SECTION V. - Les trois épîtres de Jean et l'Apocalypse.

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§ 191. Première épître de Jean (vers la fin du premier siècle ou en 68). - Ce livre, quoiqu'il porte le nom d'épître, a plutôt le caractère d'un discours sur les doctrines et les devoirs du christianisme. Il paraît avoir été adressé aux croyants en général , et en particulier aux Gentils résidant dans l'Asie-Mineure, parmi lesquels Jean lui-même avait travaillé (II, 7 ; 11-14, 20-27).

L'écrivain n'a pas cru devoir mettre son nom au titre; mais la ressemblance remarquable de cette épître, tant pour le fond que pour le style, avec les autres écrits de l'apôtre Jean , confirme le témoignage des chrétiens primitifs et fournit une preuve suffisante qu'il en est l'auteur. Ce qui est certain , c'est qu'elle fut écrite par un homme qui avait vu et touché la personne et contemplé les oeuvres de notre Seigneur, par un témoin oculaire de la vie de Jésus (I, 1-4; IV, 14). On suppose communément qu'elle fut écrite d'Ephèse, mais on ne sait précisément à quelle date. Une date tardive est très-probable, à cause du nombre et de la nature des erreurs auxquelles il est fait allusion, et qui sont ici censurées.

Un des buts de l'épître était évidemment de combattre certaines erreurs qui commençaient à prévaloir. Quelques-uns mettaient en doute la divinité de notre Seigneur et lui refusaient le titre de Fils de Dieu. L'apôtre leur donne les noms de séducteurs et d'antichrists (1) (II, 22; IV, 15; V , 1 ).

D'autres niaient son humanité, lui refusant ainsi toute association réelle avec les hommes (Héb., II, 16 ; IV, 15) et niant la réalité de sa mort et de son sacrifice. Son incarnation n'était à leurs yeux qu'une apparence, et l'histoire de sa vie qu'un mythe. L'apôtre s'élève avec beaucoup de force contre cette illusion (IV, 3) et déclare qu'il a lui-même touché de ses mains le corps du Seigneur (I, 4). Un troisième parti semble avoir prétendu qu'il suffisait d'adorer Dieu en esprit , et qu'on pouvait laisser au corps pleine liberté. L'apôtre réfute cette croyance immorale en montrant que tout péché est une transgression réelle (III, 4); que le service de Dieu purifie le chrétien , et que c'est par cette pureté seulement que nous pouvons être reconnus comme ses enfants (III, 8-10; II, 5; IV, 13; V , 11).

Les erreurs qui étaient ainsi condamnées devinrent bientôt des hérésies, et leurs promoteurs reçurent différents noms. Il est douteux qu'à l'époque où l'épître fut écrite ces erreurs eussent fait assez de progrès pour former des sectes définies; mais les arguments de l'apôtre réfutent des principes et des erreurs semblables, soit anciennes , soit modernes, et sous ce rapport ils ont une valeur particulière.

Cependant, quoique la réfutation de l'erreur qui tendait à prévaloir fût clairement un des buts de l'épître, elle n'était pas le seul, peut-être même pas le principal. L'auteur aborde et discute d'autres sujets du plus haut intérêt, en présence desquels le premier paraît n'avoir qu'une importance secondaire.

I. Il nous fait connaître la véritable nature de la communion avec Dieu (I, 3) (1). Dieu est lumière (I, 5) et amour, et l'idée de communion implique celle de conformité avec lui. Lumière, par conséquent il faut être purifié et racheté (I, 7; II, 1) ; lumière, il faut être saint (II, 27); amour, c'est pourquoi nous devons nous aimer les uns les autres (II, 27). Si l'on renie Christ, toutes ces bénédictions sont perdues (II, 22-24).

II. Nous apprenons à connaître les bénédictions et les devoirs qui se rapportent à la qualité d'enfants de Dieu. Non-seulement la communion, mais l'adoption est notre privilège en Christ; et nous sommes encore conduits aux mêmes résultats. Dieu est juste ; comme ses enfants, nous devons l'être aussi (II, 29; III, 3). Christ est venu pour enlever le péché; en lui il n'y a pas de péché; nous devons lui être semblables (III, 4-10). Il a donné sa vie pour nous, et dans son amour nous trouvons notre modèle (11-18). Etant animés de son esprit , nous devons participer de même à ses autres grâces et bénédictions (19-24). Mais qu'ici encore on renie Christ, principalement quant à sa nature humaine, et ces bénédictions sont perdues (III, 19; IV, 6).

III. Il a commencé par établir que Dieu est lumière; il a ensuite montré ce qu'est la communion avec lui et la nature des relations d'adoption qui en découlent. Il se place maintenant à un autre point de vue. Dieu est amour (IV, 7, 8). L'amour est son essence; il l'a manifesté dans la mission et dans le caractère de son Fils; il est la condition nécessaire du caractère et du service filial (V, 21). L'amour de Dieu et du prochain, la foi en Christ, une confiance qui bannit la crainte, tels sont les résultats que procure cette révélation. Croyons réellement que Dieu donne la vie éternelle et que la vie est en son Fils (V, 11-13) , et nous acquerrons la sainteté et le bonheur; nous sommes pardonnés et sanctifiés. Rejetons cette vérité ou seulement une partie, et nous demeurons sans espérance. Comme le monde, nous sommes plongés dans le mal.

