Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE V

L'Église d'Occident sous les Carolingiens

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Venons-en au récit de l'événement considérable qui termine la période étudiée dans ce livre, l'alliance de l'Église d'Occident avec les Carolingiens, sanctionnée par la donation de Pépin le Bref au pape Étienne II (1).

Au VIIIe siècle, « pressés plus que jamais par les Lombards, et moins que jamais protégés par les empereurs d'Orient, les papes ne crurent trouver de secours efficaces que chez les princes francs d'Austrasie, dont la valeur venait de se signaler contre les Germains, et, tout récemment, contre les Arabes. Ils avaient déjà imploré, mais en vain, l'assistance du vainqueur de Poitiers (739). Ils réussirent mieux auprès de ses fils. Par Boniface, l'illustre apôtre de la Germanie, que ces princes avaient appelé en 742 comme légat du Saint-Siège pour réorganiser l'Église franque, des relations étroites s'établirent entre la papauté et les maires du palais. Pépin le Bref désirait depuis longtemps transformer en royauté de droit la royauté de fait qu'il exerçait sous le faible Childéric III, mais il craignait de trouver un obstacle dans les scrupules religieux des grands de la nation. D'après le conseil de Boniface, il soumit ce cas de conscience au pape Zacharie. « Nul doute, répondit ce dernier ; celui-là doit porter le titre de roi, qui gouverne effectivement le royaume ». Il chargea son légat de donner en son nom à Pépin, dans l'assemblée de Soissons, l'onction sacrée qui, aux yeux de ses sujets, lui conféra l'autorité souveraine (752). Après ce service rendu à sa nouvelle dynastie, Pépin crut n'avoir rien à refuser aux évêques romains. Sur la demande d'Étienne II, qui se rend auprès de lui pour solliciter son secours (au plein de l'hiver 753-754), il franchit les Alpes ; dans deux expéditions successives (754-755), il reprend aux Lombards tout le territoire qu'ils ont conquis ; mais, ne pouvant le gouverner de si loin... il le constitue, selon la coutume des rois francs, en un fief dépendant de sa couronne, en investit les évêques de Rome comme les plus capables de le gouverner et les plus intéressés à le défendre, et il dépose sur le tombeau de saint Pierre les clefs des villes conquises et la charte de cette donation » (2).

Elle comprenait, outre les anciens domaines de l'Église de Rome qu'il lui avait fait restituer, l'exarchat de Ravenne et la Pentapole (territoire des cinq villes situées sur l'Adriatique, depuis Rimini jusqu'à Ancône).




À la mort de Pépin-le-Bref (768), les relations des Francs avec les Lombards parurent s'améliorer. Charles, son fils aîné - le futur Charlemagne - épousa la fille du roi Didier. Mais ce dernier ne tarda pas à jeter le masque. En 772, il s'empara brusquement de plusieurs cités italiennes et commença le blocus de Ravenne. Charles, qui était devenu le seul maître par la mort de son frère Carloman (771), répudie sa femme et envahit les États lombards (773). Il bloque Didier dans Pavie, le force à se rendre et se fait couronner roi du pays, le 5 juin 774. Puis il se tourne vers la Saxe, rétablit le calme aux frontières et prépare la pénétration pacifique du pays par l'envoi de missionnaires.

On sait comment les massacres de prêtres et les pillages d'églises l'amenèrent à cette conquête méthodique de la Saxe qui dura plus de trente ans, guerre féconde en surprises douloureuses et en terribles exécutions, déshonorée par l'administration forcée du baptême et terminée par l'annexion (799). Cinq ans avant, le roi de Bavière avait abdiqué en sa faveur. En Pannonie, les Avars, encore redoutés, durent se soumettre, et un certain nombre d'entre eux se fixent chrétiens. En Espagne, Charles fut moins heureux. Tandis qu'il regagnait la Saxe de nouveau révoltée, son arrière-garde fut massacrée au défilé de Roncevaux (778). Il dut limiter ses ambitions, de ce côté, en s'installant à Barcelone et en soutenant le roi chrétien de Galice et d'Asturie, qui arracha Lisbonne aux musulmans (798).

