Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Préface

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La Bible demeure pour le croyant la règle intangible de la foi et de la vie. Aussi importe-t-il que le sens précis des Écritures ne soit pas déformé par la tradition des hommes.

Or, trop souvent, les explications admises couramment sans qu'on ait pris la peine d'étudier à fond les textes ont induit en erreur maintes personnes. C'est, en particulier, ce qui s'est produit dans les commentaires qui ont accompagné l'étude des paraboles dites du Royaume (Matth. XIII).

On a vu dans telles d'entre elles - le levain glissé sous la pâte, le grain de sénevé qui devient un grand arbre - l'annonce, faite par Jésus lui-même, d'un développement progressif du Royaume de Dieu sur la terre, sans se rendre compte que cet enseignement était contraire à la notion même du Royaume telle que l'Écriture la définit ailleurs. Quant aux paraboles du trésor caché ou de la perle de grand prix, qui n'a entendu déclarer qu'il s'agissait là de l'Évangile ou du salut qu'il convient d'acquérir à tout prix? S'il en est ainsi, ne s'aperçoit-on pas qu'on confirme la doctrine catholique du salut par les oeuvres, contraire elle aussi à tout l'enseignement de l'Écriture?

S'inspirant de ce principe: La Bible s'explique par la Bible, M. H.-A. Bolomey, pasteur, fait justice de telles explications. Il s'efforce dans les pages qui suivent de dégager la vraie signification de cet important chapitre. En rapprochant les textes, en faisant appel aux us et coutumes de l'époque, il redonne aux mots leur vrai sens, et les récits bien connus s'illuminent d'un jour nouveau.

Peut-être, certains lecteurs trouveront bien hardis quelques-unes des conclusions de l'auteur. Peu importe! Par ces pages, un précieux appoint nous est apporté pour l'étude d'une des parties les plus riches de l'Évangile. Que 'M. H.-A. Bolomey en soit sincèrement remercié par tous ceux qui aiment la Bible et qui, en toutes circonstances, répètent l'apostrophe du Maître: Ta Parole est la Vérité!

Ed. Champendal, pasteur.


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Avant-propos de la 3e édition

Je n'avais pas encore 20 ans lorsque j'ai passé par une profonde crise religieuse qui pouvait soit ébranler mes convictions et me précipiter dans le gouffre de l'incrédulité, soit m'élever sur les sommets de la Foi.

Cette crise provenait d'une consciencieuse méditation des enseignements qui m'avaient été donnés sur les paraboles du treizième chapitre de Matthieu. Cet enseignement me montrait un monde perdu, égaré, mais qui devait peu à peu se bonifier, s'évangéliser, se christianiser, subir une complète transformation par la puissance de la semence jetée en terre; et ce développement devait Prendre des proportions miraculeuses tel le grain de moutarde qui devient un arbre. Cette conception était rehaussée par la parabole du levain qui fait lever toute la 'pâte et qui transforme celle-ci à sa ressemblance, réalisant ainsi la prophétie d'Esaïe 11 : 9: «La terre sera remplie de la connaissance de l'Éternel, comme le fond de la mer par les eaux qui le couvrent».

Mais au sein de la méditation apparaissait invariablement devant mes yeux un monde qui, après deux mille ans de prédication de l'Évangile, était loin de répondre à cette merveilleuse perspective de complète régénération dans notre société humaine. Je voyais même, entre ces deux faits, un précipice qui les séparait nettement, à tel point que je suis arrivé à me demander: Puis-je vraiment me fier à ma Bible ?

La première corde de salut qui m'a retenu au-dessus de l'abîme fut la lecture de quelques passages des Évangiles et des épîtres qui traitaient le caractère moral et spirituel de la fin de notre civilisation. Je vis, dans ces passages une description qui correspondait parfaitement aux observations que je constatais dans notre christianisme du 20e siècle. Ma foi était ainsi sauvée. Je pouvais à nouveau me confier à ma Bible.

