort, il sera jugé
incapable de réaliser les espérances qu'on a fondées sur lui.
Jésus reste encore quelque temps dans la chambre haute où
il a institué le repas d'amour, afin de préparer ses disciples aux
terribles événements qui sont sur le point de se produire, et sous la
pression desquels ils succomberaient, s'il ne leur témoignait un amour
plus tendre que celui d'une mère. Il voit clairement les influences
sataniques prêtes à envahir son âme. Les vagues de l'enfer menacent de
l'engloutir, et il ne s'inquiète nullement de lui-même. Il ne pense
qu'à ses chers enfants. C'est qu'il sait combien de tristesses et de
douleurs fondront sur eux, orphelins, au milieu d'un monde qui va
clouer leur Roi sur la croix. - Il commence par leur parler de sa
prochaine disparition. Mes petits enfants,
leur dit-il, je suis encore avec vous pour
un peu de temps ; et comme je l'ai dit aux Juifs, je vous le
dis aussi maintenant : Vous ne pouvez venir où je vais.
Il lui tient extraordinairement à coeur que, pendant qu'ils seront
privés de sa présence visible, ils soient unis les uns aux autres par
le lien de l'amour. Je vous donne un
commandement nouveau, que vous vous aimiez les uns les
autres ; que, comme je vous ai aimés, vous vous aimiez aussi
les uns les autres. C'est cet amour mutuel qui les
consolera et les fortifiera dans les tentations, pendant qu'ils seront
séparés de leur Maître. Lorsqu'il se sera glorifié en eux, ils
pourront s'aimer les uns les autres. Et cet amour sera la marque à
laquelle on reconnaîtra les vrais disciples de Jésus. Comme cette
flamme de l'amour brilla plus tard dans la nuit du paganisme !
Les païens ne pouvaient se soustraire à l'admiration que cet amour
leur inspirait, et étaient obligés de s'écrier : Voyez comme ils
s'aiment !
Cependant Pierre ne peut pas encore comprendre cette
parole de Jésus. Seigneur, lui dit-il, où
vas-tu ? Jésus lui répondit : Tu
ne saurais me suivre où je vais, mais tu me suivras ci-après.
Pierre lui dit: Seigneur, pourquoi ne
puis-je pas te suivre maintenant ? Je mettrai ma vie pour
toi ! Jésus lui répondit : Tu
mettras ta vie pour moi ? Simon, Simon, Satan a demandé à
vous cribler comme on crible le blé, mais j'ai prié pour toi, afin
que ta foi ne défaille point. Toi donc, quand tu seras converti,
affermis tes frères. Le démon, qui s'était déjà emparé
de l'âme de Judas, voulait aussi séparer du Seigneur les autres
disciples, surtout Pierre. Il voulait profiter de l'heure de ténèbres
qui approchait, pour les secouer comme dans un crible, afin qu'il n'y
restât plus un seul grain. Le Sauveur le dit d'avance à Pierre, afin
qu'après sa chute il ne désespérât pas, mais se relevât en s'appuyant
sur cette parole : J'ai prié pour toi
afin, que ta foi ne défaille point.
L'intercession de Jésus a préservé Pierre, et nous
apprendrons là-haut, en sa présence, tout ce que nous aussi devons à
cette puissante intercession. Ce que nous attribuons la plupart du
temps à notre sérieux moral, à notre fidélité dans le combat, à notre
persévérance dans la foi, n'est que l'oeuvre de l'intercession de
Jésus, dans laquelle nous manquons trop souvent de confiance.
Quiconque a éprouvé pour soi-même, comme Pierre, les
effets de la patiente intercession de Jésus, et a été préservé par
elle d'une perdition certaine, pourra aussi plus tard, comme Pierre,
aider d'autres âmes dans leurs tentations. Toutefois, si Pierre a été
délivré de cette attaque, d'autres ne lui seront pas épargnées, non
plus qu'aux autres disciples. En effet, Jésus leur dit : Je
vous serai cette nuit à tous une occasion de chute. Car il est
écrit : Je frapperai le berger et les brebis seront
dispersées. Plus leurs esprits avaient été exaltés
jusqu'ici par les manifestations de la gloire de leur Maître, plus ils
étaient scandalisés qu'il dût mourir sur une croix de la mort des
malfaiteurs. Mais comme il l'a toujours fait en annonçant ses
souffrances, Jésus verse ici aussi une goutte de consolation dans la
coupe amère de leur tristesse. Mais après que
je serai ressuscité, j'irai devant vous en Galilée.
