Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

PRÉFACE

SOCIÉTÉ DE PUBLICATION.

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L'existence d'un curé tel que Martin Boos au sein de l'église catholique, surprendra sûrement la plupart de nos lecteurs, et nous leur devons quelques mots d'explication. Boos a été le contemporain ou l'ami de Gossner, de Henhoefer, de Feneberg, de Lindl, que les protestants français connaissent depuis long-temps par les journaux religieux ou par de courtes notices ; et les événements qui ont eu lien à Donaumoos', se rattachent à ce même mouvement religieux qui a fait naître ces courageux témoins de la vérité chrétienne au milieu des erreurs de Rome.

Pendant la dernière moitié du 18e siècle, les principes du gallicanisme, qui soumet le pape aux conciles, avaient pénétré dans l'Allemagne catholique, qui subissait en même temps l'influence combinée du jansénisme français, du luthéranisme allemand, et de la philosophie rationaliste du siècle. L'ordre des jésuites perdait sa prépondérance et finit par être supprimé. Les archevêques de Vienne et de Salzbourg s'élevaient contre les abus de leur église et contre la méthode scolastique de l'enseignement de la théologie, tandis que l'empereur d'Autriche, Joseph II, abolissait par des ordonnances séculières l'usage du latin dans le culte, diminuait le nombre et la pompe des autels, supprimait plusieurs processions, mettait des bornes aux indulgences, fermait les couvents et cherchait à réformer l'éducation élémentaire et supérieure.

À cette même époque, Léopold, grand-duc de Toscane, opérait de semblables réformes dans ses états avec le secours du pieux évêque de Pistoia, Scipion Ricci. La Bible fut traduite en langue vulgaire, soit d'après la vulgate, soit d'après le grec et l'hébreu, et plusieurs de ces traductions ne furent que des versions protestantes plus ou moins modifiées. D'illustres professeurs, tels que Jahn à Vienne, Hug à Fribourg, s'écartèrent en nombre de points des opinions généralement reçues dans leur église, et publièrent sur la Bible et sur les diverses branches de la théologie des écrits qu'ils avaient composés en ayant recours aux recherches des protestants, et que les protestants à leur tour surent apprécier.

Il se forma ainsi en Autriche, et plus tard en Bavière, une classe de catholiques qui, sans sortir de leur église ni même se mettre en guerre ouverte avec les partisans de la stricte orthodoxie romaine, adoptèrent et répandirent par leurs livres et leur prédication un catholicisme mitigé et épuré dont voici les principaux traits.

La tradition divine et apostolique ne doit pas être confondue avec la tradition de l'église, qui n'est authentique que lorsqu'elle ne contredit ni les textes positifs de l'Écriture, ni son esprit, ni les premiers principes du bon sens et de la raison humaine.

La transsubstantiation ne fait pas partie des dogmes catholiques, car elle n'est fondée ni sur l'Écriture, ni sur la tradition ; le concile de Trente n'a voulu établir que la présence réelle de Christ dans l'Eucharistie il ne s'est pas expliqué catégoriquement sur la manière ou le mode du mystère.

Il faut distinguer les sacrements scripturaires de ceux qui ne sont qu'ecclésiastiques et traditionnels

La Vulgate n'a point été déclarée version authentique et exempte de toute faute par le concile de Trente, qui a voulu simplement, par un règlement disciplinaire, écarter les traductions protestantes. Le catéchisme romain fit place à des livres meilleurs. Diverses cérémonies furent modifiées ou abrogées. On travailla avec zèle à corriger la liturgie et à y introduire, la langue allemande.

Les hommes les plus remarquables de ce catholicisme idéalisé ont été ou sont encore Sailer, de Wessenberg, Dereser, Jahn, Hug, Oberthiir, etc.

Sailer, qui a exercé une grande influence sur Boos, est né en 1751 dans un village bavarois. Il était entré en 1770 dans l'ordre des Jésuites, qui fut supprimé trois ans après. Il fut nommé en 1780 professeur de théologie à l'université d'Ingolstadt, mais il perdit bientôt après cette place. En 784 il fut appelé comme professeur à l'université de Dillingen, qui dépendait alors de l'évêque d'Augsbourg. Mais en 1794 il reçut inopinément sa démission. En 1800 il fût de nouveau nommé professeur à Landshul où avait été transférée l'université d'Ingolstadt. En 1822, il devint coadjuteur de l'évêché de Ratisbonne, et évêque de cette même ville en 1829. Il est mort en 1832. Nous le verrons prendre la défense de Boos persécuté, sans avoir jamais été lui-même en butte aux persécutions de son église ; cependant il eut aussi sa part de l'opprobre de Christ, et ses nombreux écrits de théologie et d'édification prouvent une âme d'une profonde piété. Plusieurs d'entre eux ont trouvé un accueil très-favorable parmi ses coreligionnaires et doivent avoir fait beaucoup de bien. Nous nommerons parmi les nombreux disciples de Sailer, d'une part, Boos et Gossner, vrais chrétiens évangéliques ; et de l'autre, le chanoine Schmid, dont les histoires bibliques ont été introduites dans les écoles dé Bavière et ont eu plus de vingt éditions, et qui est bien connu des lecteurs français par ses nombreux ouvrages à l'usage de la jeunesse : Geneviève, les Oeufs de Pâques, la Corbeille de Fleurs, etc.

