Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

QUELQUES OEUVRES DU DIMANCHE.

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Est-il permis de faire du bien, au jour du Sabbat, ou de faire du mal ? De sauver une personne, ou de la faire périr? (Marc III, 4.)


NOUVEAU PLAN POUR LES OEUVRES DU DIMANCHE.

Vers le soir du dernier jour d'une de ces courtes semaines, qui passent si rapidement, et qui, cependant, mesurent notre vie, trois disciples du Sauveur, de ceux qu'il nomme lui-même ses amis, (Jean XV, 14, ) s'étaient réunis à la campagne, chez une servante âgée du même Seigneur, pour s'y entretenir avec elle sur les moyens de répandre dans quelques villages voisins la connaissance de la grâce de Dieu en Jésus.

Ces trois amis étaient un négociant, un de ses commis, et un étudiant en médecine ; et c'était chez la veuve d'un notaire qu'ils avaient, chaque semaine, ce pieux rendez-vous, que sanctifiaient toujours la prière et la lecture de la Parole de Dieu.
Ce soir-là, le négociant paraissait plus silencieux que de coutume ; et sur l'observation qu'on lui en fit, il répondit qu'il était loin d'être content de l'oeuvre qu'ils avaient faite jusqu'alors, et qu'il méditait, à cet égard, un tout nouveau plan, sur lequel il espérait de voir la bénédiction de Dieu.

Ce plan était, qu'au lieu de passer tout le dimanche, selon leur habitude, à contenter les souhaits de leurs âmes, soit en écoutant au moins sermons, soit en faisant d'utiles lectures, ou bien en se réunissant avec quelques autres fidèles, ils devaient agir, ce jour-là, le plus possible, auprès du peuple, et faire des oeuvres.

Ce saint jour, observa-t-il, est le meilleur pour cela, et peut-être le seul convenable. D'abord, aux jours ouvriers, chacun de nous a ses occupations ; et le peuple, surtout, a son travail qui le préoccupe, et auquel, d'ordinaire, il faut qu'il s'adonne sans relâche. Et quant aux gens plus aisés, c'est dans ces jours-là, surtout, que sont leurs plaisirs et leurs dissipations, auxquels ils se livrent comme sans crainte. Mais, pour eux-mêmes, à moins qu'ils ne soient démoralisés et tout-à-fait impies, le jour du Seigneur conserve encore quelque empire sur la conscience ; et l'on peut en profiter.

J'ai déjà senti ce que vous nous dites, poursuivit la Veuve, et c'était aussi la pensée de mon pieux et prudent mari. Il m'a dit souvent, que s'il avait fait, par la grâce de Dieu, quelque bien dans ce village, c'était surtout à ses oeuvres du jour du Seigneur qu'il attribuait cette réussite.
Et à cet égard, vous pouvez savoir combien il était actif et ingénieux.
Je puis en fournir une preuve, dit l'Étudiant, puisque c'est à moi-même que la chose est arrivée. J'avais alors environ douze ans, et j'étais venu passer le dimanche chez mon oncle, qui habitait tout près d'ici. Le matin, je me rendis bien avec lui au temple, et j'y retournai aussi l'après-midi. Mais d'abord après ce dernier service, je courus dans le bosquet, qui est le long du ruisseau, pour y lire en paix, et avec avidité, un livre de contes de fées, que j'avais tiré, mais bien en cachette, de la bibliothèque de mon oncle.

Assis sous un arbre, j'étais au plus agréable de cette lecture, lorsque tout doucement, sans bruit, s'approche un monsieur, qui s'assied à deux pas de moi, et se met à dire avec assentiment : Ce doit être bien doux, à un jeune chrétien, de lire la Parole de son Dieu, et de la garder ensuite dans son coeur ! - Ce n'est pas la Bible que je lis, répondis-je, par une sorte de droiture : ce sont des contes de fées. Certainement, poursuivit-on, et toujours sans me regarder et sans me parler directement, ce n'est pas après avoir prié Dieu de bénir, et ce n'est pas sous son regard de lumière, qu'on lit des contes de fées. On a bien raison, pour le faire, de se cacher. Au reste, on ne se cache pas à Dieu. Ce secret ne sert donc pas à grand' chose.

Ayant dit cela, le monsieur se lève et s'en va, comme s'il ne m'eût pas même aperçu. Or, ce monsieur, notre digne soeur, c'était votre charitable mari.

