SECTION III - Introduction spéciale aux Epîtres , depuis la première aux Thessaloniciens jusqu'à Jude. (Suite)

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 § 178. Epître aux Romains (Corinthe , an 58). - L'épître aux Romains était adressée aux chrétiens qui résidaient dans la métropole du grand empire, dont la domination s'étendait alors sur tout le monde connu.

La divine Providence avait préparé l'introduction de l'Evangile à Rome par l'extension de la colonie juive dans cette ville. L'établissement du culte juif à Rome avait produit une grande impression sur tous les habitants ; c'est ce qui apparaît clairement par les relations des écrivains païens. Ovide parle des synagogues comme de lieux très-fréquentés; et un peu plus tard Juvénal tourne en ridicule ses concitoyens comme se convertissant au judaïsme. On ignore à quelle époque et par qui l'Evangile fut prêché pour la première fois dans la cité impériale. On suppose que ce fut dès les premiers temps , et on le conclut du fait que, lorsque saint Paul écrivit cette épître , la foi des chrétiens de Rome « était renommée dans le monde entier (I , 8). » Il est probable que ce furent quelques-uns de « ces étrangers de Rome, Juifs et prosélytes, » qui se trouvaient à Jérusalem, au grand jour de la Pentecôte (Actes , Il , 10) , qui apportèrent à Rome la connaissance de l'Evangile. Il n'est pas impossible, en outre, si l'on considère les relations constantes qui existaient entre Rome et les provinces, que quelques-uns des nombreux prosélytes, convertis au christianisme en Judée, en Asie-Mineure et en Grèce , aient bientôt dirigé leur marche vers la capitale.

Quelques-unes des personnes qui prirent part à la fondation de l'Eglise de Rome (deux desquelles sont mentionnées par Paul comme ayant été même converties avant lui) étaient des amis particuliers de l'Apôtre, avec lequel elles avaient eu des rapports pendant qu'il prêchait en Asie et en Grèce. Ce fait ressort de la forme des salutations (XVI, 3-16).

Les traditions de quelques anciens Pères, d'après lesquelles Pierre aurait été le fondateur de l'Eglise de Rome, sont en complète contradiction avec les preuves qui ressortent de cette épître elle-même, aussi bien que du livre des Actes, lesquelles établissent que Pierre se serait trouvé à Jérusalem précisément à la même époque où l'on prétend qu'il était à Rome. Dans toute cette épître, il n'est fait aucune mention de Pierre comme ayant jamais été à Rome. D'ailleurs , si Pierre avait été dans cette ville, et surtout s'il y avait fondé l'Eglise et l'avait présidée, il serait impossible d'expliquer comment Paul aurait passé ce fait sous silence. Enfin, si Pierre avait été à Rome, lorsque Paul écrivit cette épître , il aurait été certainement nommé dans l'énumération si détaillée des personnes auxquelles les salutations sont adressées (chap. XVI).

La date de cette épître peut être fixée d'une manière très-exacte par les indications suivantes. Paul n'avait pas encore été à Rome (I, 11, 13, 15). Il avait l'intention de s'y rendre après son premier voyage à Jérusalem (XV, 23-28) ; or , ce projet, nous savons qu'il le forma pendant les trois mois de son séjour à Corinthe (Actes , XIX, 21). Il était sur le point de porter une collecte de Macédoine et d'Achaïe à Jérusalem (XV, 26, 31) ; et il porta en effet une collecte de Corinthe à Jérusalem, ainsi qu'il le rappelle vers la fin de sa visite (Actes, XXIV, 17). Quand il écrivit l'épître aux Romains , Timothée , Sosipater, Gaïus et Eraste étaient avec lui (XVI, 21, 23). Or, Gaïus était son hôte et résidait à Corinthe (I Cor., 1, 14). Eraste était lui-même Corinthien et avait été envoyé peu auparavant d'Ephèse avec Timothée, lorsqu'ils se rendaient par Corinthe en Macédoine (Actes, XIX, 22. 1 Cor. , XVI , 10 , 11). - Les trois premiers sont expressément mentionnés dans les Actes (XX, 4) comme étant avec Paul à Corinthe. Phoebé, porteur de l'épître, était une diaconesse de l'Eglise de Cenchrée, port de Corinthe (XVI, 1). Ainsi , comme Paul se préparait à visiter Jérusalem , une de ses disciples partait en même temps de Corinthe, mais dans une direction opposée, pour Rome, et c'est par elle que cette épître fut portée dans cette ville. La date en est ainsi fixée à l'an 58 de J.-C.

Le caractère de l'Eglise de Rome peut être déduit de cette même épître. Elle renfermait quelques convertis du judaïsme (III, 4, 14, etc.) , mais la majorité était évidemment d'origine païenne (I, 13; XV, 14, 15). Les uns et les autres avaient besoin d'une exposition complète et inspirée de la vérité divine, et c'est ce que l'Apôtre leur présente ici.

La doctrine de la justification par la foi avait servi de prétexte à quelques-uns pour autoriser des pratiques immorales (III, 8); en outre, des dissensions s'étaient élevées entre les Juifs et les chrétiens sortis du milieu des Gentils (XI, 17, 18; XIV). Le Juif croyant refusait de regarder son frère incirconcis comme son égal dans le royaume de Christ (III, 9 ; XV, 7-11); et d'un autre côté le Gentil converti , plus éclairé, était enclin à traiter avec mépris les scrupules retardataires du Juif (XIV, 3). C'est pourquoi ici la justification par la foi est représentée comme produisant la sainteté. Au chrétien juif, l'apôtre révèle la vérité et ses droits; au chrétien gentil, l'amour et ses droits; aux uns et aux autres il rappelle que la foi et la soumission en Christ sont les seules conditions requises pour obtenir une place dans l'Eglise et pour avoir part à l'alliance. - V. les Comment. de Haldane, Hodge , Olshausen , Tholuck, etc.

 

Plan de l'épître. - L'épître aux Romains traitant de doctrines qui ont été regardées comme la pierre de touche de la véritable Eglise, et formant, en outre, le plus complet et le plus systématique des écrits de l'Apôtre, nous donnerons ici une analyse de l'ensemble, qui montre la suite du raisonnement et l'enchaînement des idées. Le sens de passages particuliers dépend en grande partie, comme on le verra facilement, de leur connexion et de leur place dans l'épître.

(I) Introduction (I, 1-17).

(1) La salutation (I, 1-7).

(2) Introduction et appréciation de l'Evangile par Paul (8-17).

(II) Exposition de la doctrine (I, 18-XI, 36).


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