Aux trois titres que Charles se donnait dans ses actes officiels, depuis la conquête de la Lombardie, « roi des Francs. roi des Lombards et patrice des Romains », allait s'ajouter celui d' « empereur » (3).

En 795, le pape Léon Ill fut nommé malgré l'opposition de la noblesse locale. Le procès-verbal de son élection fut envoyé à Charlemagne, selon la règle, naguère en vigueur, qui ordonnait cette formalité à l'adresse de l'empereur de Byzance. Léon y joignit des protestations d'« obéissance » et de « fidélité », à titre de vassal, avec des présents, des clefs de l'église de saint Pierre et une bannière de Rome. Un abbé lui fut aussitôt envoyé, avec un message analogue aux instructions des missi dominici. Ce document significatif engageait « notre saint père le pape à vivre honnêtement, à observer les saints canons », à combattre l'hérésie et à prier pour le souverain, qui a pour tâche de « défendre au dehors par les armes la sainte Église du Christ, et de la renforcer au dedans en propageant la connaissance de la foi catholique ».

Le 25 avril 799, le pape fut victime d'un complot ourdi par l'aristocratie romaine. Au cours d'une procession, il est assailli, jeté à, terre et frappé. Relevé à demi-mort, il est porté tout en sang dans la cellule d'un monastère. Délivré par deux missi, il s'enfuit et court jusqu'à Paderborn, où il implore le secours de Charlemagne.

Le roi se dirige vers Rome (automne de 800) en qualité d'arbitre, encouragé par l'impuissance de la cour (le Constantinople, où dominait alors la néfaste Irène, et par l'insistance d'Alcuin qui, dans une lettre restée célèbre, lui avait dit : « C'est toi qui es maintenant le vengeur des crimes, le consolateur des affligés ». Léon III, qu'il avait déjà renvoyé à, Rome sous bonne escorte, vint à sa rencontre jusqu'à Mentana. Le lendemain (24 novembre), il recevait en grande pompe son royal visiteur du haut des degrés de saint Pierre, entouré de tout son clergé. Une semaine après, Charles présidait, dans l'église même, une grande assemblée, composée de prélats, de simples clercs et de dignitaires laïques, pour examiner les accusations de parjure et d'adultère portées contre le pape, mais la réhabilitation que ce dernier sollicitait n'eut lieu que le 23 décembre. Ce jour-là, deux moines arrivèrent de Jérusalem. Ils venaient de là, part du patriarche, apporter à Charles, qui les lui avait demandées, semble-t-il, une bannière et des clefs du saint Sépulcre, du Calvaire et de la ville sainte, elle-même, scène bien faite pour rehausser le prestige d'un roi auquel tous donnaient déjà, le titre de chef de la chrétienté.

Le jour de Noël, après l'office, Léon III vint se prosterner devant lui, et, se relevant, lui posa sur la tête un riche diadème, tandis que le peuple criait : « À Charles, auguste couronné par Dieu, grand et pacifique empereur des Romains, vie et victoire ! » Cette intervention imprévue et arbitraire du pape dans la scène du couronnement surprit le roi et le rendit mécontent (d'après Eginhard, Vita Caroli, ch. 28), mais l'appui moral qu'il reçut, en cette circonstance, du siège de Rome, accrut son autorité et fit de lui, jusqu'en Orient, le représentant officiel du monde latin. De Bagdad, Haroun-al-Raschid devait lui envoyer des ambassades, et les chrétiens orientaux, opprimés par les musulmans, devaient se tourner, comme vers un protecteur, vers le grand souverain qui avait reçu les clefs des Lieux saints. Il sut d'ailleurs bien remplir ses devoirs. «Grâce à sa générosité, tout un quartier franc se groupa autour de la basilique du saint Sépulcre, avec son hospice pour les pèlerins, son église, sa bibliothèque, son marché.. Par sa nature, le protectorat de Charlemagne est comme le prototype de ce régime qui donne au roi de France un droit de protection sur les chrétiens indigènes, sur les pèlerins et sur les Lieux saints » (4).