Cette exhortation indirecte, demanda le Commis, eut-elle sur vous quelque influence ?
Ah ! sans doute. Je voulus bien, d'abord, ne pas m'en soucier, et je continuai ma lecture ; mais je fus distrait et inquiet. Ces paroles, « qu'on ne se cachait pas à Dieu, » sonnaient à mes oreilles, comme une cloche d'alarme, tellement que je fermai le livre, qui fut bien vite remis à sa place, et qui a été, à peu près, le dernier de cette espèce que j'aie jamais ouvert.
Charmant ! charmant ! s'écria le Négociant.
Voilà des choses que j'aime ! Cette simple petite oeuvre de ce digne chrétien, vous le voyez, vous valut tout autant, et plus encore, qu'un long discours sur le danger des mauvaises lectures. Ce fût, comme dit l'Écriture, un clou fixé dans une place sûre : car vous voyez qu'il y est encore.
Eh bien ! dit la Veuve, si nous faisions un essai, et dès demain, sans plus tarder ?
Comment l'entendez-vous, Madame ? demanda le Commis.
Je pense, répondit la Veuve, qu'il nous faut, demain, après le service de l'après-midi, ou dès le matin, entre les deux services, si nous le pouvons, parcourir les chemins, nous présenter à la porte des maisons, et y faire, comme disait à Jonathan son écuyer, « tout ce que nous aurons au coeur. » Peut-être, aussi, comme pour le fils de Saül, « l'Éternel opérera-t-il pour nous. » (1 Sam. XIV, 6, 7.)
Et ce ne sera pas des Philistins, ajouta le Négociant, avec gravité, qui tomberont devant nous; mais une troupe plus indomptable encore : cellede l'incrédulité et des vices de nos pauvres prochains.

Le plan fut donc adopté, et les amis convinrent qu'ils iraient en mission, chacun de son côté, et qu'ils se réuniraient une heure plus tôt, le samedi suivant, afin qu'ils eussent le temps de se raconter mutuellement leurs diverses opérations.

La parole de Dieu fut lue ; la prière de la foi monta vers le Seigneur ; on se quitta ; puis ensuite chacun des quatre ouvriers se prépara, par de nouvelles demandes à Celui qui donne l'Esprit de jugement et de prudence, à « aller, aussi, de lieu en lieu, pour faire dut bien. » (Act. X, 38.)

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CE QUE FIT LE NÉGOCIANT.

Le samedi suivant, et de bonne heure, le petit comité de missions domestiques se réunit à sa place accoutumée. Chacun de ses membres avait l'air content. Le Négociant, en particulier, avait perdu sa tristesse de la semaine précédente ; et sur la demande qu'on lui adressa de commencer le récit de leurs Oeuvres du dimanche, il raconta ce qui suit :

Je pensai que, comme vos excursions se feraient d'abord dans ces alentours, je devais diriger les miennes un peu plus loin.
Je montai donc à cheval, persuadé que j'étais que ma bête, qui n'avait que peu travaillé dans la semaine, ne se ferait que du bien en marchant quelques heures au service de Dieu, et je me rendis rapidement vers le dernier village de la vallée. C'était cinq heures, de l'après-midi quand j'en approchai, et l'occasion d'agir m'y fut aussitôt offerte.

À quelques pas de la route, une bande d'ouvriers sciaient du blé dans un vaste champ, et l'on pouvait voir, au nombre des javelles, qu'ils étaient là au moins depuis le milieu du jour.
Je fus tout ému. Cette profanation publique du sabbat de l'Éternel me causa une profonde douleur, et je me sentis puissamment porté à la faire connaître au maître de cette moisson, que je vis à l'autre extrémité du champ, vers le blé encore debout.
Je fis donc le tour de la pièce de terre ; et après avoir attaché mon cheval à un arbre, je me rendis auprès du fermier qui préparait le vin de ses gens.

J'avoue que je ne me trouvai pas si libre, ni si à mon aise devant cet homme, que le pieux notaire au bord du ruisseau. Aussi ce fermier n'était rien moins qu'un jeune garçon. C'était un homme grand et robuste, d'un visage sévère, et qui ne tourna pas même ses yeux vers moi quand je l'abordai.

Il me fallait pourtant commencer l'attaque, et je le fis, en disant avec simplicité : Dieu a béni votre terre, cette moisson est d'une grande beauté.
On y a pris assez de peine, répondit brusquement le fermier. Chaque épi a coûté plus de sueur qu'il n'est gros.
Et cependant, dis-je avec fermeté, ce n'est pas la sueur de l'homme qui l'a fait croître. Si Dieu ne bénit, dit le proverbe, l'épi vient petit.

Le fermier grommela en se baissant vers son baril, et me fit entendre assez clairement que mon entretien lui déplaisait ; mais quelle que fût ma répugnance à le poursuivre, je tins bon, en pensant que c'était le plus malade qui avait le plus besoin de remède.