C'est alors que je me suis penché sur ces paraboles d'une manière toute particulière afin d'y découvrir l'harmonie qui devait certainement exister entre elles et les déclarations du Seigneur et des apôtres, comme aussi entre elles et l'histoire de la chrétienté.

Dans cette intention j'ai eu recours à de nombreux ouvrages qui traitaient ce sujet par des éminents serviteurs de Dieu. Ces ouvrages m'ont grandement aidé à saisir la lumière après laquelle mon âme soupirait. C'est alors que j'ai compris que l'enseignement reçu en premier lieu ne correspondait nullement à la pensée du Maître, et par là ne pouvait que jeter la confusion dans la recherche du plan divin pour l'établissement du Royaume de Dieu sur la terre. Cela a été pour moi comme une vision, un point de départ dans l'approfondissement durable de ma foi, un chemin ouvert à la compréhension plus juste du plan de Dieu envers l'humanité.

De ce fait est sorti cet humble travail que j'ai donné, ici et là, dans des classes bibliques, sans la moindre pensée de les publier un jour. Ce n'est qu'à la suite de demandes réitérées d'amis et sur le conseil d'un cher confrère que cette publication a vu le jour avec une autre étude sur l'Apocalypse, sous la même couverture. Une année était à peine écoulée qu'une nouvelle édition était en circulation. Vu la grande augmentation des prix d'impression il a été décidé de séparer ces deux études et d'en faire deux volumes séparés afin de les rendre plus accessibles aux petites bourses.
Cette édition a été revue et augmentée d'une nouvelle parabole, celle de l'économe, qui se trouve à la fin de cet ouvrage, et qui est, en quelque sorte, une conclusion à tirer des précédentes paraboles.

L'auteur.


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Préambule

Avant d'entreprendre l'étude des paraboles de Matthieu XIII, il est bon de s'arrêter quelques instants sur la notion biblique du Royaume.

Dans les évangiles, il est parlé du «Royaume de Dieu» et du «Royaume des cieux». Ces deux termes n'ont pas la même signification. Ils possèdent chacun une nuance particulière qui les distingue l'un de l'autre, et qu'il est important de connaître si l'on veut obtenir une vision claire du sujet. Dans ce but, permettez-moi de citer quelques pages du chapitre qui traite ce sujet dans mon ouvrage Quand et comment s'établira l'Ordre Nouveau? .

«Ces deux Royaumes, Royaume des cieux et Royaume de Dieu, se distinguent l'un de l'autre plus spécialement par cinq aspects différents.

1)
Le Royaume de Dieu est spirituel, et comme nous venons de le voir, universel. Il renferme en lui-même tout être créé à l'image de Dieu, librement soumis à Sa volonté, qu'il provienne d'ordres angéliques, de l'Église ou des saints des dispensations passées ou futures (Luc 15: 28-29; Hébr. 12: 22-23). Par exemple: Une âme qui se convertit, qui passe de la mort à la vie par la nouvelle naissance, est délivrée de la puissance des ténèbres pour être transportée dans le Royaume de Dieu. Les lois du Royaume de Dieu deviennent ses lois, elle reconnaît pour elle-même la souveraineté de Dieu et de son Fils bien-aimé. Elle fait ainsi partie du Royaume de Dieu.

Le Royaume des cieux est par contre messianique, son étendue est limitée à la terre. C'est l'établissement du Royaume de Dieu ici-bas (Matth. 3: 2). L'appellation de «Royaume des cieux» est donc l'expression particulière à Matthieu, et semble désigner les lois messianiques de Jésus-Christ, Fils de David. Ce règne est appelé «Royaume des cieux», du fait que les lois du Dieu des cieux seront établies sur la terre (Matth. 6: 10), et que l'autorité et les principes de ce royaume seront tous d'origine céleste.

» ) Ce royaume est le traité que Dieu a conclu avec David et ses descendants (2 Sam. 7: 7-10), et qu'Il a réaffirmé à Marie, par l'intermédiaire de l'ange Gabriel (Luc 1 : 32-33).

