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§ 195. - L'Apocalypse de Jean (Patmos, an de Jésus-Christ 96).

Ce livre est appelé Apocalypse ou Révélation (c'est-à-dire dévoilement ou manifestation de ce qui a été caché), parce qu'il se compose principalement d'oracles et de sujets prophétiques qui ont été révélés à Jean par notre Seigneur Jésus-Christ à l'époque où cet apôtre était dans l'île de Patmos, dans la mer Egée, exilé, suivant la tradition, par l'empereur Domitien, an de Jésus-Christ 91 ou 95. Quelques-uns cependant assignent à ce livre une date beaucoup plus ancienne et en placent la composition sous la persécution de Néron, en 67 ou 68; mais les arguments avancés à l'appui de cette opinion sont loin d'être concluants (voyez le commentaire de Bonnet). Irénée, Eusèbe , et dans le troisième siècle Victorin , disent expressément que ce livre appartient à l'époque de Domitien. Cette opinion est encore appuyée par les témoignages de Clément d'Alexandrie , d'Origène et de Jérôme, et il n'y a pas, dans toute l'ancienne Eglise, de tradition contraire à celle-ci. Les preuves internes confirment cette manière de voir : ainsi le redoublement de la persécution au temps de Domitien et la décadence dans laquelle parait être tombée entre autres l'Eglise d'Ephèse , qui en l'an 62 était chaudement recommandée par saint Paul pour la fidélité et la charité de ses membres. Ajoutons qu'aucun livre n'a été plus anciennement l'objet des commentaires de l'Eglise, comme aucun ne le surpasse par la dignité et la sublimité de la composition.

Ce livre a pour le fond comme pour la forme une grande ressemblance avec les livres d'Ezéchiel et de Daniel. Il parait être, au reste , la continuation des prophéties de Daniel, mais avec une plus grande abondance de détails. Les sujets principaux sont les mêmes, et la fin est identique. Il se divise en deux parties principales.

La première partie (chap. I-III) se rapporte aux « choses qui sont, » et comprend, d'abord une vision Préparatoire qui montre les perfections divines et les sympathies humaines du Rédempteur, puis les lettres adressées aux sept Eglises. Chacune de ces lettres peut se diviser en trois parties :

l'introduction, qui rappelle dans chaque cas quelques-uns des attributs de celui qui s'adresse à l'Eglise , attributs empruntés à la vision préparatoire qui précède : on peut y remarquer un ordre progressif et gradué , et comme un acheminement à la teneur générale de la lettre qui suit ;

un exposé des traits caractéristiques de l'Eglise, accompagné, d'encouragements, d'avertissements ou de censures, appropriés à des besoins particuliers; et

des promesses de récompense à ceux qui vaincront, adressées à toutes les Eglises.

La seconde partie (IV-XXII) , c'est-à-dire le reste du livre, contient la prophétie des « choses qui doivent arriver. » Elle se compose d'une série de visions qui montrent, au moyen d'images symboliques et d'un langage figuré, les conflits et les souffrances du peuple de Dieu, et le jugement définitif que Dieu doit exercer sur ses ennemis. Le livre se termine par une représentation de l'Eglise de Christ, de la nouvelle Jérusalem, après le jugement dernier. Les points principaux que contient la prophétie sont les suivants :

