Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE VIII

DERNIÈRES ANNÉES

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 Il est intéressant de noter que M. J., qui possédait parfaitement plusieurs langues, avait été, deux ans après son arrivée à La Tourne, sérieusement sollicité par le directeur d'une école de langues de Zurich de venir enseigner chez lui. Ce directeur, qui connaissait les Santschy, les avait visités, et ses entretiens avec M. J. l'avaient convaincu qu'il aurait en ce dernier un précieux collaborateur.

- Votre place est chez nous, lui disait-il. Vous aurez une belle situation, nous pouvons vous loger, vous gagnerez largement votre vie.
- Il faut que je téléphone là-haut, dit M. J. en montrant le ciel.

Je pesai, écrit-il, tous les avantages qui m'étaient proposés, je mis aussi sur le plateau de la balance les ressources intellectuelles et artistiques de la grande ville... Puis je vis Mme Santschy au milieu de son petit peuple misérable : vieillards en enfance, infirmes, idiots, hommes, femmes à relever, et puis les enfants dont plusieurs étaient chargés de lourdes hérédités. Je me sentis ému de compassion et décidai de rester. Dieu le voulait ainsi. Je ne regrettai jamais.

« Dès sa première jeunesse, la maîtresse de La Tourne avait dû travailler dur. Elle n'avait guère lu que la Bible. Où aurait-elle pris le temps de lire, occupée comme elle l'était ? je pris donc à coeur de lui faire connaître quelque peu les femmes qui ont tracé dans l'histoire un sillon lumineux. Durant les soirées d'hiver, alors que souvent la tempête faisait rage au dehors, je lui parlai longuement de Monique, la mère de saint Augustin, de sainte Catherine de Sienne, de Jeanne d'Arc, de sainte Thérèse d'Avila, des martyrs huguenots de la Tour de Constance ; puis plus près de nous, d'Elisabeth Fry, de Joséphine Butler, de Dorothée Trudel, de la Maréchale, d'Adèle Pélaz...

Assise sur le banc du poêle, elle écoutait avec une attention extrême. C'est qu'elle était de la race de ces femmes illustres. Dans les dernières années de sa vie, je lui parlai même de Pascal, de Vinet et des théologiens actuels. À défaut de la culture de l'intelligence - cette femme n'avait fréquenté que l'école primaire de La Sagne -, elle possédait à un si haut degré la culture de l'âme qu'elle pouvait sans effort s'élever au niveau des plus grands esprits.

Elle avait une conscience profonde et tragique du péché, non seulement de celui des autres, de ceux qu'elle côtoyait journellement, mais d'abord de son péché à elle. Aussi le mystère de la rédemption était-il pour elle l'élément central et essentiel de la foi chrétienne. « Parler de la grâce de Dieu, en escamotant la nécessité absolue de l'expiation sanglante du calvaire, disait-elle, c'est tourner cette grâce en dissolution. »

« Quelques jours avant Noël 1947, je descendis à Neuchâtel, pensant me procurer à la librairie Delachaux « Die kirchliche Dogmatik », de Karl Barth. Hélas, c'était trop coûteux. je me contentai de faire l'achat d'un autre volume que je posai sur la table devant mon interlocutrice. Ce livre broché portait sur la couverture une superbe tête de tigre et avait pour titre : « Mes fauves », par le dompteur Trubka.

Elle me regarda avec effarement comme si elle doutait de mon intégrité intellectuelle.

- Mais, mais... je ne vois pas le rapport qu'il y a entre la dogmatique de Barth et les mémoires d'un dompteur.
- Moi non plus. J'y vois un rapport avec vous, madame. J'aimerais que vous lisiez ce livre. Voilà un homme à votre taille.
- Avez-vous envie de vous moquer de moi ?
- Mais je ne me moque pas. je parle sérieusement. Voyons, je vous ai vue si souvent affronter des hommes, parfois des femmes, devant qui tous s'enfuyaient de terreur. Et vous, sans un geste, sans une parole, par la seule puissance de votre regard, vous les domptiez. Pensez-vous qu'il soit beaucoup plus difficile de dompter des tigres ?

