Un de ceux qui avaient cru en Jésus vint le trouver pendant la nuit. C'était Nicodème, un pharisien, membre du sanhédrin.
Sa visite à Jésus montre sa foi ; mais le moment qu'il choisit
pour faire cette démarche prouve que cette foi n'était pas encore
affranchie de la crainte des hommes. Celui qui n'éteint pas le
lumignon fumant, fait à Nicodème un accueil amical, sans lui faire de
reproche au sujet de l'heure à laquelle il se présente à lui, ni de sa
crainte des hommes. Nicodème est évidemment poussé vers Jésus par une
question qui brûle sa conscience : Que
faut-il que je fasse pour être sauvé ? Mais
il n'ose pas la formuler. Le Sauveur lit dans son coeur comme dans un
livre ouvert, et lui répond comme si la question avait été faite. Ce
n'est pas une connaissance plus profonde, ce ne sont
pas des oeuvres plus parfaites, qui ouvrent l'entrée du royaume des
cieux, mais une nouvelle naissance, c'est-à-dire un renouvellement
complet de l'être moral tout entier.
Cette parole contient la plus terrible accusation qu'on
puisse porter contre la nature humaine. Elle est déclarée incapable de
produire aucun fruit de justice, et elle a dès lors besoin d'une
transformation absolue. Ainsi s'écroule, chez Nicodème, tout
l'échafaudage des vertus qu'il s'imaginait posséder. Il sait bien que
le Sauveur parle d'une nouvelle naissance spirituelle. Mais qu'on
puisse, dans toute sa vie intérieure, dans toutes ses pensées et ses
tendances, devenir un homme nouveau, cela parait à Nicodème une
impossibilité. Il lui semble que, pour que ce renouvellement puisse
s'opérer, une nouvelle naissance corporelle serait nécessaire aussi.
Il ne repousse pas obstinément la vérité ; il cherche sincèrement
à savoir si ce qui lui parait impossible ne serait pas cependant
possible. Jésus lui répondit: En vérité, en
vérité, te le dis, que si un homme ne naît d'eau et d'Esprit, il
ne peut entrer dans le royaume des cieux.
L'eau et l'Esprit sont réunis dans le saint
baptême ; ils composent le bain qui opère la nouvelle naissance.
Cette nouvelle naissance est nécessaire parce que l'homme est charnel
et vit dans un état d'inimitié contre Dieu. Une nouvelle naissance
corporelle produirait le même sens charnel et nécessiterait de nouveau
une régénération.
Jésus devient plus pressant. Il
faut, dit-il à Nicodème, que
vous naissiez de nouveau. Jésus s'exclut
lui-même ; il n'avait pas besoin de naître de nouveau. Mais toi,
Nicodème, il faut que tu naisses de nouveau. Tu peux expérimenter
l'action de l'Esprit si même tu ne la comprends pas. De même que tu
sens le souffle du vent sans savoir ni d'où il vient ni où il va, de
même en est-il de l'Esprit qui produit la nouvelle naissance. On ne
pouvait faire qu'une seule réponse aux questions : « d'où
vient-il ? » et « où va-t-il ? » Il vient de
la grâce de Dieu et aboutit à la félicité éternelle.
Lorsque Nicodème demande : Comment
ces choses peuvent-elles se foire ? le Seigneur le
reprend, et Nicodème se laisse reprendre. Dès lors Jésus peut avoir
confiance en lui, aussi lui laisse-t-il jeter un regard dans le
mystère de la Rédemption. Dieu a tellement
aimé le monde qu'il a donné son Fils unique,
afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu'il ait la
vie éternelle.
Ce passage est un de ceux dont le pieux professeur
Tholuck, de Halle disait : C'est par
les passages de la Bible imprimés en, grands caractères que la
plupart des âmes sont sauvées (1).