À Constantinople, le nouvel empereur fut traité d'usurpateur. Nicéphore, qui détrôna Irène en 802, refusa lui aussi de le reconnaître et rompit avec lui. Le sang coula en Vénétie et en Istrie, mais, à, la suite de négociations laborieuses, une délégation byzantine, composée de deux hauts fonctionnaires et d'un évêque, vint à, Aix-la-Chapelle pour conclure la paix (812). Elle salua Charles du titre de basileus. (imperator). Il y eut donc, à côté de l'Empire d'Orient, celui d'Occident.




Il ne ressemblait guère à celui d'autrefois. Il était régi, en effet, par la coutume franque du partage d'avance de tout le royaume entre les fils du souverain, sans que fût stipulée la survivance de la dignité impériale. Ce qui le caractérisa, ce fut la puissance absolue de l'empereur.

À part quelques pays, Gascogne, Lombardie méridionale, États de l'Église, Bavière, qui gardent une autonomie plus ou moins complète, il contrôle l'Empire entier. Il a ses administrateurs de provinces, les comtes, assistés par des évêques - qui aident à surveiller l'exécution de ses « capitulaires ». Il a ses envoyés (missi dominici), qui inspectent l'administration locale et cassent, au besoin, les jugements mal rendus. Ces délégués vont en général deux par deux (un comte et un ecclésiastique). Quant à son Église, il étend sur elle, pour la diriger, comme une crosse immense, son sceptre glorieux. Il intervient en maître dans le choix des évêques. «Il croirait abdiquer s'il ne leur traçait, le cas échéant, un programme d'action... s'il ne corrigeait au besoin leurs décisions, lors même qu'elles touchent aux problèmes théologiques les plus délicats (5). Dans sa correspondance avec les prélats, il aborde tous les sujets : qu'il s'agisse de comput, de dogmes, de liturgie, de la célébration du baptême, jamais il ne laisse à d'autres le soin de dire le dernier mot » (6).

En somme, on peut affirmer que « la confusion du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel, qui est restée le caractère de, la civilisation européenne jusqu'à la, Réforme, est principalement du fait de Charlemagne. Cette confusion a amené plus tard la théocratie du moyen-âge féodal ; de son temps, elle s'est opérée plutôt au profit du pouvoir temporel » (7). D'autre part, à, ce douloureux sacrifice de son indépendance spirituelle, l'Église d'Occident trouva une compensation, insuffisante, il est vrai, dans l'octroi de nombreuses faveurs. Charlemagne protégea le clergé et lui prodigua les marques d'honneur ; il fit d'énormes dotations aux évêchés et aux monastères et étendit la juridiction ecclésiastique, et l'Église d'Occident lui a gardé plus de reconnaissance que de rancune, puisque les évêques, réunis en concile à Mayence en 813, un an avant sa mort, lui donnèrent le titre de « directeur de la vraie religion » (veroe religionis rector).




Ce qui caractérise encore l'Empire carolingien, c'est la renaissance de la civilisation antique en Occident (8).

