Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA FAUTE.

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Charles, le fils de bons et religieux parens, fêtait par un beau jour d'automne son douzième anniversaire. Ses parens lui avaient fait pour ce jour-là beaucoup de jolis présens, et lui avaient permis d'inviter ses amis.
Et toute la société s'en allait jouer dans le spacieux jardin, où Charles avait aussi son petit enclos plein d'arbres et de fleurs. Et il y avait dans ce jardin quelques beaux pêchers qui portaient des fruits pour la première fois, des fruits appétissants qui commençaient à mûrir, à se couvrir d'un tendre duvet et d'un doux incarnat. Et cette vue excitait la convoitise des enfants.
Mais Charles leur dit : Mon père a défendu de toucher à ces pêches : ce sont les premiers fruits de ces petits arbres, et moi j'ai aussi mon jardin où il s'en trouve de toute sorte. Éloignons-nous de cet endroit pour que celles-ci ne nous tentent pas.
Qui t'empêche donc, lui dirent ses camarades, de nous y laisser goûter? Aujourd'hui tu es l'unique maître de ce jardin. N'est-ce pas ton jour de naissance et n'es-tu pas devenu d'une année plus vieux? Tu ne dois cependant pas toujours être un enfant que l'on conduit à la lisière. Viens donc ici, puisque personne ne nous en empêche. Ainsi parlèrent les enfants.
Charles cependant leur dit : Non, retournez avec moi, je sais la défense de mon père. Mais eux lui répondirent : Ton père ne le verra pas, et comment pourrait-il l'apprendre? S'il t'interroge, tu diras que tu n'en sais rien.
Fi donc! dit Charles, je mentirais; et la rougeur de mon visage m'aurait bientôt trahi.
Alors un des plus âgés ajouta : Charles a raison; écoutez, je sais un autre moyen. Nous allons cueillir ces pêches, et tu pourras, Charles, affirmer que ce n'est pas toi qui l'as fait. Et Charles consentit, et ses amis firent tomber les fruits et se les partagèrent entre eux.

Lorsque le soir vint, les enfants retournèrent chez eux; mais Charles demeura dans le jardin, car il craignait la vue de son père, et s'il entendait ouvrir la porte de la maison, il se sentait effrayé, et dans l'obscurité du crépuscule tout lui faisait peur.

Cependant le père vint, et Charles, quand il distingua le bruit de ses pas, courut, par une autre allée, du côté de son petit jardin. Et alors le père vit comme ses arbres avaient été dépouillés, et il cria : Charles, Charles, où es-tu ? Et quand l'enfant entendit son nom, il s'effraya encore plus et devint tremblant.
Mais son père alla à lui et dit : C'est donc pour ton jour de fête et pour mon remerciement que tu as dévasté mes pêchers ?
Mon père, répondit Charles, je n'ai point touché à tes arbres; c'est peut-être un de mes amis qui l'aura fait.
Alors son père le conduisit à la maison, et il le plaça devant soi, à la lumière, et lui dit : Veux-tu donc encore tromper ton père ?
Et le pauvre Charles pâlit et trembla, et il avoua tout en pleurant et en suppliant.
Mais son père lui dit : Dès maintenant le jardin sera fermé pour toi.
Là-dessus il s'éloigna. Et toute la nuit Charles ne put dormir : il s'effrayait dans les ténèbres, il entendait les battements de son coeur, et s'il parvenait à sommeiller, ses rêves lui faisaient peur. Jamais de sa vie il n'avait eu une nuit aussi terrible.

Le lendemain il se montra pâle et craintif, et sa mère s'affligea de le voir ainsi, et elle dit à son mari : Vois comme Charles est triste, le jardin que tu lui as fermé semble dire que le coeur de son père lui est aussi fermé.
- Il a mérité, dit le père, que je lui fermasse ce jardin.
- Ah! répondit-elle, il commence bien douloureusement une nouvelle année de sa vie.
- Elle lui en deviendra meilleure, répondit le père.
- Quelques jours après, la bonne mère de Charles dit encore : Je crains que notre enfant ne doute de notre amour pour lui.
- Non pas, dit le père, et dans son coeur coupable il peut le reconnaître. Jusqu'ici il a joui de notre amour; à présent il faut qu'il apprenne à l'apprécier et à le révérer pour qu'il le gagne de nouveau.
- Mais, dit la mère, cet amour ne lui apparaît-il pas trop sévère ?

En vérité, il est comme la sagesse et la justice. Mais qu'il sache, avec la connaissance de sa faute, le craindre et le respecter. Puis cet amour lui reviendra avec les traits sous lesquels il l'a d'abord connu, et alors, sans crainte, il dira que c'est l'amour. J'ai confiance pour cela dans son repentir.

Quelque temps s'était encore passé, lorsqu'un jour Charles sortit de sa chambre avec un visage calme et sérieux. Il avait rassemblé dans une corbeille tous les cadeaux qui lui venaient de ses parents, et il porta cette corbeille devant son père et sa mère.
- Que veux-tu donc, Charles, demanda le père ?
- Ah! répondit l'enfant, je ne suis plus digne de votre amour et de votre bonté, et je vous rapporte les présents que je ne mérite pas. Cependant mon coeur me donne l'assurance que dès maintenant commence en moi une nouvelle vie. Ainsi, pardonnez-moi et reprenez pour mon expiation tout ce que j'ai reçu de votre amour.

Alors le père serra son fils dans ses bras, l'embrassa et pleura, et de même aussi fit sa mère.



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