Telle est sa constante manière d'agir. Il fait la plaie, mais il la
guérit ; il afflige, mais il console ; il impose la croix,
mais il restaure.
Les autres disciples l'écoutent avec étonnement et en
silence. Mais Pierre prend la parole et dit : Quand
tous les autres seraient scandalisés, je ne le serais pourtant pas.
Il ne pensait plus à la facilité avec laquelle il s'était scandalisé à
l'annonce des souffrances du Seigneur. Il oubliait qu'il lui avait
dit, six mois auparavant, près de Bethsaïda : « A Dieu ne
plaise, Seigneur, cela ne t'arrivera point. » Il oubliait comment
le Seigneur l'avait averti qu'une telle crainte de souffrance livrait
son coeur à Satan. Il lui semblait impossible qu'il pût à ce point
manquer à Jésus. Il avait plus de confiance dans son propre sentiment
que dans l'avertissement de Jésus. Ni la prison, ni la mort ne
pourraient l'ébranler dans sa fidélité à son Maître.
Alors Jésus s'adresse encore personnellement à lui et lui
dit : En vérité, je le dis
qu'aujourd'hui, cette même nuit, avant que le coq
ait chanté deux fois, tu me renieras trois fois.
L'assurance et la présomption de Pierre ne cèdent à aucun
avertissement, et tous les autres disciples sont d'accord avec lui
pour penser qu'il ne saurait être question, parmi eux, ni de
reniement, ni de scandale. Jésus n'insiste pas davantage. Il laisse à
leur propre expérience le soin de les éclairer sur leurs dispositions,
et il continue à les préparer à leur séparation d'avec lui. Que
votre coeur ne se trouble point : vous croyez en Dieu, croyez
aussi en moi. La foi était nécessaire aux disciples
pour les rendre capables de supporter les frayeurs de cette terrible
nuit. Il leur semblera que tout marche, non seulement sans Dieu, mais
même contre Dieu. Une pleine et entière confiance en Jésus pourra
seule les soutenir. Dans les angoisses que leur causeront les
événements qui vont se dérouler, une seule pensée pourra les
consoler : c'est que, à travers ses souffrances et sa mort, Jésus
retourne au Père. Car grâce à ce retour dans la gloire, des places
leur seront préparées dans le ciel. Il y a
plusieurs demeures dans la maison de mon Père : si cela
n'était pas, je vous l'aurais dit. Je m'en vais vous préparer le
lieu. Et quand je m'en serai allé, et que je vous aurai préparé le
lieu, je reviendrai et vous prendrai avec moi, afin que là où je
suis, vous y soyez aussi.
Le regard de la foi fixé sur le but vers lequel Jésus
s'achemine, doit remplir le coeur des disciples d'un joyeux courage.
Ils peuvent lever les yeux en haut, sans se laisser distraire par la
haine du monde, et se dire : « Qui peut me ravir le ciel
dont le Fils de Dieu m'a mis en possession par la foi ? »
Ainsi, le but de son départ est aussi celui où tend le désir de leur
foi, et le chemin qui y conduit, Jésus le leur a montré depuis
longtemps. Mais, précisément parce que le but vers lequel le Seigneur
va se diriger, est le même que celui auquel aspire leur foi, les
disciples sont incertains. De là cette question de Thomas : Seigneur,
nous ne savons où tu vas, et comment pourrions-nous en savoir le
chemin ?