Lorsqu'un jour le missionnaire Nott prêchait sur ce
texte, un païen de son auditoire l'interrompit en s'écriant :
« Et tu peux parler de cet amour sans verser des
larmes ! »
Le Dieu saint a certainement le droit de punir le monde
dans sa colère, mais autant il hait le péché, autant il aime les
pécheurs, et pour les rendre heureux, Il donne son Fils unique.
Il le donne d'abord dans la crèche, ensuite il le livre
aux malédictions du péché et aux angoisses de Gethsémané, enfin à
l'abandon et aux affres de la mort en Golgotha, et cela afin que Celui
qui a été glorifié par la résurrection et l'ascension, vienne habiter,
par la puissance du Saint-Esprit, dans les coeurs des croyants.
Par leur incrédulité, les hommes s'excluent eux-mêmes de
la félicité, puisqu'ils aiment mieux les ténèbres que la lumière,
mieux le péché que le Sauveur. - L'incrédulité n'a pas sa source dans
la raison, mais dans la mauvaise inclination du coeur. Quiconque vient
à Jésus avec un esprit sans fraude et une véritable soif de salut, en
reconnaissant et confessant ses péchés, en obtient le pardon et trouve
en Christ paix, vie et félicité.
Nicodème avait écouté en silence les paroles du Seigneur,
et il les conservait dans son coeur. Lorsqu'il vint à Jésus, il
faisait nuit dans son âme comme au dehors, mais il
était venu à la lumière, et il devînt plus tard un
fidèle confesseur du Seigneur (Jean
VII, 50 ; XIX,
39).
Après ces choses, Jésus se rendit en Judée avec ses disciples et il y
baptisait, ou plutôt ses disciples le faisaient, car lui-même ne baptisait
pas (Jean
IV, 2). Chaque baptême, administré par le serviteur de Jésus,
est un baptême de Jésus ; car non seulement il est fait par son
commandement, mais encore sa personne est présente à chaque baptême.
La cérémonie extérieure et visible est célébrée par le
serviteur ; mais c'est Jésus seul qui opère la bénédiction
spirituelle et intérieure.
Nous manquons de renseignements précis sur cette activité
du Seigneur en Judée ; mais elle dut être très importante,
puisque les disciples de Jean s'en montrent jaloux. Maître, lui
disent-ils, celui qui était avec toi au delà
du Jourdain et auquel tu as rendu témoignage, le voilà qui
baptise, et tous vont à lui.
Jean-Baptiste était relégué dans l'ombre par les succès
du Sauveur. Mais il rappelle à ses disciples qu'il n'a jamais prétendu
être le Christ ; il n'est que son précurseur. Il confesse avec
une humilité exempte de toute jalousie, que Celui
qui a l'épouse est l'époux, que l'ami de l'époux, qui est présent
et qui l'écoute, est ravi de joie d'entendre la voix de l'époux,
et que c'est là sa joie qui est parfaite. Christ est
l'époux ; l'épouse c'est l'Église, l'ami de l'époux c'est
Jean-Baptiste. Il avait été chargé d'en haut de conduire l'épouse à
l'époux.
Comme Jean-Baptiste opérait séparément de Jésus, n'avait
aucun rapport personnel avec lui et entendait néanmoins la voix de
l'époux, on ne se trompera probablement pas en admettant que
l'apôtre Jean, qui avait été disciple de Jean-Baptiste, et adressé par
lui à l'Agneau de Dieu, visitait souvent son Vénéré maître et lui
communiquait les paroles de vie qu'il recueillait lui-même de la
bouche de Jésus. Ainsi s'expliquerait la remarquable parenté entre ce
dernier témoignage de Jean et les paroles du Sauveur lui-même. Le
disciple Jean semble avoir visité récemment le Baptiste et lui avoir
communiqué l'entretien nomme de Jésus avec Nicodème. Voilà pourquoi
les paroles du Sauveur remplissent encore de joie l'âme du Précurseur.