Une vision représentant la gloire divine en forme l'introduction (chap. IV) ; - vient ensuite le rouleau scellé, et l'Agneau qui seul est digne de l'ouvrir (chap. V) ; - l'ouverture des six premiers sceaux (chap. VI) ; - les cent quarante-quatre mille marqués des, tribus d'Israël; - l'apparition et l'adoration de l'innombrable multitude d'âmes de toutes les nations , - et l'ouverture du septième sceau (VII à VIII, 1); - la vision de l'ange offrant l'encens sur l'autel, suivie du son des six premières trompettes (VIII, 2-13; IX, ; - la vision de l'ange puissant, ayant un petit rouleau ouvert dans la main, que Jean doit prendre et manger, après avoir entendu les sept tonnerres et la proclamation de l'ange (chap. X); - le mesurage du temple et de l'autel; - les deux témoins : leur prophétie , leur mort, leur résurrection et leur ascension ; - le son de la septième trompette (chap. XI); - la vision de la femme persécutée par le dragon; - le combat de Michel et de ses anges contre le dragon et ses anges; - la conservation de la femme dans le désert (chap. XII) ; - la bête sortant de la mer, et la seconde bête s'élevant de la terre (chap. XIII); - la vision de l'Agneau et des cent quarante-quatre mille sur la montagne de Sion ; - les proclamations des trois anges; - la moisson et la vendange (chap. XIV); - les sept fioles de plaies (chap, XVI), - la description donnée par l'ange de la femme qui se tient sur la bête (chap. XVII); - un autre - ange pro- clamant la chute et la ruine de Babylone (XVIII, XIX, 1-10) ; - la « Parole de Dieu , » à laquelle se sont attachés ses fidèles serviteurs, et par laquelle la bête, le faux prophète et les rois confédérés sont renversés et détruits (XIX, 11-21) - l'enchaînement du dragon et son emprisonnement pendant mille ans, durant lesquels les saints vivent et règnent avec Christ, et à la fin desquels Satan , de nouveau déchaîné, rassemble une dernière fois les nations pour combattre encore « la cité bien-aimée; » lui et ses soldats rebelles sont enfin détruits et jetés dans l'étang ardent de feu (XX, 1-10); - visions du dernier jugement; - les nouveaux cieux et la nouvelle terre , et la Jérusalem céleste (XX, 10 à XXII, 5) ; - déclarations finales prononcées par l'ange , par Christ et par l'apôtre , attestant la divine origine, l'absolue certitude et rentier accomplissement de ces prédictions (XXII, 6-21).

On peut grouper d'une manière plus sommaire encore le contenu de l'Apocalypse ainsi qu'il suit :

Nous avons

sept lettres aux sept Eglises (I à III) , et vers la fin la nouvelle ou la céleste Jérusalem (XXI et XXII).

Nous avons

sept sceaux (IV, 1 à VIII, 1).

Sept trompettes retentissantes (VIII, 2 à XI).

Trois ennemis . Satan , la bête et le faux prophète, qui font la guerre à l'Eglise (XII à XIV).

Sept fioles sont répandues (XV et XVI).

Les trois ennemis de l'Eglise sont vaincus (XVII-XX).

Autour de ces objets principaux, les sceaux , les trompettes, les fioles, Satan, la bête et le faux prophète, se groupent et s'entremêlent d'autres visions et des scènes de détail qui leur servent d'introduction ou de conclusion.

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§ 196. Règles et divers systèmes d'interprétation. - Dans l'interprétation de l'Apocalypse, on rencontre de nombreuses difficultés. Le sens général des symboles est à la vérité presque toujours assez clair, fondés comme ils le sont le plus souvent sur des analogies naturelles et employés d'une manière constante et uniforme ; mais l'application des symboles à des événements particuliers n'est point du tout facile. Un principe adopté par le doyen Woodhouse nous paraît pouvoir être appliqué d'une manière générale; c'est que , à moins que le langage et le symbole de l'Apocalypse n'exigent clairement un autre mode d'application, les prédictions de ce livre doivent se rapporter aux événements qui surviennent dans le royaume progressif de Christ, c'est-à-dire dans l'histoire de l'Eglise chrétienne, depuis l'âge apostolique jusqu'à la fin des temps. La Bible est l'histoire de l'Eglise, et elle n'est celle des autres nations que pour autant que celles-ci ont des rapports avec la première. Il nous semble tout-à-fait raisonnable d'appliquer à l'Apocalypse la même règle, la même vérité générale que nous constatons partout ailleurs. L'analogie de l'Ecriture tout entière est en faveur de cette manière de voir.

Comme aucune portion de l'Ecriture-Sainte n'est plus difficile à expliquer , de même aucune n'a donné lieu à des interprétations plus nombreuses et plus variées que l'Apocalypse. Les différents systèmes qui se sont partagé les commentateurs peuvent se ranger sous trois chefs principaux.

I. Quelques-uns considèrent la plus grande partie de ces prophéties comme ayant déjà eu leur accomplissement dans les premiers âges de l'Eglise.