2)
Nous entrons dans le Royaume de Dieu par la nouvelle naissance; ainsi, dans ce royaume, il ne peut y avoir que des âmes régénérées, qui ont reçu par la foi une nouvelle nature: Christ en eux, l'espérance de la gloire.

» ) Il en est autrement du Royaume des cieux, sphère terrestre du Royaume de Dieu, que nous pourrions comparer à un vestibule, ou mieux encore, à un atelier d'épreuves, où se trouveraient tous les professants chrétiens, sincères ou non. Les sept paraboles de Matthieu XIII, appelées par le Seigneur Lui-même «mystère du Royaume des cieux» (v. 11), donnent dans leur ensemble, les résultats de l'action de l'Évangile dans le monde au cours de notre époque, pour se terminer à la moisson. Ces résultats sont un mélange d'ivraie et de bon grain, de bons et de mauvais poissons. La parabole des dix vierges (Matth. 25: 1-13) fournit le même enseignement. Nous voyons dans ce cas, comme dans Matthieu XIII, que le Royaume des cieux est bien la sphère des professants. Toutes les vierges ont des lampes ; cependant deux faits caractérisent d'une manière claire et définitive la position réelle des vierges folles. Nous lisons: «Elles ne prirent point d'huile» et le Seigneur leur dit: «Je ne vous connais pas». L'huile est le symbole du Saint-Esprit, et « si quelqu'un n'a pas l'esprit de Christ, il ne lui appartient pas» (Rom. 8: 9). Il en résulte que les vierges folles ne sont pas l'image de croyants. Le Seigneur ne pourrait jamais dire à aucun d'eux quelque soit son manque de spiritualité: «Je ne vous connais pas». Il est donc vrai que, dans le royaume des cieux il y a un mélange de professants chrétiens. Les uns possèdent le Christ et le professent, tandis que d'autres n'ont que l'apparence et point de réalité.

3)
Par le fait que le Royaume des cieux est la sphère terrestre du Royaume universel de Dieu, les deux ont beaucoup de choses en commun. C'est pour cette raison que plusieurs paraboles, ainsi que d'autres enseignements sont mentionnés par Matthieu comme faisant partie du Royaume des cieux, et que les mêmes choses appartiennent au Royaume de Dieu selon Marc et Luc. Il n'y a là rien d'étrange; la seule chose nécessaire pour en comprendre le pourquoi, est d'observer soigneusement les omissions que nous y constatons, car elles ont une très grande signification. Par exemple: Nous ne trouvons aucune mention des paraboles de l'ivraie et du filet dans le Royaume de Dieu (Matth. 13: 24-30; 36-43; 47-50). Car dans ce royaume-là, il ne peut y avoir ni ivraie, ni mauvais poissons, étant donné qu'il faut naître à nouveau pour y entrer. Par contre, la parabole du levain (Matth. 13: 33) s'applique aux deux royaumes, car les enfants de Dieu, même les plus consacrés à leur Maître, restent dans une certaine mesure contaminés par le levain des Pharisiens, des Sadducéens et des Hérodiens. Ils ne perdront toute trace de leur nature adamique que le jour où ils seront glorifiés, lors de la première résurrection, lorsqu'ils verront Christ «tel qu'il est» et qu'ils seront rendus «semblables à Lui» (1 Jean 3: 2).

4)
Le Royaume de Dieu «ne vient pas de manière à frapper les regards» (Luc 17: 20). C'est cette oeuvre exclusivement spirituelle et profonde qui s'accomplit chaque jour dans l'âme du croyant (Rom. 14: 17).

Il en est autrement du Royaume des cieux que Jésus-Christ établira lors de son prochain retour. Ce sera une grande manifestation de puissance et de gloire.

5)
Le Royaume des cieux sera un jour absorbé par le Royaume de Dieu, «lorsque Christ aura mis tous ses ennemis sous ses pieds»; alors «viendra la fin, quand Il remettra le Royaume à Celui qui est Dieu et Père, après avoir détruit toute domination, toute autorité, et toute puissance» (1 Cor. 15: 24-28).»