Je repris donc la parole et lui dis, avec autant de cordialité qu'il me fut possible : Çà ! franchement, notre maître ! est-ce au bon Dieu, qui vous a donné cette riche dépouille, que vous cherchez à plaire, en la ramassant au jour qui lui est consacré ?

Le fermier se releva, me considéra quelques moments en silence, puis en me montrant le blé, il me dit avec sécheresse :
Croyez-vous que si je laisse manger ce grain aux souris et aux oiseaux, qui déjà l'ont dîmé d'importance, je ferai plus la volonté de Dieu, que si je le recueille, et le mange moi-même ?
Il fallait, je vous assure, du courage pour continuer l'entretien ; et ce fut bien le Seigneur qui m'en donna, car mon pauvre coeur était comme rebuté.

Je repris donc des forces, et je lui dis : Oui, sans doute, Dieu veut que ce blé vous appartienne, puisqu'il vous l'a donné ; mais il veut aussi, et avant tout, que vous lui apparteniez vous-même, parce qu'il est votre créateur, et que c'est lui qui soutient votre vie.

Cette remarque fit quelque impression sur l'esprit de cet homme, car il s'adoucit soudain, et en me montrant le pied d'un arbre touffu, il me dit, avec assez de douceur : Je vois, Monsieur, que vous voulez me parler sérieusement, et je vous écouterai volontiers, si vous avez le temps de vous reposer ici.
C'est en effet mon intention, répondis-je, en m'asseyant sous l'arbre avec lui. Comme je passais, j'ai vu vos moissonneurs, et j'en ai été si affligé que j'ai désiré vous le dire à vous-même.
Vous croyez donc, dit le fermier, du ton de voix de quelqu'un qui veut qu'on l'enseigne , qu'il y a du mal, je veux dire , du péché, à travailler le dimanche?
S'il y a du mal, lui dis-je, à désobéir à Dieu, il il y en a , je pense, à transgresser le quatrième commandement.
Ah ! reprit le paysan, c'est précisément ici qu'est t'est pour moi la question car je dois peut-être vous dire, et d'abord , que tout rude et même grossier et parfois bourru que vous me voyez, je ne suis pas sans avoir un peu lu et un peu réfléchi. En particulier, je connais assez bien la lettre de la Sainte-Bible. Quant à soit esprit, je crains d'être encore bien pauvre. Mais , enfin, que Dieu y pourvoie! Et il se peut, Monsieur, que ce soit pour cela même qu'il vous fasse arriver aujourd'hui sur mon terrain. Amen ! Le fermier Germain, je vous le déclare honnêtement, ne demande que cela.

Or, voici donc, en quatre mots , ce qu'il me semble du dimanche. Que ce soit une chose bonne, utile, et tout-à-fait convenable qu'un jour sur sept soit mis à part, et le même partout, pour qu'on serve Dieu et pour qu'on se repose aussi, t'est ce que je ne puis qu'accorder. Et si, aujourd'hui , je ne fais pas ce que j'approuve, c'est par extraordinaire; car chaque semaine ne commence pas ainsi chez moi.
Mais, Monsieur, ajouta-t-il, en prenant certain ait, entendu, et comme sûr de son fait, nous, chrétiens, nous ne sommes pas sous les ordonnances de-'fer et de feu de la loi de Moïse. Tout cela, vous le savez sans doute, a été aboli, et pour toujours, par la croix du Fils de Dieu; et le reproduire, - je vous parle sans apprêt, - me paraît judaïser. Qu'en pensez-vous ?

J'étais, vous le sentez, mes amis, tout ébahi d'entendre cette discussion théologique, au bord d'un chemin, et de la bouche d'un laboureur. Mais, en même temps, je me réjouissais d'avoir affaire avec un penseur, et de pouvoir opposer quelque parole de foi à ses opinions. Je lui répondis donc :

