Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE LVII

Le loup et les bergers.

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Si l'évêque de Genève avait abandonné son troupeau, il ne l'avait point oublié, mais il y pensait en loup et non pas en berger. Pendant une nuit du mois de juillet, un des domestiques du premier syndic réveilla son meurtre pour lui annoncer qu'un étranger demandait à lui parler d'affaires urgentes. Ce visiteur nocturne était un homme du Dauphiné. « Je serais peiné, disait-il au syndic, de voir la ruine de Genève et de l'Évangile. » « Et comment cela » « Vous ignorez donc que l'armée du duc de Savoie va arriver sous vos murs et que ce matin l'évêque a quitté Chambéry pour rentrer à Genève sous la protection des armes savoyardes ? »
Ces nouvelles étaient exactes; l'ennemi était aux portes de la ville; l'évêque et sa suite s'étaient arrêtés à quelque distance, Le parti catholique était dans le complot; il avait tout préparé pour l'arrivée de ses complices. Trois cents Savoyards avaient été peu à peu répartis dans diverses maisons catholiques. On avait encloué quelques-uns des canons, bourré les autres de foin; un serrurier se tenait prêt à ouvrir les portes des remparts. Il avait été convenu qu'au milieu de la nuit quand tout serait tranquille, les catholiques de Genève donneraient le signal à ceux du dehors en agitant des torches allumées du haut de leurs maisons. Quant aux prêtres, ils devaient se rassembler dès qu'ils entendraient un coup de canon tiré au Molard, et avant le matin Genève serait au pouvoir de ses deux plus grands ennemis. Le duc de Savoie avait demandé le secours de la France et l'évêque lui avait promis d'abandonner son évêché, aussitôt qu'il l'aurait recouvré, en faveur du fils cadet du duc, en échange d'une forte somme d'argent.

A l'ouïe de ces nouvelles, tous les Genevois prirent les armes. Les prêtres qui se disposaient à donner le signal du massacre ''enfermèrent dans leurs demeures. Pendant ce temps, les troupes savoyardes, campées au dehors, attendaient avec impatience le signal convenu et s étonnaient fort `de ne pas voir paraître les torches sur les toits. Soudain, on aperçut une brillante lumière, mais elle n'était pas sur les toits; elle montait, montait toujours plus haut et enfin s'arrêta au sommet de la cathédrale. « C'est la lumière du guet, s'écrièrent quelques Savoyards, nous sommes trahis ! » Une panique soudaine s'empara de l'armée, les deux généraux donnèrent eux-mêmes le signal de la retraite.
Quelques soldats vinrent au galop donner l'alarme à Pierre de la Baume; saisi d'une terreur subite, comme la nuit où Baudichon avait pénétré dans sa chambre avec des torches, l'évêque sauta sur son cheval et s'enfuit en toute hâte. Au soleil levant, il n'y avait plus un seul ennemi en vue. Dieu avait sauvé Genève !
Les évangéliques rendirent de ferventes actions de grâces à Dieu pour cette merveilleuse délivrance. Un mois plus tard, ils eurent un nouveau sujet de reconnaissance. Baudichon et un autre Eidguenot avaient été saisis par les catholiques de Lyon et condamnés à être brûlés. Des ambassadeurs bernois obtinrent de François 1er qu'il relâchât les deux prisonniers. Le roi, désirant rester en bons termes avec les Suisses, envoya à Lyon l'ordre de rendre Baudichon et son compagnon aux seigneurs bernois, sous l'escorte desquels les deux braves Eidguenots arrivèrent à Genève au milieu de l'allégresse générale.

Cependant le ciel était toujours chargé d'orage; ces délivrances furent comme les derniers rayons de soleil perçant des nuages de plus en plus noirs. Néanmoins, si le danger grandissait au point qu'à vues humaines tout semblait perdu, aux yeux de Dieu il en était autrement. La lumière augmentait, la vérité jetait de profondes racines dans les coeurs, et si les Genevois étaient persécutés, c'est que le prince des ténèbres craignait de perdre cette ville et qu'il rangeait toutes ses forces en bataille contre la vaillante petite cité. Les évangéliques devaient éprouver la vérité de ces paroles de Farel: «Que tout marche noblement quand tout semble perdu aux yeux du monde ! » Il fallait tout sacrifier à Christ et à son Évangile.
Chaque jour les nouvelles devenaient plus alarmantes; la France et la Bourgogne avaient promis leur secours au duc et à l'évêque; une nouvelle attaque était imminente. Tous les citoyens sur lesquels on pouvait compter furent mis sous les armes. Les catholiques qui avaient failli livrer Genève à l'ennemi furent surveillés avec soin. Au reste, sauf les prêtres, ils partirent presque tous pour se joindre à l'armée savoyarde.
Les Eidguenots virent le départ de leurs adversaires avec satisfaction, car, malgré la présence du clergé, la ville se trouvait ainsi entre leurs mains.