En terminant ce court exposé, mettons en relief nous y constatons, car elles ont une très grande signification. Par exemple: Nous ne trouvons aucune mention des paraboles de l'ivraie et du filet dans le Royaume de Dieu (Matth. 13: 24-30; 36-43; 47-50). Car dans ce royaume-là, il ne peut y avoir ni ivraie, ni mauvais poissons, étant donné qu'il faut naître à nouveau pour y entrer. Par contre, la parabole du levain (Matth. 13: 33) s'applique aux deux royaumes, car les enfants de Dieu, même les plus consacrés à leur Maître, restent dans une certaine mesure contaminés par le levain des Pharisiens, des Sadducéens et des Hérodiens. Ils ne perdront toute trace de leur nature adamique que le jour où ils seront glorifiés, lors de la première résurrection, lorsqu'ils verront Christ «tel qu'il est» et qu'ils seront rendus «semblables à Lui» (1 Jean 3: 2).
Le Royaume de Dieu «ne vient pas de manière à frapper les regards» (Luc 17: 20). C'est cette oeuvre exclusivement spirituelle et profonde qui s'accomplit chaque jour dans l'âme du croyant (Rom. 14: 17).
Il en est autrement du Royaume des cieux que Jésus-Christ établira lors de son prochain retour. Ce sera une grande manifestation de puissance et de gloire.

6)
Le Royaume des cieux sera un jour absorbé par le Royaume de Dieu, «lorsque Christ aura mis tous ses ennemis sous ses pieds»; alors «viendra la fin, quand Il remettra le Royaume à Celui qui est Dieu et Père, après avoir détruit toute domination, toute autorité, et toute puissance» (1 Cor. 15: 24-28).»

En terminant ce court exposé, mettons en relief les faits suivants qui ont trait plus spécialement au Royaume des cieux.

1)
Le Royaume des cieux est ainsi en rapport direct avec l'établissement de l'autorité divine sur la terre.

2)
Le Royaume des cieux est «un fait» qui ne se discute pas. Il est prédit dans le traité conclu avec David (2 Sam. 7: 8-16; Ps. 89: 4, 5, 20, 38; Esaïe Il: 1-16; Jér. 23: 3-8; Ezéch. 34: 22-26; 37: 21-25; Luc 1: 30-33).

3)
Le Royaume des cieux est «à la porte». Il peut se réaliser d'un moment à l'autre. Daniel, un des captifs de Juda, comprit par les Saintes Écritures que la captivité de Babylone touchait à sa fin. C'est alors qu'il éleva son âme à Dieu par une humble et fervente prière confessant les péchés de son peuple auquel il s'identifie (v. 4-19). Comme il parlait encore, l'ange Gabriel vient lui annoncer une vérité plus merveilleuse encore, celle de l'établissement définitif du Royaume messianique sur la terre. D'après cette révélation, septante semaines (semaines sabbatiques de sept ans chacune(1*) devaient s'écouler avant l'apparition de ce jour (v. 25). Mais à la fin de la 69e semaine le Roi devait expier le péché de son peuple. Cette prophétie s'est réalisée à la lettre, en la personne de Jésus-Christ. À la fin du ministère de Christ, il ne resterait ainsi plus qu'une semaine, des septante prédites, soit sept ans, pour l'accomplissement final de la promesse. Jésus-Christ pouvait ainsi dire à son peuple. «Repentez vous, car le Royaume des cieux est proche» (Matth. 4: 17) et Il pouvait envoyer ses disciples en leur disant: «Allez, prêchez, et dites: le Royaume des cieux est proche» (Matth. 10. 7).

4)
La rejection du Roi (Dan. 9: 26). Cette rejection a comme brisé le cours prophétique de la promesse, jusqu'au jour où Israël reconnaîtra son Roi.