Elle resta songeuse quelques instants, puis, avec un sourire :

- Vous avez peut-être raison. Au fond, tout bien considéré, je pense comme vous que les tigres à quatre pattes sont moins redoutables et moins méchants que les tigres à deux pattes.

De temps à autre, j'étais placé dans une situation qui me faisait toucher du doigt la distance qui séparait ma vie de la sienne. Un triste sire qui, à tous les vices, ajoutait le venin d'une langue de serpent, l'avait odieusement calomniée dans des lieux publics. La « mère des pauvres » le savait. Elle avait eu cet homme déjà plusieurs fois chez elle. Il s'en allait toujours en faisant du scandale, pour revenir quand il ne savait plus où aller.

Un matin, je le trouvai tout penaud en conversation avec Mme Santschy dans la salle du premier étage. Il demandait à pouvoir rentrer à La Tourne.

- Madame, dis-je, vous n'allez pourtant pas reprendre cet individu ?

Elle me regarda d'un air sérieux.

- Où irait-il ? Vous savez bien que personne ne voudrait de lui. Dieu m'a placée ici pour accueillir ceux que tout le monde repousse.

Je n'avais qu'à m'incliner.
Onze mois avant sa mort, je remarquai que la maîtresse de maison faisait préparer une petite chambre à côté de celle où je donnais mes leçons au dernier de mes garçons.
Qui donc va venir occuper cette chambre ?

- C'est un vieillard de La Chaux-de-Fonds qui nous connaît depuis de longues années. Le malheureux a eu une attaque au cours de l'été dernier. Il doit être transféré à Perreux et a exprimé le désir de venir respirer pendant quelques jours l'air de La Tourne.

Le lendemain après-midi, une auto s'arrêta devant la maison. On en fit descendre un homme paralysé qu'il fallait porter.

Me voici dans de beaux draps », pensai-je, car d'emblée je me rendis compte que c'était sur moi que retomberait la responsabilité de ce malade. Mme Santschy étant déjà très atteinte dans sa santé, je n'aurais pas supporté qu'elle eût encore cette charge. Humainement c'était trop lourd pour moi, car je n'avais aucune notion des soins qu'il faut donner à un malade, j'éprouvais même de la répugnance pour ce travail.

Après m'être retiré dans ma chambre quelques instants, je sentis que Dieu me viendrait en aide. « Toutes les fois que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous les avez faites. » Cette parole qui me vint à l'esprit me remplit le coeur de joie et chassa toutes mes craintes. Dès lors je pus me mettre au travail. J'appris l'art de vêtir et de dévêtir un malade qui n'a plus l'usage de ses membres. je l'installais pour la journée dans la chambre où je faisais l'école. Il semblait prendre intérêt à l'explication des règles d'accord du participe passé ou de la formule des intérêts composés. Pour la nuit, je m'installais dans la pièce contiguë à sa chambre, attentif aux soins qu'il pouvait réclamer. Tout cela ne me coûtait pas ; je faisais l'expérience bénie que le joug du Seigneur est doux et son fardeau léger. Le soir, nous faisions le culte, nous lui parlions du Sauveur, puis l'« amie des pauvres » savait par sa prière l'amener au Dieu de toute miséricorde.

Le cinquième ou sixième jour, une auto vint chercher notre malade pour le conduire à Perreux. Après qu'il fut parti, Mme Santschy me dit avec simplicité : « Quand nous sommes venus de Combe-Villier à La Tourne, il y a dix-huit ans, j'en avais deux comme ça. »

Quelques jours plus tard, notre malade nous envoya un message par sa fille : « je suis bien ici ; j'ai un gentil infirmier, mais ça ne vaut pas La Tourne. »



