Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE II

suite

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19. Nicodème.

(Jean III, 1-21.)


Un de ceux qui avaient cru en Jésus vint le trouver pendant la nuit. C'était Nicodème, un pharisien, membre du sanhédrin.

Sa visite à Jésus montre sa foi ; mais le moment qu'il choisit pour faire cette démarche prouve que cette foi n'était pas encore affranchie de la crainte des hommes. Celui qui n'éteint pas le lumignon fumant, fait à Nicodème un accueil amical, sans lui faire de reproche au sujet de l'heure à laquelle il se présente à lui, ni de sa crainte des hommes. Nicodème est évidemment poussé vers Jésus par une question qui brûle sa conscience : Que faut-il que je fasse pour être sauvé ? Mais il n'ose pas la formuler. Le Sauveur lit dans son coeur comme dans un livre ouvert, et lui répond comme si la question avait été faite. Ce n'est pas une connaissance plus profonde, ce ne sont pas des oeuvres plus parfaites, qui ouvrent l'entrée du royaume des cieux, mais une nouvelle naissance, c'est-à-dire un renouvellement complet de l'être moral tout entier.

Cette parole contient la plus terrible accusation qu'on puisse porter contre la nature humaine. Elle est déclarée incapable de produire aucun fruit de justice, et elle a dès lors besoin d'une transformation absolue. Ainsi s'écroule, chez Nicodème, tout l'échafaudage des vertus qu'il s'imaginait posséder. Il sait bien que le Sauveur parle d'une nouvelle naissance spirituelle. Mais qu'on puisse, dans toute sa vie intérieure, dans toutes ses pensées et ses tendances, devenir un homme nouveau, cela parait à Nicodème une impossibilité. Il lui semble que, pour que ce renouvellement puisse s'opérer, une nouvelle naissance corporelle serait nécessaire aussi. Il ne repousse pas obstinément la vérité ; il cherche sincèrement à savoir si ce qui lui parait impossible ne serait pas cependant possible. Jésus lui répondit: En vérité, en vérité, te le dis, que si un homme ne naît d'eau et d'Esprit, il ne peut entrer dans le royaume des cieux.

L'eau et l'Esprit sont réunis dans le saint baptême ; ils composent le bain qui opère la nouvelle naissance. Cette nouvelle naissance est nécessaire parce que l'homme est charnel et vit dans un état d'inimitié contre Dieu. Une nouvelle naissance corporelle produirait le même sens charnel et nécessiterait de nouveau une régénération.

Jésus devient plus pressant. Il faut, dit-il à Nicodème, que vous naissiez de nouveau. Jésus s'exclut lui-même ; il n'avait pas besoin de naître de nouveau. Mais toi, Nicodème, il faut que tu naisses de nouveau. Tu peux expérimenter l'action de l'Esprit si même tu ne la comprends pas. De même que tu sens le souffle du vent sans savoir ni d'où il vient ni où il va, de même en est-il de l'Esprit qui produit la nouvelle naissance. On ne pouvait faire qu'une seule réponse aux questions : « d'où vient-il ? » et « où va-t-il ? » Il vient de la grâce de Dieu et aboutit à la félicité éternelle.

Lorsque Nicodème demande : Comment ces choses peuvent-elles se foire ? le Seigneur le reprend, et Nicodème se laisse reprendre. Dès lors Jésus peut avoir confiance en lui, aussi lui laisse-t-il jeter un regard dans le mystère de la Rédemption. Dieu a tellement aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éternelle.
Ce passage est un de ceux dont le pieux professeur Tholuck, de Halle disait : C'est par les passages de la Bible imprimés en, grands caractères que la plupart des âmes sont sauvées (1).
Lorsqu'un jour le missionnaire Nott prêchait sur ce texte, un païen de son auditoire l'interrompit en s'écriant : « Et tu peux parler de cet amour sans verser des larmes ! »

Le Dieu saint a certainement le droit de punir le monde dans sa colère, mais autant il hait le péché, autant il aime les pécheurs, et pour les rendre heureux, Il donne son Fils unique.
Il le donne d'abord dans la crèche, ensuite il le livre aux malédictions du péché et aux angoisses de Gethsémané, enfin à l'abandon et aux affres de la mort en Golgotha, et cela afin que Celui qui a été glorifié par la résurrection et l'ascension, vienne habiter, par la puissance du Saint-Esprit, dans les coeurs des croyants.