Autour des remparts s'étendaient de vastes faubourgs, peuplés d'églises, de couvents et de maisons de campagne entourées de superbes jardins. Le Conseil prit une décision héroïque. Pour empêcher les armées ennemies de s'établir dans ces faubourgs, il les fit complètement raser. Tout fut abattu, la demeure somptueuse du riche aussi bien que la chaumière du pauvre. Six mille personnes se trouvèrent sans abri, mais les Eidguenots ouvrirent leurs maisons à tous, catholiques ou réformés sans distinction, partageant avec eux le dernier morceau de pain et la plus petite chambre
Cette hospitalité était d'autant plus touchante que la famine menaçait la ville, car Pierre de la Baume avait envoyé aux contrées environnantes une défense expresse de fournir aucune denrée à ses brebis rebelles
Ni fruits ni légumes n'arrivaient plus sur le marché qui restait vide et désert. Des garnisons postées dans tous les châteaux d'alentour faisaient bonne garde pour le cas où quelque marchand aurait essayé d'enfreindre la défense épiscopale. Nul ne pouvait pénétrer dans Genève; l'évêque vint s'établir à Gex, rassembla ses prêtres autour de lui et de là il lança une excommunication générale sur les habitants de la malheureuse ville et sur tous ceux qui tenteraient d'y pénétrer. « Il faut écraser ces luthériens, disait l'évêque, par la guerre, la famine, enfin par tous les moyens possibles.» Les campagnards regardaient Genève de loin avec terreur; ils se gardaient bien d'approcher, pensant que c'était un lieu habité par tous les diables. Quelques esprits forts s'y aventurèrent pourtant un jour, poussés par la curiosité et pour a voir les diables ». «Nous y avons été, dirent-ils en revenant, et pour vrai, ces prêcheurs sont des hommes et non des démons. » L'évêque coupa court à leurs récits en les envoyant en prison.

L'orage qui semblait sur le point d'éclater n'ébranla pas les évangéliques; ils profitèrent au contraire de l'absence des catholiques pour jouir sans entraves de leurs prédicateurs et de leurs réunions. « Tous les jours le Seigneur ajoutait à l'Église ceux qui devaient être sauvés, » et malgré la fureur de l'ennemi, il régnait une grande joie dans la ville.
La nuit, quand les soldats montaient la garde aux portes et sur les remparts, les prédicateurs allaient s'asseoir au milieu d'eux pour leur parler du Seigneur Jésus. Bien des soldats furent amenés au salut de cette manière. « Autrefois, disaient les citoyens, nos soldats gaspillaient leur temps avec des femmes de mauvaise vie, mais à présent, au lieu de conversations profanes, nous n'entendons plus dans les corps de garde que la Parole de Dieu. »
En effet, Dieu déployait sa miséricorde en sauvant des multitudes de pécheurs et en enseignant à ses enfants des leçons glorieuses et bénies. Ils allaient apprendre par leur expérience, aussi bien que par les exhortations de Farel, que c'est folie de s'appuyer sur le bras de la chair. S'ils comptaient sur Berne, ils allaient voir que Dieu seul ne nous fait jamais défaut. Car Berne, leur fidèle alliée, se tenait sur la réserve et semblait ne pas pouvoir ou ne pas vouloir les secourir.

Sur ces entrefaites, le duc de Savoie fit des offres de paix; il était disposé à accorder un pardon complet, mais à la condition que les Genevois renverraient les évangélistes, feraient cesser les prédications, recevraient de nouveau l'évêque et Entreraient dans le giron de l'Église. Telle était l'alternative: la paix, l'abondance et les rites papistes, ou bien l'épée, la famine et l'Évangile de Dieu.
Mais Genève avait bien changé depuis que, deux ans auparavant, elle chassait Farel de ses murs.
«Vous nous demandez, répondit le Conseil, d'abandonner nos libertés et l'Évangile de Jésus-Christ ! Plutôt renoncer à père et mère, femme et enfants. Plutôt perdre nos biens et nos vies! Dites au duc que nous mettrons le feu aux quatre coins de la ville avant que de bailler congé aux prêcheurs qui nous annoncent la Parole de Dieu. »
Le duc et l'évêque furent aussi surpris qu'irrités de cette belle réponse; ils convoquèrent une diète à Thonon. Voici ce que la soeur Jeanne nous en dit.