Le prudent Thomas ne se contente pas de vagues
pressentiments. Il veut voir le fond des choses. Quels ne durent pas
être son étonnement et sa confusion, quand le Seigneur lui montra si
rapproché ce qu'il cherchait si loin ! Jésus
lui dit : Je suis le chemin, la vérité et
la vie, nul ne vient au Père que par moi. Jésus est
lui-même le chemin de la gloire céleste. Quiconque veut y parvenir,
doit se donner à lui et s'unir de la manière la plus intime à sa
personne. Quiconque le laisse de côté et prend un autre chemin, est
dans une fausse voie. Du moment que Jésus est le seul chemin qui
conduit à Dieu, les païens; les Juifs, les libres-penseurs, font
fausse route. Jésus est le chemin qui conduit au Père. Tu
connais des chrétiens qui t'ont restauré par la ferveur et la
puissance de leurs prières ; tu voudrais aussi pouvoir prier
comme eux, et tu dis avec amertume : Comment y
parviendrai-je ? Jésus est le chemin cherche Jésus et sa
lumière ; tout le reste ne sert de rien.
Donne ton coeur à Jésus et tu apprendras à prier. Où bien
commences-tu à haïr et à combattre le péché ? Tu t'aperçois avec
douleur que tu t'es engagé dans une lutte de géant, où tu es souvent
vaincu. Tu te demandes comment tu parviendras à la sainteté. Jésus
est le chemin, cherche Jésus et sa lumière. Tout le reste n'est
rien. Que Jésus vive en toi, et le péché mourra. Ou bien poursuis-tu
la paix devant les accusations de ta conscience ? Tu voudrais
tant croire que tes péchés te sont pardonnés ! Tu reçois avec foi
la parole de l'absolution ; tu manges le vrai corps et tu bois le
vrai sang du Sauveur, et ton coeur est tranquille pour quelque temps.
Mais les pensées qui tantôt s'accusent tantôt se défendent, se
présentent toujours de nouveau, et alors c'en est fait de ton repos.
Ah ! comme ce coeur agité soupire après la paix ! Comment y
parviendra-t-il ? Jésus est notre paix. Tu te
travaillerais en vain dans la multitude de tes pensées, si tu la
cherches ailleurs.
Je suis la vérité.
Regarde attentivement à sa Parole et médite-la en silence. Elle te
présentera le vrai miroir dans lequel tu reconnaîtras l'état de ton
âme. Mais si ton coeur te condamne, elle te montrera le coeur de Dieu,
qui est plus grand que ton propre coeur. Jésus n'est pas seulement le
véritable, il est lui-même la vérité. Dans ce monde de néant,
d'apparences et de tromperie, Jésus seul est la vérité ;
car tout son être est en parfaite harmonie avec le Dieu vivant.
Je suis la vie. La
mort est le salaire du péché. Elle a pénétré toutes choses et a
corrompu de son poison toutes les relations humaines.
L'âme et le corps de l'homme lui sont assujettis. Il n'y a dans ce
monde qu'une puissance plus forte que la mort : Jésus est la vie.
Quiconque vit sans lui, n'a que l'apparence de la vie. En réalité, il
est mort. C'est un cadavre ambulant. Jésus est la véritable vie. C'est
pourquoi nul ne peut venir au Père que par lui, à qui le Père l'a
communiquée, de telle sorte qu'elle habite corporellement en lui.
Lorsque le Sauveur dit à ses disciples : Dès
à présent vous connaissez le Père et vous l'avez vu, Philippe lui
dit : Seigneur, montre-nous le Père, et cela nous suffit.
Jésus lui répondit : Il y a si longtemps que je suis avec
vous et tu ne m'as pas connu ! Philippe, celui qui m'a vu, a
vu mon Père, comment donc dis-tu : Montre-nous le Père ?
Ne crois-tu pas que je suis en mon Père et que mon Père est en
moi ? Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de
moi-même ; mais le Père qui est en moi est celui qui fait les
oeuvres que je fais. C'est une grande consolation pour
nous, que le Dieu invisible et caché se révèle à nous en Christ. Que
celui qui cherche Dieu, contemple Jésus de l'oeil de la foi, et il
aura vu Dieu. Quelles puissantes oeuvres de Dieu les disciples
n'avaient-ils pas vu accomplir par Christ ! Et maintenant il va
les quitter ! Faut-il donc que ces oeuvres cessent ? Non,
c'est précisément le contraire. Parce que son départ est une
réintégration dans la gloire du Père, il se glorifiera dans ses
disciples, en les rendant capables de faire, par sa force, des oeuvres
plus grandes que celles qu'il a faites lui-même. Qu'ils prient
seulement en son nom, et ils obtiendront, de son inépuisable
plénitude, tout ce dont ils auront besoin.