Sauf en Italie et en Angleterre, où la vieille culture s'était maintenue ou propagée, l'ignorance était de venue générale, en Gaule surtout. Charlemagne se préoccupa d'abord de l'instruction des prêtres, fort négligée dans de pauvres écoles, les seules, d'ailleurs, qu'on pût voir en Gaule à cette époque. Dans un capitulaire de l'an 769, il s'écrie : « Comment des ignorants pourraient-ils faire connaître et prêcher aux autres la loi de Dieu ? » Il réclame des écoles élémentaires ou paroissiales, des écoles supérieures, cathédrales et abbatiales, pour la formation des prêtres. Il fait appel à un de ces Anglo-Saxons qu'il apprécie, Alcuin, disciple indirect de Bède, et avec ce maître renommé de la grande école de la cathédrale d'York (9), qu'il a réussi à s'attacher, c'est l'ancienne culture latine, éprise des sept arts libéraux, qui repasse la Manche et se répand dans l'Empire, complétée par l'étude des textes sacrés et de la théologie. Le « ministre intellectuel de Charlemagne », comme l'appelle F. Guizot, fait recopier de beaux manuscrits par les scribes qu'il a formés. Les élèves apprennent « l'art de parler et d'écrire », d'après les oeuvres de Cicéron et de Quintilien et les formules épistolaires de Cassiodore ; ils étudient la logique d'Aristote dans les traductions et les commentaires de Boèce, la cosmographie et la géographie dans les livres de Pline l'ancien.

Charlemagne songe aussi au peuple. « Qu'il y ait, dit-il, des écoles où l'on fasse lire les enfants » (capitulaire de 789). Dans celle « du palais », destinée aux jeunes gens qui viennent à la cour se former au service de l'État, Alcuin fait enseigner les humanités. L'empereur lui-même donne l'exemple du travail. D'après Eginhard, il place des tablettes sous les coussins de son lit pour s'exercer à, écrire aux heures de loisir, et sa correspondance avec son ministre dénote son zèle pour l'étude des sciences et des lettres. « Son palais d'Aix devient ainsi le vrai centre intellectuelde l'empire. Tous, laïques et ecclésiastiques, se piquent de culture littéraire. Ils se plaisent aux conférences, aux discussions de problèmes grammaticaux, scientifiques, philosophiques (10), ils s'égaient à se poser des charades ou des énigmes en vers ; ils font assaut d'esprit, mais en veillant toujours à ne rien dire qui ne soit tourné avec élégance... Ces jeux nous surprennent souvent par leur puérilité, mais ils sont l'indice d'un remarquable réveil des intelligences ». L'originalité y manque, il est vrai. « Alcuin est un professeur dans l'âme, mais il n'est à aucun degré un penseur ni un artiste.
Les vers de Paul Diacre, un des lettrés lombards que Charlemagne sut retenir quelques années à sa cour, sont d'un écrivain délicat, ses ouvrages historiques, notamment sa grande Histoire des Lombards, ont de la tenue, mais on ne saurait leur reconnaître des mérites supérieurs. Chez Modoin et Angilbert, qu'on surnomma l'un « l'Ovide » et l'autre « l'Homère » du palais d'Aix, on ne trouve pas le moindre esprit d'invention... Quand le célèbre Eginhard, conseiller de Charlemagne, prendra la plume pour écrire son panégyrique, il ne croira pouvoir mieux faire qu'en donnant, trait pour trait et souvent en termes identiques, une réplique de la Vie d'Auguste de Suétone. Il en est de même dans l'art (11). L'imitation de ce qui semble antique est la grande règle, et l'on n'hésite pas, pour rendre le pastiche plus complet, à utiliser des morceaux de monuments anciens... Pour décorer sa chapelle d'Aix, construite sur le modèle de l'église saint Vital à Ravenne (vie siècle), l'empereur se fait expédier de là-bas colonnes, marbres et mosaïques... Le goût n'est pas toujours très sûr. C'est Ravenne et non Rome qui sert de modèle, de même que Boèce ou Cassiodore, Prudence ou Fortunat sont souvent préférés à des auteurs plus purs » (12).