5)
Le mystère du Royaume des cieux, ou sa forme actuelle, Cette phase du Royaume se déroule dans ce que nous appelons «la parenthèse de la grâce». C'est le temps actuel qui s'est interposé entre la 69e semaine et la 70e par suite de la rupture, causée par la rejection du Roi. C'est au cours de cette période du Royaume des cieux que Dieu révèle le mystère caché de tout temps en Lui. «L'Église.»

6)
Le dernier fait à souligner est la forme finale du Royaume. En d'autres termes, c'est le Royaume qui est arrivé à sa gloire. Cet aspect du Royaume se réalisera par le retour personnel de Jésus-Christ, le divin Roi. C'est cette forme-là que les prophètes ont vue et proclamée. La forme actuelle et mystérieuse, dépeinte dans Matthieu XIII ne leur a pas été révélée (Matth. 13: 17). Cette dernière forme du Royaume durera «jusqu'à ce que tous ses ennemis soient sous ses pieds». Alors le Royaume des cieux sera absorbé dans le Royaume de Dieu, «afin que Dieu soit tout en tous» (1 Cor. 15: 24-28).


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Introduction

Jésus-Christ, arrivé au terme de son ministère terrestre, voulut mettre en garde ses disciples contre de fausses espérances concernant l'établissement du Royaume de Dieu ici-bas, ainsi que son progrès dans le cours de notre économie. Il le fait sous la forme d'un discours parabolique. Au premier abord, l'on peut se demander la raison pour laquelle le Maître a adopté l'emploi de paraboles pour révéler, à la foule rassemblée autour de lui, ainsi qu'aux disciples en particulier, ce qu'Il avait à leur dire concernant ce sujet. Cette question préoccupait déjà les disciples qui, au milieu du discours, s'approchent du Seigneur pour lui demander la raison pour laquelle Il leur parle en paraboles, sur quoi le Maître leur répond en ces termes (voir v. 11): «Je leur parle en paraboles parce qu'il vous a été donné de connaître les mystères du Royaume des Cieux, et que cela ne leur a pas été donné, de sorte qu'en voyant, ils ne voient point, et qu'en entendant, ils n'entendent point et ne comprennent point» En d'autres termes: Vous, mes disciples, vous m'avez reçu comme l'envoyé de Dieu, comme le Roi qui doit venir, vous m'avez donné une place dans vos coeurs; mon esprit est en vous, il vous aide à saisir les choses qui ont rapport au Royaume; mais eux, ils ne m'ont pas reconnu comme leur Messie. Je n'occupe aucune place dans leur coeur. Mon esprit leur est parfaitement étranger. Tout ce qu'ils possèdent n'est qu'une religion de forme, sans réalité, sans vie, et de ce fait, ils ne peuvent pas saisir ce que vous saisissez. C'est pourquoi mon message est imagé de choses de la vie courante, familières à chacun, qui peuvent être comprises de tous, afin d'illustrer ainsi les vérités mystérieuses et profondes que je désire leur enseigner, afin que par cette comparaison ils arrivent à comprendre une chose par l'autre.

Ainsi la méthode parabolique employée par le Maître avait comme but de venir en aide à ses auditeurs, d'éveiller l'intérêt de ceux qui l'écoutaient et d'exciter leur curiosité, afin de les arracher à leur coupable indifférence ou à leur incrédulité. C'était un moyen d'aider ceux qui n'avaient pas les possibilités de comprendre ce qu'il avait à leur dire, n'ayant pas reçu l'Esprit du Roi, et qui, de ce fiait étaient sur le point de perdre le peu de religion qu'ils possédaient encore.

Cette forme d'enseignement n'est donc pas, comme certains le pensent, une méthode que Jésus-Christ aurait adoptée, dans sa fureur, pour livrer cette foule à son péché, afin qu'en voyant elle ne voie point et qu'en entendant elle n'entende point. C'est bien mal interpréter la Parole de Dieu et son amour pour ce monde perdu, Lui qui a «tant aimé le monde qu'Il a donné son Fils unique afin que QUICONQUE croit en Lui ne périsse point; mais qu'il ait la vie éternelle» (Jean 3: 16).