Par leur incrédulité, les hommes s'excluent eux-mêmes de la félicité, puisqu'ils aiment mieux les ténèbres que la lumière, mieux le péché que le Sauveur. - L'incrédulité n'a pas sa source dans la raison, mais dans la mauvaise inclination du coeur. Quiconque vient à Jésus avec un esprit sans fraude et une véritable soif de salut, en reconnaissant et confessant ses péchés, en obtient le pardon et trouve en Christ paix, vie et félicité.

Nicodème avait écouté en silence les paroles du Seigneur, et il les conservait dans son coeur. Lorsqu'il vint à Jésus, il faisait nuit dans son âme comme au dehors, mais il était venu à la lumière, et il devînt plus tard un fidèle confesseur du Seigneur (Jean VII, 50 ; XIX, 39).



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20. Le témoignage rendu à Jésus par Jean-Baptiste.

(Jean III, 22-36.)


Après ces choses, Jésus se rendit en Judée avec ses disciples et il y baptisait, ou plutôt ses disciples le faisaient, car lui-même ne baptisait pas (Jean IV, 2). Chaque baptême, administré par le serviteur de Jésus, est un baptême de Jésus ; car non seulement il est fait par son commandement, mais encore sa personne est présente à chaque baptême. La cérémonie extérieure et visible est célébrée par le serviteur ; mais c'est Jésus seul qui opère la bénédiction spirituelle et intérieure.

Nous manquons de renseignements précis sur cette activité du Seigneur en Judée ; mais elle dut être très importante, puisque les disciples de Jean s'en montrent jaloux. Maître, lui disent-ils, celui qui était avec toi au delà du Jourdain et auquel tu as rendu témoignage, le voilà qui baptise, et tous vont à lui.

Jean-Baptiste était relégué dans l'ombre par les succès du Sauveur. Mais il rappelle à ses disciples qu'il n'a jamais prétendu être le Christ ; il n'est que son précurseur. Il confesse avec une humilité exempte de toute jalousie, que Celui qui a l'épouse est l'époux, que l'ami de l'époux, qui est présent et qui l'écoute, est ravi de joie d'entendre la voix de l'époux, et que c'est là sa joie qui est parfaite. Christ est l'époux ; l'épouse c'est l'Église, l'ami de l'époux c'est Jean-Baptiste. Il avait été chargé d'en haut de conduire l'épouse à l'époux.

Comme Jean-Baptiste opérait séparément de Jésus, n'avait aucun rapport personnel avec lui et entendait néanmoins la voix de l'époux, on ne se trompera probablement pas en admettant que l'apôtre Jean, qui avait été disciple de Jean-Baptiste, et adressé par lui à l'Agneau de Dieu, visitait souvent son Vénéré maître et lui communiquait les paroles de vie qu'il recueillait lui-même de la bouche de Jésus. Ainsi s'expliquerait la remarquable parenté entre ce dernier témoignage de Jean et les paroles du Sauveur lui-même. Le disciple Jean semble avoir visité récemment le Baptiste et lui avoir communiqué l'entretien nomme de Jésus avec Nicodème. Voilà pourquoi les paroles du Sauveur remplissent encore de joie l'âme du Précurseur.

Il faut qu'il croisse et que je diminue. Dès que l'épouse a été conduite à l'époux, l'oeuvre du serviteur de Jésus est terminée. Il se retire devant le Sauveur comme la lune pâlit lorsque le soleil se lève. C'est ce qui arrive dans le coeur des croyants. Il faut que Christ croisse, qu'il gagne toujours plus de terrain en nous. En revanche, il faut que notre moi diminue. Il faut que notre vieil homme soit crucifié, jusqu'à ce qu'enfin nous apprenions à dire avec Paul : Ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi.

Les disciples de Jean-Baptiste s'étaient plaints en disant : Tous vont à lui ! (v. 26). Mais leur Maître pense qu'il en vient encore beaucoup trop peu, et il se plaint que personne ne reçoit son témoignage. Celui qui a reçu. son témoignage a scellé que Dieu est véritable. L'Écriture dit ailleurs que Dieu scelle les croyants du Saint-Esprit et leur donne ainsi l'assurance de leur salut. L'un et l'autre sont nécessaires pour procurer cette assurance : l'Esprit qui agit par la Parole et les Sacrements, et la foi qui accepte et conserve ce témoignage. Son Esprit rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu (Rom. VIII, 16).
Alors Jean-Baptiste donne au Sauveur le nom le plus élevé, comme il l'a entendu de la bouche du Père lui-même lors du baptême le nom de Fils de Dieu. Celui qui croit au Fils a la vie éternelle mais celui qui ne croit pas au Fils ne verra point la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui. On n'obtient pas la vie éternelle par le Fils, ou du Fils ; mais avec lui.