Tels sont Grotius , Hammond , Wetstein, Eichhorn, De Wette, Leo, Stuart, et Hug, qui par cela même assignent à ce livre la date la plus ancienne.

Le professeur Stuart, qui défend ce point de vue, divise l'ensemble des prophéties apocalyptiques en trois grandes catastrophes : la première (VI à XI), décrit la destruction de Jérusalem ; elle nous fait voir la puissance juive persécutrice ruinée elle-même par une série de jugements de Dieu; elle nous montre en même temps la délivrance des chrétiens; - la deuxième (XI à XIX) décrit la destruction de la puissance romaine persécutrice et le triomphe du christianisme sur le paganisme; - la troisième (XX à XXII) , les grands et derniers efforts des puissances terrestres antichrétiennes , aboutissant à l'entière destruction de ces dernières, suivie du jugement général, châtiment terrible pour le méchant et récompense glorieuse pour le juste.

Il. Une seconde classe d'interprètes, comprenant le plus grand nombre des écrivains protestants, regarde ces prophéties comme une esquisse des grands événements qui doivent s'accomplir dans l'histoire du monde ou de l'Eglise, depuis les temps apostoliques jusqu'à la fin des âges.

Ce système d'interprétation considère le récit comme une histoire continue qui s'étend jusqu'aux derniers jours, quoique certaines parties du livre puissent être considérées comme appartenant à une même époque. Les partisans de ce point de vue sont Mede, J. Newton, Vitringa , l'évêque Newton, Scott, Forbes, Frere, Cuninghame, Woodhouse, Elliot, Keith et Birks (en français les ouvrages de Guers, Burnier , Gaussen , Bonnet, Descombaz, etc.).

Du reste, sous ce système général se rangent les opinions les plus diverses quant à l'application des différents symboles ; quelques-uns les rapportant plus ou moins aux événements de l'histoire profane, d'autres les restreignant exclusivement aux affaires de l'Eglise.

Voici quelques détails qui contribueront à donner une idée de la manière dont procèdent les commentateurs de cette école.

D'après Thomas Scott, les six premiers sceaux (chap. VI) prédisent d'abord les premiers progrès du christianisme, puis la décadence graduelle du paganisme persécuteur de l'empire romain par une série de jugements, jusqu'à ce que la lutte finisse par la conversion des empereurs à la foi chrétienne. Dans les quatre premières trompettes (chap. VIII) se trouve désignée la destruction de l'empire romain par les Goths , les Huns, les Maures et les Vandales; dans la cinquième et la sixième (chap. IX), l'accroissement du mahométisme, d'abord sous les Sarrasins , ensuite sous les Turcs. Le chapitre XI est interprété comme annonçant l'état corrompu de l'Eglise, , n'ayant plus de chrétien que le nom, pendant une période de 1260 ans, durant laquelle toutefois se lèvent un grand nombre de témoins de la vérité qui protestent contre cette corruption, jusqu'à ce qu'ils soient mis à mort et leur témoignage réduit au silence, mais pour un peu de temps seulement. Ces dernières circonstances sont considérées comme futures. Le chapitre XII se rapporte encore, mais avec plus de détails que les précédents, à la révolution par laquelle l'empire romain embrasse le christianisme. Le chapitre XIII décrit l'origine, l'établissement et la domination de l'empire romain papal, sous l'emblème de la bête à dix cornes; le clergé romain est la bête à deux cornes, et le pape est l'image de la bête. (On retrouve ces circonstances décrites d'une manière plus complète encore au chapitre XVII.) Le chapitre XIV a trait à l'opposition faite par les vrais croyants au pouvoir de l'Antichrist. Les sept fioles (chap. XVI) prédisent une succession de jugements (dont la plupart sont déjà accomplis) , par lesquels l'empire de la Rome papale doit être entièrement détruit , comme cela est déclaré chapitre XVIII.