Quiconque entreprend quelque chose avec la force de
l'amour de Jésus, fait l'heureuse expérience qu'Il est fidèle. Il est
inépuisable pour consoler ses disciples de son départ. Toutes les
consolations et tous les secours leur sont déjà garantis par cela seul
qu'il leur a promis de leur accorder tout ce qu'ils demanderont dans
l'intérêt de la gloire de Dieu. Mais afin que leur faible foi ne fût
pas découragée par leur inhabileté à prier, il leur promet son
Saint-Esprit. Je prierai mon Père, qui vous
enverra un autre Consolateur, afin qu'il demeure éternellement
avec vous, savoir l'Esprit de vérité que le monde ne peut
recevoir, parce qu'il ne ne voit point et ne
le connaît point. Mais vous le connaissez parce qu'il demeure avec
vous et qu'il sera en vous. - Telle est la gracieuse
visitation d'en-haut, à laquelle tous les chrétiens doivent largement
ouvrir leurs coeurs. Le Saint-Esprit doit être pour nous un
Consolateur, surtout contre les malédictions de la loi, contre les
menaces de l'accusateur, et contre les découragements de notre coeur,
qui nous condamne. Ce précieux Consolateur veut encore être pour nous
un soutien, un avocat, un guide, un conseiller, un intercesseur. Dans
les combats de l'Église de Christ contre le monde et contre son
prince, le Saint-Esprit donne aux croyants l'inébranlable assurance
qu'ils possèdent la vérité, et leur garantit une joyeuse victoire en
présence de la mort. Bien plus ! Jésus donne aux siens, non
seulement un riche dédommagement pour sa présence visible, dont son
départ les privera, mais il veut venir lui-même à eux avec le Père.
Ils ne doivent pas craindre que leur Maître disparaisse complètement
d'avec eux. Il ne s'en va que pour un peu de temps, et il reviendra de
nouveau à eux sous une forme invisible.
Je ne vous laisserai point
orphelins, je viendrai à vous. Encore un peu de temps et le monde
ne me verra plus, mais vous me verrez ; et parce que je vis,
vous aussi vous vivrez. En ce jour-là, vous reconnaîtrez que je
suis en mon Père et que vous êtes en moi et que je suis en vous.
Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera et
nous viendrons à lui et nous ferons notre demeure chez lui.
Ces paroles renferment la promesse d'une jouissance céleste et d'un
baume excellent pour un coeur qui, dans le douloureux sentiment de ses
péchés, ne peut plus voir Jésus, et se trouve lui-même comme un pauvre
orphelin abandonné. Ne désespère pas, Jésus viendra de nouveau à toi.
Pour les disciples, la complète disparition du Seigneur n'a duré que
depuis sa mort jusqu'à sa résurrection. En attendant, ils ont la
parole de leur Maître qui est pour eux un trésor, car c'est une parole
de vie. Seulement, c'est un trésor qu'ils ne savent pas encore
apprécier. C'est un lingot d'or dont ils ne connaissent pas la valeur,
et dont ils sont encore inhabiles à se servir pour les besoins de la
vie journalière et pour les combats qui les attendent contre
le monde. C'est pourquoi le Seigneur leur parle encore du
Saint-Esprit. - Mais le Consolateur, qui est
le Saint-Esprit, que mon Père enverra en mon nom, vous enseignera
toutes choses et vous remettra en mémoire toutes celles que je
vous ai dites. Alors comme auparavant, il y avait dans
les paroles de Jésus-Christ beaucoup de choses qui étaient restées
obscures pour les disciples, et dont ils n'avaient pas compris la
liaison avec d'autres. C'est sur cela que le Saint-Esprit devait les
éclairer. Le Père l'enverra, mais au non ! de Jésus, car il ne
pouvait pas être envoyé avant la réconciliation par les souffrances et
la mort de Christ. - Aujourd'hui, tous ceux qui aiment le Seigneur
Jésus, peuvent compter sur son secours et pénétrer facilement dans les
profondeurs de sa Parole et dans le mystère de sa croix.
