Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !


CONCLUSION


La colonisation de l'Ouest. - Fusion des races les plus diverses. - Quelques détails statistiques. - Les Églises, - L'Église méthodiste.

 Parvenus à la fin de ces rapides esquisses, jetons un coup d'oeil d'ensemble sur l'oeuvre des missionnaires de l'Ouest. Mais, comme cette oeuvre d'évangélisation a sans cesse côtoyé et souvent fécondé l'oeuvre de colonisation proprement dite, essayons d'abord de nous rendre compte de l'étendue et de la prospérité de celle-ci, en n'oubliant pas que sa grandeur actuelle a sa source non seulement dans l'indomptable énergie des colons, mais aussi dans les principes chrétiens qui, de bonne heure, l'ont épurée en lui assignant un but élevé.

On peut dire que la race à qui est échue la tâche de conquérir à la civilisation l'immense bassin du Mississippi, est une race prédestinée aux grandes choses et aux larges ambitions. Si elle ne se distingue des autres familles humaines ni par une supériorité, physique incontestable, ni par des aptitudes intellectuelles hors ligne, on peut dire pourtant qu'elle a un cachet de distinction indélébile. Ce cachet, c'est le génie de la civilisation. Il faut en effet qu'un peuple possède en soi une puissance de progrès bien remarquable pour franchir en quelques rapides étapes le chemin de douleur où d'autres peuples s'attardent pendant des siècles. En un demi-siècle, une grande nation est née, qui, s'adossant au revers occidental de la chaîne alleghanyenne, s'est élancée dans tous les sens, ne s'arrêtant au nord qu'au bord des lacs canadiens, et au midi que sur la plage du golfe du Mexique, et franchissant à l'Ouest les Montagnes Rocheuses pour jeter ses colonies victorieuses sur les rives où viennent mourir les flots du Grand Océan. Position admirable et sans pareille qui commande aux deux plus vastes mers du globe et qui semble destinée à être le berceau du plus grand peuple de l'avenir.

Voici comment cette marche victorieuse de la civilisation est décrite par M. Simonin, l'un des hommes qui connaissent le mieux parmi nous les États-Unis (1) :

« Les romans de Cooper ont dépeint en traits ineffaçables ce qu'on nommait l'Ouest aux États-Unis à la fin du XVIIIe siècle et au commencement du XIXe. Ce fut d'abord la partie la plus lointaine des États de New-York et de Pensylvanie. À mesure que le pionnier avançait dans le désert, disputant sa place et sa vie à l'Indien, la limite de l'Ouest s'éloignait et les solitudes allaient se défrichant et se peuplant. L'Ohio, l'Indiana, l'Illinois, passèrent ainsi l'un après l'autre du rang de territoire à celui d'États. On calculait que cette marche de la civilisation se faisait à la vitesse de quinze milles on environ vingt-cinq kilomètres par an. En 1800, on colonisait l'Ohio, sur les confins de l'État de Pensylvanie; en 1830, on était arrivé à l'extrémité de la chaîne des lacs, en 1860, le planteur fixait définitivement sa tente au delà du Mississippi, et le gouvernement fédéral, dans cet espace de soixante ans, ajoutait de nombreux États à la liste de tous ceux qui avaient été primitivement admis dans le sein de l'Union.

« Au début, le pionnier, armé de la hache, ouvrit seul sa route à travers la forêt vierge ou le long de la plaine sans fin, au milieu des hautes herbes et des graminées naturelles. Quand la vapeur eut appris à sillonner la terre et l'eau, ce ne fut plus le colon qui marcha seul en avant; le railway, le steamboat, non contents de le suivre, le précédèrent, et l'Ouest s'ouvrit encore plus vite et d'une façon décisive devant tous ces conquérants réunis. En moins de cinq ans, de 1862 à 1867, nous avons vu se coloniser ainsi tout l'espace qui s'étend entre le Missouri et le pied des Montagnes Rocheuses sur cinq cents milles de long. La plaine immense qui court d'Omaha à Cheyennes a été ouverte tout entière à la civilisation par le tracé, à travers les prairies, du chemin de foi du Pacifique, une des oeuvres les plus gigantesques de ce temps, et qui unit aujourd'hui le Missouri à Sacramento, et par suite San-Francisco à New-York. »

Dans ces limites immenses se meut en effet un peuple qui possède son unité et son originalité au milieu de la grande nation dont il est le plus vigoureux rejeton. Car jamais peuple n'a manifesté une pareille force d'expansion. Le dernier venu, il a pris place au banquet des peuples, et on lui a fait la part de Benjamin. Son pays, assez vaste, pour contenir tous les peuples de l'Europe, a toute la richesse et toute la fécondité d'une terre vierge que n'a pas épuisée une insatiable spéculation.