Une parabole est toujours une aide, jamais une entrave. C'est parfois une vérité voilée, non pour qu'elle soit rendue inaccessible à l'homme, mais pour qu'elle ne puisse pas lui échapper. Un verre enfumé ne nous cache pas le soleil, mais nous aide à mieux l'observer. Comme nous l'avons vu plus haut, la grande préoccupation de Dieu est que tous les hommes arrivent à la connaissance de la Vérité. Il ne veut pas qu'aucun périsse; mais que tous soient sauvés. Combien nous avons besoin de cette méthode, dans les temps actuels où l'indifférence et le matérialisme voilent, à un si haut degré, les beautés ineffables de la vie éternelle.

Pour bien comprendre l'enseignement des paraboles, il est de toute nécessité de suivre une certaine règle, si nous voulons éviter l'ennui de nous fourvoyer sur une fausse route qui nous conduira à des interprétations pleines de fantaisie, et loin de la vérité.

Premièrement
, ne cherchons pas de complications dans leur interprétation; la plus simple sera vraisemblablement la plus juste.

Deuxièmement
, il faut garder cette pensée: que Dieu est un Dieu d'ordre, et non de désordre. Quand Il a pris, par exemple, une figure pour illustrer une vérité quelconque, Il ne la reprend pas pour illustrer une vérité contraire, dans un autre passage des Saintes Écritures. Par exemple dans la première parabole, celle du semeur, il est parlé d'oiseaux. Au 19e verset, le Maître dit Lui-même que ces oiseaux représentent les fils du malin. Dans la troisième parabole, celle du grain de moutarde, nous retrouvons cette même figure. Nous pouvons ainsi conclure que là aussi, les oiseaux représentent les fils du malin et non ceux du Royaume. Dans la quatrième parabole, celle du levain, nous ne rencontrons aucune difficulté pour découvrir ce que préfigure le levain, si nous suivons notre règle. Dans l'Ancien Testament comme dans le Nouveau, le levain est invariablement présenté comme le symbole du mal, JAMAIS comme celui du bien. Ainsi il ne pourra pas dans cette quatrième parabole, représenter le bien.

Troisièmement
, il faut aussi se souvenir que la Bible est la Parole de Dieu, et non celle d'un homme, et que, par ce fait, il ne peut pas y avoir de contradictions réelles dans son enseignement. Par exemple, dans les passages suivants: Matth. 24, Luc 17: 26-30; 18: 8; 2 Tim. 3: 1-5, 2 Tim. 4: 3-5, etc., nous avons une vision d'un monde qui, dans le domaine moral et spirituel, va de mal en pis. Ainsi, l'interprétation de ces paroles ne peut pas être en contradiction avec ces déclarations. De sorte que l'interprétation qui fait de ces paraboles du grain de moutarde et du levain, l'image d'un développement croissant et satisfaisant des principes du Royaume des Cieux, jusqu'à son couronnement absolu, soit la conversion du monde, n'est pas conforme à l'enseignement du Maître, et doit être écartée. Qu'il y ait des erreurs apparentes nous l'admettons, mais des erreurs réelles, JAMAIS. Cela me fait penser à un diacre d'une église de Chicago, au temps où j'étais étudiant en théologie, dans cette ville. Un dimanche soir, à la fin d'une réunion d'évangélisation, il vint vers moi avec sa Bible et d'un air quelque peu narquois, me dit: «Eh! bien, mon ami vous dites qu'il n'y a pas de contradictions dans la Bible? Expliquez-moi alors ces deux versets.» Et ouvrant le Livre au 26e chapitre des Proverbes, il me pointe les versets 4 et 5 de ce chapitre :

v. 4 «Ne réponds pas à l'insensé selon sa folie de peur que tu ne lui ressembles toi-même.
v. 5 Réponds à l'insensé selon sa folie afin qu'il ne se regarde pas comme sage.»