En ce mois de novembre fut tenue une journée à Thonon pour traiter de la paix, pour le bien du pays, le tout aux frais de Monseigneur, lequel (comme un vrai prince de paix) ne voulait à aucun prix répandre le sang humain. Il y assista en personne, ainsi que la première noblesse des pays voisins, l'archevêque de la Tarentaise et l'évêque de Belley. Il y avait aussi des ambassadeurs des cantons suisses. Tout cela occasionna de grands frais à Monseigneur bien inutilement car les hérétiques ne voulurent pas entendre raison. On se sépara donc sans rien faire, de quoi tous furent marris, car ces hérétiques devinrent toujours plus arrogants. La première semaine de décembre, ils ôtèrent et brisèrent toutes les croix de Genève et des environs; le reste de l'année se passa en grande douleur et tribulation... Le jour de Noël, les luthériens ne firent aucune solennité et s'habillèrent de leurs plus pauvres: habillements comme les jours ouvriers, et ne firent point cuire de pain blanc parce que les chrétiens le faisaient... De tout l'Avent ne fut fait sermon à Genève, excepté ceux des chétifs, ce qui n'avait eu lieu de mémoire d'homme et paraissait bien étrange aux chrétiens. »

Le but de la conférence de Thonon était de chercher un moyen de réduire la ville rebelle à l'obéissance. Berne se rangea du côté de l'évêque et de la Savoie ! Qui l'aurait cru ! Berne, qui avait été l'espérance et l'appui des Genevois, Berne les abandonnait ! Mais Dieu lui-même allait être leur appui et leur espérance.

Comme si Genève n'avait pas encore assez d'ennemis, Charles-Quint, entraîné par la ligue, se joignit encore à la duchesse de Savoie, qui était sa belle-soeur.

Les conditions arrêtées à Thonon furent proposées au Conseil de Genève; les Bernois les avaient approuvées en partie. Le duc offrait une trêve de deux mois, pendant laquelle le Conseil expulserait les prédicants et ferait sa soumission à l'évoque. Le Conseil envoya immédiatement sa réponse par les Bernois; elle vaut la peine d'être lue:

Quant au premier article, disaient les Genevois, lequel porte que tous doivent demeurer tranquilles et ne plus rien entreprendre, nous répondons que nous ne désirons que la paix et l'amour envers tout le monde. Quant au second article qui demande que nous expulsions les prédicants te la nouvelle foi, nous répondons qu'il n'y en a plus à Genève car des deux qui étaient ici, l'un est en prison (le père Furbity) parce qu'il n'a pas voulu rétracter ce qu'il avait prêché selon la nouvelle foi, contre l'ancienne. Il avait dit, entre autres, que nul sauf le pape ne peut entrer dans le ciel sans le secours d'un prêtre, et que celui qui mange de la viande les jours où le pape et l'Église le défendent, est pire qu'un larron ou un meurtrier. Il a dit beaucoup d'autres choses qu'il n'a pas pu prouver par les saintes Écritures et par l'ancienne loi de Jésus-Christ, mais seulement par les livres de nouveaux docteurs, tels que Thomas d'Aquin, qui vivait il n'y a que quatre cents ans. Ces docteurs-là sont appelés Antichrist par la sainte Écriture, parce qu'ils enseignent autrement que le Christ n'a enseigné. Quant à l'autre prédicant, c'était le vicaire de Saint-Gervais, lequel, voyant qu'il ne pouvait prouver par les anciennes et saintes Écritures les choses qu'il disait, s'est sauvé de son plein gré s'est retiré à Peney avec les traîtres et les vagabonds. Ainsi, nous n'avons plus de prêcheur de la nouvelle foi à Genève, du reste, nos édits défendent de prêcher autre chose que l'Évangile et l'ancienne doctrine de Jésus-Christ.