Il faut qu'il croisse et que je
diminue. Dès que l'épouse a été conduite à l'époux,
l'oeuvre du serviteur de Jésus est terminée. Il se retire devant le
Sauveur comme la lune pâlit lorsque le soleil se lève. C'est ce qui
arrive dans le coeur des croyants. Il faut que Christ
croisse, qu'il gagne toujours plus de terrain en nous. En revanche, il
faut que notre moi diminue. Il faut que notre vieil homme soit
crucifié, jusqu'à ce qu'enfin nous apprenions à dire avec Paul :
Ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui
vit en moi.
Les disciples de Jean-Baptiste s'étaient plaints en
disant : Tous vont à lui !
(v. 26).
Mais leur Maître pense qu'il en vient encore beaucoup trop peu, et il
se plaint que personne ne reçoit son témoignage. Celui qui a reçu. son
témoignage a scellé que Dieu est véritable. L'Écriture dit ailleurs
que Dieu scelle les croyants du Saint-Esprit et leur donne ainsi
l'assurance de leur salut. L'un et l'autre sont nécessaires pour
procurer cette assurance : l'Esprit qui agit par la Parole et les
Sacrements, et la foi qui accepte et conserve ce témoignage. Son
Esprit rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de
Dieu (Rom.
VIII, 16).
Alors Jean-Baptiste donne au Sauveur le nom le plus
élevé, comme il l'a entendu de la bouche du Père lui-même lors du
baptême le nom de Fils de Dieu. Celui qui
croit au Fils a la vie éternelle mais celui qui ne croit pas au
Fils ne verra point la vie, mais la colère de Dieu demeure sur
lui. On n'obtient pas la vie éternelle par le Fils, ou
du Fils ; mais avec lui.
Celui qui a le Fils par la foi a par là même la vie
éternelle, car le Fils est le vrai Dieu et
la vie éternelle (1
Jean, V, 20). Celui qui ne croit pas
au Fils ne verra point la vie, mais la colère de Dieu demeure sur
lui. Il n'y a d'affranchis de la colère de Dieu que
ceux qui acceptent le Fils dans la foi.
La gloire du Seigneur, qui frappait de plus en plus les esprits,
éveillait par cela même les soupçons et la haine des pharisiens. Afin
d'éviter leurs persécutions, Jésus quitta la Judée et se retira en
Galilée. L'heure n'était pas encore venue où il devait livrer sa vie à
la mort. Il fallait qu'il travaillât aussi longtemps que le jour
luisait pour lui. Sa route le conduisait à travers la Samarie.
D'ordinaire, lorsqu'un Juif voulait se rendre de Judée en
Galilée, il faisait volontiers un détour par la Pérée, pour éviter de
toucher cette terre hérétique de la Samarie. Mais
il est dit du Sauveur : Il fallait qu'il passât par la
Samarie, absolument comme plus tard il a fallu qu'il entrât
chez Zachée, car il cherchait les pêcheurs pour les sauver.
Non loin de Sichar (Sichem), Jésus fatigué s'assit près
du puits de Jacob. Une femme samaritaine (fallait-il aussi
qu'elle vint là comme il fallait que Jésus passât par la
Samarie ?) vint pour puiser de l'eau. Elle rencontra le
Sauveur ; il reconnut en elle une âme dans laquelle il pouvait
avoir confiance. Elle n'avait aucune idée des pensées du Seigneur à
son égard. C'est lui qui commença l'entretien. Il fit le premier pas,
comme il le fait toujours pour chaque âme. Quiconque a trouvé le
Sauveur est toujours obligé de dire :
Les disciples étaient allés à la ville pour acheter des vivres. Le
Seigneur dit à la femme : Donne-moi à
boire. Au moyen d'un entretien qui roule d'abord sur
des choses tout à fait indifférentes, il amène peu à peu cette femme
dans la disposition où elle doit être pour qu'il puisse lui annoncer
la grande nouvelle : Je suis le Messie
(v. 26).
Que de temps n'a-t-il pas fallu aux apôtres pour leur faire comprendre
cette vérité capitale ! et comme celte femme y parvient
rapidement ! C'est que l'arbre croit plus lentement que le brin
d'herbe. - La femme pense à l'inimitié qui existe entre les Juifs et
les Samaritains, et s'étonne que Jésus, qui est Juif, lui demande à
boire (v. 9).