Nous ne serions pas éloigné de penser que l'un des éléments essentiels de la vitalité de ce peuple se rencontre dans cette fusion des races les plus variées qui a donné le jour à la nationalité américaine. L'Ouest, en particulier, a été le rendez-vous clos cinq parties du monde. Le fond de la population est anglo-saxon. L'Illinois et la Louisiane ont conservé de nombreux éléments français, vestiges des premières expéditions guerrières, et la révocation de l'édit de Nantes a jeté ce sol quelques épaves. Une colonie de quinze cents Grecs établie sur les côtes de la Floride, et mêlée bientôt à la population, a infusé dans ses veines. un sang bien différent. Les Espagnols, ces anciens maîtres du pays ont aussi marqué de leur empreinte la race nouvelle. Dans le Nord-Ouest, les Hollandais et les Scandinaves mit laissé des traces de leur passage. L'Allemand enfin a apporté son caractère national avec ses aptitudes au travail et sa ténacité. Les Indiens seuls, ces antiques maîtres de la centrée, semblent avoir abdiqué devant l'émigration, cependant cette première impression s'efface devant une étude tant soit peu approfondie, et l'on ne tarde pas à reconnaître que, si la trace du sang indigène est presque imperceptible dans la race conquérante, celle-ci a hérité au moins à certains égards de l'esprit et des qualités des vaincus.

Ce peuple, auquel manque l'homogénéité des grandes races s'est unifié sous l'inspiration d'un instinct infaillible, qui est la garantie de son avenir.

Les principales villes de l'Ouest sont Buffalo, Cleveland, Toledo sur le lac Erié, premiers postes de la civilisation dans sa marche vers l'Ouest;

Détroit qui se souvient d'avoir été fondée par des Français; Pittsburg, fondée aussi par des Français qui la nommèrent Fort Duquesne, et aujourd'hui célèbre par ses innombrables usines; Cincinnati, qui aime à s'appeler la « cité reine, » mais à laquelle on donne plus volontiers le surnom peu gracieux de Porcopolis, parce qu'elle fait un immense commerce de salaisons. Toutes ces villes ont une population qui varie de 100,000 à 250,000 âmes. Mais leur grandeur et leurs richesses sont éclipsées par les deux véritables reines de l'Ouest. Chicago et Saint-Louis, qui renferment aujourd'hui à elles deux un million environ d'habitants quoique la première n'eût en 1840 que 4,800 habitants, et que la seconde n'en eût que 5,000 en 1822. La population de ces deux étonnantes cités double en dix ans. Leur magnificence rivalise avec celle des plus riches capitales du vieux monde. Leur commerce atteint et souvent dépasse celui des métropoles de la richesse européenne, Liverpool ou Marseille. Tout semble leur présager le plus brillant avenir, et l'épouvantable incendie qui a détruit Chicago, il y a peu d'années, semble n'avoir servi qu'à donner un nouvel élan à l'irrésistible marche en avant (2).

Si les villes de l'Ouest s'élèvent, par leur grandeur et leurs richesses à la hauteur des grandes cités de l'Europe, elles sont menacées de descendre à leur niveau au point de vue moral, et il faut bien reconnaître que, la fièvre des affaires aidant, il s'est produit dans ce sens-là d'alarmants symptômes. Toutefois, même au sein de ces vastes agglomérations où abondent les éléments pervers, la puissance du bien l'emporte sur celle du mal. Mais, il faut bien le dire, c'est surtout le fermier qui paraît devoir conserver le mieux les traditions de foi et de moralité qui font du western man le type de l'attachement incorruptible aux principes. Ce fermier de l'Ouest a fait de grands progrès assurément depuis le temps où Cartwright, ou tel autre de nos prédicateurs pionniers, lui inculquait les éléments de la civilisation en même temps que ceux du christianisme. Partout aujourd'hui le log-house a été remplacé par l'habitation confortable construite à l'européenne. « Que le fermier soit riche ou simplement dans une modeste aisance, la maison est toujours proprement tenue; il n'y manque jamais le salon, le drawing room, où la famille se réunit le soir pour lire, causer, faire de la musique. Le piano marqué souvent du nom d'un des facteurs les plus connus, est dans un coin de l'appartement, et la fermière y joue et même y chante à ses heures. Des tapis moelleux sont étendus sur le parquet, sur les marches des escaliers intérieurs; de bons meubles, quelques-uns coquets, décorent les diverses pièces. Le linge est blanc et la table abondamment servie (3). »