Ajoutons que Charlemagne recourut aussi à l'habileté des artistes romains, faiseurs de miniatures et, d'ivoires. Leurs disciples les dépassèrent même : « Rome, dit Émile Berteaux, n'eut jamais d'école de miniaturistes comparable à celles de Tours, Reims, du Metz ou d'Aix-la-Chapelle » (13). Il y eut, à cette époque, de magnifiques décorations, celles en particulier de la grande salle de réception (triclinium), que Léon III fit construire dans soit palais de Latran. L'abside et les niches latérales qui formaient cette salle étaient enrichies de mosaïques (14). Mais, en réalité, « la Renaissance carolingienne ne fut ni profonde ni durable : c'était un mouvement officiel, oeuvre de quelques esprits remarquables mais isolés » (15).

Dans cette Renaissance littéraire et scientifique, il faut souligner le réveil des études bibliques. Charlemagne fit de la Vulgala de Jérôme (voir plus haut, p. 119), la version officielle de l'Église. Mais il dut commencer par en faire rétablir le, texte fort altéré. Ce fut l'oeuvre d'Alcuin. En 796, l'année où il quitta Aix-la-Chapelle pour aller à Saint-Martin de Tours, il demanda au roi l'autorisation et les moyens de faire venir d'York ses manuscrits des livres saints (16). « Qu'on rapporte en France, lui disait-il, ces fleurs de la Grande-Bretagne pour que... nous puissions avoir aussi à Tours ces jets du Paradis et les fruits de ses arbres » (17). Alcuin acheva la révision en 801, et il envoya un de ses disciples à, Aix-la-Chapelle pour présenter à l'empereur, le jour de Noël, le texte corrigé de la Vulgate.

Cette édition passa des mains des clercs dans celles des laïques. Son auteur reçut de nombreuses lettres de seigneurs, de nobles dames et de guerriers, qui lui demandaient l'explication de passages obscurs. Il prit le nom de Moïse, et l'empereur celui de David. Les monastères, surtout celui de Saint-Martin de Tours, avec ses deux cents religieux, devinrent des ateliers où l'on copiait la Vulgate. On vit alors des Bibles latines admirablement enluminées, surtout les deux exemplaires de Théodulfe, évêque d'Orléans (18).




Au terme de cet exposé, à la fois long et incomplet, les conclusions jaillissent d'elles-mêmes... Comme elle est tragique, cette lutte formidable entre le monde gréco-romain, retraité au coeur d'une civilisation péniblement acquise, et les races nouvelles, piétinées et envahissantes, qui s'étirent vers la chaude lumière du Midi, et s'ébattent avec ivresse dans le paradis méditerranéen, au risque d'en faire un désert ! Plus émouvant encore, du moins pour le philosophe, est le duel incessant entre les deux esprits qui se disputent les chrétiens... D'un côté, c'est l'idéal évangélique, épris de pureté et de sacrifice, avec sa spiritualité si bienfaisante, sa simplicité de dogme et de culte et son égalitarisme ecclésiastique, en harmonie avec le Nouveau Testament. D'autre part, c'est l'esprit païen, ou du moins certains de ses vices, le culte de la Force, la mondanité, le goût des querelles et le dédain de la Liberté... Pénétrant dans l'Église, avec ses recrues médiocres, ils y multiplient les spéculations hardies, chères aux philosophes grecs, mères des discussions interminables et scandaleuses, sur des mystères que Christ n'avait pas éclaircis ; ils y sèment l'amour des représentations matérielles de la religion et la foi au magisme des cérémonies ; ils y suscitent un système hiérarchique couronné par une autocratie spirituelle, enivrée de préoccupations temporelles, fille, non pas du Christ ni de la logique interne de l'Évangile, qui est presbytérien, mais d'une prétention tenace et de nécessités politiques propres à l'Occident.

Comme l'insecte, dans sa chrysalide, se tisse un organisme nouveau - mais ici la métamorphose n'est lias, hélas 1 l'accession à une vie supérieure - le christianisme, sous la pression de ce paganisme envahissant, se mue peu à peu en catholicisme romain.