Le consciencieux et volumineux ouvrage de M. Elliot (Horae apocalypticae) procède de principes semblables, mais avec plus de détails et un grand nombre de différences importantes dans l'application. Les six premiers sceaux correspondent, selon lui, à six périodes de l'histoire de l'empire romain, comprises entre l'an 96 et l'an 324 environ. La « marque des serviteurs de Dieu (VII , 1-8) » indique la conservation d'un petit reste de fidèles durant la grande apostasie. - Le « petit livre» et les visions qui suivent (X et XI, 1-13) sont une révélation supplémentaire qui se rapporte principalement à l'ère de la Réformation; la mesure du temple indique une séparation de la véritable et de la fausse Eglise; et les deux témoins (XI, 3-13) désignent la double succession d'Eglises chrétiennes fidèles dans l'est et dans l'ouest de la chrétienté. - Les sept fioles sont appliquées aux événements qui doivent surgir de la révolution française de 1789. La sixième , qui désigne les jugements prononcés contre l'empire turc , forme, selon ce système , la ligne de démarcation qui sépare aujourd'hui le passé de l'avenir. - Le reste se rapproche, en général, du système précédent.

Le docteur Keith explique les visions d'une manière assez analogue pour l'ensemble à celle de M. Elliot.

Le doyen Woodhouse adopte comme un principe fondamental le sens religieux de tous les symboles. Les sceaux décrivent l'histoire de l'Eglise; les trompettes, celles des hérésies et de toutes les oppositions faites à l'Eglise; les fioles, les vengeances et les châtiments de Dieu contre les persécuteurs de I'Eglise.

Un commentaire sans nom d'auteur, Le livre de la Révélation avec des notes, se rattache au même principe, mais varie considérablement dans les applications. Les sceaux représentent des périodes de l'histoire de l'Eglise. Le septième sceau, les sept trompettes, les sept fioles se rapportent à des événements encore à venir.

Suivant un autre point de vue tiré du plan même de ce livre d'autres ont donné à la plupart des symboles un but plus général et ils regardent les sujets et visions successives comme n'étant pas disposés dans un ordre strictement chronologique. Par exemple les scènes présentées au son des quatre premières trompettes (VIII, 7-12) ne s'appliquent exclusivement dans cette supposition, ni à des lieux, ni à des temps, ni à des individus particuliers, mais prédisent d'une manière générale des scènes de dévastation, dont chacune l'emportera sur la précédente en douleurs et en calamité.

Un système, qui a été présenté dans la Biblical Review, 1847, procède de ces mêmes principes , et donne les conclusions suivantes - Les six sceaux montrent les jugements successifs de Dieu contre la nation juive; les trompettes, qui forment le sujet central de la série de visions qui suit, sont d'une manière générale des symboles de dévastation universelle et de calamités particulières infligées à quelques nations idolâtres (voyez IX, 20); ces oracles auraient été en partie accomplis dans les désastres de l'empire romain. La vision du temple et de l'autel et celle des deux témoins se rapportent aux fonctions, à la condition et à la prospérité de l'Eglise chrétienne. Le chapitre XII commence une nouvelle série dont les visions représentent les deux principaux moyens employés par Satan dans son opposition à Christ; les sept fioles sont des plaies contre les persécuteurs et les ennemis de la croix. La femme assise sur la bête (chap. XVII) et Babylone (chap. XVIII), en désignant les pouvoirs antichrétiens, s'appliquent spécialement à Rome et à la papauté, mais pas à elles seulement.

III. Une troisième classe «interprètes, se plaçant à un point de vue tout différent des deux précédents, considère la plus grande partie des prophéties , sinon toutes, comme ne devant s'accomplir pleinement que dans les derniers jours.

Tels sont Maitland, Bargh et d'autres (en français Rossier, et presque toutes les publications de l'école de Plymouth).

Selon ce système, la partie prophétique de l'Apocalypse représente des événements qui arriveront avant la seconde venue de Christ et la consommation de toutes choses : l'Israël dont il est parlé est l'Israël véritable et littéral ; les deux témoins sont deux individus, probablement Moïse et Elie; les jours sont littéralement des jours; et l'Antichrist ou la bête, un personnage réel, etc.