Les dernières années de la vie de Mme Santschy furent marquées par l'affaiblissement graduel, non pas de ses forces intellectuelles et morales, qui restèrent intactes jusqu'à la fin, mais par le déclin toujours plus rapide de ses forces physiques. Ce dut être très dur, pour une nature si forte et si énergique, d'en arriver graduellement à un degré de faiblesse tel qu'elle ne pouvait plus même coudre un bouton. Témoin constant de la lente ascension de cette âme vers la lumière, je l'ai suivie pas à pas sur la voie douloureuse. jamais, ne fût-ce qu'un instant, je n'ai vu fléchir son moral. jamais je n'ai entendu l'ombre d'une plainte ou d'un murmure sortir de ses lèvres. Elle était toujours dans la louange. Et avec cela, un sentiment poignant de sa misère et de son indignité personnelle. Que de fois m'a-t-elle dit : « Où irais-je, que deviendrais-je, si je ne pouvais me réfugier au pied de la croix. D'aucuns pensent pouvoir s'en passer, il me faut à moi le sang rédempteur de Jésus-Christ pour apaiser ma conscience et couvrir ma misère. »

Il était bien loin le temps où, durant toute une nuit, Mme Santschy s'épuisait dans une lutte farouche pour imposer à Dieu sa volonté. Elle était entièrement livrée à Dieu, pour la vie ou pour la mort. Ma dernière entrevue avec elle restera dans mon souvenir comme un des moments lumineux de ma vie. Désirant passer le Nouvel-An dans ma famille, j'entrai dans sa chambre au soir du jeudi 30 décembre 1948 pour prendre congé d'elle. je la trouvai assise sur son lit, respirant avec la plus grande difficulté.

- J'ai tant de peine à vous voir souffrir ainsi, lui dis-je.

Son visage douloureux illuminé d'un divin sourire, elle dit :

- Tout est bien. Gloire à notre bien-aimé Sauveur.

Puis, me montrant du doigt, sur sa table de chevet, la biographie de Joséphine Butler, qu'une amie lui avait envoyée pour Noël, elle murmura à plusieurs reprises, avec, dans le regard, quelque chose de solennel qui me frappa :

- C'est beau, c'est beau.

Communier avec Joséphine Butler fut sa dernière joie sur la terre. Pensant l'encourager, je lui parlai de ma mère, qui, jusque dans la mort, ne lâcha pas son drapeau. Puis je priai. Elle pria aussi. Sa prière n'était qu'un cri d'adoration et de louange pour célébrer la bonté de Dieu.

C'est sur cette note de triomphe que je lui serrai la main pour la quitter, ne me doutant pas que je ne la retrouverais plus ici-bas qu'à l'état de cadavre.

Mon retour à La Tourne fut quelque peu retardé par le fait que, la première semaine de janvier étant la semaine de prière de l'Alliance évangélique universelle, j'avais l'habitude chaque année d'offrir mes services au pasteur de Rochefort. Ce qui explique qu'au heu de rentrer le lundi soir, comme j'aurais pu le faire, je ne le fis que le mercredi. Ce matin-là, avant de prendre l'autobus, le pasteur me dit: « On vient de me téléphoner de La Tourne ; Mme Santschy est morte hier soir. On vous demande de remonter immédiatement. » Quand j'arrivai à « La Confiance », j'y trouvai Mme T., l'amie des bons et des mauvais jours, et Mlle S., institutrice aux Ponts-de-Martel ; cette dernière, pendant des années, sans y manquer une seule fois et par tous les temps, était montée le dimanche après-midi faire l'école du dimanche à nos enfants. Appelée la veille par téléphone, elle était accourue, après sa classe, au chevet de Mme Santschy. C'est avec soulagement que j'appris que Dieu avait envoyé cette amie chrétienne auprès de la malade pour l'assister dans le dernier combat. Mlle S. me raconta que les derniers moments furent extrêmement pénibles. Ses souffrances étaient intolérables. Elle qui ne s'était jamais plainte, disait : « je ne pense pas qu'il soit possible de souffrir davantage. » Pour comble d'infortune, son ciel se couvrait d'épais nuages, la présence de Dieu lui échappait, elle se sentait comme abandonnée. Puis, se ressaisissant, elle pensait à tout ce qu'elle devait quitter.

- Mes pauvres hommes ! Personne ne saura les aimer comme je les aimais.

