Le présent volume prend l'histoire du
Christianisme au lendemain de la mort de Charlemagne, et la conduit
jusqu'au seuil de la Renaissance. À cette longue période de six
siècles
et demi, nous avons donné le nom de Moyen Age.
Ce terme, on le sait, n'est pas
clair, et il a reçu des acceptions diverses. Pour nous, la question
est
nette et tranchée. L'histoire de l'Église, à partir du grand empereur
jusqu'au milieu du XVe siècle, forme un tout et se résume en celle
d'une institution qui, de Rome, s'applique, avec une obstination
inouïe
et au prix de billes tragiques, à dominer à la fois les âmes et les
rois. Enhardi par la donation territoriale qui lui a été imprudemment
octroyée, le pape, qui a la conviction croissante d'être le chef de
l'Église et le défenseur de son prestige et de son idéal, lente
d'abord
de réaliser son grand rêve par une collaboration avec les deux Empires
franc et germanique, alliance inégale où l'État, assumant le rôle de
tuteur, fait payer ses services par une sujétion pénible, secouée
parfois par de grands pontifes tels que Nicolas 1er et Nicolas Il. À
celle période de tâtonnements (que nous étudions dans notre Livre
1er),
succède celle de l'essor triomphal du catholicisme romain, de Grégoire
VII à Boniface VIII. Elle vit l'humiliation de l'Empire à Canossa, la
pleine floraison de la chevalerie, le déroulement des croisades,
l'apparition des Universités et de là Scolastique, la naissance des
cathédrales gothiques et des deux Ordres mendiant, mais sur ce beau
manteau de gloire tombèrent, comme des taches de boue et de sang, les
hontes de la débauche et de la simonie et les horreurs de
l'Inquisition. Puis, après le rêve, le réveil et la réalité (c'est
notre Livre III). Le superbe édifice lézardé s'ébranle, et c'est la
décadence de la papauté... De Paris, d'Oxford et de Prague, les
protestations s'élèvent. Lu Scolastique, reconnue puérile, est
écartée.
L'esprit des croisades est mort, et c'est en vain que Pie Il s'assied
sur les rochers d'Ancône, attendant les galères des croisés qui
lardent
à venir. Les grands conciles réformateurs, sapant l'oeuvre hardie de
Grégoire VII et d'Innocent III, placent leur autorité, au-dessus de
celle du pape, déjà attaquée par Wyclif, Jean Huss et les pionniers de
l'humanisme. L'Esprit du Moyen Âge s'effondre, et sur ses ruines va
refleurir l'Évangile, débroussaillé par les mains puissantes des
Réformateurs.
Dans ce cercle, dont Rome est le
centre, s'agitent des foules inquiètes, aux sentiments divers et même
contraires, aspirations élevées et superstitions vulgaires renoncement
ascétique et relâchement sensuel, tendre charité et intolérance
barbare, humilité apostolique et ambitions qui rie pardonnent pas...
C'est celle histoire touffue, tourmentée et créatrice, que nous avons
essayé de raconter. Ne pouvant être complet, nous avons lâché d'être
clair, exact et impartial. Nous voulons aussi être reconnaissant
envers
hi science contemporaine, dont on trouvera ici les résultats. Une
mention spéciale est due au professeur David Schaff, de Pittsbourg
(États-Unis), et au pasteur Jacques Marly, licencié en théologie, dont
nous avons largement utilisé les travaux.
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