L'évêque de Constance, de Wessenberg, a eu de longs démêlés avec la cour de Rome, à laquelle il s'était rendu suspect par son projet d'introduire dans le culte le chant des cantiques allemands et dont il publia un recueil, par ses efforts pour faire naître une vraie piété parmi les prêtres de son diocèse, les éclairer et les instruire, par ses mandements de jeûne qui étaient pleins de modération et de sagesse, par ses écrits. Le grand-duc de Baden, dans les états duquel est situé Constance, soutint de Wessenberg contre Rome, et ces démêlés ne cessèrent qu'en 1827 par un concordat qui supprimait cet évêché. De Wessenberg vit encore ; il est né en 1774 à Dresde, ou son père était ambassadeur d'Autriche. Il s'est illustré par de nombreux écrits d'édification, d'histoire philosophique et d'esthétique et par des poésies.

Sailer et de Wessenberg peuvent être regardés comme les représentants de ce catholicisme idéalisé de l'Allemagne, que nous pourrions comparer au jansénisme sous de certains rapports. Les pieux évêques et théologiens ne remirent point en honneur, il est vrai, les grandes doctrines de St. Paul, d'Augustin et de Luther sur la foi, la grâce, la justification et l'élection ; mais ils cherchèrent, ainsi que l'avaient fait les jansénistes, à réformer les erreurs de Rome sans les abjurer et les secouer. Tentatives infructueuses. Rome a déclaré, au temps de Luther et par le concile de Trente, qu'il y avait antipathie et guerre à mort entre elle et la vérité.

Les hommes dont nous venons de parler, exercèrent une grande influence sur leur patrie. Leurs disciples nous paraissent se diviser en deux classes, si les renseignements que nous possédons sur l'Allemagne catholique actuelle ne nous induisent pas en erreur. Les uns sont des catholiques d'une piété douce, aimable, éclairée, mais sans grande énergie de caractère ni profondeur de vues dogmatiques. Les autres sont de vrais réformateurs à la Luther, qui valent mieux que leurs maîtres, et qui ont été en guerre ouverte avec leur église : tels Boos et ses amis. Ils ont été plus conséquents ou plus courageux que leurs prédécesseurs, qui avaient ouvert à demi les yeux sur les erreurs du papisme et n'avaient pas pu on voulu les sonder jusqu'au fond et les rejeter entièrement. Mais eux, Ils sont remontés à la source de toutes les erreurs de détails de leur confession ; ils sont arrivés à la grande doctrine du salut gratuit par la foi, à cette doctrine qui est l'unique levier avec lequel on remue les nations et on renverse les forteresses de Satan, à cette doctrine que Rome rejette de son sein avec angoisse dès qu'elle y naît et s'y développe, parce qu'elle la tue.

Boos, nous l'avons dit, a été un chrétien vraiment évangélique, quoiqu'il soit mort dans l'église de Rome que ses amis avaient abandonnée. On le voit en relations intimes d'amitié avec des protestants, et l'on ne trouve nullement chez lui cette animosité contre la réforme qui dépare la plupart des écrits jansénistes. Sa vie nous apprend comment Dieu peut faire éclater la pure lumière de son Évangile au sein des ténèbres de Rome, et comment Rome met en oeuvre toutes les ressources de l'enfer pour étouffer cette lumière. Ces pages nous offrent une répétition en petit des grandes scènes de la réforme, et nous prouvent que Rome n'a pas changé, car elle a traité Boos précisément comme elle avait traité Luther il y a trois siècles. Et si Luther se fut obstiné. à rester dans l'église qui le persécutait et l'excommuniait, il eût été comme Boos forcé à l'inaction et au silence ; mais la réforme n'en aurait pas moins eu lieu, seulement elle se serait faite par un autre homme que Dieu aurait suscité selon son bon plaisir.