Puisque le Livre de Dieu vous est connu, (ce qui déjà est une grande bénédiction) vous pouvez me dire où et quand le Jour du repos fut établi pour la première fois.
Mais je pense, me répondit-il, que ce fut lorsque Dieu donna de sa propre bouche les dix commandements de la loi.
Voyons ! lui dis-je, en ouvrant la Bible que j'avais prise.
Ah ! voici qui est bon ! s'écria le fermier avec un geste expressif. Nous aurons du moins quelque chose de clair.
Je lis, poursuivis-je, au second chapitre de la Genèse, que Dieu, ayant achevé, au septième jour, son oeuvre qu'il avait faite, se reposa, en ce jour-là. Puis ces mots sont écrits : « Dieu bénit le septième jour, et le sanctifia, parce qu'en ce jour-là il s'était reposé de toute son oeuvre qu'il avait créée. »
C'est parfaitement clair ! dit le laboureur, en m'interrompant, je n'y avais jamais fait attention. Ce fut alors que le Jour du repos fuit établi de Dieu. Ceci m'est tout nouveau.
Je poursuivis en lui disant : De plus, et surtout, remarquez-vous que ce fut dans le jardin d'Éden, et avant la chute de' l'homme, que ce jour fut ainsi mis à part ?
C'est évident, me dit-il, mais qu'en concluez-vous ?
J'en conclus, continuai-je, que cette consécration, laquelle sûrement. Adam connut bien, et qui eut lieu quand l'homme portait encore l'image de Dieu, ne peut être étrangère à l'homme, lorsque par la foi cette image se rétablit en lui.
Vous voulez dire, reprit-il, que le chrétien doit faire ce qu'Adam dut faire aussi, avant qu'il eût été chassé du Paradis ?
Sans doute, poursuivis-je ; car je suis bien sûr que si Adam n'eût pas péché, et qu'il fût ainsi demeuré dans le jardin de l'Éternel, il eût sanctifié chaque septième jour.
Moi aussi, dit le fermier, j'en suis sûr ; car il n'y aurait point eu de raison pour que l'institution de Dieu fût abolie.
Eh bien ! dis-je alors, puisque le motif de cette institution est le même aujourd'hui qu'il fut au commencement du monde, je ne vois pas pourquoi un homme qui veut faire la volonté de Dieu s'exempterait de regarder le septième jour comme sanctifié par le Seigneur. - Car enfin, si je lis le quatrième commandement, et que j'arrive à ces mots : l'Éternel s'est reposé le septième jour ; c'est pourquoi « l'Éternel a béni le jour du repos et l'a sanctifié » ce mot c'est pourquoi me frappe, et je lui trouve aujourd'hui autant de force qu'il en avait au jardin d'Eden ; puisqu'il est aussi vrai aujourd'hui qu'alors, que Dieu se reposa le septième jour, et que ce fut pour cela même qu'il le sanctifia. Ex. XX. )
Allons ! allons ! dit le fermier en branlant la tête, vous avez vu plus clair que moi. dans cette affaire-là. Je commence à croire que probablement j'ai eu tort. Cependant, ajouta-t-il en se frappant le front du plat de la main, il me vient une idée. Si le septième jour fut ainsi institué de Dieu dès le commencement, pourquoi n'en est-il rien dit avant la publication de la loi sur le mont Sinaï ?
Mais comment, lui dis-je, lisez-vous la Bible ? Quoi ! vous n'avez pas vu que Moïse, avant que le peuple eût entendu la loi de la bouche de Dieu, lui dit à l'occasion de la manne, « qu'on devait en recueillir deux portions le sixième jour, parce que le lendemain, qui était le septième jour, était le repos sanctifié à l'Éternel, et qu'il n'en tomberait point ce jour-là ? » (Ex. XVI, 23.)
Cette fois-ci, j'ai tort, et tout-à-fait tort, me dit le fermier ; et je me reconnais battu.
Eh bien ! poursuivis-je, allez jusqu'au bout, et comprenez ces deux choses : l'une, que quand le quatrième commandement fut publié, Dieu dit : Souviens-t'en comme pour dire qu'il était déjà connu. Et l'autre chose que je vous appelle à bien peser c'est celle-ci, que les paroles des dix commandements furent prononcées par la voix de Dieu même, qui est éternelle comme lui ; qu'elles furent écrites du doigt même de Dieu, et non de la main mortelle de Moïse ; et enfin qu'elles furent placées dans l'Arche de l'alliance, qui était la figure de l'Évangile du salut. - Pourquoi donc voudriez-vous, si vous êtes soumis à Dieu, ôter aujourd'hui de sa bouche une de ses dix paroles ; effacer de la table de votre coeur une des lois que son doigt traça sur la pierre, et enlever de l'Arche ce que le Seigneur y a lui-même déposé ?
Monsieur, me dit le fermier, maintenant je suis muet. Je suis ici seulement pour être enseigné. Dites donc, sans que je vous interrompe, tout ce qu'il vous plaira que j'apprenne.