Je vous laisse la paix, je vous
donne ma paix. Je ne vous la donne pas comme le monde la donne,
que votre coeur ne se trouble point et ne craignez point.
La paix ! quel mot délicieux ! c'est un ciel plein de
félicité. Le Paradis était un lieu de paix, où le coeur de l'homme, se
reposait doucement dans l'amour de Dieu. Mais depuis que les coeurs se
sont éloignés de Dieu, la paix s'est réfugiée dans les paisibles
tabernacles célestes. Au lieu de la paix, l'homme est en proie à
l'angoisse, aux douleurs, aux combats et aux remords d'une mauvaise
conscience. Le petit enfant, né dans la crèche, qui est venu restituer
au grand Dieu l'honneur qui lui avait été ravi, a obtenu de nouveau la
paix pour l'homme, en combattant jusqu'au sang.
Mais le Seigneur ne se contente pas d'imposer silence aux
reproches de l'accusateur par le sang versé pour la rémission des
péchés, et qui crie de meilleures choses que celui d'Abel ; il ne
veut pas seulement que les siens expérimentent la puissance de sa mort
en ce qu'ils osent s'approcher du Dieu saint après avoir obtenu leur
pardon ; il veut encore leur donner sa propre paix, dans laquelle
il vit lui-même avec le Père. « Jésus est notre paix » (Éph.
II, 14). En vertu de sa sainteté parfaite, il était parfaitement
un avec le Père. Notre paix est si facilement troublée dès que nous
avons à souffrir ! Car toute souffrance est une accusation contre
le péché. Cependant celles de Christ, qu'il supporta à notre place,
n'altérèrent point sa paix, car il se sentait
libre de péché. Même au milieu des douleurs, il demeure dans le sein
du Père céleste, et cette paix peut devenir notre heureuse possession.
- Tous ceux qui par la foi savent qu'ils sont réconciliés avec Dieu,
que leurs péchés sont effacés et couverts par le sang de Jésus ;
tous ceux qui par la foi peuvent s'écrier avec Thomas :
« Mon Seigneur et mon Dieu ! tous ceux-là peuvent se
consoler par cette pensée que sa paix est aussi la leur. Quiconque
jouit de cette précieuse paix en Jésus, est placé sur une haute
montagne. Les tempêtes et les orages sont sous ses pieds et au-dessus
de sa tête s'étend le ciel bleu. Asaph avait un avant-goût de cette
félicité, lorsqu'il disait : Quel autre
ai-je que toi dans les cieux ? Je n'ai pris plaisir qu'en toi
sur la terre. Ma chair et mon coeur défaillaient, mais Dieu est le
rocher de mon coeur et mon partage à toujours.
D'après tout cela, le départ de Jésus ne devait pas être
un sujet de tristesse pour les disciples, mais plutôt un sujet de
joie. Par ce départ, le Sauveur quitte la forme de serviteur, pour
rentrer en possession de la gloire céleste. Si une seule heure de
ténèbres a été concédée au prince de ce monde, Jésus arrive à la
gloire à travers cette obscurité, aussi sûrement que l'ennemi de la
vie, l'accusateur des pécheurs devant Dieu, est impuissant contre
Jésus. Le prince de ce monde vient, mais il
n'a rien en moi. Voilà pourquoi son sacrifice
expiatoire est parfaitement suffisant pour délivrer l'humanité
pécheresse.
Après avoir dit ces choses, le Seigneur donne le signal
du départ. Il quitte avec ses disciples la chambre consacrée par
l'institution de la sainte Cène, traverse silencieusement les rues de
Jérusalem et se dirige vers la vallée du Cédron, au nord-est de la
ville, où se trouve un sentier qui conduit au mont des Oliviers. Entre
la ville et le Cédron, la vallée s'élargit et est couverte de
plantations d'oliviers et de vignes. Là se trouvaient des endroits
solitaires, où le Seigneur pouvait le plus facilement répandre son
coeur en présence de ses disciples. Sur le penchant de la montagne, le
Sauveur traversa sans doute des vignes. C'est devant un cep qu'il
dévoile à ses disciples les mystères les plus intimes de la vie
chrétienne : leur gloire s'ils demeurent en lui, leur nullité
s'ils se séparent de lui.