L'heure approche où plusieurs de ses croyances adventices, encore flottantes et discutées, l'expiation juridique, le culte de Marie et des saints, la transsubstantiation, niée par le pape Gélase, l'adoration des images, combattue par Charlemagne et Alcuin, vont recevoir, comme nous le verrons dans le Tome suivant, une expression nette et une consécration officielle.

L'esprit évangélique, sans être étouffé, puisqu'il continue à vivifier des âmes, va tomber dans une somnolence déplorable, jusqu'au jour où la voix puissante des Réformateurs viendra l'en arracher par cet appel : « Toi qui dors, réveille-toi, et viens sauver l'Église et le monde » !

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(1) Louis Duchesne, Les premiers temps de L'État pontifical, 2e éd. Paris 1904 ; L. Halphen, Les Origines du Pouvoir temporel de la Papauté (Revue de France, 1er nov. 1922). 
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(2) Étienne Chastel, art États de l'Église (Encycl. Licht.). 
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(3) Gasquet, L'Empire byzantin et la Monarchie franque, Paris 1888 ; Kleinclausz, L'Empire carolingien, ses origines et ses transformations, Paris 1902 ; L. Halphen, Études critiques sur l'histoire de Charlemagne, Paris 1921, deuxième partie, ch. Il. 
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(4) Louis Bréhier, Le Protectorat de Charlemagne (dans Congrès français de la Syrie, janvier 1919 ; fasc. II, Marseille 1919, p. 34-35). 
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(5) C'est ainsi qu'il fit condamner le culte des images par le synode de Francfort (794) et qu'il décida celui d'Aix-la-Chapelle (809) à introduire dans le symbole apostolique, à l'article de la « procession » du Saint-Esprit, le filioque des Églises espagnoles. 
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(6) L. Halphen, Les Barbares, p. 255. 
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(7) Himly, art. Charlemagne (Encycl. Licht.). 
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(8) Cf. Roger L'Enseignement des Lettres classiques d'Ausone à Alcuin, Paris 1905 ; Aymera et Condamin, Hist. génér. de la Littér. du Moyen-Age en Occident, Vois vol, Paris 1883-1889 (trad. de l'ouvrage allemand d'Ebert) ; Manitius Geschichte der latinischen Literatur des Mittelatters, T. I, Munich 1911 ; von Schubert, Geschichte der chrislichen Kirche im Fruhmittelaller, Tubingue 1921. 
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(9) On peut dire que la Renaissance carolingienne a été préparée par la Pré-Renaissance anglo-saxonne. 
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(10) Cf. Picavet, Esquisse d'une Histoire générale et comparée des Philosophies médiévales, Paris, 2e éd, 1907. 
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(11) André Michel, Histoire de L'Art... T. I, Paris 1905 ; B. de Lasteyrie, L'Architecture religieuse en France à L'époque romane, Paris 1912 ; Enlart, Manuel d'Archéologie française, T. 1. 2e éd. Paris 1919 ; Louis Bréhier, L'Art chrétien : son développement iconographique, Paris 1918.
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(12) L. Halphen, Les Barbares, p. 265-267. 
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(13) Route, 1916, p. 52. 
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(14) Sur l'arc triomphal de l'abside, on voyait, en deux groupes symétriques, le Christ assis entre Constantin et Sylvestre, évêque de Rome (314-336), de saint Pierre, entre Charlemagne et Léon III. 
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(15) J. Brutails, Pour comprendre les Monuments de la Fiance, Paris 1919, p. 32. 
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(16) Voir sur ce sujet D. Lortsch, Histoire de la Bible en France, Paris 1910, p. 3-5. 
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(17) Samuel Berger, Histoire de la Vulgate..., p. 190. 
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(18) Elles se trouvent, l'une dans le trésor de la cathédrale du Puy, l'autre à la Bibliothèque nationale.
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