Jésus, répondant, lui dit: Si tu connaissais
la grâce que Dieu, te fait et qui est celui qui le dit: Donne-moi
à boire, tu lui en aurais demandé toi-même, et il t'aurait donné
de l'eau vive (v.
10).
Le Sauveur brûle de pouvoir se donner à cette femme, pour
apaiser la soif de son âme, qu'il connaît parfaitement. Il est
lui-même la source des eaux vives. Il se plaint déjà sous l'Ancienne
Alliance, en disant : Ils m'ont abandonné, moi qui suis la source
des eaux vives, pour se creuser des citernes, même des citernes
crevassées, qui ne peuvent contenir les eaux (Jérémie
II, 13). Toutes les soifs du coeur humain ne peuvent être
étanchées que par le Dieu vivant, qui est pour tous la source de la
véritable vie.
La femme ne comprend pas le Sauveur, et pense seulement à
l'eau de source, par opposition à l'eau de citerne. Elle est jalouse de
l'honneur de Jacob, dont les Samaritains prétendent descendre et
demande avec étonnement : D'où
aurais-tu cette eau vive ? (11,
12.) Le fait qu'elle appelle Jésus Seigneur, prouve que quelque
rayon de sa gloire a déjà pénétré dans son âme obscurcie. Alors le
Seigneur lui répond : Quiconque boira
de celle eau, encore soif, mais celui qui boira de l'eau que je
lui donnerai, n'aura plus jamais soif ; et l'eau que je lui
donnerai deviendra en lui une source d'eau jaillissante jusqu'à la
vie éternelle (v.
13-15). L'eau d'ici-bas, les jouissances terrestres, ne peuvent
pas étancher la soif de l'âme, créée pour Dieu. C'est en Jésus qu'est
l'eau vive qui seule peut apaiser la soit de l'âme.
Quiconque a étanché sa soif en Jésus, ne dira
jamais : Je suis rassasié, je n'ai besoin de rien (Apoc.
III, 17) ; mais il dit toujours de nouveau : Mon âme a
soif de Dieu, du Dieu fort et vivant. La soif d'amour augmente
toujours dans le coeur des croyants. Mais tandis que la soif d'un
coeur privé de Jésus est un horrible tourment, et un avant-goût de la
soif des réprouvés, qui ne peut, jamais être apaisée (Luc
XVI, 24), la soit persistante des croyants est, pour eux la
source d'une constante et sainte joie.
Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir. Cette joie
causée par l'eau vive est encore augmentée par le fait que cette eau,
bue par la foi, devient dans le coeur du croyant une source qui ne
tarit jamais, et qui peut aussi en rafraîchir et en restaurer
d'autres, jusqu'à ce qu'elle se jette enfin dans le fleuve de cristal
qui jaillit du trône de Dieu et de l'Agneau (Apoc.
XXII, 1). Qui croit en moi, dit Jésus, des fleuves d'eau vive
couleront de lui, comme le dit l'Écriture (Jean
VII, 38).
La femme ne sait pas encore quelle eau Jésus lui
offre ; mais elle comprend qu'il lui serait bien agréable d'en
avoir, et elle prie le Seigneur de lui en donner, afin de ne plus
avoir soif et de ne plus avoir besoin de venir en chercher. - La
parole du Sauveur : Va, appelle ton
mari, fait à cette femme le même effet que celle que le
prophète Nathan adressa autrefois à David : Tu
es cet homme-là ! (2
Samuel XII, 7. ) Sa conscience se réveille et elle apprend à
avoir soif de l'eau vive. C'est comme si le Seigneur lui avait,
dit : « Viens à moi avec tous les péchés ». Sans la
douleur causée par le péché, pas de soif de l'eau
vive et impossibilité d'en boire. Honteuse et sans doute les yeux
baissés, la femme répond en hésitant : Je
n'ai point ... de mari. Et alors elle voit le Seigneur
mettre en lumière toute sa vie de péché. Tu
as fort bien dit, lui répond Jésus : je
n'ai point de mari, car tu as en cinq maris, et celui que tu as
maintenant n'est pas ton mari ; toi, as dit vrai en cela.