Ces fermiers de l'Ouest, intelligents, sobres, travailleurs, qui se sont si rapidement élevés par eux-mêmes, ont été, ne l'oublions pas, les plus fermes soutiens de la cause du bon droit dans la lutte colossale où se sont rencontrés, il y a quelques années, les partisans et les adversaires de l'esclavage. C'est l'un d'eux, Abraham Lincoln, qui, appelé à la présidence des États-Unis à une heure décisive, s'est trouvé à la hauteur de la tâche écrasante que les événements les plus imprévus ont tout à coup fait peser sur lui. C'est parmi ses rudes compatriotes de l'Ouest qu'il a toujours trouvé, à l'heure où tous les courages faiblissaient, une énergie indomptable pour continuer la lutte; ce sont eux, l'histoire le dira, qui, en jetant dans la balance longtemps indécise le poids de leur volonté à la fois tenace et intrépide, ont sauvé l'Union à la fois du démembrement et de l'esclavage.

La religion et l'instruction sont également en honneur dans l'Ouest. Vingt mille églises ouvrent leurs portes à une population qui a appris à donner le pas aux intérêts de l'âme sur ceux de la vie présente. Deux cents collèges et plus de cinquante mille écoles reçoivent tous les enfants; nul n'y manque, et filles et garçons sont reçus dans le même local. Les moeurs autorisent ce rapprochement des deux sexes, qui contribue à inculquer aux futurs citoyens de la république américaine ce respect de la femme qui est entré si profondément dans leurs moeurs.

Ce peuple qui, de si bonne heure, a cherché avec avidité la satisfaction de ses besoins moraux et intellectuels dans la région qui console et élève l'âme et dans l'étude qui l'embellit, occupe un rang distingué parmi les peuples, au point de vue des qualités du coeur et de l'esprit qui constituent la vraie grandeur d'une nation. L'habitant de l'Ouest se distingue même essentiellement de ses compatriotes des États de l'Atlantique par une moralité plus générale et par une vie religieuse plus profonde. Le culte y est suivi avec régularité, et, ce qui vaut mieux, les principes chrétiens y sont pris au sérieux et exercent une influence décisive sur l'immense majorité de la nation. La religion, dans son indépendance absolue à l'égard des pouvoirs publics, trouve le principe même de sa force d'expansion; elle n'est pas, comme chez nous, une branche de l'administration qui peut, au besoin, se passer des sympathies et de l'appui du peuple, forte qu'elle est de ceux de l'État. Il faut, aux États-Unis, qu'une religion soit plus qu'une institution publique; elle est une entreprise qui réclame le concours des énergies individuelles, qui met en jeu l'activité de chacun de ses membres, qui est sans cesse aiguillonnée par la libre concurrence et par la perspective de l'abandon où elle serait laissée à l'instant où elle serait au-dessous de sa mission. Les Églises qui ont pris racine dans l'Ouest ont eu d'ailleurs un passé de luttes et de souffrances qui doit leur servir de programme et d'engagement pour l'avenir.

Nous ne voudrions pas exagérer la part qu'ont prise les missionnaires méthodistes à ce grand et laborieux travail de la création d'un peuple libre, intelligent et moral. Nous reconnaissons que d'autres Églises en ont partagé les périls et doivent en partager la gloire. Un fait est certain toutefois, et les écrivains les plus indépendants l'ont reconnu hautement : c'est que l'Église méthodiste s'est mise à la tête de l'évangélisation de la grande colonie de l'Ouest, et a été l'auxiliaire le plus utile de la civilisation. Qui petit dire de quelle lamentable façon aurait échoué cette grande entreprise, si l'esprit aventureux et colonisateur de la race anglo-saxone n'avait reçu la forte direction religieuse qui lui imprimèrent nos courageux évangélistes? Au lieu de ce peuple si grand parce qu'il a su allier la liberté la plus complète à l'ordre social le mieux établi, nous verrions, pour tout résultat d'une grande entreprise misérablement avortée, quelque république orageuse et violente comme les républiques espagnoles de l'Amérique du Sud, se déchirant dans des luttes sans grandeur.