Il est très-intéressant de remarquer comment il tire de la sainteté (la lumière) et de l'amour de Dieu la doctrine de la propitiation, et prouve la nécessité de la sainteté (comp. I, 5 à II, 11, et IV, 7-13).

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§ 192. Du caractère de saint Jean. - Le ton général de cette épître a probablement beaucoup contribué à accréditer l'opinion des anciens, qui prête à Jean des dispositions particulièrement affectueuses, douces et tendres, opinion que d'autres faits encore tendent à confirmer. Cependant nul ne s'est élevé contre les fausses doctrines avec autant d'énergie et de sévérité que lui. Le chrétien le plus doux peut devenir un « fils du tonnerre (Marc, III, 17) » lorsque l'honneur de Christ est en question, et la charité peut s'exercer aussi bien en dénonçant le mal qu'en aimant ses frères.

La vérité sur laquelle il est le plus insisté dans cette épître, c'est la nécessité de la sainteté, comme preuve et fruit de la foi (I, 6; II, 3-11, 29; III, 3-15, 19, 21, 24; V, 18. Rom., VIII, 16. Jacq., II, 17-26. Tite, I, 16; II, 11, 12. Ephés., II, 10. Jean, XV, 2).

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§ 193. Seconde épître de Jean. - Des treize versets de cette épître, huit se trouvent en substance dans la première, et l'on conclut de la similitude de style et de sujet que toutes deux ont été écrites vers la même époque et à propos des mêmes questions. Elle est adressée à une dame chrétienne et à ses enfants , dans le but de les encourager à persévérer dans la vérité et à se garder de toute relation avec les séducteurs. Il l'appelle la dame élue, peut-être parce que c'était son nom, mais plus probablement (voyez verset 13) à cause de son éminente piété. L'opinion que l'apôtre désigne sous ce titre une Eglise en particulier ou l'Eglise en général, peut difficilement se soutenir.

Une semblable épître montre avec quelle vigilante affection les ministres de l'Evangile doivent entretenir la piété de ceux qu'ils ont réveillés; elle montre aussi l'importance aux yeux de Dieu de la position d'une mère chrétienne, et le zèle avec lequel elle doit s'intéresser à l'état religieux de ses enfants.

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§ 194. Troisième épître de Jean. - Il est probable, sinon certain, que le Gaïus ou Caïus, auquel cette épître est adressée, est le même que celui dont il est parlé Rom., XVI, 23 et 1 Cor., I, 14. Il parait avoir été un chrétien éminent et s'être distingué particulièrement par son hospitalité envers les évangélistes et les missionnaires chrétiens. L'apôtre lui exprime la joie pleine d'affection que lui cause cette preuve , et «autres encore , de sa piété; il le prévient contre un certain Diotrèphe, connu pour son ambition et sa turbulence, et recommande Démétrius à son amitié, remettant &autres sujets à une entrevue personnelle.

L'ancien, nom que prend l'auteur dans cette épître et dans la précédente, a pu être donné à Jean comme un titre de distinction et d'honneur , probablement lorsque tous les autres apôtres étaient morts; car il était le membre le plus âgé et le plus ancien de toute l'Eglise. Peut-être aussi dans cette occasion s'en est-il servi par modestie, en même temps qu'il y trouvait un titre légitime d'autorité.

Si nous comparons ces deux épîtres avec celle de Paul à Philémon, il est évident que les apôtres ont écrit comme apôtres, même dans leurs lettres particulières, et que , quel qu'ait été l'objet de leurs communications, ils leur ont donné comme une saveur de Christ.


Table des matières

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(1) Le mot d'antichrist ne se trouve que dans les Epîtres. Il s'applique ou bien à celui qui se donne pour être le Christ, ou bien à celui qui lui fait opposition; tels sont tous ceux qui nient que Jésus est le Messie (ou Christ), ou que le Messie est venu en chair. Lorsque le mot s'applique à la grande apostasie (2 Thes. , II, 3-10), comme dans les discussions modernes, il signifie que cette apostasie est une opposition absolue à l'enseignement comme à l'oeuvre de notre Seigneur.

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(2) L'Apôtre semble résumer ici le thème entier de l'enseignement apostolique (I, 1, 2) et ses conséquences (verset 3) :

1° l'éternité de Christ et son union avec le père (Jean, I, 1 ; XVI, 28; XVII, 5, 24),

2° manifestation de Christ en chair, et à chaque chrétien (Jean, I, 14),

3° la vie éternelle en lui (Jean, X, 28. 1 Jean, V, 11). -

Dans ses résultats, le message révélé nous met en communion avec les apôtres, avec Dieu et avec notre Seigneur; - avec les apôtres, car nous sommes participants, c'est-à-dire nous avons en commun avec eux (Actes, IV , 32) le même pardon, le même amour et la même discipline paternelle (Rom., V, 1. Apoc., I , 9); - avec Dieu, car nous sommes participants de sa sainteté (2 Pierre, I, 4. 1 Jean, II, 29; V, 18) et de sa bénédiction ; - avec Christ, car nous sommes participants de sa justification (le péché n'ayant plus d'empire sur lui), de sa résurrection, de son adoption et de sa gloire. Cette idée de communion, de communauté, dont une contribution pécuniaire n'est que la forme la plus basse et la plus vulgaire, exprimée par le même met explique bien des passages.