Alors je lui montrai que la seule loi Lévitique, écrite par Moïse, était celle qui était abolie pour le chrétien, mais nullement celle des dix commandements, qui, au contraire, recevait sous l'Évangile toute sa force par l'Esprit d'adoption. je lui dis que c'étaient les ordonnances terrestres que la croix de Christ avait annulées, et qu'ainsi c'était la manière légale d'observer le Jour du repos qui était supprimée sous l'Évangile, mais nullement la mise à part et la consécration du jour, et que c'était là ce que signifiait la parole du Sauveur, que le Sabbat est fait pour l'homme. »

Et comme il demandait pourquoi le Fils de Dieu n'avait pas formellement réitéré ce commandement, aussi bien que les autres, je lui dis d'observer que le Seigneur Jésus, prophétisant à ses disciples, et non pas à des juifs rebelles, la ruine de Jérusalem, qui devait avoir lieu quarante années après cette prophétie, leur disait, « de prier que leur fuite de la Judée n'arrivât pas un jour de Sabbat. » (Matth. XXIV, 20.) Croyez-vous, ajoutai-je, que si le Seigneur Jésus eût aboli le quatrième commandement, il eût vu un jour de Sabbat, pour ses disciples, encore quarante années après l'envoi du Saint-Esprit sur son Église ?
Enfin, dis-je, en terminant, pensez-vous, de bonne foi, que ce ne fut que par une convention humaine, et pour viser à l'utile, que les apôtres enseignèrent à l'Église de Jésus-Christ, à s'assembler chaque septième jour, et à célébrer, ce jour-là, le culte sacré de l'Éternel ? - Était-ce ainsi, je vous le demande, qu'ils abolissaient le commandement de « se souvenir du jour du repos et de le sanctifier ? »

J'allais ajouter quelque chose, soit sur la substitution du premier jour de la semaine au septième, soit sur la manière dont un chrétien sincère doit garder le jour du Seigneur, lorsque le fermier, qui m'avait écouté avec la plus profonde attention, se leva, et s'avançant sur le bord du champ, se mit deux doigts dans la bouche, et donna un coup de sifflet tel que de ma vie je n'en ai entendu de semblable. Il fit en même temps signe de la main, et bientôt accourut un des moissonneurs, qui s'arrêta, pour écouter l'ordre de son maître.
Qu'on plie bagage ! lui cria le fermier, et sur le moment !
Mais, notre maître, il n'y a plus que quelques poignées à couper ! dit le valet.
Il n'y aurait qu'un seul épi, que je veux qu'on le laisse ! répliqua le maître, d'un ton qui n'attendait point de réponse ; et l'ouvrier disparut.
C'est fini, dit-il en revenant lentement vers moi ; oui, c'est fini ; et à tout jamais. Il n'y aura, désormais, ni souris, ni rats, ni tous les oiseaux de l'air, qui fassent. Jamais, et Dieu m'en donne la force ! la faucille ne touchera mes blés le dimanche.

Touchez-là ! me dit-il, en me présentant sa main large et calleuse. Je vous ai bien mal reçu, et je vous en demande pardon. Pour vous, cher Monsieur, vous avez fait aujourd'hui, jour du Sabbat, l'oeuvre dont parlait le Seigneur Jésus : Vous avez retire ; du puits l'âme qui y était tombé ; et qui s'y noyait, je vous assure. Adieu, Monsieur ! Il faut que j'aille vers mes gens, et aussi, et Dieu le fasse ! que je leur montre clair et net que j'ai été coupable, et que je les ai entraînés au mal...
Cher Monsieur, lui -dis-je, tout ému, que votre humilité...
Point de cela, s'il vous plaît ! reprit-il, avec vigueur. Quand on a fait le mal, le premier bien à faire ensuite, dès qu'on le peut, c'est de le dire, et le plus haut qu'on sait crier. D'ailleurs c'est de la justice !... Mais ceci, j'espère, n'est qu'une première leçon. Vous le voyez : j'ai bien besoin qu'on m'enseigne. Prenez donc courage, Monsieur ; et quand vous vous promènerez jusqu'à ce village, frappez à la porte du fermier Germain. Il vous recevra de tout son coeur ; et si c'est le dimanche, je vous certifie, Dieu le fasse ! que vous ne le trouverez pas travaillant aux champs.

Cela dit, il me quitta. Pour moi, remontant à cheval, je revins aussitôt, en ruminant dans mon coeur tout ce qui venait de se passer, et en donnant gloire à ce bon Dieu, qui m'avait conduit, qui m'avait fait parler, et qui avait ouvert le mur de ce rude campagnard.

Telle a été, mes amis, ma première mission ; et vous voyez qu'elle n'a pas été vaine.
Les amis bénirent ensemble le Seigneur. On fit quelques bonnes remarques sur ce qu'on venait d'entendre, puis après avoir décidé qu'on visiterait de nouveau le fermier, on pria la Veuve de raconter aussi sa mission ; ce qu'elle fit en ces termes

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