Quant au troisième article, portant que, pendant la trêve, les personnes et les biens seront respectés, nous répondons que nous n'avons défendu à personne de venir dans notre cité et que, ne faisant la guerre à personne, nous n'avons point de trêve à conclure.
Pour ce qui est du quatrième article, lequel porte que l'une des parties ne refusera point à l'autre des vivres en échange de son argent, nous répondons que nous n'en avons jamais refusé à personne.
Quant au cinquième article, portant que si quelqu'un enfreint la trêve, il sera châtié, nous déclarons que nous n'avons pas de prisonniers et que nous n'en avons jamais eu, sauf pour dette, vol ou meurtre. Mais le duc nous retient six prisonniers, à savoir trois enfants et trois vieux hommes, uniquement parce qu'ils ont oui l'Évangile et ont voulu le suivre.
Quant à l'évêque, c'est une tout autre affaire; il s'est chassé lui-même; de pasteur et berger il s'est fait le loup de ses brebis, ce que nous sommes prêts à lui démontrer en temps et lieu voulus; d'ailleurs chacun le sait. Ce sont les loups qui demandent une trêve aux bergers et à leurs troupeaux. »

L'ambassadeur ajouta de son chef le 'commentaire suivant: Le Maître de la bergerie qui a envoyé et donné les bergers pour défendre ses brebis des loups, est fidèle et puissant; Il peut faire toutes choses. Que Dieu leur donne la grâce, vertu et puissance de résister aux loups et de bien y persévérer à son honneur et gloire. »
Telle fut la réponse de cette petite ville, seule en face de l'Europe en armes, mais seule avec Dieu.

Peney, mentionné dans la réponse du Conseil, était un château fort appartenant à l'évêque de Genève; il y tenait une garnison composée en grande partie de gens qui s'étaient enfuis de Genève pour des motifs peu avouables. Pierre de la Baume les entretenait à ses frais afin qu'ils arrêtassent au passage les luthériens et les vivres destinés à approvisionner le marché de Genève. Le château de Peney devint ainsi un véritable repaire de brigands où bien des serviteurs de Dieu trouvèrent la prison et la mort.


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CHAPITRE LVIII

Lumière et ténèbres.

 

Quand les choses nous semblent désespérées, dit Guillaume Farel, c'est alors que par la vraie foi nous: devons nous fortifier et avoir assurance, malgré tout ce que I homme peut en penser. Car voyez ce qu'il est advenu au fidèle Abraham. Quand a-t-il reçu l'accomplissement de la promesse ? N'est-ce pas lorsque tout espoir, soit en lui, soit en sa femme, avait défailli ? Et quand la dite promesse lui a-t-elle été confirmée, sinon quand le dit Abraham avait levé le couteau pour tuer son fils Isaac ?

Et lorsque vous et moi nous voyons arriver tout le contraire de ce que nous attendions, et que Satan se relève plus puissant que jamais, il faut alors persévérer en notre requête et ne cesser nullement, mais toujours en priant croire que Dieu nous l'accorde et qu'II nous exaucera pour glorifier son saint Nom... Certes, s'il y a quelqu'un qui doive craindre, c'est moi, car si d'un côté Dieu me promet une bouche et une sagesse à laquelle les adversaires ne pourront résister, de l'autre je suis averti que je serai persécuté et même que ceux qui me mettront à mort penseront rendre service à Dieu... Il est bien vrai qu'un cheveu de ma tête ne tombera point sans le vouloir du bon Père: comme je l'ai bien souvent éprouvé, me trouvant dans de tels dangers qu'aucun homme n'y aurait échappé sans le secours de Dieu. En accomplissant la tâche qu'II m'a ordonnée, je suis exposé aux coups et à mourir de mort violente, et je n'ai d'autre refuge que l'invocation à Dieu... Mais j'ai confiance en Dieu qu'II aura pitié de vous. Si vous mettez votre fiance en Lui, si vous détachez vos coeurs de cette terre et si vous demandez sans cesse l'aide et assistance de Dieu, je suis assuré qu'II vous exaucera, quand même il y aurait cent mille fois plus de contrariétés et moins d'espoir selon la chair. Car la foi ne regarde qu'aux profondeurs insondables de la bonté de Dieu. »