Ici Mlle S. intervint :

- Il faut les abandonner à Dieu. Dieu les aimera pour vous. Il faut tout lui remettre, sans réserve : votre maison, votre mari, votre oeuvre ; tout, absolument tout.

D'une voix qui sortait du plus profond d'elle-même, elle dit :

- De tout mon coeur !

Ayant triomphé de l'angoisse, elle parut s'intéresser de nouveau aux choses qui l'entouraient. Avec une parfaite lucidité, elle donna ses instructions à l'homme venu les chercher pour aller au courrier. Elle dit même d'un ton enjoué: « Nous avons eu une bien belle fête de » Noël, n'est-ce pas, oncle Paul ? »

Un petit sourd-muet, qui était comme son valet de chambre dans sa longue maladie, rentra tout transi de la forêt où il avait aidé à l'abattage des arbres. Ne pouvant parler que par monosyllabes, il disait : « Froid, neige ! » C'est en répétant plusieurs fois ces deux mots: « Froid, neige ! » que Mme Santschy entra dans le coma. Une heure après, elle avait rendu son âme à Dieu.

Après avoir exprimé à Dieu dans une fervente prière notre reconnaissance de savoir Son enfant pour toujours à l'abri, je restai seul dans la chambre où reposait sa dépouille.

Cette femme, avec qui j'avais tant bataillé, était étendue sur une planche. Longuement je contemplai ce visage ravagé par la souffrance et ces mains jointes pour le suprême repos. je compris à ce moment-là, mieux que jamais, la vérité profonde d'une pensée de sainte Catherine de Sienne - « Quand on a vu la beauté d'une âme, on ne peut plus rien regarder. »

Une chère amie du Locle, quand elle la vit couchée sur son étroite civière, s'écria : « C'était une pauvre »
Oh, oui! une pauvre qui en a enrichi beaucoup!

Cette pauvre eut les funérailles d'une reine. On avait arrangé avec des branches de sapin le traîneau qui devait conduire sa dépouille à Rochefort. Les nombreuses et superbes couronnes envoyées par ses amis lui faisaient comme un diadème. Mais le plus beau, c'est Dieu qui le donna. Alors que ce vendredi 7 janvier 1949, durant toute la journée, le plateau suisse demeura enseveli sous un épais brouillard, à la montagne un soleil éclatant inondait le ciel sans nuages. La neige fraîchement tombée couvrait le sol. Les sapins blancs de frimas dressaient leurs fûts vers l'azur comme autant de colonnes d'une somptueuse cathédrale. jamais la montagne ne m'avait paru si belle. Il semblait qu'elle voulût tout entière clamer son allégresse en l'honneur de celle qui l'avait sanctifiée par le miracle quotidien de son amour. Et là-bas, fermant l'horizon, les cimes géantes des Alpes bernoises profilaient avec une netteté aiguë sur le ciel les, contours grandioses de leurs silhouettes. Au-devant de cette beauté, Mme Santschy descendait lentement sous le soleil. Au-dessous du hameau des Grattes, nous entrâmes tout à coup dans le brouillard. Mais la splendeur d'où nous sortions était comme le gage certain de la victoire finale. Au village, sur la foule accourue de toutes parts, les cloches égrenaient leurs notes joyeuses. Car elles n'étaient point tristes, ces cloches. Ce n'étaient pas les cloches de la mort, c'étaient celles de la résurrection. Quatre des garçons qu'elle avait élevés portèrent son cercueil dans le temple. Un quatuor de voix exercées chanta deux hymnes magnifiques. Le pasteur de la paroisse, un ami de Bienne et moi-même parlâmes du témoignage de Mme Santschy à la gloire de Dieu « qui a choisi les choses folles du monde pour confondre les fortes ; et Dieu a choisi les choses viles du monde et celles qu'on méprise, celles qui ne sont point, pour réduire au néant celles qui sont, afin que nulle chair ne se glorifie devant Dieu » (l Cor. 1, 27-29). Et sur la foule recueillie passait une profonde émotion : une chrétienne avait quitté la terre.