Je suis le vrai cep, et mon Père
est le vigneron. Il retranche tout sarment qui ne porte pas de
fruit en moi, et il émonde tout celui qui porte du fruit, afin
qu'il porte encore plus de fruit. Vous êtes déjà nets à cause de
la parole que je vous ai annoncée. Demeurez en moi et moi je
demeurerai en vous. Comme le sarment ne saurait de lui-même porter
du fruit, s'il ne demeure attaché au cep, vous n'en pouvez porter
aussi si vous ne demeurez en moi. Je suis le cep et vous êtes les
sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, porte
beaucoup de fruits, car hors de moi vous ne pouvez rien faire.
Si quelqu'un ne demeure pas en moi, il sera jeté dehors comme un
sarment. Il sèche, puis on le ramasse, et on le jette au feu et il
brûle. - Ces paroles nous apprennent ce qu'est le Christianisme. Ce
n'est pas seulement une conduite dominée par la crainte de Dieu. Une
telle conduite est assurément d'une grande valeur ; mais là où il
n'y a pas de communion personnelle avec Christ, il n'y a pas de
véritable vie chrétienne. De même, on ne pénétrerait pas encore au
centre de la foi chrétienne, si l'on se bornait à prendre le Seigneur
Jésus pour modèle, en s'appliquant sincèrement à garder ses
enseignements, La parole de Jésus : Je suis le vrai cep et
vous êtes les sarments, en dit beaucoup plus. Elle signifie que
les chrétiens sont faits une même plante avec Christ, qu'ils naissent
de lui comme le sarment naît du cep, et ne tirent toute leur force
vitale que de lui seul.
C'est dans ce but que le céleste vigneron a planté ce cep
sur notre pauvre terre. C'est dans ce but que le Père a donné son Fils
et l'a revêtu de la nature humaine, afin qu'il pût communiquer sa vie
à l'humanité. Tous ceux qui ont été implantés en Christ par le
baptême, sont autant de sarments du vrai cep (Rom.
VI, 4-5). Le baptême fait de l'homme naturel, de l'enfant de la
mort, un sarment de Christ, un enfant de Dieu, et cela afin qu'il
porte les fruits du cep, c'est-à-dire qu'étant né de Dieu il vive
d'une vie nouvelle, d'une vie de charité, de joie, de paix, de
douceur, de patience, de bonté, de fidélité, de bénignité, de
tempérance (Gal.
V, 22). - De tels fruits ne peuvent être remplacés ni par le mot
« Seigneur, Seigneur » ni par le don de prophétie et de
connaissance de toutes choses, ni par une grande
activité dans le règne de Dieu. Celui qui ne porte pas de fruits, qui
n'est chrétien que de nom et en apparence, n'est qu'un parasite
attaché au cep. Il sera retranché et éternellement séparé du Seigneur,
même extérieurement, comme il lui est resté étranger intérieurement.
Mais tous ceux qui portent des fruits, le céleste vigneron les nettoie
de toute branche sèche, et de tout feuillage trop luxuriant. Par le
couteau de l'épreuve extérieure, par les tentations intérieures, par
les persécutions du monde, par la discipline intime du Saint-Esprit,
il retranche toutes les pousses naturelles de la chair, afin que la
grâce et la vie de Dieu gagnent du terrain dans les coeurs.
Ce progrès se réalise au milieu de beaucoup
d'humiliations et de renoncements, afin que la repentance et le désir
de la grâce deviennent de plus en plus vivants. Ainsi ni la bonne
volonté, ni les bonnes résolutions de devenir meilleur, ni en général
aucun produit des forces naturelles, ne rendent agréable à Dieu. Ce
but ne peut être atteint que par une union réelle avec Christ, par la
vie et la croissance en lui, car c'est de Christ seul que provient
toute vie divine. Même celui qui aurait été en Christ, mais ne serait
pas demeuré en lui, serait jeté au feu comme un sarment desséché.