Grâce à Dieu, les paroles de Farel ne restèrent pas sans effet. Les réformés de Genève se tinrent fermes malgré l'empereur, le duc, l'évêque, le roi de France, les menaces de la Bourgogne et la défection de Berne. Ces héroïques chrétiens étaient prêts à souffrir la perte de toutes choses, excepté celle de Christ et de sa Parole.
La destruction des faubourgs avançait; les matériaux enlevés aux bâtiments démolis servaient à élever des travaux de fortification. Les Eidguenots se privaient de nourriture pour secourir ceux qui avaient perdu leurs demeures. Le commerce était complètement arrêté, la misère et la famine menaçaient la ville.
« Quoi qu'il vous arrive, dit encore Guillaume Farel. ne vous détournez à aucun prix de Jésus et de sa Parole; ne vous arrêtez pas, lors même que votre vie, les vôtres et ce que vous avez devrait être fondu et perdu. Car vous ne pouvez faire un meilleur usage de ce qui vous appartient que de le perdre pour l'amour de l'Évangile. Cela vous profitera dans cette vie et dans celle à venir, comme Dieu en a fait la promesse. »

Durant cet hiver, les Genevois perdirent beaucoup des choses de ce monde, mais ils s'enrichissaient dans les choses de Dieu et se trouvaient plus heureux qu'ils ne l'avaient jamais été.

Pour la soeur Jeanne et ses compagnes, tout était triste. Chaque semaine apportait un surcroît de difficultés qui causait aux pauvres soeurs abondance de larmes et d'angoisse ».

Un jour, entre autres, un officier voulut absolument inspecter leur domaine pour voir s'il fallait le fortifier; un homme de son escorte, a un méchant garçon, dit la soeur Jeanne, se lava les mains dans l'eau bénite par moquerie. Ce mauvais garçon, quand il fut dehors, se vanta aussi d'avoir embrassé plusieurs dames, mais il mentait faussement. Le vendredi suivant, mourut un apothicaire de la secte luthérienne dont la femme était bonne chrétienne. Quand elle vit son mari près de la mort, elle fit son devoir en l'admonestant de se retourner vers Dieu et de se confesser. Mais il ne voulut rien en faire et la supplia d'envoyer chercher le maudit Farel. Elle lui répondit que si Farel venait, Île sortirait de la maison pour ne pas être en si mauvaise compagnie, et il mourut ainsi dans son erreur. Son père, - qui était chrétien, le fit jeter hors de sa maison et porter au cimetière de la Madeleine, afin que ses complices le prissent pour en faire à leur vouloir, car, quant à lui, il ne l'avouait point pour son enfant; sa femme aussi ne tint pas plus de compte de lui que d'un chien. »
C'est ainsi que les choses se passaient sur la terre, tandis que « l'apothicaire luthérien » était accueilli dans le ciel en présence de son Sauveur.
Il est utile, en contemplant ce triste tableau du coeur humain, de nous rappeler cette solennelle vérité :-l'inimitié contre Dieu règne dans tous les coeurs naturels. Il y a une haine contre le Seigneur Jésus plus forte que toutes les affections naturelles et capable d'étouffer l'amour des parents pour leurs enfants, des maris pour leurs femmes, prouvant ainsi la vérité de ces paroles de Jésus, que « les ennemis d'un homme seront les gens de sa propre maison ».

« Gardez-vous de prendre vos ébats, dit Farel, en médisant des pauvres pécheurs et en vous moquant d'eux. Ne racontez point leurs péchés par moquerie, ni par haine, ni par aucun mauvais sentiment que vous ayez contre les personnes qui pèchent. Mais s'il vous arrive d'en parler, faites que ce soit avec une grande compassion, détestant le péché, mais avec un grand désir que tous en soient retirés.
Car, mes frères, qui sommes-nous, d'où venons-nous, qu'avons-nous de nous-mêmes que tout ne soit pareil aux autres en nous ? La seule différence vient de la grâce de Dieu, qui, au lieu de nous laisser éternellement morts dans nos péchés, allant de mal en pire, comme nous le méritions, nous en a retirés pour nous donner la vie éternelle et pour nous faire marcher de bien en mieux. Mais tout vient de sa pure grâce.:, C'est pourquoi ne nous devons point en pensant être quelque chose comme de nous-mêmes, mais soyons humbles et regardons d'où nous avons été pris; remercions Dieu en lui donnant tout honneur et toute gloire, reconnaissant que tout le bien est de lui et procède de lui, tandis qu'il ne vient que du mal de nous. Tout ce que nous faisons et pensons comme de nous-mêmes est mauvais. Ayons donc pitié des pauvres pécheurs et prions Dieu pour eux. »

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