L'Église militante dont nous avons fait connaître les travaux a trouvé dans l'Ouest un succès et une prospérité qui sont la récompense de ses efforts persévérants. On peut dire que ses progrès ont été en rapport avec ceux du pays, et ce n'est pas peu dire. Elle est encore aujourd'hui la plus nombreuse et la plus florissante des Églises de l'Ouest Ses membres, qui sont aux États-Unis au nombre de deux millions, et ses adhérents, qui atteignent un chiffre de dix millions, sont surtout répandus dans l'Ouest. Dans l'Indiana, un septième de la population fait partie de l'Église et près de la moitié se rattache à son culte; aussi a-t-on quelquefois appelé cet État l'État méthodiste. Dans l'Illinois, dans l'Ohio, la proportion est presque aussi forte.

On le voit, si Dieu a appelé l'Église méthodiste à de grandes souffrances et à de grandes luttes, il lui a donné une belle part dans le succès. Sans doute, tout n'est pas fait, et il ne faudrait pas qu'elle s'endormît sur son passé; ses vétérans ne cessent de lui rappeler les exemples des anciens jours et de lui dire que sa seule force sera dans un ministère largement missionnaire et agressif.

D'autre part, l'Église méthodiste semble avoir compris les nécessités du temps. Son jeune clergé, formé dans des facultés et dans des collèges nombreux, est apte à répondre aux besoins nouveaux. Puisse-t-il réussir à allier dans une juste mesure l'esprit des pères, qui fut la force et la gloire de l'Église, aux exigences d'une époque qui réclame beaucoup de ceux à qui elle confie le soin de l'instruire ! Pour que cette Église conserve la place éminente qu'elle s'est faite, il faut que ses pasteurs aient plus d'instruction et autant de zèle que ceux qui les ont précédés. Nous pensons que ces deux éléments peuvent se combiner, et cependant, il faut l'avouer, l'histoire de l'Église prouve que cette union si désirable s'est rarement réalisée. Le problème n'est pas insoluble toutefois, et sa solution renferme, non seulement l'avenir d'une Église particulière, mais celui de l'Église universelle.

FIN


.


APPENDICE

Le Président Roosevelt et les Méthodistes.

Nous sommes heureux de donner la traduction complète du discours que le Président des États-Unis prononça, le 26 février 1903, dans la vaste salle de Carnegie-Hall, à New-York, à l'occasion du deuxième centenaire de la naissance de John Wesley. Il y rend un hommage éloquent et sympathique à l'oeuvre de civilisation chrétienne de l'Ouest, accomplie par les « Prédicateurs pionniers.»

Mesdames et Messieurs.
Je suis heureux d'avoir l'occasion d'adresser la parole à cette assemblée, qui représente la grande Église fondée par Wesley, et de le faire à l'occasion du deux centième anniversaire de sa naissance. L'Amérique a d'ailleurs un droit spécial de revendiquer la mémoire de Wesley, car c'est sur notre continent que l'Église méthodiste a atteint son plus grand développement. À l'époque où nous n'étions qu'une colonie de l'Angleterre, le Méthodisme n'exerça pas, en somme, une grande influence sociale et religieuse sur notre peuple. Les Congrégationalistes avaient la suprématie dans presque toute la Nouvelle-Angleterre, et les Épiscopaux dans le sud, à partir de New-York; les Presbytériens occupaient surtout les régions qui formaient alors notre frontière de l'Ouest; les Quakers, les Catholiques et les Réformés hollandais avaient aussi atteint un certain développement dans diverses régions du pays. La grande extension de l'Église méthodiste, comme celle de l'Église baptiste, commença à peu près au moment des guerres de notre Révolution. Je n'ai à vous parler aujourd'hui que du Méthodisme.

Depuis les jours de la Révolution, non seulement l'Église méthodiste s'est accrue grandement dans les treize États primitifs; mais elle a eu une part prédominante dans la colonisation de notre pays et a assumé une position d'immense importance, dans la vaste région à l'ouest des Alleghanys, annexée aux États-Unis depuis la date de leur premier Congrès.