Celui qui a le Fils par la foi a par là même la vie éternelle, car le Fils est le vrai Dieu et la vie éternelle (1 Jean, V, 20). Celui qui ne croit pas au Fils ne verra point la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui. Il n'y a d'affranchis de la colère de Dieu que ceux qui acceptent le Fils dans la foi.



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21. La Samaritaine.

(Jean IV, 1-12.)


La gloire du Seigneur, qui frappait de plus en plus les esprits, éveillait par cela même les soupçons et la haine des pharisiens. Afin d'éviter leurs persécutions, Jésus quitta la Judée et se retira en Galilée. L'heure n'était pas encore venue où il devait livrer sa vie à la mort. Il fallait qu'il travaillât aussi longtemps que le jour luisait pour lui. Sa route le conduisait à travers la Samarie.

D'ordinaire, lorsqu'un Juif voulait se rendre de Judée en Galilée, il faisait volontiers un détour par la Pérée, pour éviter de toucher cette terre hérétique de la Samarie. Mais il est dit du Sauveur : Il fallait qu'il passât par la Samarie, absolument comme plus tard il a fallu qu'il entrât chez Zachée, car il cherchait les pêcheurs pour les sauver.

Non loin de Sichar (Sichem), Jésus fatigué s'assit près du puits de Jacob. Une femme samaritaine (fallait-il aussi qu'elle vint là comme il fallait que Jésus passât par la Samarie ?) vint pour puiser de l'eau. Elle rencontra le Sauveur ; il reconnut en elle une âme dans laquelle il pouvait avoir confiance. Elle n'avait aucune idée des pensées du Seigneur à son égard. C'est lui qui commença l'entretien. Il fit le premier pas, comme il le fait toujours pour chaque âme. Quiconque a trouvé le Sauveur est toujours obligé de dire :

Si tu ne m'avais pas cherché, je ne t'aurais jamais trouvé.

Les disciples étaient allés à la ville pour acheter des vivres. Le Seigneur dit à la femme : Donne-moi à boire. Au moyen d'un entretien qui roule d'abord sur des choses tout à fait indifférentes, il amène peu à peu cette femme dans la disposition où elle doit être pour qu'il puisse lui annoncer la grande nouvelle : Je suis le Messie (v. 26). Que de temps n'a-t-il pas fallu aux apôtres pour leur faire comprendre cette vérité capitale ! et comme celte femme y parvient rapidement ! C'est que l'arbre croit plus lentement que le brin d'herbe. - La femme pense à l'inimitié qui existe entre les Juifs et les Samaritains, et s'étonne que Jésus, qui est Juif, lui demande à boire (v. 9). Jésus, répondant, lui dit: Si tu connaissais la grâce que Dieu, te fait et qui est celui qui le dit: Donne-moi à boire, tu lui en aurais demandé toi-même, et il t'aurait donné de l'eau vive (v. 10).

Le Sauveur brûle de pouvoir se donner à cette femme, pour apaiser la soif de son âme, qu'il connaît parfaitement. Il est lui-même la source des eaux vives. Il se plaint déjà sous l'Ancienne Alliance, en disant : Ils m'ont abandonné, moi qui suis la source des eaux vives, pour se creuser des citernes, même des citernes crevassées, qui ne peuvent contenir les eaux (Jérémie II, 13). Toutes les soifs du coeur humain ne peuvent être étanchées que par le Dieu vivant, qui est pour tous la source de la véritable vie.

La femme ne comprend pas le Sauveur, et pense seulement à l'eau de source, par opposition à l'eau de citerne. Elle est jalouse de l'honneur de Jacob, dont les Samaritains prétendent descendre et demande avec étonnement : D'où aurais-tu cette eau vive ? (11, 12.) Le fait qu'elle appelle Jésus Seigneur, prouve que quelque rayon de sa gloire a déjà pénétré dans son âme obscurcie. Alors le Seigneur lui répond : Quiconque boira de celle eau, encore soif, mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai, n'aura plus jamais soif ; et l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau jaillissante jusqu'à la vie éternelle (v. 13-15). L'eau d'ici-bas, les jouissances terrestres, ne peuvent pas étancher la soif de l'âme, créée pour Dieu. C'est en Jésus qu'est l'eau vive qui seule peut apaiser la soit de l'âme.