La femme est arrivée à un moment décisif de sa vie. Se
laissera-t-elle châtier ou regimbera-t-elle contre l'aiguillon ?
- Seigneur, je vois que tu es un prophète.
C'est là la confession franche de ses péchés.
Elle n'est pas irritée, elle ne ment pas, elle ne
s'excuse pas elle n'est pas fâchée contre cet étranger qui lui dit, de
telles choses en face. Cette femme pourrait nous être en exemple. On
convient bien, d'une manière générale, qu'on est pécheur, mais quand
le péché est nommé par son nom, alors on cesse de le confesser, parce
qu'on n'avait pas cru la chose aussi sérieuse.
Maintenant la femme prie le Sauveur de lui indiquer la
voie dans laquelle elle puisse trouver le repos de sa conscience
angoissée. Est-ce à Garizim ou à Jérusalem ?
Alors le Seigneur l'invite à croire en lui. Femme,
lui dit-il, crois-moi, le temps vient et il
est déjà venu que vous n'adorerez plus le Père ni sur cette
montagne, ni à Jérusalem. Vous adorez ce que vous ne connaissez
point ; pour nous, nous adorons ce que nous connaissons, car
le salut vient des Juifs. Mais le temps vient, et il est déjà
venu, que les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en
vérité, car le Père demande de tels adorateurs. Dieu est
Esprit ; et il faut que ceux qui l'adorent, l'adorent en
esprit et en vérité (v.
21-24),
Comme il l'a fait pour Nicodème, le Seigneur parle à
cette femme du Saint-Esprit, le créateur de toute vie divine dans
l'homme. Régénéré par cet Esprit, le coeur devient le temple de Dieu (1
Cor. III, 17). Il faut d'abord devenir un homme spirituel,
et alors on peut adorer Dieu en esprit. Les âmes inconverties
peuvent bien parler de Dieu ; elles peuvent même parler à Dieu.
En réalité, elles sont sans Dieu, et ne touchent pas même,
dans toutes leurs prières, le bord le plus extérieur de son vêtement.
Celui qui veut adorer Dieu en vérité doit le posséder en vérité.
Combien de chrétiens ignorent celle adoration de Dieu en esprit et en
vérité ! Ils sont comme ces Samaritains, auxquels il
suffisait d'adorer sur le mont Garizim, ou comme ces Juifs qui
faisaient leur pèlerinage à Jérusalem, sans s'approcher de Dieu
intérieurement, sans laisser pénétrer leur vie par l'amour de Dieu.
C'est ainsi que, pour beaucoup de chrétiens, le culte n'est qu'une
cérémonie extérieure. Pourvu qu'ils aillent à l'église et s'approchent
une fois par an de la Table sainte ; pourvu qu'ils joignent à ces
habitudes celle de prier avant le repas, ils se croient de vrais
chrétiens.
Quant à la communion intérieure avec Dieu, quant à sentir
et goûter dans leur coeur l'amour de Dieu, cela leur est complètement
étranger. Voilà pourquoi la foi n'est pas pour eux la joie de la
vie ; elle est plutôt un joug pesant.
Alors, le souvenir de tout ce que cette femme a entendu
dire du Messie se réveille dans son coeur. Elle se dit en
elle-même : Lorsque le Messie viendra, il ne parlera pas
autrement. Elle voudrait bien demander à cet étonnant prophète comment
elle doit le considérer. Ne serait-il peut-être pas lui-même le
Messie ? Ce désir va tellement au coeur du Sauveur, qu'elle lui
arrache son secret. Ce qu'il voulait encore voiler aux Juifs comme un
profond mystère, à cause de leurs fausses espérances messianiques, il
faut qu'il le découvre à ce coeur brisé, à cette conscience
altérée : Je le suis, moi qui te parle.