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§ 197. Une difficulté n'est pas une objection. - Si l'on était tenté, en voyant les difficultés que présente l'étude de ce livre, de traiter légèrement tous les écrits prophétiques, il suffirait de se rappeler que les prophéties de l'Ancien-Testament étaient probablement aussi mystérieuses pour les Juifs que l'Apocalypse l'est pour nous. Qu'un fils de David ne dût pas sentir la corruption , que ce fils fût mis au rang des malfaiteurs et livré à une mort ignominieuse, et qu'il établit après cela son trône à perpétuité, ce devaient être pour les Juifs pieux des oracles remplis de profonds mystères. Et cependant tous ont été accomplis, et tous ont servi en même temps à soutenir l'espérance de ceux qui attendaient « la consolation d'Israël. » Il en est de même de ce livre bien des choses sont obscures , mais elles seront toutes accomplies toutes aussi , malgré leurs voiles, annoncent clairement le triomphe définitif du règne de Jésus-Christ.

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§ 198. Résultats positifs de l'étude de l'Apocalypse. - Quelque différence d'opinion qu'il y ait parmi les interprètes au sujet des temps et des lieux précis , des événements et des personnes auxquelles se rapportent ces visions , tous s'accordent à reconnaître leur caractère général et leur but, aussi bien que les leçons qu'on peut en retirer, leçons plus ou moins appropriées à tous les âges de l'Eglise. Ainsi ils sont unanimes à déduire de ces symboliques représentations le fait que Christ est élevé à la plus haute dignité dans les cieux, et qu'il exerce une domination universelle sur la terre; - que l'état de l'Eglise de Christ doit être pour longtemps un état de trouble , de souffrances et de luttes; - que la persévérance et la fidélité sont pour nous des devoirs ; - qu'après la destruction de ses premiers adversaires (les Juifs) , le grand ennemi suscitera contre l'Eglise de nouveaux agents; - que le pouvoir temporel et politique, le persécuteur et le faux prophète s'allieront pour chercher à la détruire ou à la corrompre; - que les caractères de cette profonde alliance sont l'orgueil , la pompe mondaine, l'esprit de persécution, une vie désordonnée et luxurieuse (XIII, 7; XVIII, 3-24) ; - que, tout en étant exposée aux assauts de ces ennemis, elle sera toujours sous la protection divine; - que quiconque s'oppose au royaume de Christ sera certainement détruit; - que même maintenant il existe un rapport constant et intime entre le monde visible et le monde invisible; car la louange et la prière montent constamment vers le trône de Dieu, pendant que des messagers de colère ou de miséricorde en descendent; - que la providence et le gouvernement de Dieu s'étendent sur toutes choses, dirigent tous les événements et les font contribuer aux meilleures fins; - que l'Eglise, après avoir passé par un état d'abaissement, de guerre et de tribulation , sera amenée à un état de gloire, de paix et de félicité; - que le Sauveur, qui a racheté son peuple par son sacrifice , continue de veiller sur ses enfants avec une tendresse et une bonté infinies , qu'il les aide et les défend par son pouvoir tout-puissant, et qu'il les recevra à la fin dans son royaume céleste ; - enfin , que toute chose impure ou souillée étant rejetée , les serviteurs de Christ, de tout âge et de toute nation , seront unis en une glorieuse assemblée , où ils manifesteront la plus parfaite sainteté et jouiront d'un bonheur éternel , en la présence de leur Dieu et Sauveur. Ce sont là quelques-unes des principales vérités contenues dans ce livre. Elles sont présentées avec une vigueur et une puissance toutes particulières, et elles ont contribué pour beaucoup à entretenir la foi et l'amour , le courage et la patience , l'espérance et la joie dans le coeur de tous les serviteurs de Christ.

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§ 199. La grande apostasie. - Parmi les visions prophétiques de l'Apocalypse, il en est une qui semble ressortir tout particulièrement (XVII, 18), et qui acquiert à la fois la plus grande importance et la plus grande clarté de plusieurs autres déclarations prophétiques qui se rapportent évidemment au même sujet (2 Thes., II, 3-12. 1 Tim., IV, 1-5). Il y a un accord bien rare à constater, entre presque tous les meilleurs commentateurs , touchant l'interprétation de ces diverses prophéties parallèles, quoique quelques-uns les considèrent encore, comme se rapportant à des événements futurs. Ces deux chapitres de l'Apocalypse , de même que les autres passages indiqués, annoncent , d'une manière incontestable, l'origine et l'accroissement temporaire d'un grand pouvoir apostat, au milieu de l'Eglise chrétienne , lequel se distinguera par les caractères suivants -