Quiconque a étanché sa soif en Jésus, ne dira jamais : Je suis rassasié, je n'ai besoin de rien (Apoc. III, 17) ; mais il dit toujours de nouveau : Mon âme a soif de Dieu, du Dieu fort et vivant. La soif d'amour augmente toujours dans le coeur des croyants. Mais tandis que la soif d'un coeur privé de Jésus est un horrible tourment, et un avant-goût de la soif des réprouvés, qui ne peut, jamais être apaisée (Luc XVI, 24), la soit persistante des croyants est, pour eux la source d'une constante et sainte joie.
Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir. Cette joie causée par l'eau vive est encore augmentée par le fait que cette eau, bue par la foi, devient dans le coeur du croyant une source qui ne tarit jamais, et qui peut aussi en rafraîchir et en restaurer d'autres, jusqu'à ce qu'elle se jette enfin dans le fleuve de cristal qui jaillit du trône de Dieu et de l'Agneau (Apoc. XXII, 1). Qui croit en moi, dit Jésus, des fleuves d'eau vive couleront de lui, comme le dit l'Écriture (Jean VII, 38).

La femme ne sait pas encore quelle eau Jésus lui offre ; mais elle comprend qu'il lui serait bien agréable d'en avoir, et elle prie le Seigneur de lui en donner, afin de ne plus avoir soif et de ne plus avoir besoin de venir en chercher. - La parole du Sauveur : Va, appelle ton mari, fait à cette femme le même effet que celle que le prophète Nathan adressa autrefois à David : Tu es cet homme-là ! (2 Samuel XII, 7. ) Sa conscience se réveille et elle apprend à avoir soif de l'eau vive. C'est comme si le Seigneur lui avait, dit : « Viens à moi avec tous les péchés ». Sans la douleur causée par le péché, pas de soif de l'eau vive et impossibilité d'en boire. Honteuse et sans doute les yeux baissés, la femme répond en hésitant : Je n'ai point ... de mari. Et alors elle voit le Seigneur mettre en lumière toute sa vie de péché. Tu as fort bien dit, lui répond Jésus : je n'ai point de mari, car tu as en cinq maris, et celui que tu as maintenant n'est pas ton mari ; toi, as dit vrai en cela.

La femme est arrivée à un moment décisif de sa vie. Se laissera-t-elle châtier ou regimbera-t-elle contre l'aiguillon ? - Seigneur, je vois que tu es un prophète. C'est là la confession franche de ses péchés.
Elle n'est pas irritée, elle ne ment pas, elle ne s'excuse pas elle n'est pas fâchée contre cet étranger qui lui dit, de telles choses en face. Cette femme pourrait nous être en exemple. On convient bien, d'une manière générale, qu'on est pécheur, mais quand le péché est nommé par son nom, alors on cesse de le confesser, parce qu'on n'avait pas cru la chose aussi sérieuse.

Maintenant la femme prie le Sauveur de lui indiquer la voie dans laquelle elle puisse trouver le repos de sa conscience angoissée. Est-ce à Garizim ou à Jérusalem ?

Alors le Seigneur l'invite à croire en lui. Femme, lui dit-il, crois-moi, le temps vient et il est déjà venu que vous n'adorerez plus le Père ni sur cette montagne, ni à Jérusalem. Vous adorez ce que vous ne connaissez point ; pour nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. Mais le temps vient, et il est déjà venu, que les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité, car le Père demande de tels adorateurs. Dieu est Esprit ; et il faut que ceux qui l'adorent, l'adorent en esprit et en vérité (v. 21-24),

Comme il l'a fait pour Nicodème, le Seigneur parle à cette femme du Saint-Esprit, le créateur de toute vie divine dans l'homme. Régénéré par cet Esprit, le coeur devient le temple de Dieu (1 Cor. III, 17). Il faut d'abord devenir un homme spirituel, et alors on peut adorer Dieu en esprit. Les âmes inconverties peuvent bien parler de Dieu ; elles peuvent même parler à Dieu. En réalité, elles sont sans Dieu, et ne touchent pas même, dans toutes leurs prières, le bord le plus extérieur de son vêtement. Celui qui veut adorer Dieu en vérité doit le posséder en vérité. Combien de chrétiens ignorent celle adoration de Dieu en esprit et en vérité ! Ils sont comme ces Samaritains, auxquels il suffisait d'adorer sur le mont Garizim, ou comme ces Juifs qui faisaient leur pèlerinage à Jérusalem, sans s'approcher de Dieu intérieurement, sans laisser pénétrer leur vie par l'amour de Dieu. C'est ainsi que, pour beaucoup de chrétiens, le culte n'est qu'une cérémonie extérieure. Pourvu qu'ils aillent à l'église et s'approchent une fois par an de la Table sainte ; pourvu qu'ils joignent à ces habitudes celle de prier avant le repas, ils se croient de vrais chrétiens.
Quant à la communion intérieure avec Dieu, quant à sentir et goûter dans leur coeur l'amour de Dieu, cela leur est complètement étranger. Voilà pourquoi la foi n'est pas pour eux la joie de la vie ; elle est plutôt un joug pesant.

