Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

PRÉFACE

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Il y a déjà un certain temps, dans les années 1940 à 1944, alors que j'étais pasteur à Rochefort, ce charmant village neuchâtelois entre la montagne et le lac, je me rendais volontiers sur les hauteurs de La Tourne pour y visiter la paroissienne la plus extraordinaire qu'il m'ait été donné de rencontrer. C'était une humble paysanne qui vivait, avec son mari, dans une ferme au grand toit typiquement jurassien qu'on aperçoit facilement de la route. Je savais qu'en allant la voir, je recevrais un puissant stimulant pour mon ministère, tant sa vie de prière était agissante. Elle n'avait pourtant rien de la recluse toujours en oraison dans sa cellule. Au contraire, elle passait la plupart de ses journées à travailler aux champs, car il fallait bien assurer la subsistance à tout son petit monde, c'est-à-dire aux vieillards et aux enfants qu'elle avait recueillis. Elle attendait tout de Dieu, et le récit qu'on va lire en témoigne éloquemment, mais si elle joignait souvent les mains, elle n'en était pas moins active, sans cesse sur la brèche, se mettant à n'importe quelle besogne.

Je la revois, par un bel après-midi d'automne, en train de trier des pommes de terre devant la grange; elle m'accueillit avec le sourire, et je ne pus faire autrement que de m'asseoir à côté d'elle pour lui prêter mon aide inexperte. Son exemple était contagieux en toutes choses. Rien d'étonnant que Dieu, par elle, ait pu faire des miracles. Elle avait une foi si simple et si ardente. D'une belle prestance, elle imposait le respect, et son langage plein de distinction et de saveur révélait une âme d'élite. Une seule préoccupation la dominait: se soumettre à son Seigneur jusque dans les moindres détails. « Oh! si je pouvais convaincre tous ceux qui liront ces lignes, écrivait-elle un jour à ma femme qui désirait parler d'elle dans un journal, que nous avons un Père qui s'occupe de tous les détails de nos vies. Toutes nos difficultés, nos souffrances, nos péchés, Christ les a vaincus sur la croix. Dieu nous offre, nous demande même de Lui faire confiance en déposant tout au pied de la croix. » Cela, elle ne l'a pas seulement dit, elle l'a vécu pendant toute sa vie consacrée aux « déshérités que le Maître voulait bien lui envoyer », pour employer encore ses propres termes.

Il valait donc la peine non pas d'écrire la biographie de Cécile Santschy, comme si c'était une sainte dont il conviendrait de célébrer les mérites, mais de recueillir et de raconter, en toute honnêteté, les faits relatifs à l'action de Dieu dans sa vie, pour bien montrer que le Seigneur est toujours puissant parmi nous, là où il trouve un serviteur ou une servante prêts à faire sa volonté. Mme Juliette Bolle, qui a bien connu Cécile Santschy, n'a pas voulu faire autre chose. Un écrivain s'y serait pris différemment pour décrire cette vie rayonnante ; il aurait sans doute essayé d'en brosser un portrait psychologique, et la matière ne lui aurait pas fait défaut, tant est riche une pareille personnalité qui allie les traits de Marthe et de Marie et dont l'esprit d'à-propos n'est pas la moindre caractéristique; il aurait fait une fresque pittoresque de tous les hôtes de « La Confiance », et certains rapprochements se seraient imposés à son esprit, il aurait vu en Cécile Santschy une émule d'un Blumhardt, d'un John Bost et d'un George Muller. Mais n'est-ce pas peut-être plus évangélique de laisser parler les faits, de s'effacer devant eux, sans même en faire de la littérature pieuse, pour qu'ils témoignent mieux de la gloire de Dieu ?

Si ce petit livre a un but, c'est de nous mettre nous-mêmes sur la voie royale de la prière et de l'amour, car il n'a pas été écrit pour nous faire admirer une femme exceptionnelle, mais pour nous livrer le secret de sa vie qui peut aussi être le nôtre.

Eugène Porret.

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