Pendant le siècle qui a suivi la Déclaration d'indépendance, la plus grande oeuvre accomplie par notre peuple (à l'exception de l'oeuvre de préservation nationale faite par Lincoln) a été celle des pionniers qui ont pris possession de ce continent. Durant ce siècle, nous nous sommes étendus à l'ouest jusqu'au Pacifique, au sud ! Jusqu'au golfe du Mexique et an Rio-Grande, au nord jusqu'à l'Alaska. Ce fut l'oeuvre typique de notre nation de reculer ses frontières à travers les forêts, les déserts et les chaînes de montagnes; et les hommes qui ont fait cette oeuvre, pionniers, hommes des bois, des plaines et des montagnes, forment, dans notre histoire, une classe à part. Pour cette tâche, il fallait des hommes qui eussent des corps de fer et des âmes de fer. Ils eurent des caractères également forts pour le bien et pour le mal; leur rude nature leur donnait une puissance d'une rare intensité pour propager la lumière ou les ténèbres.

Ils avaient, en même temps que des traits héroïques de caractère, de dangereuses tendances au mal, trop fréquentes chez des hommes qu'attirent des aventures héroïques. De tels hommes peuvent devenir d'admirables serviteurs de Dieu, si leur vitalité et leur énergie surabondantes sont bien dirigées : mais si, au contraire, elles prennent une mauvaise direction, elles deviennent pernicieuses pour la cause du christianisme et de la vraie civilisation, Dans la dure et cruelle existence de nos pionniers, aux prises avec les forces hostiles d'une nature sauvage et avec des hommes plus sauvages encore, les influences qui les entouraient tendaient à les abaisser moralement. S'ils Pussent été laissés à sans enseignement moral, et, sans ces influences qui relèvent l'homme en subjuguant la brute qui est en lui, leur destinée eût été sombre, et la nôtre aussi par conséquent.

Nous avons été préservés de ce malheur par le fait que, en même temps que nos colons, des prédicateurs pionniers s'avancèrent vers l'Ouest; et c'est le grand honneur des Méthodistes envoyé le plus grand nombre de ces prédicateurs pionniers.

Ces prédicateurs, de la trempe du vieux Pierre Cartwright, furent des hommes qui partagèrent toutes les privations de leurs compagnons et qui, de plus, domptèrent leurs âmes sauvages et farouches. Leur tâche n'eût pas pu être accomplie par ceux qui aiment leurs aises. Il leur fallait l'esprit des martyrs, non pas pourtant l'esprit des martyrs qui ne savent que souffrir et opposent au mal une passive endurance. Ils luttèrent contre les forces du mal moral avec la même énergie et la même ardeur qu'ils déployèrent, eux et leurs compagnons, pour conquérir un continent. Ils avaient en eux l'esprit héroïque, qui méprise le bien-être, s'il faut l'acheter par le sacrifice du devoir; l'esprit qui aime les périls d'une vie énergique pourvu qu'elle ait un but qui en vaille la peine. Notre dette envers ces hommes est grande, et j'éprouve quelque impatience quand j'entends ceux qui les critiquent. Il est facile à ceux qui n'ont jamais en à lutter contre de telles difficultés, de déclarer qu'ils furent rudes et étroits. On les a critiqués, comme on critique tous les hommes, missionnaires, soldats explorateurs, qui font l'oeuvre de défrichement qui prépare les voies à la civilisation. Il est aisé pour ceux qui restent confortablement chez eux et qui n'ont jamais été aux prises avec les forces inférieures de l'humanité, de critiquer les hommes qui, en employant de rudes façons d'agir, ont préparé la voie à une vie plus haute et meilleure. Mais souvenons-nous qu'il convient aux gens qui n'ont rien à faire, d'être réservés dans leurs jugements sur leurs frères, qui, malgré leur rudesse et leurs fautes, ont fait avancer l'humanité. Ces pionniers du méthodisme possédèrent les vertus militantes avec lesquelles ou accomplit de grandes choses. Leurs défauts semblent bien petits si en les met en regard de l'oeuvre qu'ils firent.