Alors, le souvenir de tout ce que cette femme a entendu dire du Messie se réveille dans son coeur. Elle se dit en elle-même : Lorsque le Messie viendra, il ne parlera pas autrement. Elle voudrait bien demander à cet étonnant prophète comment elle doit le considérer. Ne serait-il peut-être pas lui-même le Messie ? Ce désir va tellement au coeur du Sauveur, qu'elle lui arrache son secret. Ce qu'il voulait encore voiler aux Juifs comme un profond mystère, à cause de leurs fausses espérances messianiques, il faut qu'il le découvre à ce coeur brisé, à cette conscience altérée : Je le suis, moi qui te parle.

Là-dessus les disciples arrivèrent et furent surpris de ce que leur Maître parlait avec une femme samaritaine. Ils ne connaissaient pas encore complètement sa soif qui le pousse à chercher et à sauver ce qui est perdu, ni son humilité qui le porte à servir même les plus petits. Néanmoins, le respect les empêche de l'interroger (27). Puissions-nous apprendre d'eux ce silence béni, lorsque le Seigneur fait quelque chose que nous ne comprenons pas, ou qu'il nous conduit par des voies contraires à nos propres pensées !

La femme a trouvé maintenant le fond solide où son ancre sera fixée pour l'éternité. Son coeur est tellement plein, qu'elle oublie complètement que le Seigneur lui a demandé à boire, et qu'elle-même est venue pour puiser de l'eau. Elle laissa sa cruche, s'en alla à la ville et dit aux gens du lieu : Venez voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait ; ne serait-ce point le Christ ? C'est là la foi vivante. Cette femme s'empresse joyeusement de communiquer aux autres ce qu'elle vient de recevoir. Les hommes s'arrachent les uns aux autres les richesses terrestres, comme une proie. Les trésors célestes rendent le coeur généreux et le poussent à les partager. Celui qui estime être un croyant, et qui, à la vue de ces multitudes qui vivent sans Dieu, demeure indifférent, et se dit : « En quoi cela me regarde-t-il ? qu'ils y pourvoient ! » celui-là se fait illusion s'il prétend avoir la foi. Partout où la vie de Dieu a pénétré, le besoin de lui rendre témoignage et l'esprit missionnaire s'éveillent immédiatement.
Et les gens du lieu croient la femme, sans craindre que le Sauveur leur dise, à eux aussi, tout ce qu'ils ont fait. Enfin les disciples invitent leur Maître à manger, mais il leur répond : J'ai à manger d'une nourriture que vous ne connaissez pas. Comme les disciples se demandaient si quelqu'un lui aurait peut-être apporté à manger, il leur dit : Ma nourriture est de faire lu volonté de Celui qui m'a envoyé et son oeuvre. Déjà David disait que le corps participe au bien-être spirituel de l'âme : Mon coeur et ma chair sont transportés de joie après le Dieu vivant (Ps. LXXXIV, 3). De même il confesse que par suite de la douloureuse connaissance de ses péchés, ses os se sont consumés et sa vigueur s'est changée en une sécheresse d'été (Ps. XXXII, 4. ».

Combien l'action de l'âme sainte du Sauveur devait-elle être plus énergique sur son corps pur ! Car en lui habitait toute la plénitude de la Divinité (Col. Il, 9). Son active obéissance à la volonté de son Père, ne portait absolument aucune atteinte à la force de son corps. Elle était plutôt un aliment fortifiant, tellement qu'il oubliait les besoins du corps.