Nous ne nous trompons certainement pas en désignant l'époque de Gossner et de Boos comme celle d'un vrai réveil religieux dans la Bavière catholique. C'est ce qu'atteste l'apparition simultanée de nombreux prédicateurs de la foi vivante, l'agitation profonde qu'ils ont causée tout autour d'eux, soit en amenant une foule d'âmes à Jésus-Christ, soit en soulevant contr'eux tous les adversaires de la vérité, la fondation d'une société catholique à Ratisbonne pour la distribution de la Bible (voyez feuilles religieuses de Vaud, année 1826, et l'activité d'hommes tels que Van Ess, qui compte par cent mille les exemplaires qu'il a répandus de sa traduction des saintes Écritures.
Mais la lumière de l'Évangile semble s'être déjà couchée pour la Bavière catholique. Le catholicisme ultramontain, le papisme y règne de nouveau sans opposition et y compte ses plus fougueux défenseurs. Les ordres monastiques y trouvent une puissante protection ; chaque année voit se restaurer d'anciens couvents d'hommes ou de femmes, s'en ouvrir de nouveaux, et l'éducation publique est en majeure partie entre les mains des Bénédictins.

Quant à l'Autriche, les réformes violentes de Joseph Il n'ont eu qu'une existence éphémère et ont disparu sans laisser de traces. Elles provenaient, non de la foi qui reconnaît l'erreur au flambeau de la révélation, mais de la raison naturelle qui juge la superstition selon ses idées propres et la combat avec ses seules forces. C'était une simple protestation du sens commun et de la philosophie contre tout ce que le papisme contient de déraisonnable. Mais la biographie de Boos nous montrera qu'en Autriche comme en Bavière, et comme dans le monde entier, le salut qui est en Jésus-Christ ne peut être offert aux pécheurs sans attirer irrésistiblement les uns et scandaliser les autres ; car il est une puissance divine et une odeur de vie ou de mort.

En résumé, nous dirons, avec les réformateurs : Il y a possibilité de salut dans l'Eglise de Rome, parce que la vérité est assez forte pour se faire jour à travers tous les obstacles, et que le Saint-Esprit est plus puissant que le pape et ses serviteurs. Mais on ne fait son salut dans Rome que malgré Rome ; qui veut aller à Jésus-Christ directement et avec la foi vivante, est certain d'être persécuté, parce que Rome, en repoussant la réforme, s'est endurcie dans le mensonge et ne peut subsister que par la mort spirituelle de ses membres.


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AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR.


La vie du curé Martin Boos a été publiée en 1826, par Jean Gossner. (1) Dix ans plus tard, la Société Évangélique de Saint-Gall en fit paraître un abrégé, formant un volume de près de 400 pages. C'est proprement une autobiographie composée en presque totalité avec les ouvrages imprimés de Boos, ses manuscrits et ses lettres. Une traduction littérale n'aurait pas été tolérable dans notre langue. Des lecteurs français ne sont pas familiarisés avec le laisser-aller, avec la prolixité des Allemands ; Ils veulent un récit plus animé et plus soutenu ; ils redoutent les répétitions et les longueurs dont plusieurs écrivains d'outre-Rhin sont parfois trop prodigues. Nous avons donc cherché à coordonner les faits et presque refondu le livre entier, tout en nous efforçant de conserver la simplicité et l'originalité qu'on retrouve dans la plupart des ouvrages allemands. Nous avons, autant que cela nous a été possible, laissé parler Boos lui-même ; les retranchements que nous nous sommes permis ne portent que sur des faits déjà énoncés ou sur des articles d'édification dont les sujets avaient été traités dans quelqu'autre partie de l'ouvrage.

Nous ne nous sommes point senti arrêté par les formes du catholicisme romain auxquelles Martin Boos resta constamment attaché.
Ces formes ont, sans doute, plus on moins embarrassé sa marche ; peut-être aussi ont-elles entravé l'oeuvre de l'Esprit dans son coeur ; mais elles ne l'ont point empêché de confesser hardiment la vérité telle qu'elle est dans la Bible. Ces formes ne font que mieux ressortir la lumière de l'Évangile, qui sait se faire jour à travers les épais taillis dont le papisme a couvert une portion du champ du Seigneur.

Si donc quelqu'un de nos lecteurs trouvait étrange l'association de ces deux mots : curé évangélique, nous lui dirions : lisez la vie de Boos et dites-nous si une telle vie n'est pas celle d'un chrétien ; dites-nous si un homme qui éleva aussi haut l'étendard de l'Évangile et qui proclama d'une si intelligible voix le nom de Christ au sein d'une communion qui le condamnait comme un hérétique ; dites-nous si un homme animé d'une foi aussi vive, j'ajouterai aussi pure, n'appartient pas à cette Église universelle, invisible, que Jésus a rachetée au prix de son sang, et s'il n'y a pas quelque intérêt à connaître la foi et les espérances d'un tel serviteur de Dieu ?

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(1) Cet écrit a pour titre : Notice biographique sur Martin Boos, ancien curé de Gallneukirchen, en Autriche, mort le 29 août 1825. Jean Gossner est auteur du sermon intitulé : Le Catholicisme primitif, qui a eu déjà plusieurs éditions en France. Nous recommandons à nos lecteurs, et surtout à nos lecteurs catholiques romains, cette excellente brochure.
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