Le faire-part de Mme Santschy portait ce verset de Daniel 12, 3 : « Ceux qui ont enseigné la justice à la multitude brilleront, comme les étoiles, à toujours et à perpétuité. »

Ce texte, choisi par une amie de Mme Santschy, s'appliquait admirablement à la vie et au témoignage de cette vivante chrétienne. Mais quelle ne fut pas: ma surprise, après l'enterrement, en ouvrant sa Bible, de lire ceci :

Verset pour ma carte mortuaire: « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge chaque jour de sa croix, et qu'il me suive. » (Luc 9, 23.)

Cela c'était pour elle. Si jamais quelqu'un a pris au sérieux cette injonction du Seigneur, c'est bien cette femme.
Suivaient diverses indications avec des dates, relatant des exaucements particuliers.
Et enfin, tout au bas de la page:

Un seul acte de foi en Dieu a plus de valeur aux yeux de Dieu que tous les sermons du monde. Je le crois. Rester à mon poste.

Nous pouvons nous demander quel fut le secret de cette vie d'abnégation et de dévouement. Très peu de jours avant sa mort, elle déclara à une de ses amies : « Si je ne pouvais prier à tout instant, je ne tiendrais pas un jour dans cette maison. »

Sa sollicitude ne s'étendait pas seulement à son entourage immédiat, mais encore à beaucoup d'âmes en peine qui réclamaient le secours de ses prières. Aussi les premiers temps après sa mort, mon coeur était-il étrangement ému quand des personnes totalement inconnues m'appelaient au téléphone pour me dire de quel inappréciable secours Mme Santschy avait été pour elles dans leurs détresses morales ou spirituelles.

Au début de janvier, je visitai une de ses amies du Locle. je trouvai là un pensionnaire de l'asile des vieillards de cette ville, qui avait été plusieurs années à La Tourne; cet homme terrible, un jour, avait brandi sur elle une hache « pour la tuer avec son Jésus » comme il disait. En me voyant, il vint à moi, pleurant comme un enfant: « Elle ne m'a pas oublié, elle m'a envoyé un paquet à Noël. » - « Grand-père, lui dis-je en lui montrant le ciel, elle vous attend là-haut. Elle a beaucoup prié pour vous, vous le savez. »

Dans l'autobus qui amenait à La Tourne des amis de La Chaux-de-Fonds, le matin des funérailles, se trouvait un des garçons qu'elle avait élevés ; il était alors en apprentissage dans cette ville. En pleurant, il disait : « C'était ma maman. » J'ai parlé du sourd-muet qui lui tenait lieu de valet de chambre. Le pauvre homme était si désolé qu'il s'échappait parfois de La Tourne pour aller à Rochefort pleurer sur la tombe de sa bienfaitrice. Hospitalisé maintenant à l'asile des vieillards de Neuchâtel, il m'envoie toujours à Noël un petit message tout rempli du souvenir de sa chère « mamy ».

J'étais encore à La Tourne au mois de mars quand, un soir, un jeune homme se présente à « La Confiance ». À ses explications confuses, je devine que j'ai affaire à un échappé de pénitencier. Ce malheureux me fait pitié; il n'a pas l'air d'un dévoyé; je lui offre à souper et je l'installe près du poêle.

Une demi-heure ne s'est pas écoulée qu'une auto s'arrête devant la maison : c'est la police.

À mon grand étonnement, l'agent, en civil, loin d'accabler le jeune homme, se met à lui prodiguer des encouragements. je fais de même et lui remets, avec une pièce de vêtement dont il avait besoin, un Nouveau Testament. « Vous rencontrerez dans ce livre le Sauveur.

La femme qui était ici vous aurait parlé de Lui et ne vous aurait pas laissé partir à vide. »

J'étais ému en prenant congé de lui, car je sentais que ma poignée de main à ce malheureux était comme le point final à l'oeuvre de Mme Santschy. »



Et maintenant, dans le petit cimetière de Rochefort que borde la route cantonale, une simple dalle de marbre rappelle le souvenir de cette femme de prière. Au-dessous de son nom, cette parole de Jésus : « Elle a beaucoup aimé. » (Luc 7, 47.)

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