Sur l'invitation des Samaritains, le Seigneur demeura deux jours chez eux, pour leur donner, à eux aussi, de l'eau vive. Et il y en eut beaucoup plus qui crurent eu lui après l'avoir entendu, et ils dirent à la femme : Ce n'est plus à cause de ce que tu nous as dit, que nous croyons ; car nous l'avons entendu nous-mêmes, et nous savons que c'est lui qui est véritablement le Christ, le Sauveur du monde. Par la foi au témoignage de la femme, ils furent portés à venir à Jésus ; par la foi à sa Parole, ils furent sauvés. Pareillement, il est bon d'ajouter foi au témoignage de l'Eglise, au Pasteur ; mais ce n'est toujours là qu'une foi de seconde main, qui ne donne aucune consolation assurée, aucune espérance certaine. C'est seulement lorsqu'on est venu personnellement à Jésus, et qu'on a reçu le souffle vivifiant de son amour, qu'on obtient un coeur ferme et un esprit assuré, avec lesquels on petit faire de réels progrès.



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22. Le seigneur de la cour.

(Jean IV, 47-54.)


Deux jours après, le Sauveur partit de là et se retira en Galilée, où il fut bien reçu des Galiléens, qui avaient vu les miracles qu'il avait faits à Jérusalem le jour de la fête. Un seigneur de la cour d'Hérode, qui demeurait à Capernaüm, le pria de descendre pour guérir son fils qui s'en allait mourir (v. 47). La confiance de cet homme n'est pas encore, aux yeux du Sauveur, la vraie foi. De là cette parole qu'il lui adresse : Si vous ne voyez des signes et des miracles, vous ne croyez point (v. 48).

Les miracles n'ont pas seulement pour but la guérison du corps ; ils doivent ouvrir les coeurs, afin de les disposer à recevoir le Sauveur par la foi. Cette parole sévère du Seigneur peut être traduite par cette plainte : « Ne veux-tu donc du secours que pour ton fils, et aucun pour ton âme ? » Cet homme se laisse reprendre, mais il répète sa prière sur le ton d'un coeur pénétré de la plus profonde humilité : Seigneur, descends avant que mon fils meure (v. 49). Jésus lui répondit : Va, ton fils vit. Cet homme crut à la parole que Jésus lui avait dite et il s'en alla (v. 50)

Cette parole eut un double effet ; elle agit sur le fils absent, et sur le père présent, qui fut guéri de son incrédulité.
C'est ainsi que les croyants, confiants dans la parole de Jésus, et s'y conformant sans hésiter, poursuivent leur course, pleins de joie et d'assurance, jusqu'à ce qu'enfin ils parviennent à leur demeure éternelle, où ils verront ce qu'ils ont cru ici-bas. Dans la conviction certaine que son fils est guéri, le père ne se hâte nullement de rentrer chez lui. C'est seulement le lendemain qu'il s'approche de Capernaüm. En chemin, il rencontre ses serviteurs qui lui disent : Ton fils vit. Cette nouvelle ne le surprend nullement. Cette parole est la même qu'il a recueillie de la bouche de Jésus et qui a calmé son coeur. Cependant il demanda à quelle heure le malade s'était trouvé mieux. Les serviteurs lui répondirent : Hier, environ la septième heure du jour, la fièvre le quitta. Et le père reconnut que c'était à celle même heure-là que Jésus lui avait dit : Ton fils vit. Et il crut, lui et toute sa maison (v. 52-53).

La douleur avait poussé ce père vers le Sauveur ; là il apprend à croire sur parole ce qu'il ne voit pas ; puis, il lui est donné de voir ce qu'il a cru ; enfin il croit, lui et toute sa maison. Alors les coeurs s'ouvrirent au Sauveur. Comme cet homme dut considérer les souffrances de son fils d'un tout autre oeil qu'auparavant ! Alors, c'étaient les ténèbres ; maintenant, c'est une réjouissante lumière ; auparavant, c'était l'angoisse ; maintenant, c'est une joie intime.

Si, comme lui, nous recherchions diligemment, non seulement dans les Écritures, mais aussi dans les dispensations de Dieu à notre égard, nous reconnaîtrions certainement dans notre vie les traces de son miséricordieux amour ; et cette vue nous fortifierait puissamment dans la foi. Dès lors nous serions plus souvent disposés à répéter la prière de David : « Je te rends grâces, ô Dieu, de ce que tu m'as fidèlement châtié. » - Ce sera sans doute une délicieuse occupation pour les saints glorifiés de rechercher les voies de Dieu dans leur vie passée, Et lorsqu'ils auront reconnu la fidélité de Dieu, ils lui rendront grâces pour toutes choses ; mais ce qui excitera surtout leur joie, ce sont les heures qu'ils ont passées dans les larmes, sur la terre.

(1) Dans les Bibles allemandes, les passages considérés comme particulièrement importants sont imprimés en grands caractères. (Trad.) 
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