Là-dessus les disciples arrivèrent et furent surpris de
ce que leur Maître parlait avec une femme samaritaine. Ils ne
connaissaient pas encore complètement sa soif qui le pousse à chercher
et à sauver ce qui est perdu, ni son humilité qui le porte à servir
même les plus petits. Néanmoins, le respect les empêche de
l'interroger (27).
Puissions-nous apprendre d'eux ce silence béni, lorsque le Seigneur
fait quelque chose que nous ne comprenons pas, ou qu'il nous conduit
par des voies contraires à nos propres pensées !
La femme a trouvé maintenant le fond solide où son ancre
sera fixée pour l'éternité. Son coeur est tellement plein, qu'elle
oublie complètement que le Seigneur lui a demandé à boire, et
qu'elle-même est venue pour puiser de l'eau. Elle
laissa sa cruche, s'en alla à la ville et dit aux gens du
lieu : Venez voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai
fait ; ne serait-ce point le Christ ? C'est
là la foi vivante. Cette femme s'empresse
joyeusement de communiquer aux autres ce qu'elle vient de recevoir.
Les hommes s'arrachent les uns aux autres les richesses terrestres,
comme une proie. Les trésors célestes rendent le coeur généreux et le
poussent à les partager. Celui qui estime être un croyant, et qui, à
la vue de ces multitudes qui vivent sans Dieu, demeure indifférent, et
se dit : « En quoi cela me regarde-t-il ? qu'ils y
pourvoient ! » celui-là se fait illusion s'il prétend avoir
la foi. Partout où la vie de Dieu a pénétré, le besoin de lui rendre
témoignage et l'esprit missionnaire s'éveillent immédiatement.
Et les gens du lieu croient la femme, sans craindre que
le Sauveur leur dise, à eux aussi, tout ce qu'ils ont fait. Enfin les
disciples invitent leur Maître à manger, mais il leur répond : J'ai
à manger d'une nourriture que vous ne connaissez pas.
Comme les disciples se demandaient si quelqu'un lui aurait peut-être
apporté à manger, il leur dit : Ma
nourriture est de faire lu volonté de Celui qui m'a envoyé et son
oeuvre. Déjà David disait que le corps participe au
bien-être spirituel de l'âme : Mon coeur et ma chair sont
transportés de joie après le Dieu vivant (Ps.
LXXXIV, 3). De même il confesse que par suite de la douloureuse
connaissance de ses péchés, ses os se sont consumés et sa vigueur
s'est changée en une sécheresse d'été (Ps.
XXXII, 4. ».
Combien l'action de l'âme sainte du Sauveur devait-elle
être plus énergique sur son corps pur ! Car en lui habitait toute
la plénitude de la Divinité (Col.
Il, 9). Son active obéissance à la volonté de son Père, ne
portait absolument aucune atteinte à la force de son corps. Elle était
plutôt un aliment fortifiant, tellement qu'il oubliait les besoins du
corps.
Sur l'invitation des Samaritains, le Seigneur demeura
deux jours chez eux, pour leur donner, à eux aussi, de l'eau vive. Et
il y en eut beaucoup plus qui crurent eu lui après l'avoir
entendu, et ils dirent à la femme : Ce n'est plus à cause de
ce que tu nous as dit, que nous croyons ; car nous l'avons
entendu nous-mêmes, et nous savons que c'est lui qui est
véritablement le Christ, le Sauveur du monde. Par la
foi au témoignage de la femme, ils furent portés à venir à
Jésus ; par la foi à sa Parole, ils furent sauvés. Pareillement,
il est bon d'ajouter foi au témoignage de l'Eglise, au Pasteur ;
mais ce n'est toujours là qu'une foi de seconde
main, qui ne donne aucune consolation assurée, aucune espérance
certaine. C'est seulement lorsqu'on est venu personnellement à Jésus,
et qu'on a reçu le souffle vivifiant de son amour, qu'on obtient un
coeur ferme et un esprit assuré, avec lesquels on petit faire de réels
progrès.