Et maintenant, mes amis, en célébrant la croissance merveilleuse du Méthodisme, et en rue réjouissant du bien qu'il a fait à ce pays et à l'humanité, j'ai à peine besoin de rappeler à une assemblée telle que celle-ci que la grandeur des pères devient une honte pour leurs enfants, si elle sert d'excuse, à leur inaction, au lieu de les stimuler à l'effort en vue de nobles entreprises. Je ne vous parle pas seulement comme à des méthodistes, mais comme à des citoyens américains. Les jours des pionniers sont passés. Tous maintenant nous faisons partie d'une grande nation civilisée, avec une vie industrielle et sociale complexe, et avec des possibilités infinies pour le bien ou pour le mal. Le milieu et les moyens d'action ont changé immensément depuis les jours où de rudes prédicateurs pionniers s'occupaient des besoins moraux et spirituels de leurs paroissiens plus rudes encore. Mais si nous voulons réussir, il faut que nous fassions notre oeuvre clans le même esprit où ils firent la leur. Ces hommes allèrent de l'avant et atteignirent au succès, parce que le sentiment du devoir était la moelle de leurs os. Ce sentiment n'était pas une sorte d'appendice à leur théologie, en dehors de la vie de tous les jours. Ils le portaient avec eux les jours de semaine comme le dimanche. Ils ne séparaient pas le spirituel du séculier. Ils n'avaient pas une sorte de conscience pour un côté de leur vie et une autre pour l'autre côté.

Si nous voulons réussir comme nation, il faut que nous ayons en nous le même esprit. Nous devons sans doute être des hommes pratiques, qui regardent en face les faits tels qu'ils sont. Les prédicateurs pionniers du Méthodisme n'auraient pas tenu quinze jours, s'ils n'avaient pas eu l'esprit essentiellement pratique et s'ils n'avaient pas possédé la plus large et la plus profonde sympathie pour leurs semblables. Mais il faut qu'à côté du bon sens pratique, dont chacun de nous a besoin dans la vie, nous sachions nous élever vers les choses supérieures; sans cela, nous périrons, nous et notre nation. La vie n'est facile pour personne; elle ne l'est pas surtout pour ceux qui, individus ou nations, aspirent à faire de grandes choses. Dans le siècle qui commence, Faction des forces et des tendances qui composent notre système social, parait devoir être encore plus violente que dans le siècle qui vient de finir. Si, dans ce nouveau siècle, les hommes qui ont le sens moral élevé et affiné se montraient des êtres débiles; s'ils possédaient seulement cette vertu claustrale, qui s'effarouche au contact des rudes réalités de la vie; s'ils n'osaient pas descendre dans l'arène tumultueuse, où les hommes forts luttent pour la suprématie; s'ils se tenaient à l'écart des conflits, - alors, aussi sûrement que le soleil se lève et se couche chaque jour, tous nos immenses progrès matériels, tous les innombrables moyens que nous employons pour notre confort et notre bien-être, tout cela aboutirait au néant, et notre civilisation deviendrait une farce brutale.

Mais si, comme je le crois, nous devons progresser en humanité, en bienveillance, en fraternité, du même pas que nous progressons dans notre conquête des forces de la nature, ce sera en transformant notre force en vertu et notre vertu en force. ce sera en formant des hommes qui soient à la fois bons et forts, doux et vaillants des hommes qui rougissent de faire le mal et qui aient le courage et la force de lutter pour la justice.

Wesley a dit qu'il ne voulait lias laisser au service du diable toute la bonne musique (4). Il ne voulut pas non plus que les qualités fortes et viriles demeurassent exclusivement au service dit mal, et c'est pour cela qu'il a tant fait pour l'humanité. L'Église qu'il fonda a été, tout au travers de son histoire, l'Église des pauvres aussi bien que des riches, et n'a pas voulu faire acception de personnes. Elle a été une Église dont les membres fidèles aux enseignements de leur fondateur, n'ont pas cherché de plus grand privilège que de se dépenser ait service de la vie supérieure, et qui ont mis leur gloire, non à éviter les tâches difficiles, mais à les entreprendre et à les mener à bonne fin.

Je suis venu ici ce soir pour vous féliciter et pour payer un tribut de reconnaissance à votre passé. Vous avez bien mérité de l'humanité; vous avez lutté avec énergie et pour rapprocher le, jour dit triomphe, de la paix ci de la justice parmi les peuples de la terre.

(Traduit par M. Lelièvre) 

.
(1) Les deux rivales de l'Ouest américain, Chicago et Saint-Louis, par L. Simonin, Revue des Deux Mondes, du 1er avril 1875. 
.
(2) Voir sur ces deux rivales de l'Ouest américain, l'étude de M. Simonin citée plus haut. Les chiffres et les détails statistiques ont augmenté considérablement depuis la 1ère édition de ce livre. 
.
(3) Article de M. Simonin, cité plus haut. 
.
(4) En anglais : «He did not intend to leave all the good tunes to the service of the devil ». 
Chapitre précédent Table des matières -