Cependant Jésus ne se borne pas à mettre ses disciples en
garde contre le feu de la justice de Dieu, qui consumera les
rebelles ; il les attire aussi par des promesses, afin qu'ils
demeurent dans sa communion. Si vous
demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez
tout ce que vous voudrez et il vous sera accordé. Même
notre plus intime communion avec Christ ne détruit pas en nous le
sentiment de notre indignité, de notre pauvreté, de notre faiblesse.
Au contraire, ce sentiment croit en nous au fur et à mesure que nous
croissons nous-mêmes dans la grâce. Il n'accuse pas un état
d'indigence ou de dépérissement intérieur. Car, pour le coeur qui prie
en demeurant en Jésus, toute, faim est immédiatement apaisée, toute
soif étanchée. Les brebis du bon Berger ne connaissent plus la
disette. Il remplit leur coupe et leur donne la vie, même la plénitude
de la vie.
Seulement, il ne faut pas que ceux qui demeurent en
Jésus, abusent arbitrairement de l'autorisation de
tout demander ; mais qu'ils en usent pour la gloire de Dieu. C'est
en ceci que mon Père sera glorifié : si vous portez beaucoup
de fruits, et alors vous serez mes disciples. La vie
intérieure et extérieure des chrétiens doit être une louange à la
gloire du Père céleste : « afin qu'ils voient vos bonnes
oeuvres et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux (Matth.
V, 16). » Comme mon Père m'a
aimé, je vous ai aussi aimés ; demeurez dans mon amour. Si
vous gardez mes
commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme j'ai gardé
les commandements de mon Père et je demeure dans son amour.
Même sur le chemin de la croix, même dans l'abandon et dans les
douleurs de la mort, Jésus est sûr de l'amour du Père.
C'est ainsi que les disciples peuvent être sûrs de son
amour, même s'ils sont considérés comme les balayures du monde, et si,
portant leur croix, ils doivent suivre Jésus dans l'opprobre et dans
la honte, dans les prisons et dans la mort. Son amour est assez fort
pour adoucir toute la haine et toutes les persécutions des
adversaires. Je vous ai dit ces choses, afin
que ma joie demeure en vous et que votre joie soit parfaite.
L'union avec Jésus et l'observation de sa Parole ne rendent pas la vie
dure ; elles ne la transforment pas en un amer esclavage. Elles
ouvrent au contraire une source de joie, dont le monde n'a aucune
idée, tellement que, même dans les chaînes et dans les cachots, ou
peut chanter des cantiques de louanges.
Jusqu'ici le Seigneur a cherché à gagner le coeur des
siens. Maintenant il ira plus loin ; il travaillera à unir les
croyants les uns aux autres par un pur amour. C'est
ici mon commandement, que vous vous aimiez les uns les autres
comme je vous ai aimés. Personne n'a un plus grand amour que de
donner sa vie pour ses amis. Celui qui veut l'amour
sans la foi, est comme un homme qui plante un arbre sans racines. Le
véritable amour fraternel est d'abord le produit d'une communion de
coeur avec Jésus. D'un autre côté, la véritable communion de coeur
avec Jésus doit nécessairement se manifester au dehors par l'amour
fraternel. Là où cette manifestation manque, l'amour de Jésus fait
aussi défaut. Cet amour, dont il a aimé ses
disciples jusqu'à donner sa vie pour eux, se montre en ceci :
c'est qu'il les initie aux mystères divins, et qu'il ne les traite pas
comme des serviteurs, mais comme des amis. - Ce
que je vous recommande, c'est de vous aimer les uns les autres.
L'amour fraternel n'est pas seulement un précieux fruit du cep, qui
nous rend agréables à Dieu en toutes choses, et un délicieux
rafraîchissement pour ceux qui aiment comme pour ceux qui sont aimés.
C'est encore une force propre à soutenir les croyants dans leurs
combats contre le monde incrédule. C'est pourquoi le Seigneur attire
l'attention de ses disciples, par les paroles suivantes, sur la haine
du monde et sur le secours qu'ils trouveront contre cette haine dans
leur amour mutuel.
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