Deux jours après, le Sauveur partit de là et se retira en Galilée, où
il fut bien reçu des Galiléens, qui avaient vu les miracles qu'il
avait faits à Jérusalem le jour de la fête. Un seigneur de la cour
d'Hérode, qui demeurait à Capernaüm, le pria de
descendre pour guérir son fils qui s'en allait mourir (v.
47). La confiance de cet homme n'est pas encore, aux yeux du
Sauveur, la vraie foi. De là cette parole qu'il lui adresse : Si
vous ne voyez des signes et des miracles, vous ne croyez point
(v. 48).
Les miracles n'ont pas seulement pour but la guérison du
corps ; ils doivent ouvrir les coeurs, afin de les disposer à
recevoir le Sauveur par la foi. Cette parole sévère du Seigneur peut
être traduite par cette plainte : « Ne veux-tu donc du
secours que pour ton fils, et aucun pour ton âme ? » Cet
homme se laisse reprendre, mais il répète sa prière sur le ton d'un
coeur pénétré de la plus profonde humilité : Seigneur,
descends avant que mon fils meure (v.
49). Jésus lui répondit : Va, ton
fils vit. Cet homme crut à la parole que Jésus lui avait dite et
il s'en alla (v.
50)
Cette parole eut un double effet ; elle agit sur le
fils absent, et sur le père présent, qui fut guéri de son incrédulité.
C'est ainsi que les croyants, confiants dans la parole de
Jésus, et s'y conformant sans hésiter, poursuivent leur course, pleins
de joie et d'assurance, jusqu'à ce qu'enfin ils parviennent à leur
demeure éternelle, où ils verront ce qu'ils ont cru ici-bas. Dans la
conviction certaine que son fils est guéri, le père ne se hâte
nullement de rentrer chez lui. C'est seulement le lendemain qu'il
s'approche de Capernaüm. En chemin, il rencontre ses serviteurs qui
lui disent : Ton fils vit.
Cette nouvelle ne le surprend nullement. Cette parole est la même
qu'il a recueillie de la bouche de Jésus et qui a
calmé son coeur. Cependant il demanda à
quelle heure le malade s'était trouvé mieux. Les
serviteurs lui répondirent : Hier,
environ la septième heure du jour, la fièvre le quitta. Et le père
reconnut que c'était à celle même heure-là que Jésus lui avait
dit : Ton fils vit. Et il crut, lui et toute sa maison
(v. 52-53).
La douleur avait poussé ce père vers le Sauveur ; là
il apprend à croire sur parole ce qu'il ne voit pas ; puis, il
lui est donné de voir ce qu'il a cru ; enfin il croit, lui et
toute sa maison. Alors les coeurs s'ouvrirent au Sauveur. Comme cet
homme dut considérer les souffrances de son fils d'un tout autre oeil
qu'auparavant ! Alors, c'étaient les ténèbres ; maintenant,
c'est une réjouissante lumière ; auparavant, c'était
l'angoisse ; maintenant, c'est une joie intime.
Si, comme lui, nous recherchions diligemment, non
seulement dans les Écritures, mais aussi dans les dispensations de
Dieu à notre égard, nous reconnaîtrions certainement dans notre vie
les traces de son miséricordieux amour ; et cette vue nous
fortifierait puissamment dans la foi. Dès lors nous serions plus
souvent disposés à répéter la prière de David : « Je te
rends grâces, ô Dieu, de ce que tu m'as fidèlement châtié. » - Ce
sera sans doute une délicieuse occupation pour les saints glorifiés de
rechercher les voies de Dieu dans leur vie passée, Et lorsqu'ils
auront reconnu la fidélité de Dieu, ils lui rendront grâces pour
toutes choses ; mais ce qui excitera surtout leur joie, ce sont
les heures qu'ils ont passées dans les larmes, sur la terre.
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