Une grande corruption religieuse, corruption qui se maintiendra au milieu du monde par la ruse aussi bien que par la force (2 Thes., II, 3, 8-10. 1 Tim., IV, 1, 2. Apoc., XVII, 2-5; XVIII, 3-5; XIX, 2). -

Une grande immoralité, une grande licence , combinée avec un ascétisme hypocrite et orgueilleux (1 Tim., IV, 2, 3). -

Des prétentions arrogantes et blasphématoires, l'usurpation des prérogatives divines, l'opposition contre Dieu et la persécution de son peuple (2 Thes., II, 4, 5. Apoc., XVII, 6-11; XVIII, 6-20; XIX , 2). -

Grandes richesses, magnificence et luxe (Apoc., XVII, 4; XVIII, 7, 8, 11-19). -

Confiance dans l'appui et le secours des puissances terrestres , qui sanctionneront et soutiendront cet Antichrist (Apoc., XVII, 1, 2, 15, 17; XVIII, 3, 9).

Tel est le tableau que trace le prophète de cette puissance rivale et ennemie de Dieu , assise dans son temple : on en reconnaît que trop clairement la reproduction dans l'histoire d'une grande fraction de la chrétienté. . Outre les preuves abondantes fournies par l'histoire de cette Eglise, durant la longue et sombre nuit qu'elle a traversée, et même par l'état présent du monde, il suffit de rappeler sommairement quelques-uns des traits principaux et caractéristiques qui distinguent ce système d'iniquité et qui font reconnaître en lui , d'une manière évidente, l'accomplissement des prédictions bibliques. Corruption de la doctrine et du culte chrétiens ; - célibat forcé, austérités d'invention humaine, combinées avec une splendeur royale et un rituel emprunté des Juifs; - usurpation impie de titres et d'honneurs divins; - prétentions à l'infaillibilité et à l'autorité suprême sur la conscience; - indulgences , droit d'absolution et de rémission des péchés; - prophéties de mensonge et faux miracles, - oppression et persécution du peuple de Dieu, exercée avec l'aide des puissances temporelles ; toutes ces choses se rencontrent plus ou moins développées dans ces systèmes antichrétiens qui ont si longtemps prévalu dans l'est et dans l'ouest de l'Europe , qui ont empêché ou retardé les progrès de la vérité divine, et contribué ainsi à la perte de milliers et de milliers d'âmes , aveuglées par l'erreur et mortes dans leurs péchés.

Les erreurs fatales de cette apostasie ne constituent pas cependant les dernières scènes de ce livre. Le « méchant » sera consumé par l'esprit de la bouche du Seigneur (2 Thes., II, 8), et il sera fait justice de celle qui a corrompu la terre (Apoc., XIX, 2). Ce grand événement, qui causera une grande douleur à quelques-uns sur la terre, sera dans les cieux la cause d'une grande joie mêlée d'actions de grâces (Apoc., XVIII, 9-19 ; XIX, 1-6). - On entendra toujours et toujours et sans cesse ce cri d'allégresse et de bénédiction : « Alléluia ! » et les serviteurs de Dieu sur la terre sont invités à s'unir à ce concert des intelligences célestes.


Notre oeuvre est terminée. Les premiers chapitres de Matthieu nous montrent Christ dans son infirmité, descendant d'une famille

royale à la vérité, et recevant les plus grands hommages, mais pauvre et persécuté. Les derniers chapitres de la révélation nous le montrent avec les marques de ses souffrances, car il est encore l'Agneau , mais triomphant , « régnant d'éternité en éternité. » Dans la Genèse nous voyons le paradis perdu et l'homme chassé de la présence de Dieu; dans l'Apocalypse nous retrouvons plus que le paradis; les hommes jouissent d'une communion encore plus intime avec Dieu (XXII, 3-5) , d'une communion qui n'aura jamais de fin. Malachie terminait l'Ancien-Testament par « une malédiction ; » les dernières paroles de Jean sont des paroles de bénédiction (XXII, 21). Contrastes caractéristiques entre les diverses portions du volume partout également inspiré; admirable harmonie de l'ensemble : tout se complète , et Dieu peut redire encore comme au premier jour

« Cela était bon. »


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