Puis, bien campé sur ses deux jambes, il attendait ma réponse. J'avoue que je fus embarrassé, mais non déconcerté. «Je regrette, lui dis-je, de ne pouvoir vous donner une réponse satisfaisante ce soir. Dieu m'aidera à vous la donner dans notre prochaine rencontre.» Arrivé dans ma chambre, je me jette à genoux et place le problème devant mon Père céleste. Après un moment d'intime entretien avec Lui, je me relève plein de joie et, m'adressant aux meubles de ma chambrette, je cherche à formuler à haute voix la réponse que j'avais à donner. Hélas! j'en fus incapable. Je comprenais suffisamment pour moi-même, mais pas assez pour l'expliquer à d'autres. Il ne me restait qu'une seule chose à faire: retomber à genoux et implorer la grâce de Dieu, lui disant dans ma prière que ce n'était pas pour sauver ma foi que je demandais la lumière sur ce texte, mais pour confondre l'ennemi et l'amener, si possible, à de meilleurs sentiments. Une fois debout, je pris ma Bible et marquai, entre ces deux versets 4 et 5, le mot «MAIS», et je me mis à lire ce passage ainsi:

«Ne réponds pas à l'insensé selon sa folie
(selon sa manière absurde, ridicule)
de peur que tu ne lui ressembles toi-même.

MAIS
Réponds à l'insensé selon sa folie
(selon ce que sa folie mérite)
afin qu'il ne se regarde pas comme sage.»

Jésus donne dans Matth. 22: 17-22 une illustration magistrale de cette sagesse.

Quatrièmement
, il faut se mettre en garde contre l'interprétation populaire. Le fait qu'une interprétation est généralement reçue n'est pas une garantie absolue de sa vérité. N'est-ce pas l'interprétation populaire de la venue du Messie qui a conduit Jésus-Christ au Calvaire?

Cinquièmement
, il faut se souvenir aussi qu'une parabole n'est pas une base doctrinale, et que, de ce fait, on ne peut pas tirer une leçon de chaque mot qui la compose. Une parabole est comparable à une fenêtre qui jette de la lumière sur un point particulier, et pas davantage. Par exemple nous avons, dans le 15e chapitre de l'Évangile de Luc, trois paraboles: celles de la brebis perdue, de la drachme et de l'enfant prodigue. Pour interpréter l'enseignement de ces paraboles, nous n'avons nullement besoin. de nous occuper des nombreux détails qui s'y trouvent. Ce qui doit être retenu dans la première est le fait qu'une brebis est perdue par son ignorance, dans la seconde, c'est qu'une pièce de monnaie est égarée par négligence, et enfin dans la troisième qu'un fils prodigue est perdu par sa propre volonté. L'enseignement à retirer de ces trois paraboles est celui-ci: Qu'une âme soit perdue par ignorance, ou par négligence, ou par sa propre volonté, il y a plus de joie au Ciel pour une seule d'entre elles qui se repent que pour quatre-vingt-dix-neuf qui ne sentent pas le besoin de se repentir.

Il est également nécessaire, pour bien comprendre ces paraboles de Matth. 13 et en découvrir toute la beauté, de remarquer qu'elles sont divisées en deux groupes bien distincts, soit les quatre premières et les quatre suivantes.

Celles du premier groupe sont adressées à la foule: elles présentent le côté humain du sujet tel que l'homme de la rue, l'homme naturel, irrégénéré peut le voir et le comprendre. C'est la seule vision qu'il peut avoir sur le développement présent du Royaume des Cieux.

Celles du deuxième groupe sont adressées exclusivement aux disciples: elles présentent le sujet par son côté divin, intime, profond, tel que Dieu le voit et que l'homme de la foi le comprend.

Les quatre premières donnent un exposé prophétique qui révèle la faillite de la chrétienté.

Les suivantes donnent la réponse de Dieu à cette faillite, ainsi que la conclusion qui en découle.

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*) Voir «Quand et comment s'établira l'Ordre nouveau», par le même auteur, pages 111-125. 
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