Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

AUX LECTEURS.

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Habitants du village, c'est ici le livre d'un inconnu, mais d'un inconnu qui vous aime. Le même Dieu nous a créés; nous sommes membres de la même famille : vous êtes mes frères, et je suis le vôtre. Quels titres sacrés à votre bienveillance et à vos sympathies !

J'espère que, durant les longues veillées de l'hiver, ou le soir du dimanche, plus d'un chef de famille ouvrira ce livre pour le lire avec ses enfants. Au dehors de la chaumière tout est calme, au dedans tout est bien rangé; chacun vient de prendre le dernier repas de la journée, et rien ne distrait les auditeurs qui veulent s'instruire encore par une bonne lecture, avant d'aller chercher dans le sommeil des forces pour le travail du lendemain.

Quelquefois, le père de famille s'interrompt pour demander : À quoi peut nous servir ce qui est écrit dans ce livre? Quelle application devons-nous en faire à nous-mêmes? Et le vénérable aïeul, assis près du feu dans son large fauteuil de chêne, ajoute à cette lecture les réflexions que lui inspire sa vieille expérience. Il parle avec une douce autorité, comme un homme qui, en traversant de longs jours, a beaucoup vu et beaucoup souffert. L'attention redouble alors, et le plus jeune des enfants avance la tête pour mieux écouter.
Heureuse la maison qui passe de la sorte ses veillées ! Sur elle repose la bénédiction de Dieu. Le malheur pourra encore y entrer, il est vrai; mais ce sera un malheur adouci par l'union domestique et consolé par la religion.

Mes amis, le langage que je vous tiendrai sera sincère et franc. La franchise est comme un remède amer, qui répugne d'abord au malade, mais qui lui paraît, doux ensuite parce qu'il l'a guéri.

Il n'y aura ni détours ni flatteries dans mes paroles. Vous ne me verrez pas, à l'exemple de tant d'autres, peindre la campagne comme le séjour d'une candide innocence et d'un parfait contentement. L'homme est homme partout, vivant dans le péché, et par conséquent dans la douleur. Vous n'avez pas tous les défauts de l'habitant des grandes villes, mais vous avez les vôtres; et quel meilleur service pourrais-je vous rendre que de vous les signaler ?

S'il y a dans ce livre quelque reproche qui ne s'applique pas à votre caractère ni à votre conduite, ne vous hâtez pas de dire : Voilà un écrivain qui exagère ! Allez plus loin, et vous y trouverez ce qui s'adresse à vous. Il est bien sûr que nul n'achèvera cette lecture sans y découvrir, s'il le veut, de quoi devenir meilleur.

Je vous parlerai aussi très-simplement. Point de grandes phrases, point de mots, prétentieux entre vous et moi ; ce serait un voile qui vous cacherait ma pensée. Imaginez que l'un de vos voisins, ayant à vous communiquer une affaire importante, employât des termes que vous auriez peine à comprendre, ne l'inviteriez-vous pas à s'expliquer avec plus de simplicité ? Eh bien ! je ne veux point ressembler à ce voisin-là. Je vous dirai, sans vaine recherche, ce que j'aurai dans l'esprit ou sur le coeur; et si quelqu'un refuse de suivre, mes conseils, au moins n'aura-t-il pas l'excuse de dire qu'il ne les a pas compris.

Enfin, je me placerai toujours, en vous parlant, devant Celui qui sonde le fond des consciences. Écoutez-moi donc comme je vous parle : en présence de Dieu. Si nous le voyons sans cesse à notre droite, nous ne serons point tentés, vous de repousser la vérité ni moi de la trahir.
Mais vous me demanderez peut-être de quel droit je remplis auprès de vous une mission à laquelle vous ne m'avez pas appelé. - Où sont vos titres, direz-vous, pour nous reprendre et nous exhorter à mieux faire? Manquons-nous de guides qui nous montrent le bon chemin ? - Ma réponse, chers lecteurs, sera courte: Ne vous ai-je pas dit que vous êtes mes frères ?

Supposons un moment que vous soyez suffisamment instruits de vos devoirs; cet écrit ne vous servira-t-il à rien? Non, il pourra vous être utile encore, parce que les mêmes préceptes, venant de divers côtés, se graveront mieux dans votre souvenir. Mais cette supposition ne s'appliquera qu'à bien peu de lecteurs. Que de gens qui ne savent pas ce qu'ils auraient le plus besoin de savoir. Ils se corrigeraient peut-être, étant avertis; mais ne l'étant point, ils vivent et meurent dans une ignorance fatale. Ceux-là songeraient-ils à me contester le droit de leur faire un peu de bien ?

Hélas ! quand je réfléchis que des vingt-cinq millions de villageois qui existent en France, la plupart manquent presque entièrement des lumières et des directions qui leur seraient si nécessaires ; quand je pense que beaucoup d'entre eux, plus à plaindre encore que les ignorants, sont mal instruits et commettent sans remords, ou même avec je ne sais quelle approbation de leur fausse conscience, une foule d'actes coupables; quand je me représente enfin qu'il s'agit pour ces millions d'hommes, non-seulement de rendre plus heureuse leur destinée d'un jour, mais de leur indiquer la route du bonheur éternel : à ces graves réflexions, je sens profondément que j'ai quelque chose à vous dire, et que je dois vous le dire sans retard. « Parle, me crie l'Esprit comme à l'apôtre saint Paul, et ne te tais point. »

Je voudrais, au lieu de converser avec vous par l'intermédiaire de ce froid papier, pouvoir aller moi-même par toute la France, de chaumière en chaumière ; et puis quand nous aurions invoqué ensemble le nom du Seigneur Jésus-Christ, nous nous expliquerions à coeur ouvert sur les grands intérêts du temps et de l'éternité. Çà et là, sans doute, je rencontrerais une âme qui se confondrait avec la mienne dans ces doux entretiens, en attendant qu'elles soient réunies pour jamais dans le sein de notre Père qui est aux cieux.
Mais je ne le puis : un livre ira plus loin que je ne saurais aller. Accueillez-le donc, à la place de l'auteur, avec une fraternelle bienveillance, et le Seigneur veuille le bénir pour vous et pour vos enfants !

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